Amin Maalouf est un écrivain franco-libanais né le 25 février 1949 à Beyrouth. Il grandit dans un environnement multiculturel : sa famille paternelle est d’origine protestante, sa mère est issue d’une famille maronite francophone, et sa grand-mère maternelle est turque. Cette diversité culturelle et religieuse marquera profondément son œuvre.
Après des études chez les Jésuites où il apprend le français, puis des études de sociologie à l’université Saint-Joseph de Beyrouth, il devient journaliste au quotidien An-Nahar. La guerre civile libanaise le pousse à s’exiler en France en 1976 avec sa femme Andrée et leurs trois enfants.
À Paris, il devient rédacteur en chef de Jeune Afrique avant de se consacrer entièrement à l’écriture à partir de 1985. Son premier roman, « Léon l’Africain » (1986), rencontre un grand succès. Il obtient le prix Goncourt en 1993 pour « Le Rocher de Tanios ». Son œuvre, marquée par les thèmes de l’exil, de l’identité et de la rencontre des cultures, comprend aussi bien des romans que des essais, dont le célèbre « Les Identités meurtrières » (1998).
Élu à l’Académie française en 2011, il en devient le secrétaire perpétuel en septembre 2023, devenant ainsi la première personnalité née hors de France à occuper cette fonction. Il est également l’auteur de plusieurs livrets d’opéra, notamment en collaboration avec la compositrice Kaija Saariaho.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Léon l’Africain (1986)
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En 1488 naît à Grenade Hassan al-Wazzan, futur Léon l’Africain. Enfant, il doit fuir l’Inquisition espagnole avec sa famille pour s’installer à Fès, au Maroc. Dans cette ville bouillonnante du XVIe siècle, il grandit et devient diplomate, multipliant les missions à travers l’Afrique du Nord et le Proche-Orient.
Son destin bascule lors d’un retour de pèlerinage à La Mecque : capturé par des pirates siciliens, il est offert comme présent au pape Léon X. À Rome, Hassan se convertit au christianisme et prend le nom de Jean-Léon de Médicis. Conseiller papal, professeur d’arabe et géographe reconnu, il vit dans la cité éternelle jusqu’au sac de la ville par les troupes de Charles Quint en 1527.
Cette biographie imaginaire d’Amin Maalouf, publiée en 1986, mêle avec subtilité la grande Histoire et le récit intime. Les scènes de négociations diplomatiques alternent avec les moments de vie quotidienne dans les hammams de Fès ou les palais du Vatican. Entre chronique historique et roman d’aventures, le récit peint un monde où les frontières entre Orient et Occident, islam et christianisme, ne cessent de se redessiner.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 346 pages.
2. Samarcande (1988)
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Dans la Perse du XIe siècle, Omar Khayyam, poète et savant de génie, rédige un précieux manuscrit de quatrains philosophiques. Ce recueil, les Robaïyat, traverse les siècles entre les mains de personnages marquants : d’abord confié à Hassan Sabbah, le redoutable chef de la secte des Assassins, il survit aux invasions mongoles avant de disparaître dans les décombres de la forteresse d’Alamut.
Huit siècles plus tard, Benjamin O. Lesage, un jeune Américain passionné par l’Orient, part sur les traces de ce manuscrit légendaire. Son périple le mène au cœur d’une Perse en pleine révolution constitutionnelle, où il rencontre la mystérieuse princesse Chirine. Ensemble, ils retrouvent les Robaïyat, mais leur destin bascule une nuit d’avril 1912 sur le pont du Titanic.
Ce roman, Prix des Maisons de la Presse 1988, brille par sa capacité à entrelacer grande et petite histoire, sans jamais perdre de vue l’humanité de ses personnages. Les destins croisés d’Omar Khayyam et de Benjamin O. Lesage tissent une fresque où se mêlent poésie et politique, romance et pouvoir, des ruelles de Samarcande aux salons d’Ispahan.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 376 pages.
3. Les Désorientés (2012)
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Adam vit à Paris depuis vingt-cinq ans. Un soir, le téléphone sonne : Mourad, son ami d’enfance avec lequel il s’est brouillé, se meurt dans leur pays natal. Sans hésiter, Adam prend l’avion pour ce pays du Levant qu’il n’a jamais voulu nommer depuis son départ. Mais il arrive trop tard.
À la demande de Tania, la veuve de Mourad, Adam décide de réunir leur ancien groupe d’amis, le « club des Byzantins ». Certains ont fui comme lui : Naïm au Brésil, Albert aux États-Unis. D’autres sont restés : Ramzi est devenu moine, Nidal s’est tourné vers l’islamisme, tandis que la belle Sémiramis tient une auberge dans la montagne. Pendant seize jours, Adam renoue avec son passé et tente de comprendre ce qui a fait voler en éclats leurs rêves de jeunesse.
Ce roman compose une partition à plusieurs voix où s’entremêlent les destins d’amis que la guerre a séparés. Le texte fait résonner la nostalgie d’un monde perdu – celui du Liban d’avant-guerre où chrétiens, musulmans et juifs vivaient en harmonie – tout en questionnant la possibilité même de retrouver ce paradis perdu.
La construction alterne entre le journal intime d’Adam et un récit plus distancié, dans un jeu de miroirs entre présent et passé. Cette architecture permet d’aborder sous différents angles les grandes questions qui traversent le livre : l’exil et ses conséquences, la culpabilité de ceux qui sont partis, la difficulté du retour. Le titre lui-même joue sur cette ambiguïté : les « désorientés » sont autant ceux qui ont perdu leur Orient que ceux qui ont perdu leur chemin.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 552 pages.
4. Les Jardins de lumière (1991)
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Dans la Mésopotamie du IIIe siècle après J.-C., le jeune Mani grandit au sein d’une secte ascétique, les « Vêtements-Blancs », après avoir été arraché à sa mère. Malgré son handicap à la jambe, il développe des dons exceptionnels pour la peinture et la médecine. Guidé par une voix intérieure qu’il nomme son « jumeau », il quitte la communauté à vingt-quatre ans pour répandre un message de paix et de tolérance entre les religions.
Son périple le mène jusqu’en Inde, où il prêche une doctrine qui concilie christianisme, bouddhisme et zoroastrisme. À la cour des rois sassanides, il gagne la protection du puissant Shapur Ier. Mais son refus de cautionner la guerre contre Rome et l’hostilité grandissante des prêtres zoroastriens précipitent sa chute. Trahi après la mort de son protecteur, il meurt enchaîné dans les geôles de Beth-Lapat en 274.
Cette fresque historique ressuscite une figure oubliée dont seul l’adjectif « manichéen » garde la trace, bien loin de la philosophie tolérante qu’il prônait. Amin Maalouf dépeint avec brio les intrigues de palais et les tensions religieuses d’un empire perse au faîte de sa puissance, où s’affrontent conservateurs et réformateurs autour d’un sage visionnaire.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 317 pages.
5. Les Échelles du Levant (1996)
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À Paris en 1976, un écrivain d’origine libanaise croise un vieil homme qu’il reconnaît : c’est Ossyane, héros de la Résistance française immortalisé dans les livres d’histoire. Pendant quelques jours, dans une chambre d’hôtel, celui-ci lui confie son histoire. Né dans une famille turque exilée au Liban après la chute de l’Empire ottoman, Ossyane grandit sous l’influence d’un père qui le destine à devenir un grand révolutionnaire.
Le destin s’en mêle quand ses études de médecine à Montpellier sont interrompues par la guerre. Devenu agent de liaison pour la Résistance sous le pseudonyme de Bakou, il rencontre Clara, une jeune résistante juive. Leur amour triomphe dans un premier temps, mais la création d’Israël en 1948 les sépare brutalement : lui à Beyrouth au chevet de son père mourant, elle à Haïfa, enceinte. Cette rupture le précipite dans une descente aux enfers qui durera près de trente ans.
L’écriture épurée sublime ce destin fracassé par l’Histoire. En entremêlant la grande fresque historique du Proche-Orient et l’histoire intime d’un amour impossible, le récit déploie une puissance romanesque qui évite les écueils du mélo. La structure narrative – le vieil homme livre ses souvenirs à la veille d’un mystérieux rendez-vous – insuffle au texte une tension constante.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 253 pages.
6. Le périple de Baldassare (2000)
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En 1665, Baldassare Embriaco mène une existence tranquille de négociant en curiosités à Gibelet, au Liban. Descendant d’une illustre famille génoise, cet érudit de quarante ans voit sa vie basculer quand il entre en possession d’un manuscrit légendaire : le Centième Nom. Ce livre contiendrait le nom caché de Dieu, celui qui pourrait sauver le monde de l’Apocalypse annoncée pour 1666, l’année de la Bête. Mais à peine l’a-t-il acquis qu’il le cède à un émissaire du roi de France.
Rongé par le remords, Baldassare cède son commerce et part à la poursuite du précieux ouvrage. Accompagné de ses neveux, de son commis et d’une mystérieuse veuve, il s’embarque dans une quête qui le mènera de Constantinople à Londres, en passant par Smyrne, Chio et Gênes. Sur sa route, il croisera des prophètes illuminés, affrontera des tempêtes et des pirates, survivra à la peste et au grand incendie de Londres.
Six années de recherches et la lecture de deux cents ouvrages historiques ont nourri cette fresque du XVIIe siècle. Les thèmes de la superstition, de l’exil et de la tolérance religieuse s’entremêlent dans ce récit structuré comme un journal intime, où le héros consigne ses aventures et ses réflexions dans des carnets. Une œuvre ambitieuse qui a valu à Amin Maalouf le Prix des Romancières en 2000.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 506 pages.
7. Le Rocher de Tanios (1993)
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Au cœur du Mont-Liban des années 1830, le village de Kfaryabda bruisse de rumeurs sur la naissance de Tanios. Son père officiel, Gérios, occupe la fonction d’intendant auprès du cheikh Francis. Mais ce dernier, séducteur notoire, a demandé un jour à la belle Lamia, épouse de Gérios, de lui apporter des fruits pendant sa sieste. Quelques mois plus tard naissait Tanios, marqué du sceau de cette double paternité possible.
L’histoire s’embrase quand Gérios tue un patriarche qui a trahi sa confiance. Père et fils s’enfuient vers Chypre, tandis que leur région devient le théâtre d’affrontements entre Ottomans et Égyptiens. Les grandes puissances européennes tirent les ficelles de ce conflit qui va propulser Tanios, à son corps défendant, sur le devant de la scène politique.
La construction du récit rappelle celle des contes orientaux, où plusieurs narrateurs se relaient pour démêler le vrai du faux. Les descriptions du Liban féodal, avec ses traditions et ses codes d’honneur, servent d’écrin à cette histoire inspirée d’un fait réel : l’assassinat d’un patriarche par un aïeul de Maalouf. Le livre a reçu le prix Goncourt en 1993.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 280 pages.
8. Origines (2004)
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À la fin du XIXe siècle, dans un Liban encore sous domination ottomane, deux destins se séparent. Gebrayel Maalouf s’exile à Cuba pour bâtir un empire commercial, tandis que son frère Botros reste au pays. Instituteur idéaliste, ce dernier fonde une école progressiste qui défie les conventions religieuses de l’époque. Entre ces deux hommes circulent des lettres passionnées, témoignages d’une fratrie déchirée entre l’appel du large et l’ancrage au pays natal.
Des décennies plus tard, leur petit-fils Amin découvre une malle chez sa mère. Elle contient des centaines de lettres et de documents qui racontent cette histoire familiale. Il décide alors de retracer le parcours de ses aïeux, depuis les montagnes libanaises jusqu’aux rues de La Havane où son grand-oncle Gebrayel perd la vie dans un accident, laissant derrière lui une fortune qui s’évanouit dans la nature.
« Origines » transcende le simple récit familial pour offrir une méditation sur l’identité, les appartenances multiples et la transmission. En refusant délibérément le titre « racines » au profit de « origines », Maalouf déploie une réflexion sur ce qui nous lie à nos ancêtres sans nous y enchaîner. Son enquête minutieuse dans les archives familiales révèle l’histoire méconnue d’un Proche-Orient cosmopolite d’avant les nationalismes, où différentes communautés coexistaient dans une relative harmonie.
Le texte entrelace habilement plusieurs niveaux de lecture : saga familiale, chronique historique d’une région en mutation, et questionnement sur ce qui constitue notre identité. La force du livre réside dans sa capacité à faire résonner l’intime avec l’universel, comment les choix individuels s’inscrivent toujours dans la grande marche de l’Histoire.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 507 pages.
9. Nos frères inattendus (2020)
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Sur l’île d’Antioche, minuscule territoire de la côte atlantique, Alec Zander, un dessinateur solitaire, partage son refuge avec une seule voisine : Ève Saint-Gilles, une romancière célèbre pour un unique best-seller. Ces deux ermites volontaires ne se fréquentent pas jusqu’au jour où une mystérieuse panne paralyse tous les moyens de communication. Face à ce black-out planétaire, ils sortent de leur isolement, redoutant une catastrophe nucléaire.
La vérité s’avère plus étrange encore. Un groupe mystérieux, les « amis d’Empédocle », héritiers autoproclamés de la Grèce antique, a provoqué cette panne pour empêcher une guerre nucléaire imminente. Dotés d’une science médicale prodigieuse capable de guérir toutes les maladies, ces « frères inattendus » bouleversent l’ordre mondial. Par le biais de son ami Moro, proche du président américain, Alec découvre peu à peu la véritable nature de cette intervention qui divise profondément l’opinion mondiale.
Publié en 2020, ce conte philosophique prolonge les réflexions développées dans « Le naufrage des civilisations ». La science-fiction sert ici de prétexte pour interroger notre rapport à la mort, au progrès et à l’altérité. L’histoire oscille entre espoir et inquiétude, tandis que l’humanité se trouve confrontée à ses propres limites face à une civilisation plus avancée.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 320 pages.
10. Le premier siècle après Béatrice (1992)
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À la fin du XXe siècle, lors d’une conférence au Caire, un scientifique français achète sur un marché des fèves de scarabée auxquelles la tradition prête le pouvoir de favoriser la naissance de garçons. À son retour, il rencontre Clarence, une journaliste qui deviendra sa compagne et la mère de leur fille Béatrice.
Cette naissance heureuse contraste avec un phénomène alarmant qui se propage : les naissances féminines diminuent de manière drastique à travers le monde. Le couple découvre qu’une mystérieuse substance, inspirée des fèves traditionnelles, circule désormais sur le marché pharmaceutique. Son effet est irréversible : les hommes qui la consomment n’engendrent plus que des fils. Une course contre la montre s’engage pour éviter la catastrophe démographique.
Publié en 1992, ce roman d’anticipation résonne encore aujourd’hui avec une troublante actualité. La narration à la première personne évoque le journal d’un témoin privilégié qui observe, impuissant, la descente aux enfers d’une humanité aveuglée par ses préjugés ancestraux. Entre fable philosophique et dystopie sociologique, le texte interroge les dérives de la science moderne quand elle se met au service des superstitions les plus archaïques.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 157 pages.
