Chimamanda Ngozi Adichie est une écrivaine nigériane née le 15 septembre 1977 à Enugu, au Nigeria. Cinquième d’une famille igbo de six enfants, elle grandit à Nsukka où ses parents travaillent à l’université : son père comme professeur de statistiques et sa mère comme responsable administrative.
Après des études de médecine et pharmacologie au Nigeria, elle part aux États-Unis à 19 ans où elle étudie la communication et les sciences politiques. Elle obtient plusieurs diplômes, notamment à l’Eastern Connecticut State University et un master en création littéraire à l’université Johns-Hopkins.
Sa carrière littéraire démarre véritablement en 2003 avec son premier roman « L’hibiscus pourpre », salué par la critique. Son deuxième roman « L’autre moitié du soleil » (2006), qui traite de la guerre du Biafra, remporte le prestigieux Orange Prize for Fiction. « Americanah » (2013), son troisième roman majeur, connaît également un grand succès. Elle est aussi l’autrice d’essais féministes influents comme « Nous sommes tous des féministes » (2014).
Reconnue comme l’une des voix majeures de la littérature contemporaine, elle est particulièrement appréciée pour son style qui mêle influences occidentales et africaines, notamment de la culture igbo. Ses œuvres évoquent des thèmes comme la religion, l’immigration, le genre et la culture. Son discours TED « The Danger of a Single Story » (2009) sur les stéréotypes culturels est l’un des plus visionnés.
Mariée depuis 2009 au médecin nigérian Ivara Esege, avec qui elle a une fille née en 2016, elle partage sa vie entre les États-Unis et le Nigeria. Elle continue d’être une voix influente sur les questions de féminisme, d’identité culturelle et de justice sociale.
Voici notre sélection de ses livres majeurs.
1. Americanah (roman, 2013)
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Dans le Nigeria des années 1990, Ifemelu et Obinze s’aiment d’un amour absolu. Brillants étudiants issus de la classe moyenne de Lagos, ils partagent le même rêve : partir étudier aux États-Unis pour échapper à un pays paralysé par les grèves et la corruption. C’est finalement Ifemelu qui franchit le pas, laissant derrière elle Obinze qui compte la rejoindre dès que possible.
Les premiers mois aux États-Unis sont rudes pour la jeune femme. Sans argent et sans permis de travail, elle enchaîne les petits boulots. Surtout, elle se heurte à une réalité qu’elle n’avait jamais envisagée : aux yeux des Américains, elle est avant tout une femme noire. Une étiquette qui la poursuit jusque dans ses relations amoureuses, d’abord avec Curt, un riche homme blanc, puis avec Blaine, un universitaire afro-américain. Pendant ce temps, faute d’avoir pu rejoindre les États-Unis, Obinze vit un calvaire à Londres où, après l’expiration de son visa, il survit comme travailleur clandestin avant d’être expulsé.
Treize ans plus tard, Ifemelu est devenue une blogueuse à succès grâce à ses chroniques acides sur la question raciale vue par une « Noire non-américaine ». Pourtant, elle décide de rentrer au Nigeria où Obinze, devenu un riche homme d’affaires, vit avec femme et enfant. Dans un Lagos métamorphosé par l’argent et la mondialisation, les deux anciens amants se retrouvent enfin.
À sa sortie en 2013, « Americanah » a électrisé le milieu littéraire américain par sa franchise sur les questions de race, d’identité et d’immigration. Le New York Times l’a classé parmi les dix meilleurs livres de l’année tandis que le National Book Critics Circle lui décernait son prix de la meilleure fiction. En 2022, le livre a été interdit dans plusieurs écoles de Floride, illustrant la persistance des tensions raciales qu’il dénonce. Plusieurs projets d’adaptation ont échoué, dont une série HBO Max qui devait mettre en scène Lupita Nyong’o. En 2024, le New York Times l’a placé au 27e rang des 100 meilleurs livres du XXIe siècle. Le roman a même bénéficié d’un coup de projecteur inattendu quand Beyoncé a samplé un discours de Chimamanda Ngozi Adichie dans sa chanson « ***Flawless ».
Aux éditions FOLIO ; 704 pages.
2. L’autre moitié du soleil (roman, 2006)
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Nigeria, années 1960. Deux sœurs jumelles issues de la bourgeoisie tracent leur chemin dans un pays qui vient d’obtenir son indépendance. Olanna, brillante universitaire, s’installe avec Odenigbo, un professeur engagé qui réunit chez lui l’intelligentsia locale. Kainene, plus pragmatique, dirige les entreprises de son père et noue une relation avec Richard, un Britannique féru d’art africain. Entre eux évolue Ugwu, jeune domestique de treize ans qui observe cette société en pleine mutation.
Car le pays s’enfonce bientôt dans la violence. Les Igbos, ethnie dont sont issues les jumelles, deviennent la cible de massacres. La région fait sécession sous le nom de République du Biafra. Mais le nouvel État, reconnaissable à son drapeau frappé d’un demi-soleil jaune, subit rapidement un blocus dévastateur. La famine décime la population. Les personnages doivent abandonner leur vie d’avant, fuir les bombardements, s’adapter à la précarité des camps de réfugiés. Le conflit met à l’épreuve leurs convictions, leurs relations, leur humanité même.
Ce roman s’inspire directement de l’histoire familiale de Chimamanda Ngozi Adichie, dont les deux grands-pères sont morts dans les camps de réfugiés du Biafra. L’autrice n’a pas connu elle-même cette guerre, étant née sept ans après, mais elle a grandi dans son ombre et ses séquelles. Son texte a reçu le Women’s Prize for Fiction en 2007 et figure parmi les « 100 romans qui ont façonné notre monde » selon la BBC.
La force du livre tient dans sa capacité à entremêler l’intime et l’Histoire, à montrer comment la guerre transforme inexorablement ses personnages sans jamais les réduire à des victimes. Le récit alterne entre le début et la fin des années 1960, dans un contraste saisissant entre l’espoir de l’indépendance et l’horreur du conflit. Une adaptation cinématographique est sortie en 2014 avec Chiwetel Ejiofor et Thandiwe Newton dans les rôles principaux.
Aux éditions FOLIO ; 672 pages.
3. L’hibiscus pourpre (roman, 2003)
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Nigeria, années 1990. Kambili, quinze ans, vit avec son frère Jaja dans une demeure luxueuse d’Enugu sous l’autorité écrasante de leur père Eugene. Ce riche industriel catholique jouit d’une réputation sans tache : propriétaire du seul journal d’opposition du pays, il combat avec courage la dictature militaire et redistribue généreusement sa fortune aux plus démunis. Mais derrière les murs de sa maison, Eugene impose à sa famille un régime de terreur au nom de sa foi. Le moindre écart à ses principes religieux déclenche des châtiments d’une violence inouïe.
Un coup d’État force Eugene à envoyer ses enfants chez leur tante Ifeoma, professeure d’université qui élève seule ses trois enfants. Dans ce foyer modeste mais chaleureux, Kambili et Jaja découvrent avec stupeur qu’une autre vie est possible : on y rit, on y discute librement, on y écoute de la musique. Cette parenthèse enchantée bouleverse leurs certitudes. De retour chez leur père, ils ne peuvent accepter sa tyrannie comme autrefois. La rébellion couve, jusqu’au jour où Jaja refuse d’aller communier, acte d’émancipation qui précipite le drame.
Ce premier roman de Chimamanda Ngozi Adichie, écrit à 25 ans alors qu’elle étudiait aux États-Unis, lui a valu le Commonwealth Writers’ Prize en 2005. À travers le regard de Kambili, elle dépeint les tensions d’un Nigeria post-colonial tiraillé entre traditions et modernité : la corruption endémique pousse les intellectuels à l’exil tandis que le fondamentalisme religieux hérité des missionnaires détruit des familles entières. La romancière s’attache particulièrement à montrer l’ambivalence du personnage d’Eugene, tyran domestique capable des pires cruautés mais aussi héros politique admiré pour son intégrité. La narration à hauteur d’enfant renforce l’intensité émotionnelle sans jamais sombrer dans le pathos.
Aux éditions FOLIO ; 416 pages.
4. Nous sommes tous des féministes (essai, 2014)
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« Nous sommes tous des féministes » se compose d’un essai tiré d’une conférence TEDx et d’une nouvelle, deux textes qui se complètent pour dénoncer la condition des femmes. L’essai débute par un souvenir : adolescente au Nigeria, Chimamanda Ngozi Adichie se fait traiter de « féministe » par un ami qui considère ce terme comme une insulte. Cette anecdote est le point de départ d’une réflexion sur les discriminations quotidiennes que subissent les femmes : serveurs qui remercient systématiquement l’homme même quand la femme paye l’addition, impossibilité pour une femme seule de réserver une chambre d’hôtel sans être soupçonnée de prostitution, etc.
La nouvelle « Les Marieuses » relate l’histoire de Chinaza, une jeune Nigériane victime d’un mariage arrangé avec un Nigérian vivant aux États-Unis. Son mari, qui cache sa véritable situation professionnelle et son premier mariage avec une Américaine, tente de la transformer en parfaite épouse américaine. Il lui impose de changer de prénom, d’abandonner sa cuisine traditionnelle et de ne plus parler leur langue natale. Enfermée dans un appartement quasi vide, elle prend peu à peu conscience du piège qui s’est refermé sur elle.
Ce manifeste percutant a connu un retentissement international considérable. Le discours original TEDx a été visionné plus de huit millions de fois sur YouTube et a inspiré Beyoncé qui en a repris des extraits dans sa chanson « Flawless ». En 2015, le gouvernement suédois a décidé de distribuer l’ouvrage à tous les lycéens du pays. Maria Grazia Chiuri, première femme directrice artistique de Dior en 70 ans d’histoire, en a fait un slogan mode en l’imprimant sur un t-shirt lors de son premier défilé.
Aux éditions FOLIO ; 80 pages.
5. Chère Ijeawele, ou un manifeste pour une éducation féministe (essai, 2017)
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« Chère Ijeawele » prend la forme d’une longue lettre adressée par Chimamanda Ngozi Adichie à son amie qui vient d’avoir une fille. Cette dernière lui a demandé conseil pour élever son enfant « dans l’esprit du féminisme ». À travers quinze suggestions concrètes, l’écrivaine nigériane examine les situations quotidiennes auxquelles sont confrontés les parents d’une petite fille et propose des solutions pour déjouer les pièges du sexisme.
Le texte s’ouvre sur un postulat fondamental : chaque fille doit apprendre qu’elle compte autant qu’un garçon, sans condition ni restriction. De là découlent des recommandations pratiques : refuser les rôles de genre arbitraires, bannir les « parce que tu es une fille » de son vocabulaire, partager équitablement les tâches parentales, ne pas présenter le mariage comme un accomplissement, encourager l’autonomie intellectuelle et financière. L’autrice puise dans son expérience personnelle et dans la culture igbo pour illustrer ses propos, tout en soulignant que ces enjeux transcendent les frontières.
Cette lettre-manifeste ne se limite pas aux conseils d’éducation. Elle questionne aussi les mécanismes de reproduction des inégalités : le langage qui perpétue la domination masculine, la pression sociale qui pousse les femmes à se définir par rapport aux hommes, les traditions utilisées comme alibis pour justifier le statu quo.
Initialement publiée sur Facebook en 2016 avant d’être adaptée en livre, cette lettre a rapidement trouvé un écho international. Elle figure notamment sur la liste des « Great Reads » 2017 de NPR. Plus qu’un guide parental, ce manifeste compact de 84 pages propose une vision pragmatique du féminisme, applicable aussi bien à l’éducation des filles que des garçons.
Aux éditions GALLIMARD ; 84 pages.