Julian Patrick Barnes est un écrivain britannique né le 19 janvier 1946 à Leicester. Issu d’une famille d’enseignants de français, il grandit à Londres puis dans sa périphérie. Après des études de langues modernes à l’université d’Oxford (1968), il débute sa carrière comme lexicographe pour l’Oxford English Dictionary, avant de devenir critique littéraire et journaliste.
Sa carrière littéraire commence en 1980 avec la publication de son premier roman « Metroland » et d’un polar sous le pseudonyme de Dan Kavanagh. Auteur prolifique, il écrit de nombreux romans, nouvelles, essais et mémoires, devenant l’une des figures majeures de la littérature postmoderne britannique. Ses œuvres, traduites dans plus de 40 langues, lui valent de prestigieuses récompenses dont le Prix Booker (2011), le Prix Médicis essai et le Prix Femina.
Francophile reconnu, Barnes est particulièrement apprécié en France où il est fait Commandeur des Arts et des Lettres (2004) puis Officier de la Légion d’honneur (2017). Son œuvre se caractérise par une grande diversité thématique et stylistique, abordant aussi bien l’histoire, l’art, la mémoire que les relations humaines. Veuf depuis 2008 de Pat Kavanagh, son épouse et agente littéraire, il continue d’être un observateur engagé de la société britannique, s’opposant notamment au Brexit et aux politiques culturelles conservatrices.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Le perroquet de Flaubert (1984)
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Dans les années 1980, un médecin anglais à la retraite sillonne la Normandie sur les traces de Gustave Flaubert. Geoffrey Braithwaite, veuf, passionné par l’auteur de « Madame Bovary », se lance dans une drôle d’investigation : retrouver parmi deux spécimens empaillés le véritable perroquet qui aurait servi de modèle à Flaubert pour sa nouvelle « Un cœur simple ».
Le narrateur accumule les découvertes inattendues sur son écrivain fétiche : ses amours contrariées, ses opinions tranchées sur la littérature, ses habitudes excentriques. Mais à mesure que progresse son enquête, c’est sa propre histoire qui affleure en filigrane, notamment le mystère entourant la disparition de son épouse.
Sélectionné pour le Booker Prize en 1984, ce livre inclassable pulvérise les codes traditionnels de la biographie. Les chapitres alternent entre chronologies contradictoires, correspondances imaginaires, annotations érudites et divagations humoristiques. L’ensemble compose un kaléidoscope qui interroge notre capacité à saisir la vérité d’une vie, qu’elle soit celle d’un écrivain célèbre ou la nôtre.
Aux éditions STOCK ; 342 pages.
2. Love, etc. (1991)
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Dans ce roman publié en 1991, Julian Barnes met en scène un trio amoureux peu conventionnel. Stuart et Oliver, amis depuis le lycée malgré leurs personnalités opposées, se disputent l’amour de Gillian. L’un est banquier, méthodique et réservé, l’autre professeur d’anglais, extraverti et fantasque.
Tout bascule le jour du mariage de Stuart avec Gillian, restauratrice de tableaux. Oliver réalise soudain qu’il est éperdument amoureux de la jeune femme et décide de la séduire, sans égard pour son meilleur ami. S’ensuit une série d’événements qui conduiront Gillian à quitter Stuart pour Oliver, bouleversant irrémédiablement l’équilibre de leur trio.
Le récit adopte une structure chorale originale où chaque personnage s’adresse directement au lecteur, livrant sa version des faits. Ces confessions croisées révèlent peu à peu la complexité des relations, entre manipulation, culpabilité et désir. Le portrait sans concession de ces trois êtres ordinaires confrontés à leurs contradictions fait émerger une réflexion acérée sur l’amour et l’amitié.
Récompensé par le Prix Femina étranger en 1992, ce livre a connu une adaptation française au cinéma en 1996 par Marion Vernoux, avec Charlotte Gainsbourg, Yvan Attal et Charles Berling. Une suite, « Dix ans après », publiée en 2000, reprend ces mêmes personnages une décennie plus tard.
Aux éditions FOLIO ; 377 pages.
3. Arthur & George (2005)
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L’histoire commence en 1903 dans un petit village anglais. George Edalji, avoué méticuleux, fils d’un pasteur d’origine indienne, se retrouve au cœur d’une sombre affaire : on l’accuse d’avoir éventré des chevaux dans la campagne environnante. Malgré l’absence de preuves tangibles, la justice le condamne à sept ans de travaux forcés.
Après trois ans derrière les barreaux, George est libéré sans explication ni réhabilitation. En désespoir de cause, il écrit à Arthur Conan Doyle, alors au sommet de sa gloire. L’écrivain, qui vit une période trouble entre la maladie de sa première épouse et son amour platonique pour Jean Leckie, décide de reprendre du service comme détective, non plus dans la fiction mais dans la réalité.
Cette affaire, qui secoua l’Angleterre comme l’affaire Dreyfus bouleversa la France, met en lumière les préjugés raciaux de l’époque victorienne. Le roman a été adapté en mini-série par ITV en 2015 avec Martin Clunes dans le rôle de Conan Doyle. Finaliste du Booker Prize 2005, il confirme la maestria de Barnes pour transformer la réalité historique en matière romanesque.
Aux éditions FOLIO ; 608 pages.
4. Une fille, qui danse (2011)
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Angleterre, années 1960. Tony Webster partage ses années de lycée avec trois amis inséparables. Le plus brillant d’entre eux, Adrian, impressionne le groupe par son intelligence et sa maturité. À l’université, Tony vit une histoire d’amour avec Veronica, une jeune femme énigmatique qui le quittera pour se mettre en couple avec Adrian. Quelques mois plus tard, ce dernier met fin à ses jours.
Quarante ans ont passé. Tony, désormais retraité et divorcé, reçoit un héritage inattendu : la mère de Veronica lui lègue 500 livres et le journal intime d’Adrian. Cette nouvelle ravive des souvenirs qu’il croyait enfouis et le pousse à recontacter Veronica pour obtenir le mystérieux journal.
Au fil de sa quête, Tony découvre que la réalité de son passé diffère radicalement de ce qu’il s’était persuadé avoir vécu. Une lettre haineuse écrite dans sa jeunesse refait surface, ainsi qu’une série de révélations qui l’obligent à reconsidérer le rôle qu’il a joué dans le destin d’Adrian.
Couronné par le Man Booker Prize en 2011, ce roman de Julian Barnes dissèque les mécanismes de la mémoire sélective et la façon dont chacun réécrit son histoire. Le texte a été adapté au cinéma en 2017 par Ritesh Batra, avec Jim Broadbent et Charlotte Rampling dans les rôles principaux.
Aux éditions FOLIO ; 224 pages.
5. La seule histoire (2018)
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Dans une petite ville du Surrey, au début des années 1960, Paul Casey passe un été morne entre deux années universitaires. Pour l’occuper, ses parents l’inscrivent au club de tennis où il rencontre Susan MacLeod, une femme de 48 ans, mariée et mère de deux filles plus âgées que lui. De leur complicité sur le court naît une relation qui défie les conventions de l’époque.
Leur amour grandit dans l’ombre des regards désapprobateurs, jusqu’à ce que le scandale les pousse à quitter la ville. Ils s’installent à Londres, où Paul poursuit ses études de droit grâce à l’argent de Susan. Les premières années sont heureuses, mais peu à peu, une sombre réalité émerge : l’alcoolisme de Susan, qui n’avait jamais bu une goutte avant leur rencontre.
Paul consacre sa vingtaine à tenter de sauver celle qu’il aime, oscillant entre espoir et désespoir face à une maladie qui transforme Susan en étrangère. Cette lutte épuisante le force à questionner la nature même de son engagement : est-ce encore l’amour qui le retient ou simplement le devoir ?
Le roman se construit en trois parties distinctes, chacune utilisant un point de vue narratif différent (je, vous, il) pour marquer l’évolution du rapport de Paul à cette histoire qui a façonné toute son existence. Cette structure permet d’interroger la nature même de l’amour et la façon dont nos souvenirs le transforment avec le temps. Publié en 2018, « La seule histoire » s’inscrit dans la dernière période créative de Julian Barnes, marquée par la perte de son épouse Pat Kavanagh et une réflexion plus intime sur les relations amoureuses.
Aux éditions FOLIO ; 352 pages.
6. England, England (1998)
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Dans un futur proche, le richissime Jack Pitman conçoit un projet mégalomane : rassembler sur l’île de Wight les attractions emblématiques de l’Angleterre. Pour mener à bien cette entreprise, il recrute Martha Cochrane, une quadragénaire brillante marquée par l’abandon paternel de son enfance. Ensemble, ils créent « England, England », un parc où les touristes peuvent visiter Big Ben, admirer une reproduction miniature de Buckingham Palace, croiser Robin des Bois dans la forêt de Sherwood reconstituée, rencontrer la famille royale et découvrir les légendes britanniques, le tout concentré sur quelques kilomètres carrés.
Le succès est tel que le parc obtient son indépendance et intègre l’Union européenne, pendant que la « vraie » Angleterre sombre dans un inexorable déclin. Martha, promue à la tête du projet après avoir découvert les penchants inavouables de Pitman, règne sur ce simulacre de nation. Mais son triomphe est de courte durée : un scandale la contraint à l’exil, de retour dans une Angleterre désormais archaïque.
Publié en 1998, finaliste du Booker Prize, ce roman décape les mythes fondateurs de l’identité britannique avec un humour grinçant. La satire vise autant le patriotisme exacerbé que l’industrie du divertissement, prête à réécrire l’Histoire pour satisfaire les attentes des touristes. Le texte questionne aussi la préférence croissante du public pour les répliques plutôt que les originaux – une réflexion qui résonne particulièrement à l’ère du numérique et des parcs à thème.
Aux éditions FOLIO ; 441 pages.
7. Le fracas du temps (2016)
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En 1936, le compositeur Dmitri Chostakovitch attend chaque nuit sur le palier de son appartement, une valise à la main. Son opéra « Lady Macbeth de Mzensk » a déplu à Staline et la Pravda l’a condamné comme « anti-soviétique ». Dans la terreur des grandes purges, il préfère se tenir prêt pour éviter que sa famille n’assiste à son arrestation.
« Le fracas du temps » suit ce géant de la musique russe à travers trois moments décisifs : ces nuits d’angoisse de 1936, un voyage à New York en 1949 où il doit servir la propagande soviétique, et enfin les années Khrouchtchev où, devenu figure officielle du régime, il doit composer avec sa conscience et ses compromissions. Entre survie et création artistique, résistance et soumission, Chostakovitch tente de préserver son art tout en protégeant les siens.
Julian Barnes livre ici une méditation sur le sort des artistes sous les régimes totalitaires, questionnant la nature même du courage et de la lâcheté. Le texte dépasse la simple biographie romancée pour interroger la possibilité de créer sous la contrainte, dans un monde où l’art doit servir l’idéologie. La construction en trois tableaux, centrée sur des moments de crise, permet d’éviter les écueils du récit chronologique traditionnel pour mieux saisir les contradictions intimes du compositeur.
Aux éditions FOLIO ; 256 pages.