André Breton (1896-1966) est une figure majeure de la littérature et de l’art français du XXe siècle, principalement connu comme le fondateur et théoricien du mouvement surréaliste.
Né à Tinchebray en Normandie, il passe son enfance à Pantin dans une famille bourgeoise catholique. Pendant la Première Guerre mondiale, il sert comme infirmier et rencontre Jacques Vaché, qui aura une influence décisive sur sa pensée. C’est aussi durant cette période qu’il découvre les théories de Freud sur la psychanalyse.
En 1919, avec Louis Aragon et Philippe Soupault, il fonde la revue Littérature et expérimente l’écriture automatique. En 1924, il publie le premier « Manifeste du surréalisme », posant les bases théoriques du mouvement qui cherche à libérer l’expression de tout contrôle rationnel. Des œuvres majeures suivent, notamment « Nadja » (1928) et « L’amour fou » (1937).
Politiquement engagé, il adhère au Parti communiste en 1927 avant de s’en éloigner dans les années 1930. Durant la Seconde Guerre mondiale, il s’exile aux États-Unis, où il continue à développer et promouvoir le surréalisme. De retour en France en 1946, il poursuit son activité créatrice et militante, s’opposant notamment à la guerre d’Algérie en signant le « Manifeste des 121 ».
Intellectuel intransigeant, théoricien de l’amour et du merveilleux, défenseur de la liberté, André Breton meurt à Paris en 1966, laissant une œuvre considérable qui a profondément influencé l’art et la pensée du XXe siècle. Sur sa tombe est gravée l’épitaphe : « Je cherche l’or du temps. »
Voici notre sélection de ses livres majeurs.
1. Nadja (récit autobiographique, 1928)
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En octobre 1926, dans les rues de Paris, André Breton fait la connaissance de Nadja, une jeune femme au regard saisissant et au mystérieux sourire. Durant neuf jours, ils se retrouvent quotidiennement pour de longues promenades dans la capitale. Nadja, qui tire son nom du mot russe signifiant « espérance », se présente comme « l’âme errante » et fascine Breton par sa liberté d’esprit et son rapport singulier à la réalité.
Leurs rencontres prennent un tour de plus en plus étrange : Nadja dessine des symboles ésotériques, prédit l’avenir, voit des signes partout. Elle révèle à Breton son passé trouble de trafiquante de drogue et l’existence d’une fille qu’elle a laissée à Lille. Malgré l’intensité de leur relation, qui culminera lors d’une nuit à Saint-Germain-en-Laye, Breton avoue ne pas l’aimer vraiment. Quelques mois plus tard, Nadja est internée dans un asile psychiatrique.
Ce texte autobiographique, paru en 1928, bouleverse les codes littéraires en substituant aux descriptions traditionnelles une quarantaine de photographies : vues de Paris, portraits, reproductions des dessins de Nadja. Cette innovation, couplée à la structure non-linéaire du récit et à l’absence volontaire de psychologie des personnages, ont fait de « Nadja » une œuvre emblématique du surréalisme. Le destin tragique de Léona Delcourt (le vrai nom de Nadja), morte en asile psychiatrique en 1941, ajoute une dimension poignante à ce témoignage sur la condition des femmes dans l’entre-deux-guerres.
Aux éditions FOLIO ; 189 pages.
2. L’amour fou (récit autobiographique, 1937)
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Écrit entre 1934 et 1936, « L’amour fou » d’André Breton retrace la rencontre de l’auteur avec Jacqueline Lamba, sa future épouse. Le récit s’articule autour de trois mardis décisifs : le 10 avril 1934, où un échange énigmatique dans un restaurant préfigure l’arrivée de Jacqueline, danseuse de charme dans l’aquarium d’un music-hall ; le 29 mai 1934, jour de leur rencontre fulgurante ; et le 14 août 1934, date de leur mariage. À ces moments lumineux s’opposent deux lundis sombres, notamment celui du 20 juillet 1936, marqué par une dispute sur la plage du Fort-Bloqué.
Le cœur du récit réside dans leur séjour aux îles Canaries, où nature luxuriante et passion amoureuse se mêlent. Dans ce « paysage passionné », Breton célèbre un amour qui se répète et se réinvente sans cesse, comme réfracté par mille miroirs. Le livre s’achève sur une lettre adressée à sa fille Aube, née en décembre 1935.
Dernier volet d’une trilogie initiée par « Nadja » (1928) et « Les vases communicants » (1932), « L’amour fou » mêle photographies d’artistes majeurs comme Man Ray et Brassaï au texte. Cette construction fragmentée, où se conjuguent récits de rêves et réflexions, traduit la quête surréaliste du « hasard objectif » – ces coïncidences qui semblent porter un message caché. Breton déploie une vision de l’amour comme force révolutionnaire, capable de transcender les oppositions entre raison et déraison, réel et imaginaire.
Aux éditions FOLIO ; 176 pages.
3. Manifestes du surréalisme (essai, 1924)
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En octobre 1924, André Breton publie le « Manifeste du surréalisme », texte qui marque la naissance officielle du mouvement. Initialement conçu comme préface au recueil « Poisson soluble », ce manifeste prend rapidement son autonomie et s’impose comme l’acte fondateur d’une des plus importantes avant-gardes artistiques du XXe siècle. Breton y définit le surréalisme comme un « automatisme psychique pur » qui cherche à exprimer le fonctionnement réel de la pensée, libéré du contrôle de la raison et des préoccupations morales ou esthétiques.
Le texte s’ouvre sur un réquisitoire contre le réalisme en littérature et l’attitude rationnelle qui bride l’imagination. Breton y développe sa théorie de l’écriture automatique, technique permettant d’accéder aux forces de l’inconscient. Il établit aussi une généalogie du surréalisme en citant ses précurseurs : Dante, Shakespeare, Sade, Baudelaire, Rimbaud ou encore Lautréamont. Le manifeste se conclut par l’énonciation des principes du mouvement et la liste de ses premiers membres, parmi lesquels Louis Aragon, Paul Éluard et Philippe Soupault.
Ce texte révolutionnaire naît dans le sillage de la Première Guerre mondiale, porté par une génération d’artistes révoltés contre les valeurs qui ont mené à la catastrophe. Le manuscrit original, couvert de ratures et d’ajouts, témoigne du travail acharné de Breton pour formuler sa pensée. Classé trésor national en 2021, il est conservé à la Bibliothèque nationale de France. Le manifeste connaîtra plusieurs suites : un « Second manifeste » en 1930, plus politique, et des « Prolégomènes à un troisième manifeste » en 1942. Cent ans après sa publication, sa puissance subversive continue d’irriguer l’art contemporain.
Aux éditions FOLIO ; 173 pages.
4. Les Champs magnétiques (recueil de textes en prose, 1920, avec Philippe Soupault)
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Printemps 1919. Dans le Paris d’après-guerre, deux jeunes poètes s’enferment quotidiennement pour une expérience radicale : écrire sans réfléchir, laisser la main courir sur le papier en évacuant toute censure. André Breton, 23 ans, et Philippe Soupault, 22 ans, accumulent ainsi des centaines de pages qui deviendront « Les Champs magnétiques », publié un an plus tard.
Le livre rassemble dix textes où prose et poésie se percutent librement. Les mots s’enchaînent selon des associations mentales imprévisibles : « La fenêtre creusée dans notre chair s’ouvre sur notre cœur », « Les planètes s’approchaient à pas de loup ». L’ensemble forme une symphonie à deux voix indiscernables, les auteurs ayant choisi de ne pas signer leurs contributions respectives. Les thèmes de la désespérance, de la nostalgie de l’enfance et de la solitude urbaine traversent l’ensemble.
Cette première œuvre surréaliste paraît en mai 1920 aux éditions Au Sans Pareil. Le contexte est celui d’un profond désenchantement : la guerre a pulvérisé les certitudes, et ses survivants cherchent de nouvelles façons d’exprimer leur rapport au monde. L’écriture automatique est leur réponse, une méthode pour libérer la pensée des carcans traditionnels.
Les réactions critiques de l’époque oscillent entre perplexité et admiration. Jacques-Émile Blanche salue dans Comœdia les « admirables choses » de l’œuvre tandis que L’Intransigeant souligne sa difficulté. Plus significatif encore, Malraux prédit en 1920 que le livre deviendra une référence pour comprendre l’état d’esprit artistique de son temps.
La découverte du manuscrit original en 1982 a bouleversé la perception de l’œuvre. Les pages révèlent de nombreuses corrections, particulièrement de la main de Breton : ratures, ajouts, déplacements de texte. Ce travail de réécriture, paradoxal pour une œuvre censée être spontanée, montre combien les auteurs ont cherché à créer non pas un simple flot de conscience, mais une nouvelle forme d’expression poétique.
Aux éditions GALLIMARD ; 192 pages.
5. Anthologie de l’humour noir (anthologie, 1940)
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Fruit d’un travail de cinq années, « Anthologie de l’humour noir » d’André Breton rassemble les textes les plus mordants de la littérature mondiale. De 1935 à 1940, le chef de file du surréalisme compile les écrits qui, selon lui, incarnent le mieux cette forme d’esprit corrosive et libératrice. L’ouvrage, dès sa parution, se heurte à la censure du régime de Vichy qui y perçoit une menace pour l’ordre établi.
La collection s’ouvre sur les écrits caustiques de Jonathan Swift au XVIIIe siècle et traverse deux siècles de littérature jusqu’aux textes de Jean-Pierre Duprey. Pour chaque auteur, Breton rédige une notice biographique incisive avant de présenter les extraits choisis. L’ensemble compose un panorama où cohabitent écrivains consacrés et figures méconnues, du Marquis de Sade à Leonora Carrington.
Cette galerie de portraits révèle une filiation inattendue entre des auteurs que tout semblait séparer. L’humour noir est le fil conducteur qui relie les délires cosmogoniques de Charles Fourier aux provocations d’Arthur Cravan, les aphorismes de Lichtenberg aux expérimentations de Marcel Duchamp.
L’ouvrage a connu plusieurs vies : censuré en 1940, redécouvert en 1945, puis enrichi lors des rééditions de 1950 et 1966. Cette dernière version, considérée comme définitive, inclut enfin les textes de Raymond Roussel jusque-là interdits de reproduction. Plus qu’une simple compilation, cette anthologie a créé une nouvelle catégorie littéraire et défini les contours de l’humour noir moderne.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 445 pages.