Patrick Süskind est un écrivain et dramaturge allemand né le 26 mars 1949 à Ambach, près du lac de Starnberg en Bavière. Fils de Wilhelm Emanuel Süskind, écrivain et journaliste à la Süddeutsche Zeitung, il grandit dans le village bavarois de Holzhausen.
Après son baccalauréat et son service civil, il étudie l’histoire médiévale et contemporaine à Munich et passe deux semestres à Aix-en-Provence. Il abandonne ses études en 1974 et se tourne vers l’écriture de scénarios pour la télévision.
Sa carrière littéraire décolle en 1981 avec sa pièce de théâtre « La Contrebasse », un monologue qui connaît un grand succès sur les scènes germanophones. Mais c’est son premier roman, « Le Parfum » (1985), qui le propulse vers une renommée internationale, avec plus de 20 millions d’exemplaires vendus et des traductions dans 49 langues.
Personnalité discrète, Süskind fuit la publicité et refuse systématiquement les prix littéraires. Il vit principalement entre Munich, le lac de Starnberg et Montolieu en France. Il est le père d’un fils avec sa compagne, l’éditrice Tanja Graf.
Son œuvre, relativement restreinte mais marquante, comprend notamment des romans (« Le Parfum », « Le Pigeon »), des nouvelles, et plusieurs scénarios pour la télévision et le cinéma, souvent en collaboration avec le réalisateur Helmut Dietl.
Voici notre sélection de ses livres majeurs.
1. Le Parfum (roman, 1985)
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Le 17 juillet 1738, dans les ruelles pestilentielles du vieux Paris, naît Jean-Baptiste Grenouille, un être disgracieux doté d’un don extraordinaire : un odorat surdéveloppé qui lui permet de décomposer et mémoriser les moindres effluves. Orphelin dès sa naissance, il survit miraculeusement aux mauvais traitements de ses nourrices successives avant d’être vendu à un tanneur qui l’exploite sans merci. Son talent exceptionnel le mène ensuite chez Baldini, un parfumeur sur le déclin, auprès duquel il apprend les techniques de fabrication des parfums.
Mais terrible ironie du sort : Grenouille ne dégage aucune odeur corporelle. Cette particularité, qui le rend presque invisible aux yeux des autres, nourrit son obsession pour la création du « parfum absolu ». Bientôt, sa quête le conduit à commettre une série de meurtres de jeunes filles, dont il cherche à capturer l’essence.
Le succès phénoménal du roman, publié en 1985, ne doit rien au hasard : Patrick Süskind a passé plus de dix ans à le concevoir, s’imprégnant de l’univers de la parfumerie chez Fragonard à Grasse et étudiant méticuleusement les cartes du Paris du XVIIIe siècle. Traduit en 48 langues et vendu à plus de 20 millions d’exemplaires, il s’est maintenu pendant neuf ans sur la liste des meilleures ventes du Spiegel – un record absolu.
Patrick Süskind conjugue avec brio plusieurs genres littéraires : roman d’apprentissage, récit historique et thriller psychologique s’entremêlent dans une narration qui convoque tous les sens. Stanley Kubrick et Martin Scorsese ont longtemps convoité les droits d’adaptation avant que Tom Tykwer ne réalise en 2006 une version cinématographique remarquée. Cette histoire d’un génie criminel, à la fois monstre et artiste, questionne la nature même du pouvoir et de la séduction dans une société où les apparences règnent en maître.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 279 pages.
2. Le Pigeon (roman, 1987)
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En ce mois d’août 1984, Jonathan Noël s’apprête à franchir une étape décisive : devenir propriétaire de la chambre de bonne parisienne où il vit depuis trente ans. À cinquante ans passés, ce vigile de banque a construit son existence autour d’une routine immuable, à l’abri des surprises et des interactions avec ses semblables. Les traumatismes de son passé – parents déportés en 1942, mariage raté, guerre d’Indochine – l’ont poussé à se retrancher du monde dans cet espace minuscule mais sécurisant.
Un matin, un simple pigeon posté devant sa porte suffit à faire vaciller cet équilibre précaire. Pris de panique face à cet intrus aux « pattes rouges et crochues », Jonathan fuit son domicile. Sa journée se transforme en descente aux enfers où chaque contrariété – un retard au travail, un accroc dans son pantalon – prend des proportions démesurées. Incapable de retourner chez lui, il passe la nuit dans un modeste hôtel, en proie à des pensées suicidaires.
Le lendemain, après un violent orage qui réveille ses souvenirs d’enfance, Jonathan retrouve son chemin vers sa chambre. Le pigeon a disparu, mais cette brève intrusion aura suffi à ébranler les fondations de son existence si soigneusement orchestrée.
Ce court roman de Patrick Süskind, paru en 1987 dans le sillage du « Parfum », s’inscrit dans une veine kafkaïenne où l’absurde côtoie l’angoisse existentielle. La simplicité apparente du récit masque une étude psychologique sur les mécanismes de défense, les névroses contemporaines, la fragilité des constructions mentales. Le texte joue constamment sur le contraste entre la banalité de l’incident déclencheur et l’ampleur du bouleversement intérieur qu’il provoque. La portée universelle de cette parabole lui a valu une adaptation théâtrale à Londres en 1993.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 88 pages.
3. Un Combat et autres récits (recueil de nouvelles, 1995)
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« Un Combat et autres récits » rassemble quatre nouvelles brèves. Patrick Süskind y compose quatre variations sur le thème de l’obsession.
Dans « L’exigence de profondeur », une jeune artiste talentueuse voit sa carrière et sa vie s’effondrer suite à une simple remarque d’un critique sur le manque de profondeur de son travail. Cette quête absurde de la « profondeur » la conduira jusqu’à sa perte.
La nouvelle éponyme « Un combat » met en scène une partie d’échecs au jardin du Luxembourg entre un vieux joueur expérimenté et un jeune inconnu arrogant. Les spectateurs, séduits par l’assurance du nouveau venu, sont persuadés qu’il battra le champion local, malgré des coups hasardeux qui trahissent son inexpérience.
« Le testament de Maître Mussard » nous transporte au XVIIIe siècle, où un joaillier à la retraite découvre des coquillages fossilisés dans son jardin. Cette trouvaille le mène à développer une théorie délirante sur la « conchylisation » progressive de toute matière vivante.
Dans « Amnésie littéraire », un grand lecteur réalise avec effroi qu’il ne se souvient plus des milliers de livres qu’il a dévorés au cours de sa vie.
Ces quatre courts récits dévoilent la fragilité de l’équilibre mental et la manière dont une idée, même insignifiante, peut ronger l’esprit jusqu’à la folie. La force de ces nouvelles réside dans leur mécanique : chaque protagoniste s’enfonce progressivement dans une spirale obsessionnelle dont il ne pourra plus s’extraire. Parues initialement dans les années 1980, ces textes ont contribué à établir la réputation de Süskind en Allemagne, avant même le succès international du « Parfum ».
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 87 pages.
4. La Contrebasse (pièce de théâtre, 1981)
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Un musicien trentenaire de l’Orchestre National, seul dans son appartement insonorisé avec sa contrebasse, se lance dans une conférence improvisée sur son instrument. Il expose avec ferveur les qualités de cette « matrone aux courbes généreuses » : sa puissance sonore incomparable, son rôle fondamental dans l’harmonie orchestrale, sa noble lignée remontant au XVIIe siècle.
Mais entre deux gorgées de bière, le masque se fissure. Les frustrations affleurent. Bientôt, la contrebasse n’est plus qu’un meuble encombrant qui l’empêche de vivre, un fardeau qui le confine dans l’anonymat du fond de l’orchestre. Une prison qui l’éloigne de Sarah, soprano rayonnante qu’il admire en secret. À mesure que la soirée avance, sa rage contre l’instrument grandit, jusqu’à l’obsession de se faire enfin remarquer lors du concert prévu le soir même.
Écrite en 1981, cette pièce de théâtre a connu un succès retentissant en Allemagne puis en France, où elle fut magistralement interprétée par Jacques Villeret. Traduite en 28 langues, elle fut la plus jouée sur les scènes germanophones en 1984-1985. Le texte brille par sa construction musicale : tel un crescendo, il fait monter la tension jusqu’à l’explosion finale. Derrière l’humour grinçant perce une réflexion sur la place des seconds rôles, ces artistes essentiels mais condamnés à l’ombre.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 92 pages.