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Alain en 5 livres majeurs – Notre sélection

Alain en 5 livres – Notre sélection

Émile-Auguste Chartier, dit Alain (1868-1951), est une figure majeure de la philosophie française de la première moitié du XXe siècle. Professeur brillant au lycée Henri-IV, il marque durablement ses élèves dont Simone Weil et Raymond Aron. Son influence s’exerce principalement à travers ses « Propos », courts textes philosophiques publiés quotidiennement dans la presse entre 1906 et 1936.

Bien qu’opposé initialement à la guerre avec l’Allemagne, il s’engage volontairement en 1914 à l’âge de 46 ans. Cette expérience du front le conduit à publier « Mars ou La guerre jugée » (1921), pamphlet pacifiste qui dénonce l’absurdité de la guerre. Dans l’entre-deux-guerres, il devient une figure intellectuelle importante, militant contre la montée des fascismes tout en soutenant paradoxalement les accords de Munich.

Sa philosophie, d’inspiration cartésienne, se caractérise par son refus des systèmes et son style fragmentaire. Méfiant envers les pouvoirs, il défend un libéralisme radical centré sur l’individu et la liberté de jugement. Sa pensée influence considérablement la génération suivante d’intellectuels français, notamment les existentialistes. Une attaque cérébrale en 1936 le contraint au fauteuil roulant, mais il continue d’écrire jusqu’à sa mort en 1951, laissant une œuvre considérable réunie notamment dans quatre volumes de la Pléiade.

Voici notre sélection de ses livres majeurs.


1. Propos sur le bonheur (1925)

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« Propos sur le bonheur », publié en 1925, n’est pas un ouvrage philosophique classique mais un recueil de 93 courts essais d’Émile-Auguste Chartier, dit Alain, parus initialement dans la presse. Chaque essai, limité à quelques pages, traite d’un aspect différent du bonheur et des moyens d’y accéder.

Alain y développe une approche originale du bonheur, non pas comme un état passif qu’il faudrait atteindre, mais comme une conquête quotidienne nécessitant effort et volonté. Il aborde des thèmes divers : l’action contre la mélancolie, l’importance de la gymnastique pour l’équilibre du corps et de l’esprit, la valeur du travail librement choisi, le rôle de la politesse dans les relations humaines ou encore la nécessité de maîtriser ses passions. Sa pensée s’articule autour d’une idée centrale : le bonheur n’est pas un don du destin mais une construction qui demande discipline et persévérance.

Les réflexions d’Alain s’ancrent dans le concret du quotidien, s’appuyant sur des observations précises de comportements humains ou des anecdotes tirées de son expérience d’enseignant. Cette approche pragmatique se double d’une critique des conceptions traditionnelles du bonheur, notamment religieuses, qu’il juge trop passives ou moralisantes.

Ce livre occupe une place singulière dans l’histoire de la philosophie française. Paru au lendemain de la Première Guerre mondiale, il propose une sagesse pratique qui a influencé plusieurs générations d’intellectuels, notamment André Comte-Sponville. La récente découverte de lettres au contenu antisémite a néanmoins terni la réputation de son auteur. Le format particulier de l’ouvrage – des textes courts initialement destinés à la presse – permet une lecture fragmentée qui en a fait le succès. Certains lecteurs y reviennent régulièrement comme à un manuel de sagesse pratique, tandis que d’autres critiquent son optimisme qu’ils jugent naïf.

Aux éditions FOLIO ; 217 pages.


2. Propos sur les pouvoirs (1985)

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Publié en 1985 sous la direction de Francis Kaplan, « Propos sur les pouvoirs » rassemble 142 textes courts rédigés par Alain entre 1906 et 1936. Le philosophe y examine la nature du pouvoir politique et les fondements de la démocratie. Alain y développe sa théorie de l’État, qu’il fait naître non pas du besoin économique mais du sommeil : les hommes, vulnérables pendant leur repos, auraient créé des systèmes de garde mutuelle qui auraient progressivement donné naissance aux structures étatiques.

Alain y décortique ensuite les trois piliers du système démocratique. Le pouvoir exécutif, nécessairement monarchique car l’action exige un décideur unique. Le pouvoir législatif, forcément oligarchique puisque l’élaboration des lois requiert des compétences particulières. Et enfin le pouvoir du « Contrôleur », exercé par les citoyens, qui constitue pour Alain l’essence même de la démocratie : non pas le droit d’élire ses dirigeants, mais la capacité de les surveiller et de les révoquer à tout moment s’ils trahissent l’intérêt général.

Marqué par l’expérience de la Première Guerre mondiale et l’affaire Dreyfus, ce recueil se distingue par son ton mordant envers l’administration militaire et les élites intellectuelles françaises. Les références à Platon, notamment au mythe du bouvier adapté au contexte politique moderne, côtoient des allusions au Léviathan de Hobbes. Sa critique acerbe du pouvoir n’épargne personne : ni les dirigeants, ni les experts, ni même les citoyens ordinaires, tous susceptibles d’être corrompus par l’exercice de l’autorité.

Aux éditions FOLIO ; 384 pages.


3. Propos sur l’éducation (1932)

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Publié en 1932, « Propos sur l’éducation » rassemble 86 courts textes dans lesquels Alain livre sa vision de l’enseignement et de la formation intellectuelle. Le philosophe y développe une pensée originale, à contre-courant des méthodes pédagogiques de son époque. Pour lui, l’école doit avant tout apprendre aux élèves à penser par eux-mêmes plutôt que de chercher à les divertir ou à leur plaire. Il s’oppose ainsi vivement aux « leçons amusantes » et aux pédagogues qui veulent rendre l’apprentissage facile et agréable.

Alain y aborde des thèmes divers : la lecture, l’écriture, les mathématiques, les langues anciennes, la culture classique. Mais au-delà des matières enseignées, Alain insiste sur la nécessité d’exercer la volonté et de former le jugement des élèves. Il défend une école exigeante qui confronte l’enfant à la difficulté, seule capable selon lui de le faire grandir intellectuellement. Le maître doit savoir résister à la tentation de trop expliquer ou de trop aider.

Ces réflexions sur l’éducation s’inscrivent dans un contexte particulier : celui des réformes de l’école républicaine au début du XXe siècle. Le livre apparaît comme une critique des tendances modernes de la pédagogie, notamment de l’influence grandissante de la psychologie et de la sociologie dans l’enseignement. Plusieurs de ses anciens élèves, comme André Maurois ou Simone Weil, ont témoigné de l’influence décisive qu’il avait eue sur leur formation intellectuelle.

Aux éditions PUF ; 388 pages.


4. Mars ou La guerre jugée (1921)

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« Mars ou La guerre jugée », publié en 1921 par le philosophe Alain, constitue une réflexion sur la guerre à partir de son expérience personnelle comme téléphoniste d’artillerie pendant la Première Guerre mondiale. À travers 113 chapitres courts, Alain livre une analyse des mécanismes qui mènent à la guerre et maintiennent son emprise sur les esprits.

Il y démonte méthodiquement les rouages de la machine guerrière : le pouvoir militaire qui écrase l’individu, l’esclavage consenti des soldats, le rôle des chefs qui ordonnent sans risquer leur vie, l’ivresse collective qui pousse au combat, la complicité des intellectuels qui justifient les massacres. Pour Alain, la guerre n’est pas le fruit des intérêts économiques ou des conflits territoriaux, mais celui des passions humaines savamment manipulées par les pouvoirs.

Au cœur de sa démonstration se trouve l’idée que la guerre perdure grâce à l’acceptation passive des citoyens et à leur soumission aux discours belliqueux. Selon lui, seul un refus obstiné de consentir en esprit à la guerre, même quand on doit physiquement y participer, peut conduire à la paix. Il appelle à une résistance intellectuelle contre le fatalisme qui fait croire que la guerre est inévitable.

Ce livre singulier a marqué la pensée pacifiste du XXe siècle par son refus radical de toute justification de la guerre. La force du texte tient à l’alliance entre l’expérience directe du front et la rigueur philosophique de l’analyse. Les observations précises du soldat nourrissent la réflexion du penseur pour démonter les mythes guerriers. Plus qu’un témoignage ou un pamphlet, ce livre propose une véritable philosophie de la paix qui reste d’une actualité saisissante.

Aux éditions FOLIO ; 560 pages.


5. Éléments de philosophie (1916)

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Publiés en 1916, les « Éléments de philosophie » d’Alain se structurent en sept livres qui forment une progression systématique de la pensée.

Le Livre Premier, « De la connaissance par les sens », sonde les mécanismes de la perception. Alain y montre que voir, entendre ou toucher ne sont pas des actes passifs mais impliquent déjà un travail de l’esprit. Le Livre Deuxième, « L’expérience méthodique », analyse comment l’observation scientifique se distingue de l’observation ordinaire et pose les fondements d’une connaissance rigoureuse.

« De la connaissance discursive », le Livre Troisième, aborde les relations entre langage, pensée et logique. Le Livre Quatrième, intitulé « De l’action », s’attache aux concepts du jugement, de l’instinct et du libre arbitre. Le Livre Cinquième, « Des passions », évoque les mouvements de l’âme : bonheur, ennui, jeu, amour, ambition. « Des vertus », le Livre Sixième, convoque les notions de courage, de tempérance, de sincérité et de justice.

Le Livre Septième, « Des cérémonies », clôt l’ouvrage par une méditation sur les rituels sociaux qui organisent la vie collective. Il traite de la solidarité, de la politesse, du mariage, du culte, de l’architecture, de la musique, du théâtre ou encore du fanatisme.

Cette architecture rigoureuse révèle une pensée qui articule théorie et pratique. En pleine Première Guerre mondiale, Alain maintient l’exigence d’une réflexion rationnelle face au désordre de l’histoire.

Aux éditions FOLIO ; 388 pages.

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