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Arthur Schnitzler en 5 livres – Notre sélection

Arthur Schnitzler naît le 15 mai 1862 à Vienne, dans une famille juive bourgeoise. Fils d’un laryngologue réputé, il grandit dans un milieu privilégié qui lui permet d’accéder à une excellente éducation.

Il suit des études de médecine et devient psychiatre et laryngologue, tout en développant parallèlement une carrière littéraire. Il rejoint le groupe « Jeune Vienne » aux côtés d’écrivains comme Hugo von Hofmannsthal et Stefan Zweig, participant activement au renouveau culturel viennois.

Son œuvre, qui aborde les contradictions de la société viennoise de la fin du XIXe siècle, se distingue par sa fine analyse psychologique et son traitement des thèmes de l’érotisme et de la mort. Sa pièce « La ronde » fait scandale lors de sa représentation en 1921, choquant le public par sa description franche des relations amoureuses entre différentes classes sociales.

Sigmund Freud voit en lui son « double » littéraire, admirant sa capacité à sonder la psyché humaine. Schnitzler innove en étant l’un des premiers auteurs germanophones à utiliser la technique du monologue intérieur, notamment dans « Le Sous-lieutenant Gustel » (1900) et « Mademoiselle Else » (1924).

Sa vie privée est marquée par plusieurs drames : il divorce en 1926 et perd sa fille Lili qui se suicide en 1928. Il meurt à Vienne le 21 octobre 1931 d’une hémorragie cérébrale. Son œuvre, plus tard interdite par les nazis, connaît aujourd’hui une reconnaissance internationale, notamment grâce à de nombreuses adaptations cinématographiques, dont « Eyes Wide Shut » de Stanley Kubrick.

Voici notre sélection de ses livres majeurs.


1. Mademoiselle Else (nouvelle, 1924)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Vienne, années 1920. Else, dix-neuf ans, fille d’un éminent avocat, passe ses vacances dans une station thermale italienne avec sa tante Emma. Sa vie de jeune bourgeoise privilégiée bascule à la réception d’une lettre de sa mère : son père, criblé de dettes après avoir détourné des fonds, risque la prison s’il ne rembourse pas trente mille florins sous quarante-huit heures.

Le destin place sur son chemin von Dorsday, un riche marchand d’art ami de la famille, qui séjourne dans le même hôtel. Pressée par sa mère d’obtenir son aide, Else se résout à l’approcher. L’homme accepte de prêter la somme, mais exige en échange de pouvoir admirer la jeune femme dans sa nudité pendant quinze minutes. Face à ce marché sordide, Else traverse une nuit d’angoisse, déchirée entre son devoir et sa dignité.

Le choix du monologue intérieur, novateur pour l’époque, permet de suivre minute par minute le cheminement mental d’une jeune femme confrontée à un dilemme moral insurmontable. Cette œuvre majeure de la littérature autrichienne n’a cessé d’être adaptée au théâtre, au cinéma et en bande dessinée, preuve de sa modernité et de sa puissance dramatique intacte.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 93 pages.


2. La Nouvelle rêvée (nouvelle, 1925)

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Dans le Vienne bourgeois du début du XXe siècle, le docteur Fridolin mène une existence tranquille aux côtés de son épouse Albertine et de leur fille de six ans. Un soir, après un bal masqué, le couple se livre à des confidences troublantes : chacun avoue avoir été tenté par une aventure extra-conjugale lors de leurs dernières vacances au Danemark. Cette confession réciproque déclenche une série d’événements qui vont bouleverser leur équilibre.

La même nuit, Fridolin est appelé au chevet d’un patient mourant. Après avoir constaté le décès, il reçoit une déclaration d’amour inattendue de Marianne, la fille du défunt. Désorienté, il erre dans Vienne et refuse les avances d’une prostituée. Le hasard le conduit à un vieil ami musicien qui lui parle d’une mystérieuse soirée privée. Fridolin s’y rend masqué et surprend une orgie au cours de laquelle des hommes en costume côtoient des femmes nues masquées. Débusqué comme importun, il ne doit son salut qu’à l’intervention d’une inconnue qui consent à se sacrifier pour lui. À son retour, Albertine lui confie avoir rêvé qu’elle le regardait mourir crucifié tandis qu’elle s’adonnait au plaisir avec d’autres hommes.

Hanté par ces événements, Fridolin passe la journée suivante à tenter de retrouver la femme qui l’a sauvé. Ses recherches le mènent jusqu’à la morgue où gît le corps d’une femme empoisonnée, peut-être celle qui s’est sacrifiée pour lui. Le soir venu, il trouve sur son oreiller le masque qu’il pensait avoir perdu : Albertine l’a découvert et attend des explications.

Cette nouvelle, achevée en 1925 après dix-sept ans de gestation, s’inscrit dans le contexte de la Vienne fin-de-siècle, marquée par les théories freudiennes sur l’inconscient. Le récit alterne entre réalité et onirisme, sans jamais trancher clairement. Cette ambiguïté a particulièrement séduit Stanley Kubrick qui en a tiré son dernier film, « Eyes Wide Shut » (1999), avec Tom Cruise et Nicole Kidman. L’adaptation transpose l’action dans le New York contemporain tout en conservant l’atmosphère trouble de l’œuvre originale.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 190 pages.


3. Le Sous-lieutenant Gustel (nouvelle, 1900)

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Vienne, 1900. Le lieutenant Gustl assiste à un concert, l’esprit ailleurs. Ce jeune officier de l’armée austro-hongroise rumine déjà le duel qui l’attend le lendemain avec un médecin. À la sortie du concert, une altercation éclate au vestiaire avec un boulanger, Habetswallner. Ce dernier, physiquement imposant, saisit le sabre de Gustl et le menace de le briser avant de le traiter de « gamin stupide ». Pour un officier de l’époque, être ainsi humilié par un civil socialement inférieur constitue un affront insupportable.

Incapable de réagir sur le moment, Gustl erre dans les rues de Vienne toute la nuit. Les codes d’honneur militaires de l’époque sont stricts : impossible de provoquer en duel un simple boulanger, seuls les nobles, militaires et universitaires y ont droit. Ne voyant pas d’autre issue pour laver son honneur, il décide de se suicider à l’aube. Ses pensées oscillent entre sa famille, ses conquêtes féminines et sa carrière, tandis qu’il s’accroche à sa décision tout en redoutant le moment fatal.

Au petit matin, avant de rentrer chez lui pour mettre fin à ses jours, Gustl fait une dernière halte dans son café habituel. Le serveur lui apprend alors une nouvelle providentielle : Habetswallner est mort d’une attaque cérébrale pendant la nuit. Soulagé que personne ne puisse jamais révéler sa honte, Gustl abandonne aussitôt son projet suicidaire et retrouve toute sa morgue, prêt à affronter son duel de l’après-midi.

La publication de ce texte en 1900 a déclenché un tollé dans l’empire austro-hongrois. Les autorités militaires y ont vu une attaque contre l’honneur de l’armée. Schnitzler, médecin militaire et lieutenant de réserve, s’est vu retirer son grade par un tribunal d’honneur. La nouvelle met en lumière les contradictions d’une société militaire sclérosée, où les apparences comptent plus que tout.

Aux éditions SILLAGE ; 80 pages.


4. Vienne au crépuscule (roman, 1908)

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Le baron Georg von Wergenthin évolue dans la haute société viennoise du début du XXe siècle. Jeune compositeur talentueux mais peu ambitieux, il multiplie les aventures galantes et fréquente les cercles artistiques de la capitale autrichienne. Sa vie bascule quand il s’éprend d’Anna Rosner, une jeune cantatrice issue d’un milieu modeste. Leur liaison passionnée se complique lorsqu’Anna tombe enceinte : Georg, attaché à sa liberté, refuse le mariage qu’exigeraient les convenances de l’époque.

Pour échapper aux ragots, le couple s’exile temporairement en Italie. À leur retour, Anna se retire dans une villa à l’écart de Vienne pour cacher sa grossesse. Pendant ce temps, Georg poursuit son existence dissolue, partagé entre son affection sincère pour Anna et son désir d’autres femmes. La mort de leur enfant à la naissance marque un point de non retour : Georg part poursuivre sa carrière en Allemagne, tandis qu’Anna, meurtrie, rompt définitivement avec lui.

En parallèle de cette histoire d’amour tragique se dessine le portrait d’une société viennoise en pleine mutation. Les personnages qui gravitent autour de Georg, notamment son ami l’écrivain Heinrich Bermann, débattent de l’antisémitisme grandissant, du sionisme naissant et de la place des Juifs dans la société autrichienne.

Premier roman de Schnitzler, « Vienne au crépuscule » provoqua la controverse en 1908 pour sa peinture sans concession des cercles bourgeois viennois. L’écrivain y transpose ses propres expériences : comme Georg, il avait eu un enfant mort-né avec une maîtresse qu’il n’épousa pas. Plus qu’une simple chronique sentimentale, le texte dépeint avec une lucidité glaçante les prémices de la catastrophe qui allait frapper l’Europe quelques années plus tard. Une mini-série austro-allemande en a proposé une adaptation en 1983.

Aux éditions STOCK ; 480 pages.


5. La ronde (pièce de théâtre, 1903)

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« La ronde », écrite en 1897 par Arthur Schnitzler, dépeint une série de rencontres intimes dans le Vienne fin-de-siècle. La pièce se compose de dix dialogues qui s’enchaînent selon un principe simple : chaque scène réunit deux personnages, dont l’un réapparaît dans la scène suivante avec un nouveau partenaire, formant ainsi une ronde qui se referme sur elle-même lorsque le dernier personnage retrouve celui du début.

L’intrigue débute avec une prostituée et un soldat, puis le soldat et une femme de chambre, cette dernière et un jeune bourgeois, lequel rencontre ensuite une femme mariée. La chaîne continue avec l’époux de celle-ci, une grisette, un poète, une comédienne, un comte, pour finalement revenir à la prostituée initiale. Entre chaque couple, l’acte sexuel est suggéré par une simple ligne de points, laissant place à l’imagination du lecteur.

Cette structure circulaire permet à Schnitzler de traverser toutes les classes sociales de la société viennoise, du trottoir aux salons aristocratiques, en passant par les chambres bourgeoises et les loges de théâtre. Les dialogues, tour à tour cyniques, tendres ou cruels, révèlent les hypocrisies et les mensonges qui entourent les relations amoureuses.

À sa sortie, la pièce fit l’effet d’une bombe. Jugée trop sulfureuse, elle fut d’abord publiée confidentiellement à 200 exemplaires en 1900, avant une édition publique en 1903. Les représentations, interdites jusqu’en 1920, provoquèrent des émeutes à Vienne et Berlin, où les opposants accusèrent Schnitzler de « pornographie ». La pièce connut par la suite de nombreuses adaptations, dont le célèbre film de Max Ophüls en 1950 avec Simone Signoret.

Aux éditions STOCK ; 200 pages.

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