Thomas Wolfe naît le 3 octobre 1900 à Asheville, en Caroline du Nord, benjamin d’une famille de huit enfants. Son père est tailleur de pierre et sa mère, femme d’affaires avisée, gère une pension de famille où le jeune Thomas passe une grande partie de son enfance.
Brillant étudiant, il entre à l’Université de Caroline du Nord à seulement 15 ans, où il développe sa passion pour l’écriture théâtrale. Après l’obtention de son diplôme en 1920, il poursuit ses études à Harvard, où il étudie l’art dramatique sous la direction de George Pierce Baker.
En 1924, Wolfe commence à enseigner l’anglais à l’Université de New York. Sa vie prend un tournant décisif lorsqu’il rencontre Aline Bernstein en 1925, une femme mariée de dix-huit ans son aînée, qui devient sa maîtresse et l’encourage dans son écriture. C’est pendant cette période qu’il entreprend la rédaction de son premier roman, « Look Homeward, Angel », publié en 1929.
Le succès de ce roman autobiographique, qui déclenche un scandale dans sa ville natale d’Asheville, est suivi par « Le Temps et le Fleuve » en 1935. Wolfe travaille en collaboration avec l’éditeur Maxwell Perkins, qui l’aide à structurer ses œuvres monumentales, bien que leur partenariat finisse par créer des tensions.
La carrière prometteuse de Wolfe est brutalement interrompue lorsqu’il contracte une tuberculose miliaire lors d’un voyage dans l’Ouest américain. Il meurt le 15 septembre 1938 à Baltimore, à l’âge de seulement 37 ans, laissant derrière lui des textes qui influencent de nombreux écrivains américains, dont Jack Kerouac et Ray Bradbury. Il est considéré comme l’un des auteurs importants de la Renaissance du Sud aux États-Unis.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Look Homeward, Angel (1929)
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Résumé
1900, Altamont, une petite ville de Caroline du Nord. Eugene Gant naît dans une famille dysfonctionnelle. Son père Oliver, marbrier spécialisé dans les monuments funéraires, se bat contre l’alcoolisme tandis que sa mère Eliza dirige une pension de famille avec une avarice maladive. Dernier né d’une fratrie de six enfants, Eugene se révèle rapidement différent des autres : brillant à l’école, passionné de littérature, il étouffe dans cet environnement familial conflictuel.
À seize ans, il obtient une bourse pour l’Université de Caroline du Nord. Là-bas, malgré sa maladresse sociale qui fait de lui la risée de ses camarades, il s’épanouit intellectuellement et commence à écrire. Sa première histoire d’amour avec Laura James, une pensionnaire de vingt-et-un ans, se solde par une déception qui le hantera pendant deux ans. Tandis que son frère Ben lutte contre une pneumonie qui lui sera fatale, Eugene doit faire un choix : rester dans sa ville natale comme le souhaite sa mère, ou partir à Harvard pour poursuivre ses études.
Autour du livre
Thomas Wolfe puise dans sa propre existence pour écrire ce premier roman. L’ange qui donne son titre au livre provient d’une statue que son père, William Oliver Wolfe, installa à New York pour orner la devanture de son magasin de monuments funéraires. Cette statue fut vendue en 1906 à une famille de Hendersonville avant d’être transférée au cimetière d’Oakdale. Le titre s’inspire également du poème « Lycidas » de John Milton. Le manuscrit original, intitulé « The Building of a Wall » puis « O Lost », subit d’importantes modifications sous la direction de l’éditeur Maxwell Perkins qui en supprima 60 000 mots avant publication.
Wolfe transcende le simple récit autobiographique pour brosser un tableau saisissant du Sud des États-Unis au début du XXe siècle. À travers le prisme d’une famille déchirée, il dépeint une société marquée par la ségrégation raciale, l’alcoolisme, les troubles mentaux et une vision profondément cynique de la Première Guerre mondiale. La tuberculose, bien que rarement nommée explicitement, projette son ombre mortifère sur l’ensemble du récit – une maladie qui emportera d’ailleurs l’auteur quelques années plus tard.
Les figures parentales incarnent deux forces antagonistes qui façonnent le protagoniste. Le père, malgré son alcoolisme, représente une certaine grandeur : il lit Shakespeare, encourage sa fille à réciter de la poésie et entretient de grands feux symboliques dans la maison. La mère, obsédée par l’argent et l’immobilier, néglige ses enfants au point d’oublier parfois leur existence. Cette dualité nourrit chez Eugene un désir d’évasion qui structure toute l’œuvre.
Les critiques contemporains saluèrent unanimement la parution du livre en 1929. William Faulkner considérait Thomas Wolfe comme l’écrivain américain le plus important de sa génération. Toutefois, certains critiques comme Harold Bloom et James Wood lui ont par la suite reproché son manque de discipline et sa tendance à l’autobiographie sans forme. Le romancier Kurt Vonnegut affirma que sa lecture avait changé sa vie à l’époque de son diplôme universitaire.
La pièce adaptée par Ketti Frings connut un grand succès à Broadway avec 564 représentations entre 1957 et 1959, remportant le Prix Pulitzer et le New York Drama Critics’ Circle Award. Une version musicale intitulée « Angel » fut créée en 1978 mais ne resta à l’affiche que neuf jours. En 1972, la chaîne NBC diffusa une adaptation télévisée avec Timothy Bottoms dans le rôle d’Eugene Gant. Plus récemment, en 2016, le film « Genius » avec Jude Law et Colin Firth retrace la relation entre Thomas Wolfe et son éditeur Maxwell Perkins.
Aux éditions BARTILLAT ; 585 pages.
2. Le Temps et le Fleuve (1935)
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Résumé
Années 1920. Eugene Gant, un jeune homme animé par une soif insatiable de connaissances et d’expériences, quitte sa petite ville de Caroline du Nord pour étudier à l’université de Harvard. Ce départ marque le début d’une quête identitaire qui le mènera des salles de cours prestigieuses aux rues trépidantes de New York, puis jusqu’aux rivages européens.
À Harvard, Eugene se lie d’amitié avec Francis Starwick, un être brillant et énigmatique qui chamboule sa vision du monde. Mais tandis qu’il tente de s’accomplir comme écrivain et cherche sa place dans l’univers new-yorkais où il enseigne l’anglais, la maladie de son père le rappelle brutalement à ses origines sudistes.
Tiraillé entre son désir d’émancipation et ses attaches familiales, entre son ambition artistique et la réalité prosaïque, Eugene parcourt bientôt l’Angleterre puis la France, portant en lui cette « faim » dévorante propre à la jeunesse : celle de vouloir tout connaître, tout comprendre, tout ressentir. « Le Temps et le Fleuve » déploie ainsi le portrait d’un jeune artiste confronté à la fuite du temps, aux désillusions de l’âge adulte et à la quête impossible d’absolu qui caractérise les années de formation.
Autour du livre
« Le Temps et le Fleuve » naît d’un manuscrit monumental de 5000 pages, fruit de la collaboration entre Thomas Wolfe et son éditeur Maxwell Perkins chez Scribners. Il aboutit à un ouvrage de près de 1000 pages, qui devient le troisième livre le plus vendu de l’année 1935 selon Publishers Weekly. Une partie du manuscrit original, « The Good Child’s River », qui se concentre sur le personnage d’Esther Jack (inspiré d’Aline Bernstein), n’a jamais été dactylographiée et reste conservée dans les archives de la bibliothèque Houghton de Harvard.
Le livre se démarque par son ampleur thématique. Wolfe y dépeint l’Amérique des années 1920 à travers le prisme d’une conscience tourmentée par la fugacité du temps. Le récit oscille entre la chronique d’une époque et les tourments intérieurs d’un jeune artiste. Les critiques de l’époque se divisent entre ceux qui, comme William Faulkner, considèrent Wolfe comme l’un des plus grands romanciers américains, et ceux qui lui reprochent ses excès lyriques et son incapacité à structurer ses récits. Le roman séduit toutefois par sa capacité à saisir l’essence de l’expérience américaine, dans la lignée de Walt Whitman, tout en évitant l’écueil du nationalisme.
« Le Temps et le Fleuve » connaît plusieurs adaptations, dont une version pour la Hallmark Hall of Fame en 1953, avec Thomas Mitchell dans le rôle de William Oliver Gant. Le compositeur anglais John McCabe s’en inspire également pour sa Quatrième Symphonie, qu’il sous-titre « Of Time and the River ». Plus récemment, la phase d’édition du roman occupe une place centrale dans le film « Genius » (2016), qui retrace la relation entre Wolfe et son éditeur Maxwell Perkins.
Aux éditions BARTILLAT ; 1033 pages.