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Monica Sabolo en 5 romans – Notre sélection

Monica Sabolo en 5 romans – Notre sélection

Monica Sabolo naît le 27 juillet 1971 à Milan et grandit à Genève, où elle fait ses études. Passionnée par la défense des animaux, elle s’engage auprès du WWF, et mène des actions en Guyane puis au Canada. En 1995, elle s’installe à Paris et débute sa carrière de journaliste au magazine Mer et Océans, avant de collaborer avec différents magazines féminins comme Voici et Elle. Elle devient ensuite rédactrice en chef « Culture et People » chez Grazia.

Parallèlement, elle développe son œuvre littéraire. Son premier roman, « Le Roman de Lili », paraît en 2000, suivi de « Jungle » en 2005. En 2013, elle prend un congé sabbatique pour écrire « Tout cela n’a rien à voir avec moi », roman autobiographique qui lui vaut le Prix de Flore. L’année suivante, elle quitte le journalisme pour se consacrer à l’écriture de scénarios et à la littérature.

Son roman « Crans-Montana » (2015) remporte le Grand prix SGDL, tandis que « Summer » (2017) est finaliste du Prix Goncourt des lycéens. Dans ses œuvres plus récentes comme « Éden » (2019) et « La vie clandestine » (2022), elle continue d’aborder des thématiques sociales et personnelles, ce dernier ouvrage lui valant le Grand prix de l’héroïne Madame Figaro 2023.

Voici notre sélection de ses romans majeurs.


1. Summer (2017)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Sur les rives du lac Léman, lors d’un pique-nique estival, Summer Wassner, dix-neuf ans, s’évapore mystérieusement. Vingt-cinq ans plus tard, son frère Benjamin, qui avait quatorze ans au moment des faits, reste hanté par sa disparition inexpliquée. Au fil des séances avec le docteur Traub, son psychiatre, il tente de reconstituer les événements de cette journée fatidique et de comprendre ce qui s’est réellement passé dans cette famille en apparence parfaite de la haute bourgeoisie genevoise des années 1980.

Autour du livre

« Summer » s’inscrit dans la lignée des œuvres de Laura Kasischke, notamment « Un oiseau blanc dans le blizzard » adapté au cinéma par Greg Araki. Cette filiation se manifeste dans le traitement des disparitions mystérieuses comme révélateurs des névroses familiales et des fêlures adolescentes.

Le lac Léman transcende son simple rôle de décor pour devenir un personnage central. Ses eaux tour à tour scintillantes et menaçantes servent de miroir aux contradictions qui rongent la famille Wassner. Cette omniprésence aquatique irrigue chaque page : « On dirait qu’il est le maître des songes, il règne sur la nuit, ces eaux profondes où je nage, dans ces forêts aquatiques qui remontent à la surface, semblables à des chevelures emmêlées. »

La construction en miroir confronte deux temporalités : les années 1980 où Summer s’évanouit dans la nature, et le présent où Benjamin tente de reconstituer le puzzle de sa mémoire fragmentée. Cette dualité temporelle met en lumière les mécanismes de protection psychologique qu’un enfant développe face à l’inacceptable.

Monica Sabolo dissèque avec acuité la haute bourgeoisie genevoise des années 1980, ses codes et ses silences mortifères. Sous les garden-parties fastueuses et les réceptions mondaines se cache une violence sourde que le vernis social peine à masquer. « Le monde de mes parents : le vernis social et la politesse étouffent les émotions, comme des insectes dans un bocal de verre », note Benjamin.

Le personnage de Benjamin incarne la figure du témoin impuissant, celui que sa famille surnomme « le minus ». Sa fragilité psychologique et sa dépendance aux substances psychotropes brouillent encore davantage les frontières entre réel et imaginaire. Cette instabilité narrative crée une atmosphère onirique où les souvenirs refont surface par vagues successives.

Les secrets de famille agissent comme un poison lent qui contamine chaque membre du clan Wassner. La disparition de Summer catalyse l’implosion d’une cellule familiale déjà fissurée par les non-dits et les mensonges. Le dénouement, tardif mais implacable, éclaire d’une lumière crue les zones d’ombre soigneusement entretenues pendant vingt-cinq ans.

L’atmosphère du livre oscille entre thriller psychologique et conte aquatique, créant une tension narrative singulière. Cette hybridation des genres permet à Monica Sabolo d’aborder des thématiques sensibles comme l’inceste ou la violence familiale sans jamais tomber dans le sensationnalisme.

Dès sa parution en août 2017, « Summer » suscite l’enthousiasme de la critique littéraire. Le livre figure dans les premières sélections du Prix Goncourt et accède à la finale du Prix Goncourt des lycéens ainsi qu’à celle du Prix du roman des étudiants France Culture-Télérama. Cette reconnaissance institutionnelle consacre le troisième roman de Monica Sabolo, déjà couronnée du Prix de Flore en 2013 pour « Tout cela n’a rien à voir avec moi ».

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 288 pages.


2. La vie clandestine (2022)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

« La vie clandestine » fait dialoguer deux histoires que tout semble opposer. D’un côté, celle d’Action directe, groupe terroriste d’extrême gauche qui a multiplié les attentats dans la France des années 80, jusqu’à l’assassinat du PDG de Renault Georges Besse en 1986. De l’autre, le parcours intime de Monica Sabolo, née à Milan d’un père qui l’a abandonnée, puis élevée en Suisse par un beau-père expert en art précolombien qui abusera d’elle. En enquêtant sur les trajectoires de Nathalie Ménigon et Joëlle Aubron, les deux femmes d’Action directe, l’écrivaine voit ressurgir ses propres zones d’ombre : le secret, le silence et la violence qui ont façonné son existence trouvent un écho inattendu dans la clandestinité des militants révolutionnaires.

Autour du livre

Dans ce septième roman, Monica Sabolo compose une œuvre inclassable qui déjoue les attentes. Ce qui démarre comme une enquête journalistique classique sur un groupe terroriste se transforme en un exercice littéraire singulier où l’intime et l’historique s’éclairent mutuellement.

La question du pardon traverse le texte comme un fil rouge. Ni les membres d’Action directe ni le père abusif n’expriment de regrets pour leurs actes. « Ce genre de chose arrive tout le temps, dans les familles », assène Yves S. quand sa fille ose enfin parler, tandis que les anciens militants justifient leurs meurtres par leur combat idéologique.

Le livre tire sa force de ces mises en regard inattendues entre destins collectifs et individuels. Les années 80, période du « fric et des paillettes » où s’éteignent les idéaux révolutionnaires, servent de toile de fond à une réflexion sur la complexité morale et la part d’ombre en chacun. La narratrice reconnaît une familiarité troublante avec ces militants qu’elle craignait initialement : « Je ne sais toujours pas qui ils sont, tous, mais je dois faire face à une idée troublante : entre eux et moi, un lien se tisse. »

Les portraits des protagonistes d’Action directe, notamment lors des rencontres avec Nathalie Ménigon ou la libraire anarchiste Hellyette Bess, révèlent leur humanité sans jamais justifier leurs actes. Monica Sabolo restitue leur vérité tout en maintenant une distance critique. Le motif de la clandestinité irrigue l’ensemble : clandestinité des militants traqués par la police, mais aussi celle d’une enfant cachant sa souffrance, d’un père aux activités douteuses, d’une mère « morte » après l’abandon du géniteur de sa fille. La mémoire elle-même se fait clandestine, travaillée par l’oubli et la dissociation.

Sélectionné pour le Prix Goncourt 2022, « La vie clandestine » confirme la maîtrise de Monica Sabolo, qui parvient à fondre investigation documentaire et quête intime dans une forme littéraire originale. Sans tomber dans le voyeurisme ni la complaisance, elle interroge les mécanismes de la violence et la possibilité – ou l’impossibilité – du pardon.

Aux éditions FOLIO ; 432 pages.


3. Éden (2019)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Dans une région reculée d’Amérique du Nord, à la lisière d’une forêt menacée par l’industrie forestière, Nita, une adolescente amérindienne, vit seule avec sa mère depuis la mystérieuse disparition de son père. Son quotidien bascule à l’arrivée de Lucy, une jeune fille blanche de quinze ans qui s’installe dans la réserve avec son père écrivain. Solitaire et énigmatique, Lucy attire malgré elle l’attention des garçons du lycée et s’aventure régulièrement dans la forêt.

Un jour, elle disparaît. On la retrouve deux jours plus tard, nue et traumatisée, victime d’un viol. Mutique, Lucy ne révélera rien de son agression. Face à l’inaction des autorités, déterminée à comprendre ce qui est arrivé à son amie, Nita décide d’enquêter. Sa recherche de vérité la conduit au Hollywood, un bar où cinq jeunes femmes semblent détenir les clés d’une vengeance séculaire, alors que des agressions inexpliquées se multiplient dans la forêt.

Autour du livre

Avec ce récit publié chez Gallimard en août 2019, Monica Sabolo déploie une fable contemporaine aux accents gothiques où la forêt devient un personnage central, tantôt refuge, tantôt menace. Cette nature puissante et mystique, systématiquement malmenée par l’industrie, incarne la résistance d’un peuple spolié de ses terres et de ses traditions.

Le roman articule plusieurs niveaux de lecture : chronique sociale sur la condition des femmes amérindiennes, conte initiatique sur le passage de l’adolescence à l’âge adulte, manifeste écologique contre la déforestation. L’absence volontaire d’indications géographiques précises confère à l’histoire une dimension universelle.

Les personnages féminins occupent le premier plan : Nita la narratrice, déchirée entre ses racines et son désir d’ailleurs ; Lucy l’énigmatique citadine ; Kishi qui trouve refuge auprès des animaux ; et les serveuses du Hollywood, figures vengeresses d’une justice parallèle. Face à elles, les hommes apparaissent soit prédateurs, soit absents, à l’image du père disparu de Nita.

Le surnaturel s’immisce progressivement dans la trame narrative. Des esprits ancestraux semblent habiter la forêt, des créatures mystérieuses attaquent les hommes, créant une atmosphère où réalité et onirisme se confondent. Cette dimension fantastique sert le propos féministe du livre : la nature se fait l’alliée des femmes dans leur quête de justice.

Récompensé par le Prix des Lecteurs 2021, « Éden » s’inscrit dans la continuité thématique du précédent roman de Monica Sabolo, « Summer », qui abordait déjà le motif de la disparition d’une jeune fille. La romancière renouvelle ici sa réflexion sur l’adolescence, période charnière où les corps se métamorphosent et où les identités se cherchent.

Le livre résonne particulièrement avec l’actualité : la nomination en 2021 de Deb Haaland comme première ministre amérindienne de l’Intérieur aux États-Unis souligne la pertinence des thématiques abordées. Il fait également écho à d’autres œuvres comme « Princesse Mononoké » ou « Virgin Suicides », où nature et féminité s’entremêlent dans une critique de la société patriarcale.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 288 pages.


4. Tout cela n’a rien à voir avec moi (2013)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Les deux protagonistes travaillent dans le même open space, leurs bureaux se faisant face. MS tombe éperdument amoureuse de XX, mais cette passion n’est pas réciproque. Tandis qu’elle multiplie les tentatives de rapprochement à travers des SMS, des mails et des attentions diverses, lui reste distant et peu investi. Cette chronique d’un échec programmé la pousse à interroger son rapport aux hommes et ses choix amoureux systématiquement malheureux.

Elle découvre que ses difficultés relationnelles trouvent leur source dans son passé familial : une mère émotionnellement instable, un père biologique qui a abandonné sa mère dès l’annonce de sa grossesse, un beau-père avec lequel elle a entretenu une relation trouble. Cette autopsie d’un chagrin d’amour se transforme en une réflexion plus large sur la transmission : héritons-nous des blessures affectives de nos parents ? Sommes-nous condamnés à reproduire leurs schémas relationnels ?

Autour du livre

« Tout cela n’a rien à voir avec moi » de Monica Sabolo, publié en 2013 aux éditions Jean-Claude Lattès, se distingue par sa forme hybride qui bouleverse les codes du récit amoureux traditionnel. Le titre, ironique puisque les initiales MS désignent manifestement l’autrice, annonce d’emblée le jeu de miroirs qui structure l’ouvrage.

Construit en trois parties – « De l’aveuglement », « Des antécédents », « De l’effondrement » – ce « roman-collage » emprunte simultanément aux codes du traité scientifique, du journal intime et de l’enquête policière. Les objets quotidiens deviennent des pièces à conviction, les photos des preuves matérielles, dans ce que l’autrice nomme elle-même une « politique de l’herbier ». Une démarche qui rappelle le travail de l’artiste Sophie Calle.

La singularité du texte réside dans sa capacité à glisser du comique au tragique. Les premières pages, illustrées par une photo du Titanic comme métaphore du naufrage annoncé, installent un ton humoristique qui s’assombrit progressivement. L’autodérision initiale – consultation d’un marabout, vol compulsif de briquets, messages télépathiques envoyés à l’être aimé – laisse place à une réflexion plus profonde sur l’héritage émotionnel.

Le livre pose une question fondamentale : les chagrins de nos parents s’impriment-ils dans notre ADN ? Cette interrogation sur la transmission générationnelle des schémas affectifs constitue le cœur philosophique de l’œuvre. La narratrice suggère que nos choix amoureux pourraient être conditionnés par des « émotions encodées dans une région fossile de notre cerveau ».

En alternant observations cliniques, textes lyriques, photographies et correspondances, Monica Sabolo crée ce que certains critiques considèrent comme un nouveau genre romanesque. Cette forme éclatée reflète la fragmentation du sujet amoureux contemporain, entre messages électroniques et reliques du quotidien.

« Tout cela n’a rien à voir avec moi » a reçu le Prix de Flore 2013, décerné au premier tour par huit voix contre quatre, avec le soutien particulier de Frédéric Beigbeder, fondateur et président du prix. Cette reconnaissance souligne l’originalité d’une œuvre qui innove tant dans sa forme que dans son traitement du chagrin d’amour.

Aux éditions JC LATTÈS ; 140 pages.


5. Crans-Montana (2015)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Dans les années 1960, à Crans-Montana, luxueuse station de ski suisse, trois jeunes filles surnommées « les trois C » – Chris (que seule sa mère appelle Christine), Charlie (née Charlotte) et Claudia – règnent sur la jeunesse dorée. Blondes ou brunes, parisiennes ou italiennes, elles forment un trio inséparable qui cristallise tous les fantasmes des garçons de leur âge. Ces derniers les observent de loin, sans jamais oser les approcher. Mais sous le vernis de l’insouciance et des fêtes où coulent champagne et cocaïne se dessinent peu à peu les failles de ces vies en apparence parfaites : grossesses non désirées, liaisons scandaleuses, drames familiaux. Le destin va finir par rattraper ces « pauvres petites filles riches ».

Autour du livre

« Crans-Montana » s’inscrit dans la lignée des œuvres qui déconstruisent le mythe de la jeunesse dorée, à l’instar de « Virgin Suicides » de Jeffrey Eugenides. Monica Sabolo, née à Milan et ayant grandi à Genève, puise dans sa connaissance intime des lieux pour brosser le portrait d’une époque révolue.

Le récit se construit selon une structure chorale particulièrement efficace : la première partie adopte le point de vue collectif des garçons, utilisant un « nous » qui traduit leur fascination commune pour les « trois C ». Cette narration plurielle cède ensuite la place aux voix individuelles de Charlie, Franco – le fils du traiteur devenu confident de ces familles privilégiées – et Chris, avant de culminer avec le personnage de Valentina, la fille de Claudia.

L’originalité du livre réside dans sa capacité à transcender le simple portrait d’une jeunesse privilégiée pour toucher à des thématiques plus profondes. En arrière-plan se dessine l’histoire tragique des familles juives d’après-guerre, dont les silences et les traumatismes continuent de hanter les générations suivantes. Les parents de ces adolescents cachent des « valises pleines de diamants ou de titres au porteur » dans les coffres des banques suisses, tandis que « dans les maisons et les chalets les photos évoquent ces disparus dont on ne parle pas ».

La temporalité du récit épouse les mutations de la société française : l’insouciance des années 1960, les bouleversements de Mai 68, l’opulence tapageuse des années 1980 marquées par l’élection de Mitterrand qui précipite les transferts d’argent vers la Suisse. À travers ces trois décennies se dessine le portrait d’une génération qui cultive « ses secrets et mystères » tout en portant « les fautes et l’indifférence des générations précédentes ».

Monica Sabolo brille particulièrement dans l’évocation des atmosphères : les bruits de « la neige qui crisse sous les pas », les goûts du « Fanta en bouteille à la paille » et de « l’Ovomaltine », les tubes de Françoise Hardy et Gigliola Cinquetti qui constituent la bande-son de cette époque. Ces détails sensoriels contribuent à reconstituer un monde disparu sans jamais tomber dans une nostalgie complaisante.

Si le livre peut paraître superficiel au premier abord, il révèle en réalité une réflexion sur la transmission des traumatismes et l’impossibilité d’échapper aux déterminismes sociaux. Les « trois C », malgré leur beauté et leur apparente liberté, reproduisent les schémas de leurs mères : de la « dépressive suicidaire » à la « mère indigne », leurs destins témoignent d’une forme de malédiction qui se perpétue de génération en génération.

Le succès critique de « Crans-Montana » s’inscrit dans la continuité d’une œuvre cohérente : après avoir reçu le Prix de Flore 2013 pour « Tout cela n’a rien à voir avec moi », Monica Sabolo confirme avec ce livre son talent pour disséquer les mécanismes sociaux et les non-dits familiaux. Son roman suivant, « Summer », poursuivra cette exploration des secrets de famille dans un cadre similaire, au bord du lac Léman.

Aux éditions POCKET ; 192 pages.

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