Bernhard Schlink est un écrivain et juriste allemand né le 6 juillet 1944 à Bielefeld. Il grandit à Heidelberg dans une famille protestante : son père Edmund est professeur de théologie, démis de ses fonctions pendant le régime nazi, et sa mère Irmgard est originaire de Suisse alémanique.
Après des études de droit aux universités de Heidelberg et de Berlin, il mène une double carrière. Comme juriste, il devient professeur de droit dans plusieurs universités allemandes prestigieuses et siège comme juge au tribunal constitutionnel de Rhénanie-du-Nord-Westphalie (1987-2006). Parallèlement, il se lance dans l’écriture avec une série de romans policiers dans les années 1980, dont le premier, « Brouillard sur Mannheim », est co-écrit avec Walter Popp.
La consécration littéraire arrive en 1995 avec « Le liseur » (Der Vorleser), roman partiellement autobiographique qui devient un best-seller international, traduit dans plus de 37 langues. Premier livre allemand à atteindre la première place des ventes du New York Times, il sera adapté au cinéma en 2008 par Stephen Daldry.
Bernhard Schlink poursuit depuis une carrière prolifique d’écrivain, publiant régulièrement romans et recueils de nouvelles. Son œuvre, qui évoque souvent les thèmes de la culpabilité et de la justice, lui a valu de nombreuses distinctions, dont le Prix Hans Fallada et l’Ordre du Mérite de la République fédérale d’Allemagne. Il vit aujourd’hui entre Berlin et New York.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Le liseur (1995)
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Michaël Berg a quinze ans lorsque, malade, il croise le chemin d’Hanna Schmitz qui lui porte secours. Cette rencontre fortuite dans l’Allemagne des années 1950 marque le début d’une liaison passionnée entre l’adolescent et cette femme de trente-six ans. Chaque jour après les cours, Michaël rejoint Hanna et lui fait la lecture avant leurs ébats amoureux. Cette relation secrète dure six mois, jusqu’à ce qu’Hanna s’évanouisse dans la nature sans explication.
Les années passent et Michaël devient étudiant en droit. C’est lors d’un séminaire sur les crimes de guerre qu’il retrouve Hanna, cette fois sur le banc des accusés. Elle fait partie d’un groupe d’anciennes gardiennes SS jugées pour avoir causé la mort de centaines de déportées juives. Au fil des audiences, Michael comprend qu’Hanna dissimule un secret qui pourrait alléger sa peine : son analphabétisme. Mais elle préfère endosser l’entière responsabilité des faits plutôt que de révéler ce qu’elle considère comme une honte, et écope de la prison à perpétuité.
Derrière les barreaux, Hanna reçoit des cassettes sur lesquelles Michaël enregistre ses lectures. Elle s’en sert pour apprendre à déchiffrer les mots. Après dix-huit ans de détention, à la veille de sa libération, sa vie bascule une nouvelle fois.
Publié en 1995, « Le liseur » s’est immédiatement imposé comme un succès international, traduit dans plus de cinquante langues. Cette réflexion sur la culpabilité évite les écueils du manichéisme en interrogeant la complexité des rapports entre bourreaux et victimes, entre amour et morale. L’adaptation cinématographique par Stephen Daldry en 2008, avec Kate Winslet dans le rôle d’Hanna, a reçu plusieurs récompenses dont l’Oscar de la meilleure actrice.
Aux éditions FOLIO ; 256 pages.
2. La petite-fille (2021)
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Berlin, années 2020. À la mort de son épouse Birgit, Kaspar, un libraire septuagénaire, fait une découverte qui ébranle cinquante ans de vie commune : dans les années 1960, avant de fuir la RDA pour le rejoindre à l’Ouest, sa femme avait abandonné un nouveau-né. Ce secret, elle l’a emporté dans la tombe, avec la culpabilité qui l’a rongée toute sa vie.
Bouleversé, Kaspar part sur les traces de cet enfant abandonné. Il retrouve Svenja, la fille de Birgit, installée dans un village de l’ex-Allemagne de l’Est. Elle y vit avec son mari Björn et leur fille Sigrun, 14 ans, au sein d’une communauté völkisch – un mouvement d’extrême-droite prônant le retour aux valeurs traditionnelles germaniques. Dans la chambre de l’adolescente trônent les portraits de dignitaires nazis.
Malgré l’hostilité de ce milieu aux antipodes de ses valeurs, Kaspar obtient de pouvoir accueillir régulièrement sa petite-fille par alliance. Sans jamais la brusquer ni chercher à la convertir, il lui fait découvrir la musique classique, la littérature, l’art. Une relation singulière se tisse entre cet homme cultivé et cette adolescente à l’esprit formaté par l’idéologie völkisch.
Publié en 2021 alors que le parti d’extrême-droite « AfD » (Alternative für Deutschland) progresse dans les sondages allemands, ce roman de Bernhard Schlink met en lumière les fractures persistantes entre l’Est et l’Ouest du pays. Il dévoile l’existence méconnue des communautés völkisch, où prospèrent le négationnisme et la nostalgie du IIIème Reich. Sans manichéisme ni jugement moral, le récit questionne la transmission entre générations et la possibilité du dialogue par-delà les clivages idéologiques.
Aux éditions FOLIO ; 400 pages.
3. Olga (2018)
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Dans l’Allemagne wilhelmienne de la fin du XIXe siècle, Olga naît du mauvais côté de la barrière sociale. Orpheline recueillie par une grand-mère austère, elle refuse le destin tout tracé des femmes de sa condition. À force de volonté, elle devient institutrice et s’éprend d’Herbert, héritier d’une famille d’industriels. Leur amour défie les conventions, mais Herbert, habité par un besoin constant d’horizons nouveaux, part explorer le monde pour la gloire de l’Empire allemand. En 1913, il disparaît lors d’une expédition en Arctique.
Les décennies passent, marquées par les guerres mondiales. Devenue sourde et réduite à travailler comme couturière, Olga continue d’écrire à Herbert, envoyant ses lettres en poste restante à Tromsø. Elle trouve un peu de réconfort dans son amitié avec Ferdinand, le benjamin d’une famille qui l’emploie. Ce dernier ne découvrira la vérité sur cette femme discrète qu’en retrouvant, bien des années plus tard, sa correspondance jamais réclamée.
Ce roman de Bernhard Schlink s’inspire librement du destin réel de l’explorateur Herbert Schröder-Stranz, dont le journal retrouvé par hasard a servi de point de départ à cette fiction. Elle est construite en triptyque où chaque partie révèle une nouvelle facette de l’héroïne : d’abord son parcours, puis le regard de Ferdinand, et enfin ses lettres qui dévoilent ses pensées les plus intimes. Cette architecture permet de saisir peu à peu la complexité d’une femme qui, sous des dehors modestes, cache une force de caractère peu commune.
Aux éditions FOLIO ; 320 pages.
4. Le week-end (2008)
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En 2008, Bernhard Schlink place au cœur de son roman un week-end de retrouvailles organisé pour la sortie de prison de Jörg, ancien terroriste de la Fraction Armée Rouge gracié après vingt ans de détention. Sa sœur Christiane réunit dans une demeure près de Berlin leurs vieux amis d’université, témoins d’une époque où tous partageaient les mêmes idéaux révolutionnaires.
La paisible réunion vire rapidement aux règlements de compte. La présence de Marko, jeune activiste qui voit en Jörg une icône révolutionnaire, et l’arrivée impromptue de Ferdinand, le fils abandonné de Jörg, créent des tensions. Entre ceux qui attendent des remords et ceux qui espèrent le voir reprendre le combat, Jörg, usé par la prison, cherche simplement à retrouver ses marques.
Ce huis clos met en scène le choc entre différentes visions du militantisme, du pardon et de la responsabilité. Les dialogues tendus et les non-dits révèlent les failles de chaque personnage, tandis que Jörg, affaibli par ses années de prison, tente de se reconstruire une existence. Le roman s’inscrit dans une période où l’Allemagne s’interroge sur son rapport à son passé récent, notamment lors des premières libérations d’anciens membres de la RAF.
Aux éditions FOLIO ; 256 pages.
5. Le retour (2006)
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Dans l’Allemagne d’après-guerre, le jeune Peter Debauer grandit entre une mère distante et l’absence d’un père supposé mort au combat. Ses seuls moments de bonheur, il les vit lors de ses séjours chez ses grands-parents en Suisse, qui travaillent comme correcteurs pour une maison d’édition de littérature populaire. Un jour, malgré leur interdiction, Peter découvre dans leurs textes à corriger le récit inachevé d’un prisonnier allemand qui, de retour de Sibérie, trouve sa femme remariée.
Devenu adulte, Peter mène l’enquête sur l’origine de ce texte énigmatique dont certains détails résonnent avec sa propre vie. Sa quête le conduit des archives berlinoises aux campus américains, où il croit reconnaître en un éminent professeur l’auteur du récit – et peut-être même son père. Entre sa relation tumultueuse avec Barbara et ses recherches obsessionnelles, Peter suit le fil d’une vérité qui ne cesse de lui échapper.
En parallèle de cette quête identitaire se dessine le portrait d’une Allemagne qui peine à se reconstruire après la guerre. Les thèmes du retour et de l’exil, omniprésents, font écho à « L’Odyssée » d’Homère, tandis que la réflexion sur le bien et le mal, la justice et la culpabilité, interroge la responsabilité morale de toute une génération. Le roman de Schlink, paru en 2006, s’inscrit dans une œuvre plus large qui sonde inlassablement l’héritage du nazisme dans la société allemande contemporaine.
Aux éditions FOLIO ; 416 pages.