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Hervé Guibert en 6 livres majeurs – Notre sélection

Hervé Guibert en 6 livres – Notre sélection

Hervé Guibert (1955-1991) est un écrivain, journaliste et photographe français. Né à Saint-Cloud dans une famille de classe moyenne, il grandit à Paris puis étudie à La Rochelle où il s’implique dans le théâtre. Sa carrière littéraire débute en 1977 avec « La Mort propagande », et il devient critique photographique et culturel au journal Le Monde jusqu’en 1985.

Sa vie privée est marquée par trois relations importantes : Thierry Jouno, qu’il rencontre en 1976 et qui devient l’homme de sa vie, le philosophe Michel Foucault, et Vincent M., un adolescent qui inspire son roman « Fou de Vincent ». En 1989, il épouse Christine, la compagne de Thierry Jouno, dans un mariage d’amour et de raison.

En 1988, il apprend sa séropositivité. Cette expérience inspire sa célèbre trilogie autobiographique comprenant « À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie » (1990), « Le protocole compassionnel » (1991) et « L’Homme au chapeau rouge » (1993). Son style, marqué par la recherche de simplicité et de dépouillement, évolue sous l’influence d’auteurs comme Thomas Bernhard et Roland Barthes.

Atteint de cytomégalovirus et presque aveugle, il tente de se suicider en décembre 1991 et meurt le 27 décembre à l’hôpital Antoine-Béclère. Son œuvre, qui comprend romans, nouvelles, photographies et textes critiques, constitue un témoignage important sur l’épidémie du sida dans les années 1980. Il est enterré sur l’île d’Elbe, où il avait écrit plusieurs de ses livres.

Voici notre sélection de ses livres majeurs.


1. À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie (roman autobiographique, 1990)

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« À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie », publié en 1990, retrace le quotidien d’Hervé Guibert après qu’il apprend sa séropositivité à la fin des années 1980. Dans un Paris où le sida fait ses premières victimes, l’écrivain raconte sa maladie à travers cent courts chapitres qui s’ouvrent sur cette phrase : « J’ai eu le sida pendant trois mois. »

Le récit s’articule autour de deux figures centrales : Muzil, intellectuel brillant derrière lequel se cache Michel Foucault, dont la mort du sida est racontée avec une grande pudeur, et Bill, l’ami qui fait miroiter un hypothétique traitement miracle venu des États-Unis. Entre ces deux pôles se dessine le quotidien d’un homme de 35 ans qui lutte pour sa survie, entre rendez-vous médicaux et relations tourmentées avec son entourage.

Ce livre, qui fit scandale à sa sortie en révélant la séropositivité de Michel Foucault, marque un tournant dans la littérature consacrée au sida. Pour la première fois, un écrivain osait briser le tabou qui entourait cette maladie en décrivant crûment son quotidien de malade, à une époque où les traitements efficaces n’existaient pas encore. Le Prix Colette couronna cette œuvre qui connut un succès retentissant avec 400 000 exemplaires vendus.

Aux éditions FOLIO ; 288 pages.


2. Le protocole compassionnel (roman autobiographique, 1991)

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En 1991, Hervé Guibert publie « Le protocole compassionnel », suite directe de « À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie ». Il y raconte les derniers mois d’un homme de 35 ans prisonnier d’un corps vieillissant. Atteint du sida, l’écrivain ne supporte plus l’AZT. Il se tourne vers un médicament expérimental, la DDI, obtenu en cachette. Cette molécule, encore non homologuée, a déjà causé la mort de centaines de personnes aux États-Unis faute de posologie adaptée.

Les rendez-vous médicaux rythment son existence. Une relation particulière se développe avec sa nouvelle médecin, Claudette Dumouchel, dont la beauté le fascine. Entre deux visites à l’hôpital, il rencontre aussi un guérisseur qui ravive momentanément un mince espoir de rémission. Le livre raconte ces quelques mois où le traitement clandestin lui insuffle un regain d’énergie, avant l’inéluctable déclin.

Ce témoignage s’inscrit dans une époque où le sida terrorise encore la société. Les malades errent de traitement en traitement, tandis que le corps médical tâtonne. Le livre sera d’ailleurs adapté en film documentaire par l’auteur lui-même dans « La Pudeur ou l’Impudeur ». Guibert y filme son quotidien avec une franchise bouleversante, prolongeant sur pellicule ce qu’il couche sur le papier : sa lutte contre la maladie, ses souffrances, mais aussi ses derniers éclats de vie.

Aux éditions FOLIO ; 260 pages.


3. Le mausolée des amants (journal intime, 2001)

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« Le mausolée des amants » retrace quinze années dans la vie d’Hervé Guibert à travers son journal intime, publié en 2001, dix ans après sa mort. En 1976, jeune critique photographique de 22 ans au journal Le Monde, Guibert commence à consigner dans des carnets son quotidien, ses amours et ses obsessions.

Le récit s’articule autour d’une relation triangulaire hors norme entre l’auteur, son amant T. (Thierry) et C. (Christine), la compagne de ce dernier. Cette configuration amoureuse singulière se poursuivra jusqu’à la fin, quand C. épousera Guibert quelques mois avant qu’il ne succombe au sida. Dans l’intervalle, le journal dévoile sans pudeur les errances sexuelles de l’auteur, ses fantasmes les plus troubles, ses rapports difficiles avec sa famille.

La présence de la mort imprègne l’ensemble du texte, bien avant l’apparition de la maladie. Guibert observe avec une précision chirurgicale la dégradation des corps – le sien et celui des autres. Les descriptions organiques les plus crues alternent avec des passages d’une grande intensité érotique.

Ce journal posthume, dont l’auteur avait lui-même préparé la publication en dactylographiant les 350 premières pages, constitue la matrice de son œuvre romanesque. Les premiers jets de plusieurs de ses livres majeurs s’y trouvent en gestation, notamment « À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie » qui le révélera au grand public en 1990. Nina Bouraoui, qui considère ce journal comme l’une de ses lectures de chevet, y trouve « toutes les trames de ses autres romans, ses phobies, ses peurs, ses errances ». Le texte a également inspiré des lectures publiques par Patrice Chéreau et Philippe Calvario.

Aux éditions FOLIO ; 560 pages.


4. Fou de Vincent (roman autobiographique, 1989)

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Dans « Fou de Vincent » (1989), Hervé Guibert livre le récit d’une passion destructrice qui le lie à Vincent, un jeune homme rencontré à Paris en 1982. Le texte s’ouvre sur la mort accidentelle de Vincent en novembre 1989, puis remonte le fil du temps jusqu’à leur première rencontre, dévoilant une liaison tourmentée qui s’étend sur sept ans.

Vincent, adolescent au début de leur relation, préfère les femmes et mène une vie dissolue, marquée par l’alcool et la drogue. Il soumet Guibert à ses caprices, apparaissant et disparaissant selon son humeur, exigeant de l’argent, du temps, de l’attention. Guibert, consumé par son obsession, accepte tout. Il attend des nuits entières, se plie aux demandes les plus extravagantes, perd sa dignité dans cette quête désespérée d’un amour impossible.

Ce journal intime, publié en 1989 aux Éditions de Minuit, s’inscrit dans le contexte brutal des années sida. La maladie, bien que rarement évoquée directement, plane comme une ombre sur le récit. Elle fait écho à la violence de cette passion qui détruit autant qu’elle fait vivre.

Le livre fait sensation à sa sortie : la France découvre avec stupeur cette autofiction qui mêle tendresse et cruauté, poésie et obscénité. Sur le plateau d’Apostrophes, en 1990, Bernard Pivot peine à maintenir son sang-froid face aux propos crus de ce jeune homme au visage d’ange. Roland Barthes, qui avait tenté de séduire Guibert dans les années 70, influence visiblement l’écriture fragmentée du texte. Deux ans après la publication, Guibert meurt du sida à 36 ans.

Aux éditions DE MINUIT ; 88 pages.


5. Mes parents (roman autobiographique, 1986)

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Publié en 1986, « Mes parents » s’ouvre sur une scène énigmatique : une grand-tante détruit des documents compromettants avant sa mort. Cette découverte pousse le narrateur à interroger sa famille et met au jour un secret concernant l’union de ses parents. Ce point de départ lance une remontée dans le temps, où les souvenirs d’enfance se déploient par fragments dans la France des Trente Glorieuses.

Le livre suit le fil d’une relation filiale troublée, où l’amour et la haine s’entremêlent sans cesse. Les parents y sont dépeints sans concession : un père alternant entre violence et tendresse maladroite, une mère étouffante dont les soins corporels prolongés traduisent une emprise excessive. Les scènes du quotidien – repas forcés, rituels d’hygiène obsessionnels, vacances économes – révèlent la tension permanente qui règne entre l’enfant et ses géniteurs.

Ce récit audacieux brise plusieurs tabous : écrit du vivant des parents, il expose crûment l’intimité familiale sans chercher ni pardon ni réconciliation. La construction fragmentée, l’humour grinçant et le mélange troublant entre réalité et fiction créent une œuvre inclassable qui fit sensation à sa sortie. En défiant les conventions du récit familial, Hervé Guibert impose une sincérité radicale qui interroge les liens du sang et la possibilité de s’en libérer par l’écriture.

Aux éditions FOLIO ; 168 pages.


6. Des aveugles (roman, 1985)

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Dans un institut spécialisé pour non-voyants, quelque part en France, Josette et Robert forment un couple marié. Leur quotidien bien réglé bascule avec l’arrivée de Taillegueur, le nouveau masseur de l’établissement. Entre ces murs où tout le personnel est aveugle – à l’exception du directeur – une liaison dangereuse se noue entre Josette et Taillegueur.

Le récit se déroule en vase clos, dans cette institution où les pensionnaires vivent en autarcie de l’enfance jusqu’à la mort. La tension monte progressivement entre les trois protagonistes, jusqu’à ce que le désir et la jalousie les poussent vers des projets meurtriers. Les frontières entre fantasme et réalité se brouillent peu à peu.

Publié en 1985 chez Gallimard, ce court roman a valu à Hervé Guibert le Prix Fénéon. Le texte, dédié à Michel Foucault, mêle documentaire et fiction. Les descriptions sans concession de la vie quotidienne des aveugles s’entremêlent avec une dimension plus onirique et fantasmatique. Le livre résonne également comme une métaphore de l’acceptation de la différence, notamment à travers le personnage de Kipa, dont les parents refusent d’admettre la cécité.

Aux éditions FOLIO ; 128 pages.

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