Robert Silverberg, né le 15 janvier 1935 à Brooklyn (New York), est l’un des auteurs les plus prolifiques de la science-fiction américaine. Sa carrière démarre de façon précoce : il publie sa première nouvelle à 18 ans et son premier roman « Révolte sur Alpha C » un an plus tard. À 20 ans, il reçoit le prix Hugo de l’auteur le plus prometteur.
Entre 1957 et 1959, il écrit plus de 200 nouvelles et une dizaine de romans, souvent sous divers pseudonymes. Après la faillite du principal distributeur de pulps en 1958, il se diversifie dans différents genres (western, super-héros) et publie même des ouvrages historiques et archéologiques.
La période 1968-1975 marque l’apogée de sa création littéraire avec des œuvres majeures comme « L’homme dans le labyrinthe » (1968), « Les ailes de la nuit » (1969), et « Le livre des crânes » (1972). Lassé du monde de l’édition, il prend une première retraite en 1975.
Il revient à l’écriture en 1979 avec le « Cycle de Majipoor », dont le premier tome « Le château de Lord Valentin » (1980) devient son plus grand succès commercial. Au cours de sa carrière, il reçoit de nombreuses distinctions dont quatre prix Hugo, cinq prix Nebula et huit prix Locus. En 2004, il est nommé Grand Master par la « Science Fiction and Fantasy Writers of America ».
Divorcé de sa première femme Barbara Brown en 1986, il épouse en 1987 Karen Haber, également autrice de science-fiction. Le couple réside à San Francisco.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Les monades urbaines (1971)
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En 2381, l’humanité a trouvé une solution radicale à la surpopulation : entasser 75 milliards d’êtres humains dans d’immenses tours de 3000 mètres de haut baptisées « monades ». Ces cités verticales de mille étages abritent chacune près d’un million d’individus, stratifiés selon leur rang social : les plus pauvres occupent la base, tandis que l’élite domine les hauteurs. La monade 116 abrite à elle seule près de 900 000 habitants.
Pour maintenir l’harmonie dans cet environnement ultra-dense, une liberté sexuelle totale règne : les hommes circulent la nuit d’appartement en appartement, et nul ne peut refuser un partenaire. La procréation est érigée en devoir sacré. Les couples se forment dès la puberté et les familles nombreuses sont la norme. L’intimité n’existe plus, la propriété privée non plus. Les « anomos », ces marginaux qui rejettent le système, sont rapidement éliminés.
À travers sept récits interconnectés, nous suivons différents habitants de la monade 116. Chacun va, à sa manière, se heurter aux limites de ce monde en apparence parfait.
Publié en 1971, ce texte s’inscrit dans le contexte de la révolution sexuelle et des inquiétudes démographiques de l’époque. Les thèmes de la liberté individuelle face au totalitarisme et du contrôle social par le plaisir en font l’une des dystopies majeures des années 70, régulièrement citée aux côtés du « Meilleur des mondes » d’Huxley.
Aux éditions ROBERT LAFFONT ; 352 pages.
2. L’homme dans le labyrinthe (1968)
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Sur la planète Lemnos se dresse un mystérieux labyrinthe extraterrestre aux dimensions d’une ville. Construit il y a un million d’années par une civilisation disparue, ce dédale mortel a tué tous ceux qui ont tenté d’y pénétrer. Tous, sauf Richard Muller. Depuis neuf ans, cet ancien diplomate terrien y vit en ermite, préférant la solitude aux contacts humains devenus insupportables depuis qu’une mission auprès d’aliens l’a radicalement transformé.
La Terre est maintenant menacée par une race extraterrestre hostile. Charles Boardman, manipulateur cynique, et Ned Rawlins, jeune idéaliste, sont envoyés sur Lemnos pour en extraire Muller. Sa mystérieuse affliction pourrait s’avérer cruciale pour sauver l’humanité. Mais comment convaincre un homme de revenir parmi les siens quand sa simple présence provoque dégoût et répulsion ?
Publié en 1968, ce roman transpose le mythe de Philoctète dans un cadre de science-fiction. L’histoire du héros grec blessé et abandonné sur une île déserte se mue en une méditation sur la solitude et le rejet. Les thèmes de l’hybris (la démesure des Grecs) et de la manipulation politique s’entremêlent dans ce huis clos psychologique qui questionne les limites de l’humanité face à l’altérité.
Aux éditions J’AI LU ; 320 pages.
3. Cycle de Majipoor – Le château de Lord Valentin (1980)
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Sur la planète géante Majipoor, colonisée par les humains depuis plus de 14 000 ans, Valentin se réveille sans le moindre souvenir. À l’approche de la ville de Pidruid, il intègre une troupe de jongleurs itinérants, dirigée par des Skandars, créatures à quatre bras. Alors que la cité s’apprête à recevoir Lord Valentin le Coronal, l’un des quatre dirigeants de ce monde, d’étranges rêves tourmentent le jeune amnésique.
Une voyante lui révèle une vérité stupéfiante : il serait le véritable Coronal, dépossédé de son corps et de son pouvoir par un usurpateur. Accompagné de ses nouveaux amis saltimbanques, dont la séduisante Carabella, Valentin entreprend alors un périlleux périple vers le Mont du Château, siège du pouvoir situé à 50 kilomètres d’altitude. Sur sa route l’attendent des plantes carnivores, des dragons-mammifères et des rapides tumultueux.
Publié en 1980, ce premier tome du cycle de Majipoor entrelace avec brio science-fiction et fantasy. Le système politique original, reposant sur quatre piliers dont un Roi des Rêves chargé de punir les criminels par des cauchemars, insuffle une dimension onirique singulière au récit. Couronné par le prix Locus en 1981, le roman a fait l’objet d’une adaptation en bande dessinée en 2009 par Olivier Jouvray et David Ratte.
Aux éditions ROBERT LAFFONT ; 720 pages.
4. Cycle de Gilgamesh – Gilgamesh, roi d’Ourouk (1984)
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Dans la Mésopotamie antique, vers 2500 av. J.-C., Gilgamesh règne sur la cité d’Ourouk. Colosse aux deux tiers divin et au tiers humain, il gouverne en despote éclairé mais souffre d’une profonde solitude, malgré ses mille femmes et ses nombreux courtisans. Un jour, il rencontre Enkidou, un sauvageon aussi puissant que lui, change sa vie. Les deux hommes deviennent inséparables et affrontent ensemble de multiples périls.
Mais la mort d’Enkidou bouleverse Gilgamesh. Pour la première fois, il réalise que lui aussi devra mourir un jour. Cette perspective lui devient insupportable. Il quitte alors son royaume et part aux confins du monde à la recherche de l’immortalité. Son périple le mène jusqu’à Ziusoudra, seul humain à qui les dieux ont accordé la vie éternelle.
Cette adaptation de la plus ancienne épopée connue de l’humanité se distingue par son approche réaliste. Les manifestations surnaturelles du texte original – dieux, monstres et prodiges – trouvent ici des explications rationnelles. Silverberg conserve pourtant l’intensité du mythe en évoquant les thèmes éternels de l’amitié, du pouvoir et de la mortalité. Le récit à la première personne humanise ce roi légendaire et donne une nouvelle dimension à sa quête initiatique, écho aux interrogations de chaque être humain face à sa finitude.
Aux éditions ATALANTE ; 336 pages.
5. Les ailes de la nuit (1969)
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Dans un futur lointain, la Terre n’est plus que l’ombre de sa gloire passée. Les manipulations climatiques ont redessiné les continents et la société s’organise en castes strictes. Un vieux Guetteur, membre d’une confrérie chargée de surveiller le ciel pour prévenir une hypothétique invasion extraterrestre, arrive aux portes de Roum accompagné d’Avluela, une jeune Volante aux ailes diaphanes, et de Gordon, un mystérieux Elfon.
Le destin du Guetteur bascule brutalement quand le Prince de Roum abuse d’Avluela et que Gordon se révèle être un agent infiltré des envahisseurs. La Terre tombe en quelques heures aux mains d’une civilisation extraterrestre jadis humiliée par les humains, qui compte transformer la planète en vitrine mémorielle. Privé de sa mission millénaire, le Guetteur entame une longue errance qui le mène de Perris à la ville sainte de Jorslem.
Construit à partir de trois nouvelles publiées dans « Galaxy Science Fiction » entre 1968 et 1969, ce récit a marqué un tournant dans la carrière de Robert Silverberg. La première partie a remporté le prix Hugo du meilleur roman court en 1969, suivie du prix Apollo en 1976 pour l’œuvre complète. Cette fable post-apocalyptique conjugue les grands thèmes de la science-fiction – mutations génétiques, catastrophe climatique, invasion extraterrestre – avec une dimension mystique qui transcende les codes du genre.
Aux éditions J’AI LU ; 256 pages.
6. La tour de verre (1970)
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Dans les étendues glacées de l’Arctique du XXIIe siècle s’élève une tour de verre démesurée. Son architecte, le milliardaire Siméon Krug, compte y installer un dispositif pour communiquer avec une civilisation extraterrestre dont il a capté les signaux. Ce projet titanesque repose sur le labeur des androïdes, ces êtres artificiels qu’il a lui-même créés et qui forment maintenant l’essentiel de la population mondiale.
Répartis en trois classes selon leurs capacités – les alpha (intellectuels), les bêta (intermédiaires) et les gamma (ouvriers) – ces êtres à la peau rougie ont développé leur propre société parallèle. Dans des chapelles clandestines, ils vouent un culte secret à Krug, leur créateur, tandis que certains militent ouvertement pour obtenir l’égalité des droits. La situation se corse quand Manuel, le fils de Krug, tombe éperdument amoureux d’une androïde.
Alors que la tour monte toujours plus haut vers le ciel, les tensions s’accumulent entre créateur et créatures. L’indifférence de Krug face aux aspirations des androïdes pourrait bien faire basculer leur dévotion en révolte.
Publié en 1970, nommé pour les prix Hugo, Nebula et Locus, ce roman préfigure les questionnements contemporains sur l’intelligence artificielle et la responsabilité de ses créateurs. À travers cette métaphore de l’esclavage, Silverberg livre une réflexion percutante sur le pouvoir, la foi et les limites de l’ambition.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 317 pages.
7. Les profondeurs de la Terre (1971)
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En 2248, la planète Belzagor a retrouvé son indépendance après des années de colonisation terrienne. Edmund Gundersen, qui en fut l’administrateur, revient sur ce monde tropical dix ans après son départ. Il découvre une société transformée où ne subsistent qu’une poignée d’humains, vivant aux côtés des deux espèces autochtones : les Nildoror, êtres intelligents à l’apparence d’éléphants, et les Sulidoror, créatures bipèdes carnivores.
Cette fois, Gundersen ne vient pas en conquérant mais en pèlerin. Il souhaite percer le secret de la cérémonie de la Renaissance, un rite mystique pratiqué par les Nildoror dans les profondeurs du Pays des Brumes. Cette quête le mène à travers les régions les plus sauvages de Belzagor, où il devra affronter non seulement les dangers de la jungle mais aussi ses propres démons.
Ce roman de 1970 s’inscrit dans le contexte brûlant de la décolonisation. À travers cette histoire de rédemption sur une planète lointaine, Silverberg livre une réflexion puissante sur le colonialisme et ses séquelles. Il rend aussi un hommage assumé au chef-d’œuvre de Joseph Conrad, « Au cœur des ténèbres », dont il reprend la trame narrative. Le roman a fait l’objet d’une adaptation en bande dessinée en 2017 par Philippe Thirault et Laura Zuccheri.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 285 pages.
8. Les déportés du Cambrien (1968)
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Dans les années 2000, les États-Unis sont sous l’emprise d’un régime autoritaire, la Syndicature. Pour éliminer toute opposition sans recourir à la peine capitale, le gouvernement déporte ses prisonniers politiques à l’ère du Cambrien, un milliard d’années dans le passé. Sur cette Terre primitive où seuls quelques organismes marins ont émergé, les condamnés doivent apprendre à survivre, isolés de tout, sans espoir de retour possible.
Jim Barrett, figure majeure de la résistance, gère depuis deux décennies la colonie de Hawksbill Station. Entre les ravitaillements irréguliers envoyés du futur, la folie qui guette les prisonniers et les conditions de vie extrêmes, maintenir une forme d’organisation relève du défi quotidien. L’équilibre précaire de cette microsociété va basculer avec l’arrivée de Lew Hahn, un nouveau venu au profil atypique qui ne correspond pas aux habituels militants déportés.
Publié en 1968, ce roman court de Robert Silverberg transpose le concept du goulag dans un cadre de science-fiction. À travers cette prison temporelle dont personne ne peut s’échapper, il interroge les dérives autoritaires et la répression politique, dans un contexte marqué par la Guerre froide et le maccarthysme. D’abord paru sous forme de nouvelle dans le magazine « Galaxy Science Fiction », le texte a été nommé pour les prix Hugo et Nebula avant d’être développé en roman.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 192 pages.
9. Roma Æterna (2003)
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Dans « Roma Aeterna », Robert Silverberg construit une réalité alternative où l’Empire romain aurait perduré jusqu’à nos jours. Tout commence avec l’échec de l’Exode des Hébreux : Moïse et son peuple périssent en mer Rouge. Ce point de divergence initial empêche l’émergence des grandes religions monothéistes, permettant à Rome de maintenir sa puissance et son modèle politique à travers les âges.
Le récit s’articule autour de dix nouvelles qui couvrent quinze siècles d’histoire romaine. On y croise des personnages aux destins entremêlés avec les grands événements de leur temps : un aristocrate découvre les complots qui agitent les bas-fonds de Rome, un agent impérial déjoue la naissance d’une nouvelle religion en Arabie, des légions tentent de conquérir un Nouveau Monde déjà occupé par les Vikings. À chaque époque, l’Empire fait face à de nouveaux défis qui menacent son unité mais parvient toujours à se réinventer.
Publiée en 2003, cette uchronie se distingue par son ambition narrative hors du commun. La documentation historique minutieuse sert un propos qui dépasse la simple réécriture de l’Histoire : comment une civilisation peut-elle traverser les siècles tout en conservant son essence ? Les choix scénaristiques audacieux – comme l’absence totale de religions monothéistes ou la découverte précoce de l’Amérique par les Vikings – créent un monde alternatif cohérent qui questionne notre propre rapport au temps et au progrès.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 544 pages.