Marie Darrieussecq est une écrivaine française née le 3 janvier 1969 à Bayonne. Elle grandit dans le Pays basque, d’une mère professeure de français et d’un père technicien. Après des études littéraires brillantes, elle intègre l’École normale supérieure de la rue d’Ulm et obtient l’agrégation de lettres modernes en 1992.
Elle connaît un succès fulgurant avec son premier roman « Truismes » (1996), publié à l’âge de 27 ans, qui raconte la métamorphose d’une femme en truie. Le livre est traduit dans une quarantaine de langues et vendu à plus d’un million d’exemplaires. En 2013, elle reçoit le prix Médicis pour « Il faut beaucoup aimer les hommes ».
Au fil de sa carrière, elle publie de nombreux romans, essais, traductions et livres d’art. Son écriture est marquée par l’exploration des états mentaux limites et des expériences non linguistiques. Elle devient également psychanalyste en 2006.
Engagée, elle est notamment marraine du Réseau DES France (association d’aide aux victimes du Distilbène) et soutient diverses causes sociales, comme le changement de nom du quartier de La Négresse à Biarritz en 2020. Elle collabore régulièrement avec différents médias comme chroniqueuse, notamment pour Libération et Charlie Hebdo.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Fabriquer une femme (2024)
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Dans un village du Pays basque, au début des années 1980, Rose et Solange ont quinze ans. Ces deux amies inséparables habitent l’une en face de l’autre. La grossesse imprévue de Solange va bouleverser leurs chemins jusqu’alors parallèles.
Pour Rose, issue d’une famille bourgeoise, la vie suit son cours : elle étudie la psychologie et s’installe avec Christian, son petit ami depuis l’école primaire. Solange, elle, confie son bébé à sa mère et s’échappe vers une possible carrière d’actrice. Son parcours la mène de Bordeaux à Los Angeles, entre nuits folles, fêtes, castings et désillusions.
« Fabriquer une femme » propose une réflexion sur la construction de l’identité féminine à travers deux destins opposés. La structure en miroir – d’abord le point de vue de Rose, puis celui de Solange – permet à Marie Darrieussecq d’interroger la notion même d’amitié féminine. Car si les deux jeunes femmes restent liées au fil des années, leur relation semble davantage tenir du besoin de se définir l’une contre l’autre que d’une véritable connivence.
Le style saccadé de l’autrice, fait de phrases brèves et d’ellipses, sert admirablement son propos. Il traduit la brutalité des expériences qui façonnent ces deux femmes : la maternité non désirée de Solange, la routine conjugale de Rose. Le roman évite ainsi l’écueil du récit générationnel convenu sur les années 1980. Darrieussecq préfère montrer comment deux jeunes femmes tentent de se construire dans une société qui leur laisse finalement peu de choix : soit la transgression permanente comme Solange, soit l’apparente conformité comme Rose.
Cette chronique d’une émancipation impossible pose la question : peut-on vraiment choisir qui l’on devient quand tous les modèles proposés restent définis par le regard masculin ?
Aux éditions P.O.L ; 336 pages.
2. Tom est mort (2007)
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Dix ans après la mort de Tom, son fils de quatre ans et demi, une mère prend un cahier et commence à écrire. Elle raconte comment tout a basculé lors de leur installation en Australie. Pour la première fois depuis une décennie, elle parvient à vivre quelques instants sans penser à lui. Cette accalmie soudaine l’effraie : l’oubli menace. Elle couche alors sur le papier ses souvenirs – la brutalité de l’annonce, les choix impossibles des funérailles, le corps qu’il faut laisser partir.
À travers une narration intime qui oscille entre présent et passé, le roman évoque le quotidien d’une femme hantée par l’absence. La vie continue pourtant : il faut s’occuper des deux autres enfants, tenir debout face à la famille, affronter le regard des autres. Mais comment être encore mère quand on a perdu un enfant ?
Marie Darrieussecq livre un texte sans pathos sur le deuil maternel. Son écriture clinique donne voix à l’indicible : la culpabilité qui ronge, la folie qui guette, le fantôme de l’enfant qui persiste dans chaque reflet de miroir. Un roman bouleversant sur une douleur qui ne cicatrice jamais.
Aux éditions FOLIO ; 240 pages.
3. Notre vie dans les forêts (2017)
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Une femme griffonne ses mémoires dans une forêt, réfugiée avec un groupe de dissidents. Son temps est compté : son corps se délite, organe après organe. Elle était psychologue avant de fuir la ville, un monde aseptisé où les robots ont remplacé une grande partie des humains.
La société s’est divisée en deux classes : ceux qui peuvent s’offrir un clone – leur « moitié » maintenue dans un sommeil artificiel – et les autres. Ces doubles servent de banque d’organes pour leurs propriétaires. La narratrice elle-même rendait autrefois visite à Marie, son clone, jusqu’à ce qu’un patient énigmatique lui révèle l’insoutenable réalité de ce système.
Dans ce roman d’anticipation, Marie Darrieussecq dépeint avec maestria une civilisation qui a perdu son âme dans sa course effrénée vers l’immortalité. Le style haché, urgent, colle parfaitement à cette confession écrite dans la peur d’être découverte. Une fable moderne sur les dangers du transhumanisme et les limites de la science.
Aux éditions FOLIO ; 160 pages.
4. La mer à l’envers (2019)
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À bord d’un luxueux paquebot en Méditerranée, Rose tente de faire le point sur sa vie. Cette psychologue de quarante ans hésite à quitter son mari alcoolique. Une nuit, le bateau secourt des migrants à la dérive. Parmi eux se trouve Younès, un adolescent nigérien. Rose lui offre spontanément des vêtements et le téléphone de son fils Gabriel.
Les mois passent. La famille s’installe au Pays basque. Rose reçoit des appels de Younès mais n’ose pas répondre. Jusqu’au jour où le jeune homme, blessé et réfugié à Calais, la supplie de l’aider. Elle traverse alors la France pour le recueillir chez elle.
Marie Darrieussecq signe un roman sur la collision entre deux réalités : celle des Européens privilégiés et celle des migrants qui risquent leur vie en mer. Sans pathos ni moraline, elle met en scène une femme ordinaire qui se découvre capable d’actes extraordinaires. Un texte sensible qui conjugue questions intimes et enjeux contemporains.
Aux éditions FOLIO ; 256 pages.
5. Truismes (1996)
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Une jeune femme sans le sou décroche un poste dans une parfumerie parisienne, où elle doit prodiguer des massages très particuliers à une clientèle masculine. Son corps subit alors d’étranges transformations : d’abord séduisantes – une peau plus ferme, des formes plus généreuses – elles deviennent bientôt monstrueuses. La narratrice se métamorphose inexorablement en truie.
L’histoire se déroule dans une France proche mais cauchemardesque, dans laquelle un nouveau président autoritaire, Edgar, impose sa loi. Rejetée par tous, la jeune femme erre dans Paris, alternant entre forme humaine et animale selon les circonstances. Sa rencontre avec Yvan, un loup-garou directeur de la marque « Loup-Y-Es-Tu », lui apporte un bref répit avant que celui-ci ne soit abattu par les forces de l’ordre.
Premier roman de Marie Darrieussecq publié en 1996, « Truismes » est une fable cruelle qui dynamite les conventions littéraires. Sous ses aspects fantastiques et grotesques, le texte livre une satire féroce de l’exploitation des femmes et de la montée des autoritarismes. Cette œuvre singulière, qui fit sensation à sa parution, conserve aujourd’hui toute sa force subversive.
Aux éditions FOLIO ; 148 pages.
6. Il faut beaucoup aimer les hommes (2013)
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Hollywood, début des années 2010. Solange, une jeune actrice française qui enchaîne les seconds rôles, croise le regard de Kouhouesso lors d’une soirée mondaine. Il est acteur lui aussi, d’origine camerounaise. Grand, magnétique, il la subjugue instantanément.
Les premiers instants sont passionnés mais très vite, Kouhouesso se révèle distant, absorbé par son projet : adapter « Au cœur des ténèbres », le roman de Joseph Conrad. Solange l’attend, guette ses messages, espère ses visites. Elle met sa carrière entre parenthèses et finit par le suivre au Cameroun où il réalise enfin son film. Dans la moiteur de la forêt équatoriale, leur relation va prendre un nouveau virage.
« Il faut beaucoup aimer les hommes » se présente comme le récit d’une passion amoureuse asymétrique dans laquelle Marie Darrieussecq questionne trois thèmes majeurs. D’abord, l’attente amoureuse imposée à Solange par Kouhouesso révèle la persistance de rapports inégaux entre hommes et femmes. L’aliénation d’une femme qui accepte de mettre sa vie entre parenthèses pour un homme trop occupé par ses propres ambitions.
Ensuite, à travers la différence de couleur de peau des protagonistes, le roman aborde les tensions raciales, comment les préjugés et les malentendus culturels continuent de peser sur les relations intimes. Enfin, le choix du milieu hollywoodien et le projet d’adaptation de « Au cœur des ténèbres » permettent à Darrieussecq de dénoncer la superficialité du monde du cinéma et sa vision stéréotypée de l’Afrique.
Aux éditions FOLIO ; 304 pages.