Né en 1964 à Alger, Mohammed Aïssaoui fait ses études supérieures à l’Université de Nanterre, où il obtient une double maîtrise en Sciences politiques et en Administration économique et sociale. Il complète sa formation à l’Institut français de Presse.
En janvier 2001, il intègre Le Figaro comme journaliste, où il se spécialise dans la littérature française et francophone pour Le Figaro Littéraire, après avoir été chef de rubrique au service Économie. Parallèlement, il anime une chronique littéraire hebdomadaire dans l’émission « Tous les goûts sont dans la culture » sur Direct 8.
Son parcours d’écrivain débute en 2006 avec « Le goût d’Alger », une anthologie consacrée aux écrivains et à sa ville natale. En 2010, il publie « L’affaire de l’esclave Furcy » qui lui vaut le Prix Renaudot de l’essai et le Prix RFO du livre. Cette œuvre connaît un tel succès qu’elle est adaptée au théâtre en 2012, puis au cinéma en 2024.
Suivent « L’étoile jaune et le croissant » (2012), « Petit éloge des souvenirs » (2014), et « Comment dit-on humour en arabe ? » (2015). En 2020, son roman « Les funambules » est sélectionné pour plusieurs prix prestigieux, dont le Goncourt. En 2023, il publie « Le dictionnaire amoureux d’Albert Camus » et rejoint le jury du Prix Renaudot.
Voici notre sélection de ses livres majeurs.
1. Les funambules (roman, 2020)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Kateb, le narrateur de ce roman, arrivé en France à l’âge de neuf ans avec sa mère « analphabète bilingue », a grandi dans une cité HLM d’Île-de-France. Devenu biographe pour anonymes à 34 ans, il écrit l’histoire de ceux qui n’ont pas les mots pour raconter leur parcours. Un jour, il accepte la proposition d’un neuropsychiatre de participer à une expérience : utiliser l’écriture comme thérapie auprès de personnes en grande précarité. Cette mission le conduit à fréquenter différentes associations caritatives, des Restos du Cœur aux Petits Frères des Pauvres, où il recueille les témoignages de bénévoles et de bénéficiaires. En parallèle, il nourrit l’espoir de retrouver Nadia, son amour de jeunesse qui œuvrait elle aussi auprès des plus démunis.
Autour du livre
À travers ces rencontres successives se dessine une fresque sociale saisissante où chacun apparaît comme un « funambule », en équilibre précaire sur le fil de l’existence. Mohammed Aïssaoui jongle habilement entre plusieurs genres : roman, reportage, documentaire social. Cette hybridité formelle sert admirablement le propos, permettant d’alterner entre portraits intimes et analyse plus large des mécanismes de l’exclusion.
Ce texte majeur de la rentrée littéraire 2020 s’inscrit dans la lignée des grandes œuvres sur la précarité sociale. La quête amoureuse qui sous-tend le récit n’est qu’un prétexte pour éclairer les zones d’ombre de notre société et donner la parole à ceux qui en sont privés. Les scènes dans les locaux des Restos du Cœur ou d’ATD Quart Monde résonnent avec une acuité particulière dans le contexte de crise sociale actuel.
Aux éditions FOLIO ; 240 pages.
2. L’affaire de l’esclave Furcy (essai historique, 2010)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
En 1817, à l’île Bourbon (aujourd’hui La Réunion), Furcy, un esclave de 31 ans, découvre à la mort de sa mère Madeleine qu’elle avait été affranchie vingt-six ans plus tôt. Cette révélation le pousse à entamer une démarche juridique inédite : assigner son maître Joseph Lory en justice pour faire valoir son statut d’homme libre de naissance. Le procureur général Gilbert Boucher et son substitut Sully-Brunet soutiennent sa cause, mais les puissants propriétaires terriens de l’île, craignant que cette affaire ne menace leurs intérêts économiques, usent de leur influence pour faire obstacle à sa requête. Emprisonné puis déporté sur l’île Maurice, Furcy poursuit néanmoins son combat judiciaire avec une détermination sans faille pendant vingt-sept ans, jusqu’au verdict final rendu à Paris le 23 décembre 1843.
Autour du livre
Le point de départ de ce livre est la découverte fortuite par Mohammed Aïssaoui d’un lot d’archives mis aux enchères à l’hôtel Drouot en 2005. Ces documents exceptionnels – lettres manuscrites, comptes rendus d’audience, plaidoiries – retracent le plus long procès jamais intenté par un esclave contre son maître dans l’histoire coloniale française.
Avec cette reconstitution minutieuse, Mohammed Aïssaoui met en lumière les rouages de la société coloniale bourbonnaise, où s’entremêlent enjeux économiques, préjugés raciaux et luttes de pouvoir. Le récit dépasse le simple cadre juridique pour révéler les mécanismes qui ont permis le maintien de l’esclavage jusqu’en 1848, malgré les principes humanistes proclamés par la France métropolitaine.
Couronné par le prix Renaudot de l’essai en 2010, cette histoire fait actuellement l’objet d’une adaptation cinématographique réalisée par Abd al Malik, avec Makita Samba dans le rôle de Furcy. Une version théâtrale a également vu le jour en 2012.
Aux éditions FOLIO ; 240 pages.
3. L’étoile jaune et le croissant (essai historique, 2012)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Mohammed Aïssaoui, journaliste au Figaro Littéraire, part d’un constat qui l’interpelle : parmi les 23 000 « Justes parmi les nations » honorés par le mémorial de Yad Vashem, aucun Arabe ni musulman de France ou du Maghreb ne figure sur la liste. Une absence qui le pousse à mener une enquête minutieuse pendant plus de deux ans sur les musulmans qui ont aidé des Juifs pendant l’Occupation.
Ses recherches le conduisent principalement sur les traces de Si Kaddour Benghabrit, recteur de la Grande Mosquée de Paris de 1926 à 1954. Les archives suggèrent que cet homme cultivé aurait sauvé de nombreux Juifs en leur fournissant de faux certificats attestant qu’ils étaient musulmans, en les cachant dans la mosquée ou en les aidant à fuir via les égouts. Aïssaoui accumule les indices et les témoignages, notamment celui de Philippe Bouvard dont le père fut sauvé par Benghabrit, ou l’histoire du chanteur Salim Halali que le recteur aurait fait passer pour musulman grâce à une tombe factice au cimetière de Bobigny.
Autour du livre
L’ouvrage prend la forme d’une enquête où l’auteur multiplie les déplacements dans les centres d’archives, de La Courneuve à Fontainebleau en passant par Bobigny et Alger. Il recueille les témoignages de figures comme Elie Wiesel ou Serge Klarsfeld, tout en se heurtant aux limites de la mémoire et du temps qui passe. Si certains parlent volontiers, d’autres restent silencieux ou n’ont jamais interrogé leurs parents sur cette période. Il met en lumière des personnalités méconnues comme l’imam Abdelkader Mesli, déporté à Dachau pour avoir aidé des Juifs, ou le roi Mohammed V du Maroc qui s’opposa aux lois antisémites de Vichy.
La force du récit réside dans sa capacité à restituer la complexité d’une époque où les positions n’étaient pas toujours tranchées. Le parcours de Benghabrit en témoigne : suspecté de collaboration à la Libération avant d’être blanchi, ce mondain amateur de fêtes sut utiliser ses relations avec l’occupant pour protéger les persécutés. Si l’absence de preuves écrites n’a pas encore permis son inscription au rang des « Justes », l’ouvrage contribue à faire sortir de l’ombre ces actes de résistance qui transcendèrent les clivages religieux.
Aux éditions FOLIO ; 208 pages.