Richard Wright naît en septembre 1908 dans une plantation près de Natchez, Mississippi, petit-fils d’esclaves affranchis. Son père, métayer illettré, abandonne la famille quand Richard a six ans. Sa mère Ella, institutrice, élève dès lors seule ses enfants. L’enfance de Wright est marquée par la pauvreté, les déménagements fréquents et une éducation discontinue dans le Sud ségrégationniste.
À 15 ans, il publie sa première nouvelle dans un journal local. Malgré son talent, les difficultés économiques le forcent à quitter l’école pour travailler. En 1927, il prend part à la Grande migration afro-américaine vers le Nord et s’installe à Chicago. Il y découvre la littérature à travers H. L. Mencken et commence à écrire sérieusement. Il adhère au Parti communiste en 1933, mais finira par s’en distancer en 1944.
Sa carrière littéraire décolle avec la publication d’un recueil de nouvelles en 1938, « Les enfants de l’oncle Tom », suivi de son chef-d’œuvre en 1940, « Un enfant du pays », qui devient le premier roman d’un auteur noir sélectionné par le Book of the Month Club. En 1945, il publie son autobiographie « Black Boy », qui raconte son enfance dans le Sud.
Pour échapper au maccarthysme, Wright s’exile en France en 1946, où il se lie avec les intellectuels existentialistes comme Sartre et Camus. Il devient citoyen français et continue à écrire. Il publie notamment « Le transfuge » (1953) et s’essaie à de nouvelles formes d’expression, comme le haïku. Il s’engage également dans la lutte anticoloniale et participe à la conférence de Bandung en 1955.
Richard Wright meurt d’une crise cardiaque à Paris en 1960, à l’âge de 52 ans, laissant derrière lui une œuvre majeure qui continue d’influencer la littérature américaine et la réflexion sur les questions raciales.
Voici notre sélection de ses livres majeurs.
1. Black Boy (récit autobiographique, 1945)
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Résumé
Mississippi, début du XXe siècle. Le jeune Richard Wright grandit au sein d’une société profondément marquée par la ségrégation raciale. À quatre ans, par jeu, il met accidentellement le feu à la maison de ses grands-parents. Cette première anecdote préfigure le tempérament rebelle de l’enfant qui ne cesse de questionner le monde qui l’entoure. Son père, facteur alcoolique, déserte rapidement le foyer familial pour une autre femme, laissant sa mère élever seule Richard et son jeune frère. La famille sombre alors dans une misère extrême.
La maladie foudroie bientôt la mère de Richard, contraignant la famille à se réfugier chez les grands-parents maternels. La grand-mère, fervente adventiste du Septième Jour, règne sur la maisonnée d’une main de fer. Elle tente d’imposer sa foi rigide à Richard en lui interdisant toute lecture autre que la Bible. Mais le garçon, doté d’une intelligence aiguë et d’une curiosité insatiable, se rebelle contre ce carcan religieux. Il dévore en secret des romans qui lui ouvrent les portes d’un autre monde.
L’adolescence de Richard se partage entre des études chaotiques et une succession de petits métiers pour survivre. C’est à cette période qu’il prend conscience de la réalité brutale de la ségrégation. Les humiliations quotidiennes s’accumulent : les Blancs le congédient pour un simple regard jugé trop direct, l’insultent, le menacent. Richard ne parvient pas à adopter l’attitude de soumission attendue des Noirs dans le Sud. Son refus instinctif de courber l’échine le met constamment en danger.
Sa passion pour la lecture se fait plus pressante. Ne pouvant emprunter de livres à la bibliothèque réservée aux Blancs, il obtient la carte d’un collègue blanc compatissant. La découverte des œuvres de H. L. Mencken lui révèle la puissance des mots comme arme contre l’oppression. Malgré les remontrances de sa famille qui ne comprend pas son désir d’écrire, il publie sa première nouvelle dans un journal régional.
À dix-sept ans, Richard quitte Jackson pour Memphis. Cette première étape vers le Nord représente un espoir d’émancipation, mais les préjugés raciaux l’y poursuivent. Pour réunir l’argent nécessaire à son départ vers Chicago, il doit mentir et voler, compromis moral qui le torture. L’horizon s’éclaircit néanmoins : son frère le rejoint à Memphis et ensemble, ils nourrissent le rêve d’une nouvelle vie dans le Nord, loin de la terreur du Sud ségrégationniste. Richard garde en lui l’espoir de devenir écrivain et de témoigner un jour de cette Amérique qui refuse de voir en lui un être humain.
Autour du livre
Écrit en 1943 sous le titre provisoire « Black Confession », ce récit autobiographique paraît en 1945 chez Harper and Brothers. À l’origine, il comprenait vingt chapitres répartis en deux parties : « Southern Night » sur l’enfance de l’auteur dans le Sud, et « The Horror and the Glory » relatant son expérience à Chicago. Mais le Book of the Month Club, prestigieux club de lecture américain, manifeste son intérêt uniquement pour la première partie. Wright accepte donc de scinder son manuscrit. Les chapitres sur Chicago seront publiés séparément en 1977 sous le titre « Une faim d’égalité ».
Wright y restitue avec une lucidité implacable son éveil progressif à la conscience raciale. Son regard acéré dépeint non seulement la brutalité du racisme institutionnalisé mais aussi la complicité des Noirs dans leur propre asservissement, évoquant une communauté paralysée par la peur et incapable de s’émanciper des schémas de soumission. Il s’attarde aussi sur la puissance émancipatrice de la lecture et de l’écriture, seules armes dont il dispose pour résister à l’oppression.
La sincérité brutale de Wright face aux réalités de la ségrégation lui vaut des réactions contrastées. Le sénateur Theodore G. Bilbo dénonce violemment l’ouvrage devant le Sénat en 1945, le qualifiant d’ « obscène » et visant à dresser les Noirs contre les Blancs. Les tentatives de censure se multiplient : le livre est interdit dans plusieurs établissements scolaires du Michigan en 1972, puis contesté en Louisiane, au Tennessee et à New York. L’American Library Association le classe parmi les 81 livres les plus censurés aux États-Unis entre 2000 et 2009.
Une adaptation télévisée voit le jour en 1995 avec le documentaire « Richard Wright – Black Boy ».
Aux éditions FOLIO ; 448 pages.
2. Une faim d’égalité (récit autobiographique, 1977)
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Résumé
En 1927, Richard Wright pose ses valises à Chicago. Son premier contact avec la métropole du Nord bouleverse ses illusions : les rues grises et enfumées, les immeubles noircis par le charbon, une population qui défile mécaniquement dans les artères de la ville sans jamais croiser le regard des autres. À dix-neuf ans, ce jeune homme noir fuit le Sud ségrégationniste, porté par l’espoir d’une vie meilleure.
Les débuts s’avèrent difficiles. Wright enchaîne les emplois précaires : plongeur dans un restaurant où il s’aperçoit qu’une cuisinière crache dans la soupe des clients, employé d’assurance exploitant la misère des quartiers noirs, manutentionnaire dans un laboratoire médical. Ses collègues s’étonnent de le voir lire des magazines pendant ses pauses. La nuit, il dévore Proust et des revues de sociologie, qui nourrissent son ambition d’écriture malgré l’épuisement.
La rencontre avec le John Reed Clubs, une organisation d’écrivains affiliée au Parti communiste, marque un tournant. Wright croit enfin trouver un espace où ses aspirations artistiques et son combat contre l’injustice sociale peuvent s’épanouir. Il publie quelques articles dans le magazine Left Front et s’implique dans les activités du Parti. Cependant, l’enthousiasme initial cède progressivement la place au désenchantement. Les cadres du Parti exigent une soumission totale aux directives idéologiques, surveillent ses écrits, questionnent son individualité.
La vie à Chicago s’avère plus rude que prévu. Si le racisme s’exprime différemment dans le Nord, il n’en demeure pas moins présent. Wright observe ses compatriotes noirs, récemment arrivés du Sud, qui peinent à décoder les codes sociaux du Nord. La crise de 1929 frappe durement la communauté. Entre la faim physique, qui tenaille les corps, et la faim spirituelle d’une reconnaissance pleine et entière, Wright tente de tracer sa voie d’écrivain, confronté à un choix déchirant : préserver son intégrité artistique ou se plier aux exigences du Parti, qui prétend parler au nom des opprimés.
Autour du livre
En 1944, alors que Richard Wright s’apprête à publier son autobiographie complète sous le titre « American Hunger », son éditeur lui suggère de scinder l’ouvrage en deux parties. Seule la première partie, qui relate son enfance dans le Sud, intitulée « Black Boy », paraît en 1945. Elle rencontre un succès retentissant avec plus de 500 000 exemplaires vendus. La seconde partie, couvrant ses années à Chicago, ne sera publiée qu’en 1977, soit dix-sept ans après sa mort, bien que certains extraits aient paru dans des magazines comme Atlantic Monthly et Mademoiselle.
Si « Black Boy » dénonçait la brutalité du racisme dans le Sud, « Une faim d’égalité » dépeint une forme plus insidieuse d’oppression dans le Nord. La ségrégation, bien que moins visible qu’au Sud, persiste à travers des mécanismes plus subtils. Wright met en lumière le désarroi des migrants noirs face à une liberté nouvelle mais piégée, où la survie quotidienne se heurte aux préjugés tenaces. L’épigraphe tirée d’un chant populaire noir – « Sometimes I wonder… if other people wonder… just like I do! » – traduit cette quête existentielle d’un homme en lutte pour sa dignité intellectuelle.
La critique salue unanimement la puissance du témoignage. Pour Jessica Schneider, Richard Wright excelle particulièrement dans sa description des contradictions entre l’aspiration artistique et les contraintes politiques. Les passages consacrés au Parti communiste révèlent comment Wright doit naviguer avec la même prudence parmi ses camarades qu’autrefois dans le Sud ségrégationniste. Kirkus Review souligne la valeur historique du texte, notamment pour ses portraits nuancés des militants noirs américains confrontés à de nouvelles formes d’exploitation. Quelques critiques notent toutefois que le livre n’atteint pas la même intensité narrative que « Black Boy ». L’accent mis sur les débats politiques au sein du Parti communiste ralentit parfois le récit.
Aux éditions FOLIO ; 245 pages.
3. Un enfant du pays (roman, 1940)
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Résumé
Chicago, années 1930. Bigger Thomas, jeune Noir de vingt ans, survit dans une chambre insalubre du South Side avec sa mère, son frère et sa sœur. Rongé par la rage face aux injustices raciales qui limitent ses possibilités, il passe ses journées à traîner avec sa bande, oscillant entre petits larcins et rêves impossibles.
Sa vie bascule lorsqu’il décroche un poste de chauffeur chez les Dalton, une famille blanche fortunée. Son employeur, propriétaire de nombreux immeubles du ghetto noir, se présente comme un bienfaiteur de la communauté afro-américaine. Sa fille Mary, jeune femme aux idées progressistes, et son petit ami Jan, militant communiste, tentent d’établir avec Bigger une relation d’égal à égal qui le met profondément mal à l’aise.
Un soir, après avoir raccompagné Mary ivre morte chez elle, Bigger commet l’irréparable : terrorisé d’être découvert dans la chambre d’une Blanche par Mrs Dalton, il étouffe accidentellement la jeune femme avec un oreiller. Pour dissimuler son crime, il décapite le corps et le brûle dans la chaudière de la maison. Alors que la police le traque à travers la ville, Bigger s’enfonce dans une spirale de violence…
Autour du livre
Pour écrire « Un enfant du pays », Richard Wright s’inspire notamment de l’arrestation et du procès de Robert Nixon en 1938, un jeune homme noir exécuté l’année suivante pour une série de meurtres à Los Angeles et Chicago. L’audace de Wright réside dans sa construction d’un protagoniste délibérément antipathique. Bigger Thomas n’est pas la victime innocente d’une erreur judiciaire, mais l’auteur de crimes brutaux. Ce choix radical force le lecteur à confronter des questions dérangeantes sur la responsabilité individuelle et collective. La violence de Bigger devient le symptôme d’une société malade, où la ségrégation et l’oppression systémique créent les monstres qu’elles prétendent combattre.
À sa sortie en mars 1940, « Un enfant du pays » connaît un succès fulgurant avec 250 000 exemplaires vendus en trois semaines. Le Book of the Month Club exige toutefois la suppression de certains passages jugés trop crus, notamment une scène de masturbation dans un cinéma. Il faut attendre 1991 pour que la Library of America publie la version intégrale, accompagnée de l’essai « How ‘Bigger’ Was Born ».
La critique salue la puissance du roman. Irving Howe écrit en 1963 que « le jour où ‘Un enfant du pays’ est paru, la culture américaine a changé pour toujours ». James Baldwin, en revanche, critique en 1948 ce qu’il considère comme de la « littérature de protestation ». Le roman figure aujourd’hui à la 20ème place des cent meilleurs romans du XXe siècle selon la Modern Library.
« Un enfant du pays » connaît trois adaptations cinématographiques majeures. La première version (1951), tournée en Argentine par Pierre Chenal, voit Wright lui-même incarner Bigger Thomas, malgré ses quarante-deux ans. La deuxième adaptation paraît en 1986, suivie d’une version HBO en 2019 avec Ashton Sanders dans le rôle principal. Au théâtre, la pièce adaptée par Wright et Paul Green est mise en scène par Orson Welles en 1941, avec Canada Lee dans le rôle de Bigger. Plus récemment, l’adaptation de Nambi E. Kelley au Court Theatre de Chicago (2014) rencontre un succès considérable et devient la pièce la plus lucrative des soixante ans d’histoire de l’établissement.
Aux éditions FOLIO ; 576 pages.
4. L’homme qui vivait sous terre (nouvelle, 1942)
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Résumé
Dans l’Amérique ségrégationniste des années 1940, Fred Daniels, un jeune Noir, est employé de maison et attend avec impatience la naissance de son premier enfant. Un soir, alors qu’il rentre chez lui avec sa paie de la semaine, trois policiers blancs l’arrêtent arbitrairement. Un double meurtre vient d’être commis dans le quartier où il travaille, et sa seule présence sur les lieux suffit à en faire un suspect idéal. Malgré ses protestations d’innocence, les policiers le torturent jusqu’à lui arracher des aveux. « Je crois qu’il fera l’affaire », déclare l’un d’eux.
Lorsque les policiers l’autorisent à rendre visite à sa femme qui vient d’accoucher, Fred en profite pour se faire la belle. Dans un geste désespéré, il se réfugie dans les égouts de la ville. Commence alors une étrange odyssée souterraine qui ébranlera durablement sa perception de la réalité et de la société des hommes…
Autour du livre
Cette nouvelle, écrite entre 1941 et 1942, n’a pas pu être publiée dans sa version intégrale du vivant de Richard Wright. Les éditeurs, effrayés par la description sans fard des violences policières contre les Noirs, l’ont refusé. Seule une version abrégée a pu paraître. Le texte complet n’a été publié qu’en 2021, soit plus de soixante ans après la mort de son auteur, grâce à un accord entre la Library of America et les ayants droit de Wright.
« L’homme qui vivait sous terre » occupe une place singulière dans la bibliographie de Wright, qui le considérait comme son texte le plus inspiré. Il y mêle réalisme brutal et dimension allégorique avec une maîtrise remarquable. La première partie dépeint sans concession la réalité du racisme systémique, tandis que la partie souterraine bascule dans une narration quasi onirique. Cette dualité fait écho à l’essai « Souvenirs de ma grand-mère », publié en complément de la nouvelle, dans lequel Wright révèle avoir voulu créer un personnage qui, comme son aïeule adventiste, vit simultanément dans et hors du monde. Il compare d’ailleurs la structure de son récit à un morceau de jazz, où les images et symboles s’improvisent autour d’une ligne de basse continue.
Gene Seymour de CNN considère « L’homme qui vivait sous terre » comme « indispensable » et le qualifie de « jalon de la littérature afro-américaine ». Kiese Laymon va plus loin en affirmant que toute liste des plus grands écrivains du XXe siècle qui ne commence et ne finit pas par Richard Wright est « risible ». The Guardian met en exergue la pertinence troublante du roman face aux événements récents, notamment l’affaire George Floyd en 2020.
Un projet d’adaptation cinématographique a été annoncé en juin 2021. Kenya Barris doit porter l’œuvre à l’écran pour Paramount, preuve supplémentaire de la résonnance contemporaine de ce texte écrit il y a plus de quatre-vingts ans.
Aux éditions FOLIO ; 128 pages.
5. Les enfants de l’oncle Tom (recueil de nouvelles, 1938)
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Résumé
« Les enfants de l’oncle Tom » est un recueil de cinq nouvelles.
« Le départ de Big Boy ». Par une chaude journée, quatre adolescents afro-américains décident de sécher l’école pour aller nager. Ils se dirigent vers un étang privé, propriété d’un militaire blanc, malgré l’interdiction formelle faite aux Noirs de s’y baigner. Sur place, une femme blanche les surprend et alerte son mari. La situation dégénère rapidement : le propriétaire tire et tue deux des adolescents. Dans un geste désespéré de légitime défense, Big Boy tue l’homme blanc. Une foule vengeresse se forme bientôt autour des deux survivants.
« Sur la rive du fleuve ». Dans le Sud profond, une famille afro-américaine se retrouve piégée par une inondation catastrophique. Le père doit conduire d’urgence sa femme enceinte et malade jusqu’à l’hôpital. Les eaux montent dangereusement, transformant ce qui aurait dû être un simple trajet en une lutte désespérée pour la survie. La situation se complique encore quand il croise le chemin d’un homme blanc qui, quelques instants plus tôt, avait tenté de le tuer.
« Long chant noir ». Une jeune mère afro-américaine attend seule le retour de son mari, parti depuis plusieurs jours. Un jour, au lieu de son époux, elle voit arriver un vendeur ambulant blanc. L’homme profite de sa situation de vulnérabilité pour la violer. Bouleversée, elle tente de dissimuler l’agression à son mari. Mais lorsque celui-ci découvre la vérité, sa rage et son impuissance face à un système qui nie toute justice aux Noirs le conduisent à des actes aux conséquences tragiques.
« Le feu dans la nuée ». Le révérend Taylor, un pasteur noir pacifiste, prône habituellement le dialogue avec la communauté blanche. Mais quand les industriels font pression sur le maire pour empêcher une manifestation d’ouvriers noirs affamés, il se trouve confronté à un dilemme moral. Les autorités blanches lui proposent de la nourriture en échange de son influence pour calmer la situation. Il doit alors choisir entre la survie immédiate de sa communauté et la lutte pour leurs droits fondamentaux.
« Étoile du matin ». Une mère afro-américaine voit ses fils s’engager dans le Parti communiste, qui promet l’union des travailleurs pauvres, noirs et blancs. Son fils aîné est déjà emprisonné pour ses idées politiques, et le second risque le même sort. Quand elle apprend qu’un informateur menace de dénoncer son fils cadet et ses camarades, elle doit prendre une décision impossible : trahir le mouvement pour sauver son enfant, ou rester fidèle à leurs convictions communes au prix de sa vie.
Autour du livre
Publié en 1938, « Les enfants de l’oncle Tom » marque les débuts littéraires de Richard Wright. Le titre fait référence au célèbre roman « La Case de l’oncle Tom » de Harriet Beecher Stowe, mais s’en démarque radicalement. Wright rejette la figure de l’esclave docile et soumis pour mettre en scène des personnages qui osent s’opposer à l’oppression, quelles qu’en soient les conséquences. Le recueil paraît initialement sous l’égide du Parti communiste, reflet de l’engagement politique de l’auteur à cette époque.
La force du recueil réside dans son ancrage dans la réalité historique. Les nouvelles, bien que fictionnelles, s’enracinent dans l’expérience vécue. Wright transpose dans la fiction les humiliations, les menaces et les actes de violence dont il a été témoin durant sa jeunesse dans le Mississippi. Cette dimension testimoniale confère aux récits une puissance particulière.
James Baldwin note que « le paysage implacablement sombre de Wright n’était pas simplement celui du Sud profond ou de Chicago, mais celui du monde, du cœur humain ». « Les enfants de l’oncle Tom » est considéré comme l’acte fondateur de la littérature de protestation afro-américaine, ouvrant la voie à une nouvelle génération d’écrivains. Si certains, comme Zora Neale Hurston, lui reprochent de ne montrer que la haine et la violence, d’autres y voient un témoignage nécessaire sur une période sombre de l’histoire américaine.
Aux éditions FOLIO ; 288 pages.
6. Huit hommes (recueil de nouvelles, 1961)
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Résumé
« Huit hommes » est un recueil de huit nouvelles.
« L’homme qui était presque un homme ». Dans le Sud ségrégationniste, Dave, un jeune homme de dix-sept ans, travaille comme ouvrier agricole. Il convoite ardemment une arme à feu, symbole de masculinité et de respect à ses yeux. Sa quête d’affirmation se transforme en drame lorsqu’il tue accidentellement la mule du fermier Hawkins. Dave prend alors la fuite.
« L’homme qui vivait sous terre ». Poursuivi par la police pour un crime qu’il n’a pas commis, un homme trouve refuge dans les égouts de la ville. Dans ce dédale souterrain, il se construit peu à peu un monde parallèle. Son existence clandestine le métamorphose progressivement, jusqu’à le transformer en ce criminel qu’on l’accusait d’être à tort.
« Un grand brave homme noir ». Dans un hôtel scandinave, le portier voit arriver un client noir à la stature imposante. Ses préjugés raciaux le conduisent à interpréter chaque geste de cet homme comme une menace potentielle.
« L’homme qui a vu l’inondation ». Une famille noire voit son existence basculer lorsqu’une inondation dévaste leurs terres. Cette catastrophe naturelle met en lumière la précarité de leur condition et l’absence de filet de sécurité sociale dans une société profondément inégalitaire.
« Homme à tout faire ». Dans le Chicago des années 1950, Carl, acculé par les difficultés financières et le chômage, prend une décision désespérée : se travestir en femme pour obtenir un emploi de domestique. Son subterfuge le place dans des situations périlleuses, notamment face aux avances de son employeur.
« L’homme qui croyait que Dieu n’est pas comme ça ». Babou, un jeune Africain, est ramené à Paris comme domestique par des Américains. Sa confrontation avec la culture occidentale et sa tentative de concilier ses croyances traditionnelles avec le christianisme aboutissent à une tragédie inattendue.
« L’homme qui tua une ombre ». Saul Saunders, un homme noir employé dans une bibliothèque, se retrouve dans une situation explosive avec une collègue blanche.
« L’homme qui alla à Chicago ». Cette nouvelle autobiographique relate l’expérience de Richard Wright lui-même lors de son arrivée à Chicago. Il y décrit son parcours pour échapper au Sud raciste et sa découverte d’une ville où les relations raciales, bien que différentes, restent marquées par la ségrégation et les inégalités.
Autour du livre
Publié à titre posthume en 1961, ce recueil rassemble des textes écrits à différentes époques par Richard Wright, dont certains avaient déjà paru dans des revues. Petit-fils d’esclaves, il puise dans sa propre expérience pour nourrir ces récits, notamment dans la dernière nouvelle autobiographique qui relate son arrivée à Chicago.
Ces huit nouvelles témoignent d’une remarquable diversité de tons et de registres. Si certains récits s’aventurent aux frontières du fantastique comme « L’homme qui vivait sous terre », d’autres privilégient l’humour grinçant à l’image de « Homme à tout faire » où un mari se travestit en domestique. Wright déploie une galerie de portraits masculins qui interrogent les notions d’identité, de masculinité et de dignité dans une Amérique ségrégée. Chaque nouvelle aborde sous un angle différent la question centrale : comment préserver son humanité face à un système qui la nie ?
La critique salue unanimement la puissance de ces récits qui « se tiennent comme admirablement, pitoyablement, terriblement vrais », selon le New York Times. Le journal souligne « une écriture belle, solide, honorable, nourrie de perspicacité et de compréhension, même si parfois tordue par la douleur ». La diversité des nouvelles est particulièrement appréciée, certains critiques considérant que des textes comme « L’homme qui vivait sous terre » ou « Homme à tout faire » comptent parmi les plus remarquables de Wright.
Aux éditions FOLIO ; 320 pages.