Né en 1956 à Paris dans une famille bourgeoise catholique, Xavier-Laurent Petit connaît une scolarité difficile jusqu’en classe de quatrième, année qu’il redouble et qui lui donne le goût d’apprendre. Après des études de philosophie au lycée Saint-Louis-de-Gonzague, il devient instituteur puis directeur d’école. Marié et père de quatre enfants, il vit à Saint-Maur-des-Fossés dans le Val-de-Marne.
C’est lors d’un congé parental d’un an qu’il franchit le pas de l’écriture. En 1994, il publie ses premiers romans policiers chez Critérion avant d’entrer à L’École des loisirs avec « Colorbelle-ébène », qui obtient le prix Sorcières en 1996. Passionné de lecture et grand dévoreur de journaux, il puise souvent son inspiration dans des faits d’actualité qu’il découvre dans la presse. Ses romans pour la jeunesse, régulièrement récompensés, abordent des thématiques contemporaines comme la guerre, la pauvreté, l’environnement ou l’immigration.
Mordu d’alpinisme, Xavier-Laurent Petit partage aujourd’hui son temps entre l’écriture et les voyages, ne pouvant imaginer passer plus d’une année sans partir « loin et haut ». Cette passion pour l’ailleurs nourrit son œuvre, qui emmène ses jeunes lecteurs aux quatre coins du monde dans des aventures aux intrigues haletantes.
Voici notre sélection de ses romans jeunesse.
1. Le fils de l’Ursari (dès 13 ans, 2016)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Dans une région reculée de Roumanie, Ciprian et sa famille perpétuent la tradition des Ursari, ces montreurs d’ours qui se produisent de village en village. Rejetés par la population locale, harcelés par la police, leur situation devient intenable lorsque leur voiture tombe en panne. Deux mystérieux hommes leur proposent alors un marché : partir pour Paris contre le remboursement des frais de voyage. Sans autre option, ils acceptent, abandonnant au passage leur ours Găman.
À Paris, le rêve vire au cauchemar. Installés dans un campement de fortune, ils comprennent qu’ils sont prisonniers d’un réseau mafieux. Pour rembourser leur dette qui ne cesse de croître, toute la famille doit travailler : le père récupère de la ferraille la nuit, la mère et Vera mendient, Dimetriu et Ciprian jouent les pickpockets. C’est lors d’une de ses « missions » que Ciprian découvre par hasard le jardin du Luxembourg et ses joueurs d’échecs. En les observant discrètement jour après jour, il développe une intelligence intuitive du jeu qui changera le cours de son existence.
Autour du livre
« Le fils de l’Ursari » réussit le tour de force de traiter un sujet d’actualité complexe – l’exploitation des migrants roms – à travers le regard naïf mais lucide d’un enfant. Cette double perspective permet d’éviter l’écueil du misérabilisme tout en gardant la gravité nécessaire au propos. Le texte oscille entre moments de tension, notamment lors des confrontations avec les mafieux, et touches d’humour apportées par la candeur de Ciprian.
La dimension sociale s’incarne à travers des personnages emblématiques. D’un côté, les figures menaçantes des passeurs et de leurs sbires illustrent la réalité brutale du trafic d’êtres humains. De l’autre, les bienfaiteurs comme « Madame Baleine » et « Monsieur Énorme » représentent une forme de rédemption possible par l’éducation et la culture. Cette dualité structure l’ensemble du récit, sans jamais tomber dans une opposition simpliste entre « bons » et « méchants ».
Couronné par le Prix Sorcières 2017 dans la catégorie Roman Ados, « Le fils de l’Ursari » a connu une adaptation en bande dessinée en 2019 par Cyrille Pomès. Cette version illustrée, dont les couleurs sont signées Isabelle Merlet, s’est vue décerner le Prix Atomium de la BD Citoyenne, récompensant les œuvres qui suscitent une réflexion éthique et sociétale constructive.
La force du texte réside dans sa capacité à tisser plusieurs fils narratifs : l’histoire personnelle d’un enfant doué, le portrait d’une famille déracinée, et la chronique d’un phénomène social contemporain. Les traditions ancestrales des Ursari se heurtent à la modernité urbaine, créant un contraste saisissant entre deux mondes. Cette tension culturelle se manifeste jusque dans le langage de Ciprian, qui rebaptise avec innocence les lieux et les personnes selon sa propre logique : le « Lusquembourg » pour le Luxembourg, les « tchèquémattes » pour les échecs.
Le dénouement, bien que certains lecteurs le jugent trop optimiste, offre une lueur d’espoir sans occulter la dureté de la réalité sociale dépeinte. Plusieurs critiques soulignent d’ailleurs le silence troublant sur le sort du frère Dimetriu, laissé en suspens, qui rappelle que toutes les histoires d’immigration ne connaissent pas une fin heureuse.
Aux éditions L’ÉCOLE DES LOISIRS ; 316 pages ; Dès 13 ans.
2. Be safe (dès 13 ans, 2007)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Oskar, un lycéen de 16 ans, et son grand frère Jeremy, 18 ans, vivent dans une bourgade désindustrialisée des États-Unis. Inséparables, ils jouent de la musique dans le garage familial et nourrissent des rêves de gloire dans le rock. Un jour, sur le parking du supermarché, Jeremy se fait aborder par des sergents recruteurs qui lui promettent une formation de constructeur de ponts dans l’armée. Sans autre perspective professionnelle, il signe.
La réalité s’avère bien différente des promesses : les instructeurs militaires détectent les aptitudes exceptionnelles de Jeremy au tir et le forment comme tireur d’élite avant de l’envoyer en Irak. Si Jeremy rassure ses parents par des lettres édulcorées, il confie à Oskar, dans des emails confidentiels signés « Be safe » (« soit prudent » ou « reste en vie »), la violence et l’absurdité de son quotidien. À la maison, Oskar se rapproche de Marka, une jeune musicienne dont le frère est également parti au front, et trouve dans la composition musicale un exutoire à son inquiétude.
Autour du livre
Publié en 2007, « Be safe » s’inscrit dans le contexte brûlant de la guerre en Irak, sous la présidence Bush. Sans jamais nommer explicitement le pays où se déroule le conflit, Xavier-Laurent Petit met en lumière les mécanismes de recrutement de l’armée américaine dans les zones économiquement sinistrées. La désindustrialisation et le chômage qui frappent ces petites villes poussent les jeunes sans qualification vers l’engagement militaire, séduits par les promesses d’apprentissage d’un métier et d’un salaire confortable.
Le choix de faire d’Oskar le narrateur permet d’adopter un double regard sur cette réalité. D’un côté, la vie quotidienne d’un lycéen américain avec ses premiers émois amoureux et sa passion pour le rock (The Clash, Pixies, Neil Young, Creedence, Rolling Stones). De l’autre, l’expérience brutale de la guerre relatée dans les emails de Jeremy, qui contrastent avec les lettres rassurantes envoyées aux parents. Cette tension entre deux réalités parallèles structure l’ensemble du récit.
La musique occupe une place centrale : d’abord simple passe-temps entre frères, elle devient pour Oskar et Marka un moyen d’exprimer ce que leurs frères ne peuvent pas dire. Leurs chansons sur les estropiés et les traumatismes de guerre trouvent un écho jusque chez la directrice de leur établissement, témoignant de l’impact collectif du conflit sur la société américaine.
Le succès critique de « Be safe » s’est traduit par de nombreuses récompenses : Prix des dévoreurs de livres, Prix du Livre Historique de Poitiers, Prix littéraire départemental des collégiens de l’Hérault, Prix NRP, Prix Frissons Vercors et Prix Sésame en 2007-2008, puis Prix Sorcières et Prix des lycéens autrichiens en 2009. Cette reconnaissance s’étend jusqu’en Italie avec le Prix Scelte di classe 2012 au festival du livre pour enfants de Rome.
Le livre soulève aussi la question des non-dits familiaux et leurs répercussions sur plusieurs générations : le père, ancien du Vietnam, n’a jamais parlé de son expérience à ses fils. Cette dimension transgénérationnelle du traumatisme de guerre ajoute une épaisseur supplémentaire au propos antimilitariste. Par sa construction intelligente et sa sobriété, « Be safe » parvient à dénoncer les ravages de la guerre sans tomber dans le pathos ou la violence gratuite.
Aux éditions L’ÉCOLE DES LOISIRS ; 256 pages ; Dès 13 ans.
3. Mon petit cœur imbécile (dès 8 ans, 2009)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Dans un village africain, Sisanda, neuf ans, vit avec sa mère Maswala, sa grand-mère Thabang et son oncle Bénia. Chaque matin, elle compte les battements de son « petit cœur imbécile », comme elle l’appelle affectueusement. Atteinte d’une grave malformation cardiaque depuis sa naissance, la fillette ne peut ni courir, ni jouer, ni même crier. Seule une opération coûteuse en Europe pourrait la sauver, mais sa famille de bergers n’a pas les moyens de réunir la somme astronomique d’un million de kels.
L’espoir renaît le jour où sa mère Maswala découvre qu’un marathon se tiendra dans la ville de Kamjuni, avec une récompense équivalente au montant nécessaire pour l’opération. Surnommée « Mamantilope » pour son habitude de courir pieds nus dans les collines, elle décide de participer à la course. Tout le village se mobilise : on vend même une chèvre pour payer l’inscription, tandis que Maswala s’entraîne sans relâche. Hélas, un scorpion la pique à trois semaines de l’échéance, mettant en péril sa participation et l’espoir de sauver sa fille.
Autour du livre
« Mon petit cœur imbécile » s’inspire d’une histoire vraie, ce qui confère au récit une dimension particulièrement émouvante. À travers l’histoire de Sisanda, Xavier-Laurent Petit met en lumière la réalité des inégalités d’accès aux soins médicaux en Afrique, sans jamais tomber dans le pathos ou le misérabilisme.
La narration à la première personne permet d’entrer dans l’intimité de cette fillette de neuf ans, dont l’intelligence exceptionnelle en mathématiques contraste avec la fragilité de son corps. Cette dualité se manifeste notamment dans sa façon obsessionnelle de compter les battements de son cœur et de calculer précisément depuis combien de jours elle survit à sa maladie. Les chapitres très courts, d’une moyenne de trois pages, créent un rythme syncopé qui fait écho aux pulsations cardiaques de la narratrice.
Le livre dépeint une Afrique chaleureuse où la famille, le village et les croyances séculaires occupent une place centrale. La description minutieuse de la vie quotidienne des habitants, entre traditions et modernité, ancre le récit dans une réalité tangible : l’arrivée de la télévision constitue un événement majeur, et tout le village sait quand quelqu’un reçoit une lettre. Cette authenticité se retrouve également dans la représentation des personnages secondaires, comme la grand-mère Thabang, mi-chamane mi-guérisseuse, qui incarne la persistance des traditions.
Le livre existe aussi en version audio, portée par la comédienne Alice Butaud et rythmée par des percussions africaines. Destiné initialement aux jeunes lecteurs à partir de 8 ans, « Mon petit cœur imbécile » transcende les âges grâce à son traitement nuancé des thèmes universels comme l’amour maternel, la persévérance et la solidarité.
Aux éditions L’ÉCOLE DES LOISIRS ; 160 pages ; Dès 8 ans.
4. L’attrape-rêves (dès 13 ans, 2009)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Au cœur d’une vallée montagneuse isolée vit Louise, une adolescente qui partage son quotidien avec son père depuis que sa mère les a quittés sans explication. Dans ce village replié sur lui-même où la scierie fait vivre l’ensemble des habitants, les traditions se perpétuent de génération en génération et la méfiance envers les étrangers fait loi.
L’arrivée de Chems, un adolescent différent qui s’installe avec sa mère dans une caravane au cœur des bois, bouleverse le quotidien de Louise. Attirée par ce nouveau venu que tous rejettent, elle se trouve tiraillée entre ses sentiments naissants et la pression d’une communauté hostile à toute présence étrangère. La situation se complique davantage lorsque la scierie menace de fermer ses portes. Un projet de construction d’un barrage titanesque apparaît alors comme l’unique solution pour sauver économiquement la vallée, au prix de sa destruction écologique.
Autour du livre
« L’attrape-rêves » se construit autour de plusieurs thématiques qui s’entremêlent avec brio. Les relations humaines y occupent une place centrale : la communication difficile entre un père et sa fille marque profondément le récit, tout comme l’amour naissant entre deux adolescents que tout semble opposer. La question du racisme ordinaire et du rejet de l’étranger traverse l’ensemble des pages, incarnée par une communauté repliée sur elle-même qui refuse instinctivement toute présence extérieure.
Les personnages féminins se distinguent particulièrement. Dolores, la conductrice du car scolaire, émerge comme une figure singulière dans ce monde dominé par les hommes. Son parcours, marqué par la maladie, lui permet de briser le mur du silence et d’accompagner Louise dans son émancipation. La place des femmes dans cette société traditionnelle constitue d’ailleurs un fil rouge significatif : entre la mère de Louise qui a fui cet environnement étouffant et Louise elle-même qui cherche sa voie, la question de l’émancipation féminine imprègne chaque page.
L’environnement naturel ne se limite pas à un simple décor : la vallée, ses forêts et sa faune sauvage participent activement à l’intrigue. Le projet de barrage cristallise les tensions entre préservation écologique et survie économique, donnant à l’œuvre une résonance contemporaine évidente. Cette dimension écologique s’inscrit dans une réflexion plus large sur la modernité et ses impacts sur les communautés traditionnelles.
Xavier-Laurent Petit tisse ces différentes problématiques sans jamais tomber dans le manichéisme. Les personnages, même les plus hostiles, conservent leur complexité : le père de Louise, d’abord présenté comme un homme buté et traditionnel, révèle progressivement une sensibilité insoupçonnée. Cette nuance dans le traitement des caractères permet d’éviter les écueils de la caricature, offrant une lecture qui interpelle autant les adolescents que les adultes.
Aux éditions L’ÉCOLE DES LOISIRS ; 272 pages ; Dès 13 ans.
5. Itawapa (dès 13 ans, 2013)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Dans la moiteur de la forêt amazonienne, Talia a reçu un dernier message laconique de sa mère : « Je n’ai plus que quelques minutes d’électricité… Ne t’inquiète pas, tout va bien ». Mais depuis quarante-huit jours, le silence. Juana Zabrosky, anthropologue de métier, a disparu alors qu’elle tentait de protéger Ultimo, l’ultime survivant d’une tribu indienne, face aux ravages des compagnies pétrolières.
L’adolescente de seize ans refuse d’attendre plus longtemps. Accompagnée de son grand-père et d’un inspecteur de police, elle s’engage dans une expédition périlleuse au cœur de deux cents kilomètres carrés de forêt vierge. Entre les marais hostiles et la végétation dense, le trio affronte les dangers de la jungle pour retrouver la trace de Juana. Une aventure qui conduira Talia vers des révélations inattendues sur ses origines.
Autour du livre
Avec « Itawapa », publié en 2013 par L’École des Loisirs, Xavier-Laurent Petit mêle habilement fiction et réalité. Le personnage d’Ultimo s’inspire directement de l’histoire de « l’Indien au trou », un homme vivant à l’ouest de Rondônia, près de la ville de Corumbiara. Ce dernier survivant d’une tribu probablement décimée dans les années 80-90 subsiste seul dans la forêt, refusant tout contact avec la civilisation. Il est depuis mort en août 2022.
La dimension écologique s’affirme sans lourdeur ni moralisme. La forêt amazonienne surgit comme un personnage à part entière qui transforme chacun des protagonistes. Entre bruissements incessants, orages et pluie continuelle, l’atmosphère moite et oppressante imprègne chaque page. Les descriptions évitent les clichés sur la société brésilienne, témoignant d’une connaissance intime du terrain.
Xavier-Laurent Petit articule plusieurs thématiques fortes : la déforestation, le massacre des populations autochtones, la cupidité des compagnies pétrolières face aux enjeux humains. Mais ces sujets graves se fondent naturellement dans une quête identitaire et familiale. Les cartes de tarot tirées par Talia ajoutent une touche de mysticisme qui enrichit la trame narrative.
La construction en deux temps – un prologue dans les années 70 suivi de l’histoire contemporaine – permet de tisser subtilement les fils de l’intrigue. Si le dénouement peut sembler prévisible pour un lecteur adulte, la force du récit réside dans la justesse des émotions et la profondeur des relations entre les personnages. La forêt amazonienne devient alors un lieu d’émotions, de peurs et de solitude, mais aussi de vie intense où s’entremêlent passé et présent.
Aux éditions L’ÉCOLE DES LOISIRS ; 224 pages ; Dès 13 ans.