Jared Mason Diamond, né le 10 septembre 1937 à Boston, est un géographe, biologiste évolutionniste, physiologiste, historien et géonomiste américain.
1. Effondrement
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C’est un signe des temps. Il n’y a guère, dans l’euphorie du développement, Fernand Braudel proposait une Grammaire des civilisations, étude des évolutions lentes mais imperceptibles exercées sans fin « par les contraintes des espaces, des hiérarchies sociales, des psychés collectives, des nécessités économiques ».
Aujourd’hui, devant l’urgence des problèmes climatiques, écologiques et de renouvellement des ressources, Jared Diamond définit une syntaxe, nerveuse, perceptible, des sociétés à partir de la relation de leurs valeurs et besoins aux possibilités du milieu. Il la conjugue à tous les temps : au passé, au présent comme au futur.
Car la question : « Comment des sociétés ont-elles disparu dans le passé ? » peut aussi se formuler : « Au rythme actuel de la croissance démographique, et particulièrement de l’augmentation des besoins économiques, de santé et en énergie, les sociétés contemporaines pourront-elles survivre demain ? »
La réponse se formule à partir d’un tour du monde dans l’espace et dans le temps – depuis les sociétés disparues du passé (les îles de Pâques, de Pitcairn et d’Henderson ; les Indiens mimbres et anasazis du sud-ouest des États-Unis ; les sociétés moche et inca ; les colonies vikings du Groenland) aux sociétés fragilisées d’aujourd’hui (Rwanda, Haïti et Saint-Domingue, la Chine, le Montana et l’Australie) en passant par les sociétés qui surent, à un moment donné, enrayer leur effondrement (la Nouvelle-Guinée, Tikopia et le Japon de l’ère Tokugawa).
De cette étude comparée, et sans pareille, jared Diamond conclut qu’il n’existe aucun cas dans lequel l’effondrement d’une société ne serait attribuable qu’aux seuls dommages écologiques. Plusieurs facteurs, au nombre de cinq, entrent toujours potentiellement en jeu : des dommages environnementaux ; un changement climatique ; des voisins hostiles ; des rapports de dépendance avec des partenaires commerciaux ; les réponses apportées par une société, selon ses valeurs propres, à ces problèmes.
2. De l’inégalité parmi les sociétés
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L’inégalité dans la répartition des richesses entre les sociétés est liée aux différences de milieux, pas aux différences génétiques.
Mobilisant des disciplines aussi diverses que la génétique, la biologie moléculaire, l’écologie des comportements, l’épidémiologie, la linguistique, l’archéologie et l’histoire des technologies, Jared Diamond montre notamment :
- le rôle de la production alimentaire (c’est-à-dire la domestication des plantes et des animaux sauvages, puis l’augmentation des vivres par l’agriculture et l’élevage, qui permet d’entretenir des bureaucraties et des artisans spécialisés dans la production des armes) ;
- l’évolution des germes caractéristiques des populations humaines denses favorisées par la révolution agricole (les germes eurasiens ont tué plus d’indigènes américains et non eurasiens que les fusils ou les armes d’acier des Eurasiens) ;
- le rôle de la géographie dans la diffusion contrastée de l’écriture et de la technologie, selon la latitude en Eurasie, mais la longitude aux Amériques et en Afrique.
A l’ère de la globalisation, Jared Diamond nous propose opportunément cet essai, en tout point singulier, sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les sociétés.
3. Le troisième chimpanzé
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La chose est désormais connue de tous: l’homme, partageant plus de 98 % de ses gènes avec le chimpanzé pygmée et le chimpanzé commun, représente, dans le monde animal, le troisième chimpanzé. On en mesure habituellement peu les implications.
Le langage, l’art, la technique et l’agriculture qui distinguent ce chimpanzé – sont le fruit d’une évolution non pas seulement anatomique, comme on le dit trop souvent (station debout, grossissement du cerveau), mais également comportementale : le cycle vital de l’homme se particularise par le faible nombre de petits par portée, les soins parentaux bien au-delà du sevrage; la vie en couple, l’espérance de vie, la ménopause.
Autant de traits qui soulèvent le problème de l’éventuelle présence de précurseurs dans le monde animal, et du stade auquel le troisième chimpanzé fit le saut quantique en matière de réussite évolutive – non pas avec l’apparition de l’outil de pierre, voilà deux millions et demi d’années, mais avec l’acquisition de l’aptitude au langage, il y a moins de cent mille ans.
Alors l’animal humain déploie tous ses traits particuliers – à commencer par son aptitude unique à détruire massivement son genre (c’est la soudaine disparition des Néandertaliens après l’arrivée de Cro-Magnon, première destruction massive de l’histoire de l’homme) et sa capacité, manifestée elle aussi dès l’époque préhistorique, à détruire les écosystèmes; à ruiner la base même de sa propre alimentation.
L’expansion géographique de l’espèce s’accompagne toujours de l’éradication de grands mammifères ; de Pétra à l’île de Pâques, de Mycènes au Chaco Canyon, le déclin des civilisations est rythmé par la déforestation, le surpâturage, l’érosion des sols.
Génocide et holocauste écologique – ces deux caractéristiques de l’homme que décuple potentiellement aujourd’hui la technologie – posent désormais la question cruciale de l’extinction de l’espèce humaine, à l’instar de milliards d’autres espèces disparues au cours de l’histoire de l’évolution.
4. Le monde jusqu’à hier – Ce que nous apprennent les sociétés traditionnelles
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Les passagers, munis de titres de transport électroniques, de bagages de cabine passés aux rayons X, attendent, guidés par un personnel aux uniformes seyants et sous l’œil d’une police affairée à regarder les écrans de contrôle de sécurité, d’embarquer pour Wapenamanda, Goroka, Kikori, Kundiawa et Wewak. Nous sommes à Port Moresby, capitale de la Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Rien que de normal.
L’essentiel est ailleurs : ces hommes d’équipage, ces policiers à gadgets électroniques et ces passagers coutumiers de l’avion sont les descendants directs de ces millions de Papous, découverts par une expédition australienne en 1931, vivants isolés dans leurs diverses vallées montagneuses, en petites sociétés closes, dépourvues d’écriture, de monnaie, d’écoles et de gouvernement centralisé, à un âge trop vite jugé «de pierre». En quelque quatre-vingts années, la population des Highlands de Nouvelle-Guinée a vécu des changements qui prirent des millénaires à advenir dans le reste du monde.
Jared Diamond, qui découvrit la Nouvelle-Guinée en 1964 pour sa première étude de terrain ornithologique, pose la question, rarement envisagée : que nous apprennent ces Papous de ce que les Occidentaux ont perdu avec la disparition des sociétés traditionnelles – ces sociétés structurées en groupes de faible densité de population (allant de quelques dizaines à quelques milliers d’individus), subsistant de la chasse et de la cueillette, de la culture ou de l’élevage, et que les contacts avec les grandes sociétés industrielles ont transformées de façon limitée ?
Elles ont en effet inventé des milliers de solutions aux problèmes humains différentes de celles adoptées par nos sociétés modernes. Certaines – par exemple, des manières d’élever les enfants, de traiter les personnes âgées, de demeurer en bonne santé, de bavarder, de passer le temps libre, de pratiquer le multilinguisme ou de régler les litiges – semblent supérieures à celles des pays occidentalisés et riches.
Les sociétés traditionnelles peuvent nous inspirer quelques meilleures pratiques de vie, mais également nous aider à évaluer d’autres avantages de notre propre société que nous avons fini par considérer comme normaux.
5. Pourquoi l’amour est un plaisir – L’évolution de la sexualité humaine
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Pourquoi notre sexualité diffère-t-elle aussi radicalement de celle de nos plus proches ancêtres, les grands singes ?
En effet, l’animal humain, dont le pénis est d’une dimension au-delà de toute nécessité, ne s’adonne qu’à des relations intimes et privées. Il peut faire l’amour à n’importe quel moment, que le partenaire féminin soit fécondable ou non.
D’ailleurs, ce dernier n’en sait rien précisément, et ne fait pas connaître son état aux mâles en arborant des couleurs voyantes ni en émettant odeurs et petits cris. L’homme se distingue enfin en demeurant la plupart du temps auprès de la femme qu’il a rendue féconde et il l’aide à élever ses enfants.
La sexualité de l’homme, comparée à celle des animaux, est des plus étranges, mais elle a joué dans l’évolution de l’espèce un rôle comparable à celui de la taille du cerveau et de la station debout.