Trouvez facilement votre prochaine lecture
Anne Perry en 5 séries policières historiques – Notre sélection

Anne Perry en 5 séries policières historiques – Notre sélection

Anne Perry (1938-2023), de son vrai nom Juliet Marion Hulme, est une romancière britannique connue pour ses romans policiers historiques se déroulant principalement à l’époque victorienne.

Son enfance fut marquée par la maladie, avec des épisodes de bronchite, pneumonie et tuberculose qui l’obligèrent à de longs séjours en institution. En 1954, à l’âge de 15 ans, elle commit avec sa meilleure amie Pauline Parker un acte qui allait marquer sa vie : l’assassinat de la mère de cette dernière à Christchurch, en Nouvelle-Zélande. Elle fut condamnée et passa cinq ans en prison.

Après sa libération en 1959, elle changea son nom pour Anne Perry, se convertit au mormonisme et retourna en Angleterre. Elle travailla d’abord comme hôtesse de l’air avant de se consacrer à l’écriture. Son premier roman, « L’étrangleur de Cater Street », fut publié en 1979, marquant le début d’une prolifique carrière d’écrivaine.

Elle est l’autrice de plusieurs séries à succès, dont les enquêtes de Charlotte Ellison et Thomas Pitt et celles de William Monk, qui se déroulent dans le Londres victorien. Son œuvre, comprenant plus d’une centaine de livres, est profondément marquée par les thèmes de la culpabilité, de la rédemption et de la justice. Ses expériences personnelles semblent avoir influencé ses écrits, qui évoquent souvent les questions morales de la faute et du repentir.

Anne Perry est décédée le 10 avril 2023 à Los Angeles, à l’âge de 84 ans, laissant derrière elle un important héritage littéraire dans le domaine du roman policier historique.

Voici notre sélection de ses séries policières historiques majeures.


1. Charlotte Ellison et Thomas Pitt – L’étrangleur de Cater Street (1979)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Londres, 1881. Le quartier cossu de Cater Street est le théâtre d’une série de crimes atroces. Des jeunes femmes sont retrouvées étranglées et défigurées, semant l’effroi parmi les habitants. La famille Ellison, pilier de cette société bourgeoise, observe avec inquiétude la multiplication des meurtres. Charlotte, la cadette des trois filles Ellison, se distingue par son esprit rebelle : contrairement à ses sœurs qui se conforment aux règles strictes de l’époque victorienne, elle lit les journaux en cachette et n’hésite pas à dire ce qu’elle pense.

L’assassinat de Lily, la domestique des Ellison, précipite l’arrivée de l’inspecteur Thomas Pitt dans leur univers feutré. Ses manières directes et son origine sociale modeste heurtent les sensibilités, particulièrement celles du patriarche Edward. Les interrogatoires répétés font vaciller les certitudes : et si le meurtrier était l’un des leurs ? Les tensions montent, les secrets éclatent, tandis que Charlotte découvre en Pitt un esprit libre qui remet en question ses préjugés de classe.

Autour de la série

Ce premier opus d’Anne Perry n’était initialement pas destiné à devenir une série. Le succès considérable rencontré aux États-Unis a transformé ce qui devait être un roman autonome en une saga de plus de trente volumes qui s’étale sur une quinzaine d’années dans la vie des personnages principaux. Cette origine explique certaines incohérences avec les tomes suivants, la romancière n’ayant pas anticipé les développements futurs de ses héros.

La force de « L’étrangleur de Cater Street » réside dans sa peinture minutieuse de la société victorienne. Les conventions sociales rigides, le carcan imposé aux femmes, l’omniprésence des non-dits : tout cela transparaît naturellement au fil des pages. Les personnages féminins incarnent différentes facettes de la condition féminine à cette époque : Emily l’opportuniste qui sait utiliser les codes à son avantage, Sarah la dévote qui s’y conforme scrupuleusement, et Charlotte qui ose les défier. Cette dernière refuse notamment l’interdiction faite aux femmes de lire les journaux, censés contenir des informations trop choquantes pour leur sensibilité.

L’enquête criminelle sert de catalyseur pour mettre en lumière les hypocrisies de cette société. L’arrivée de l’inspecteur Pitt dans les salons bourgeois provoque un malaise révélateur : malgré son éducation et ses manières, son statut social inférieur le maintient à distance. Les interrogatoires font émerger des secrets inavouables, dévoilant la noirceur derrière les façades respectables. La tension monte progressivement alors que chaque femme commence à suspecter les hommes de son entourage.

En 1998, Yorkshire Television et Ardent Productions ont adapté le livre pour la télévision britannique. Diffusé sur ITV au Royaume-Uni puis sur A&E aux États-Unis, le téléfilm prend quelques libertés avec le roman original : les motivations sordides sont atténuées et le dénouement diffère légèrement. Cette adaptation télévisuelle contribue néanmoins à faire connaître Anne Perry dans son pays natal, l’Angleterre, où sa notoriété était jusqu’alors moindre qu’aux États-Unis.

Aux éditions 10/18 ; 384 pages.


2. William Monk – Un étranger dans le miroir (1990)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Londres, 1856. William Monk se réveille dans un lit d’hôpital sans le moindre souvenir. Un accident l’a laissé totalement amnésique : il ignore jusqu’à son propre nom et sa profession. À sa sortie, il découvre qu’il est inspecteur de police. Par crainte de perdre son emploi, il décide de garder le secret sur sa perte de mémoire et reprend son service.

Son supérieur, qui semble le détester, lui confie aussitôt une affaire complexe : le meurtre de Joscelin Grey, jeune aristocrate vétéran de la guerre de Crimée, retrouvé battu à mort dans son appartement. Monk doit alors mener deux enquêtes parallèles : retrouver l’assassin de Grey tout en reconstituant sa propre identité. Au fil de ses investigations, les indices le mènent vers une vérité troublante : l’accident qui lui a fait perdre la mémoire pourrait être lié au meurtre de Grey.

Autour de la série

Premier volume d’une série qui en compte aujourd’hui vingt-quatre, « Un étranger dans le miroir » se distingue par son dispositif narratif ingénieux : un enquêteur qui mène parallèlement l’investigation sur un meurtre et sur sa propre identité. Cette double quête crée une tension particulière, renforcée par la vulnérabilité du personnage principal qui doit dissimuler son amnésie pour conserver son poste.

La construction des personnages secondaires apporte une dimension sociale et historique significative. Hester Latterly incarne une figure féminine atypique pour l’époque victorienne : infirmière revenue de Crimée, elle revendique son indépendance et refuse les conventions sociales. Lady Callandra Daviot, veuve d’un colonel et personnage récurrent de la série, représente une autre facette de l’émancipation féminine avec son intelligence acérée et son franc-parler.

La guerre de Crimée occupe une place centrale dans l’intrigue. À travers les témoignages d’Hester Latterly sur les conditions désastreuses des soldats à Scutari et les mensonges de la propagande britannique, se dessine une critique acerbe du militarisme et de l’arrogance de l’Empire. La charge de la brigade légère, qualifiée « d’absurde exemple de gabegie imbécile et d’héroïsme suicidaire », symbolise cette dénonciation.

Les rapports de classe structurent aussi profondément le récit. Les aristocrates traitent la police avec mépris, considérant les enquêteurs comme des domestiques qu’ils font entrer par la porte de service. Cette hiérarchie sociale rigide contraste avec l’évolution personnelle de Monk qui, découvrant son passé d’homme hautain et ambitieux, choisit de devenir meilleur.

Le Chicago Tribune a consacré Anne Perry « reine du mystère historique britannique ». Cette reconnaissance s’explique notamment par la maîtrise avec laquelle elle dépeint les contradictions de la société victorienne : l’opposition entre la misère des quartiers pauvres et le luxe des demeures aristocratiques, l’hypocrisie des conventions sociales, la condition des femmes confrontées aux préjugés de leur époque.

Aux éditions 10/18 ; 416 pages.


3. Joseph et Matthew Reavley – Avant la tourmente (2003)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

En juin 1914, alors que l’été s’annonce radieux à Cambridge, Joseph Reavley, professeur à l’université St. John, apprend brutalement la mort de ses parents dans un accident de voiture. Son frère Matthew, agent des services secrets britanniques, lui révèle que leur père devait lui remettre un document compromettant, susceptible de porter atteinte à l’honneur de l’Angleterre. Le même jour, l’archiduc François-Ferdinand est assassiné à Sarajevo.

Les deux frères découvrent rapidement que le meurtre de leurs parents a été maquillé en accident. Leur maison a été fouillée et le mystérieux document reste introuvable. Pendant que Matthew enquête sur cette affaire aux ramifications politiques inquiétantes, Joseph doit faire face à une autre tragédie : l’assassinat de Sebastian Allard, son étudiant le plus prometteur. Ce jeune homme idéaliste et pacifiste se trouvait sur la route le jour de la mort des parents Reavley. A-t-il été témoin de quelque chose ? Les deux affaires sont-elles liées ?

En toile de fond se dessine l’inexorable montée des tensions en Europe. L’Angleterre, convaincue d’être à l’abri sur son île, observe avec détachement les événements sur le continent. Les étudiants de Cambridge poursuivent leurs parties de cricket, persuadés qu’une guerre moderne entre nations civilisées est impensable. Cette insouciance contraste avec les sombres machinations que les frères Reavley tentent de mettre au jour.

Autour de la série

Premier volet d’une série de cinq romans consacrée à la Première Guerre mondiale, ce livre rend hommage au grand-père d’Anne Perry, qui servit comme aumônier dans les tranchées. Cette inspiration familiale se reflète dans le choix du protagoniste, Joseph Reavley, lui-même pasteur devenu professeur après la mort de son épouse.

La force du récit réside dans sa capacité à saisir l’atmosphère singulière de l’été 1914 en Angleterre. Les scènes de cricket à Cambridge, les rituels du thé et les traditions universitaires dessinent le portrait d’une société persuadée de sa nature inébranlable. Ce décalage entre l’insouciance britannique et les tensions continentales constitue l’un des aspects les plus saisissants de l’intrigue.

La dimension morale s’entremêle subtilement aux enjeux historiques. À travers le personnage de Joseph, les questionnements sur la foi, le mal et la justice prennent une résonance particulière. « La foi n’est réelle que lorsqu’il n’y a rien d’autre entre vous et l’abîme, un fil invisible suffisamment solide pour retenir le monde », médite-t-il face à l’adversité. Ces réflexions sur le pacifisme, la guerre et l’honneur évitent l’écueil du manichéisme.

Malgré quelques longueurs relevées par certains critiques, Anne Perry conjugue habilement drame familial, enquête policière et thriller d’espionnage. L’intrigue criminelle sert de prétexte pour aborder les bouleversements d’une époque charnière, quand l’Angleterre hésitait encore à s’engager dans ce qui allait devenir le premier conflit mondial. Cette approche permet de renouveler le genre du roman historique sur 14-18, en s’éloignant des récits de tranchées pour privilégier les prémices de la guerre.

Aux éditions 12-21 ; 464 pages.


4. Daniel Pitt – Un innocent à l’Old Bailey (2017)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Londres, 1910. Daniel Pitt, jeune avocat de 25 ans, fait ses premiers pas au prestigieux cabinet Croft & Gibson. Son quotidien bascule lorsqu’il doit remplacer au pied levé un confrère dans une affaire retentissante à l’Old Bailey : la défense de Russell Graves, un écrivain accusé du meurtre brutal de son épouse, dont le visage a été défiguré par les flammes.

Malgré une plaidoirie acharnée, le verdict tombe : Graves est condamné à la pendaison. L’homme clame pourtant son innocence et affirme être victime d’un complot visant à empêcher la publication d’un texte compromettant sur l’inspecteur Victor Narraway. Pour Daniel, le compte à rebours commence : il dispose de vingt-et-un jours pour prouver l’innocence de son client et lui éviter la corde. L’enquête s’annonce d’autant plus délicate que Narraway n’est autre que l’ancien supérieur et ami de Thomas Pitt, le père de Daniel, désormais à la tête de la Special Branch.

Autour de la série

Avec « Un innocent à l’Old Bailey », premier tome d’une nouvelle série, Anne Perry délaisse les aventures de Charlotte et Thomas Pitt pour suivre leur fils Daniel, propulsant ainsi l’action dans l’Angleterre édouardienne de 1910. Ce changement d’époque permet d’éclairer sous un jour nouveau les transformations sociales et scientifiques qui bouleversent alors la société britannique.

Les innovations de la police scientifique naissante occupent une place centrale dans l’intrigue. L’utilisation des empreintes digitales, autorisée depuis cinq ans seulement dans les tribunaux britanniques, la radiologie et les premiers pas de la balistique s’intègrent naturellement au récit à travers le personnage de Miriam Fford Croft. Cette femme médecin et chimiste, qui a réussi ses examens mais s’est vu refuser son diplôme en raison de son sexe, incarne parfaitement les tensions d’une époque où la modernité se heurte aux traditions.

La condition féminine constitue d’ailleurs l’un des fils conducteurs du récit. À travers les personnages de Miriam Fford Croft, Mercedes Rockwell et Ebony Graves, se dessine le portrait d’une société patriarcale où les femmes commencent à revendiquer leur place. Cette dimension sociale s’articule avec l’intrigue policière, sans jamais tomber dans le discours militant.

« Un innocent à l’Old Bailey » se distingue également par son traitement de la justice et de ses acteurs. La stratégie de défense peu orthodoxe de Daniel, qui considère que « le droit est secondaire », s’oppose à la vision traditionnelle incarnée par l’avocat Kitteridge. Cette tension entre ancienne et nouvelle école reflète les mutations profondes que connaît alors le système judiciaire britannique.

ITV avait tenté dans les années 1990 une adaptation télévisée de la série Thomas Pitt, mais celle-ci s’était soldée par un échec, avec un seul épisode produit. Cette nouvelle série, qui conserve l’ADN des précédentes enquêtes tout en se renouvelant, offre peut-être une seconde chance à une éventuelle adaptation.

Aux éditions 10/18 ; 408 pages.


5. Elena Standish – Dans l’œil du cyclone (2019)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

En 1933, Elena Standish, photographe anglaise de 28 ans, savoure la douceur de vivre sur la côte amalfitaine en compagnie de sa sœur Margot. Sa rencontre avec Ian Newton, un séduisant journaliste, prend un tour dramatique lorsque celui-ci est assassiné dans le train qui les conduit à Paris. Avant de mourir, Ian lui révèle son appartenance au MI6 et la charge d’une mission périlleuse : avertir l’ambassade britannique à Berlin qu’un attentat se prépare contre Scharnhorst, un proche d’Hitler.

À Berlin, les événements s’enchaînent rapidement. L’assassinat a lieu comme prévu, mais Elena se retrouve piégée lorsque l’arme du crime est découverte parmi ses effets personnels. Poursuivie par la police, elle doit se cacher tout en documentant avec son appareil photo les premières exactions du régime nazi : livres brûlés en place publique, persécutions des Juifs, violence des chemises brunes. Ces clichés compromettants, elle parvient à les faire parvenir à son grand-père resté en Angleterre.

L’enquête révèle peu à peu les secrets enfouis de la famille Standish. Son grand-père Lucas dirigeait autrefois le MI6, tandis que sa grand-mère Joséphine œuvrait comme décodeuse. La Première Guerre mondiale a déjà durement touché la famille : Mick, le cousin d’Elena, y a perdu la vie, tout comme le mari de Margot, tué une semaine après leur mariage.

Autour de la série

Avec cette nouvelle série, Anne Perry délaisse les périodes historiques qui ont fait sa renommée – l’Angleterre victorienne avec « Charlotte et Thomas Pitt », le Paris révolutionnaire de « À l’ombre de la guillotine » ou la Byzance du XIIIe siècle de « Du sang sur la soie ». « Dans l’œil du cyclone » prend pour cadre une époque charnière : l’ascension d’Hitler et les prémices de la Seconde Guerre mondiale.

La force du livre réside dans sa capacité à saisir cette période historique à travers l’objectif photographique d’Elena. Cette approche originale permet de documenter les premiers signes du régime nazi – autodafés, persécutions, violences des SA – tout en questionnant le rôle du témoin face à l’Histoire. Le choix d’une photographe comme personnage principal n’est pas anodin : il souligne l’importance du témoignage face à la montée des totalitarismes.

Anne Perry met en scène une société britannique divisée entre pacifisme et lucidité face à la menace nazie. D’un côté, une population traumatisée par la Grande Guerre qui refuse l’idée d’un nouveau conflit. De l’autre, des personnages comme Lucas et Joséphine qui perçoivent les signes avant-coureurs de la catastrophe à venir. Cette tension traverse tout le livre et lui confère une dimension politique qui dépasse le simple cadre du roman d’espionnage.

La construction des personnages secondaires ajoute de la profondeur à l’intrigue. Lucas, l’ancien chef du MI6, et Joséphine, l’ex-décodeuse, portent en eux les cicatrices de la Première Guerre mondiale et les secrets du renseignement britannique. Leur passé d’espions, révélé progressivement, enrichit la trame narrative et pose la question de la transmission entre les générations.

Certains critiques soulignent toutefois la naïveté d’Elena, parfois peu crédible pour une femme de 28 ans ayant vécu les traumatismes de la Grande Guerre. D’autres regrettent un rythme inégal, entre passages trépidants et moments plus contemplatifs. Mais ces réserves n’entament pas la puissance du propos sur cette période cruciale où l’Europe bascule dans l’horreur. Premier tome d’une série, « Dans l’œil du cyclone » pose les bases d’une saga qui promet d’accompagner ses personnages à travers les heures sombres de l’entre-deux-guerres.

Aux éditions 10/18 ; 408 pages.

error: Contenu protégé