Jojo Moyes, de son nom complet Pauline Sara Jo Moyes, est une romancière et journaliste britannique née le 4 août 1969 à Londres. Après des études au Royal Holloway de l’Université de Londres, elle débute une carrière de journaliste au prestigieux quotidien The Independent, où elle travaillera pendant dix ans, notamment comme correspondante arts et médias. Elle fait également un passage d’un an à Hong Kong pour le Sunday Morning Post.
En 2002, elle se consacre entièrement à l’écriture avec la publication de son premier roman « Sous la pluie ». Son talent est rapidement reconnu : elle est l’une des rares autrices à avoir remporté deux fois le prix du roman romantique de l’année (RNA Awards) en 2004 et 2011. Plusieurs de ses œuvres ont connu un succès international, notamment « Avant toi », adapté au cinéma en 2016 avec Emilia Clarke, et « La dernière lettre de son amant », également porté à l’écran en 2021.
Autrice prolifique traduite en onze langues, elle vit aujourd’hui dans une ferme à Saffron Walden, dans l’Essex, avec son mari, le journaliste Charles Arthur, et leurs trois enfants.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Trilogie « Avant toi » – Avant toi (2012)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Dans une petite ville anglaise, Louisa Clark, 26 ans, perd son emploi de serveuse. Sans qualification particulière et contrainte de subvenir aux besoins de sa famille, elle accepte un poste d’aide de vie auprès de Will Traynor, un ancien golden boy de la finance devenu tétraplégique suite à un accident de la route.
La relation démarre mal. Will, amer et sarcastique, repousse toutes les tentatives de Louisa pour égayer son quotidien. Mais la jeune femme, avec son caractère spontané et ses tenues excentriques, finit par percer la carapace du jeune homme. Une complicité s’installe, puis des sentiments plus profonds. Jusqu’au jour où Louisa découvre que Will a pris rendez-vous en Suisse dans une clinique spécialisée dans le suicide assisté. Elle n’a que six mois pour le convaincre que la vie vaut encore la peine d’être vécue.
Autour du livre
À sa sortie en 2012, « Avant toi » soulève un débat éthique majeur au Royaume-Uni en abordant frontalement la question de l’euthanasie et du droit à mourir dans la dignité. La comparaison avec le film français « Intouchables » surgit immédiatement, mais Jojo Moyes transcende cette apparente similarité en interrogeant les limites du libre arbitre face au handicap. La souffrance physique et morale de Will, ses infections récurrentes, sa dépendance totale confrontent le lecteur à la réalité brutale de la tétraplégie, loin des clichés habituels.
Les personnages secondaires participent à la complexité du propos. Les parents de Will, déchirés entre l’amour pour leur fils et l’acceptation de son choix, illustrent le dilemme moral des proches. La famille de Lou, avec sa sœur privilégiée par les parents malgré sa situation de mère célibataire, dessine en creux les inégalités sociales britanniques. Patrick, le petit ami obsédé par le sport, incarne l’incompréhension face au handicap.
L’humour britannique imprègne les dialogues et allège la gravité du sujet sans jamais tomber dans la mièvrerie. Les tenues excentriques de Lou, ses réparties spontanées face au cynisme de Will créent une dynamique qui évite l’écueil du pathos. Cette alchimie a séduit les lecteurs : deux suites sont parues, « Après toi » en 2015 et « Après tout » en 2018. L’adaptation cinématographique de 2016 avec Emilia Clarke dans le rôle de Lou confirme le succès international de cette œuvre qui dépasse le simple cadre de la romance pour questionner notre rapport à la mort choisie.
La force de « Avant toi » réside dans son refus du jugement moral. La décision finale de Will n’apparaît ni comme un échec ni comme une victoire, mais comme l’expression ultime de sa liberté individuelle. Cette nuance, rare dans la littérature contemporaine sur le handicap, explique l’écho particulier de ce texte auprès du public et sa contribution significative au débat sur l’euthanasie.
Aux éditions HAUTEVILLE ; 528 pages.
2. Trilogie « Avant toi » – Après toi (2015)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Un an et demi après avoir accompagné Will Traynor dans son choix du suicide assisté, Louisa Clark quitte sa ville natale pour Londres. Les critiques sur son rôle dans la mort de Will sont devenues insupportables. À 28 ans, elle s’installe dans un appartement acheté grâce à l’héritage de Will et trouve un emploi de serveuse dans un bar d’aéroport. Mais elle peine à tenir la promesse faite à Will : profiter pleinement de la vie.
Une nuit, sur la terrasse de son immeuble, Lou fait une chute qui aurait pu lui être fatale. Pendant sa convalescence, elle rencontre Sam, l’ambulancier qui l’a secourue. Sa vie bascule à nouveau quand une adolescente, Lily, débarque chez elle en affirmant être la fille de Will. Rebelle et écorchée vive, la jeune fille va forcer Lou à sortir de sa zone de confort.
Autour du livre
À sa sortie en 2015, « Après toi » suscite des réactions contrastées. Là où « Avant toi » avait conquis un large public avec son traitement sensible du handicap et de l’euthanasie, cette suite divise. Le New York Times la qualifie de « drôle, émouvante et toujours imprévisible », tandis que certains critiques peinent à retrouver la force émotionnelle du premier tome.
Jojo Moyes excelle dans son traitement du deuil et de la culpabilité. Les personnages secondaires, notamment la famille de Lou et le groupe de parole sur le deuil, insufflent une dose d’humour salvateur qui allège la pesanteur du sujet. La mère de Lou, en particulier, amène une touche comique avec sa soudaine prise de conscience féministe qui déstabilise toute la famille.
L’arrivée de Lily, la fille de Will, constitue un point de bascule controversé. Si certains y voient un artifice narratif, d’autres saluent la manière dont ce personnage d’adolescente rebelle pousse Lou à se confronter à ses démons. Le tandem qu’elles forment éclaire sous un jour nouveau la personnalité de Will et questionne l’idéalisation post-mortem.
La reconquête progressive par Lou de sa joie de vivre et de son excentricité – symbolisée par ses tenues vestimentaires extravagantes qu’elle avait délaissées – trace un chemin de résilience crédible. Cette suite répond aussi à une demande des lecteurs, comme le révèlent les remerciements : ce sont eux qui ont souhaité connaître le devenir de Lou après les événements de « Avant toi ».
Aux éditions HAUTEVILLE ; 480 pages.
3. Trilogie « Avant toi » – Après tout (2018)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Louisa Clark, jeune Anglaise au caractère pétillant, quitte son pays natal et son petit ami Sam pour s’installer à New York. Engagée comme assistante personnelle d’Agnes Gopnik, la jeune épouse d’un richissime homme d’affaires, elle découvre l’univers clinquant de l’Upper East Side avec ses codes et ses conventions.
Entre les galas de charité, les essayages de robes et les caprices d’Agnes, Lou tente de préserver sa relation à distance avec Sam. Mais sa rencontre avec Joshua, qui ressemble trait pour trait à Will – son ancien amour décédé – vient tout bouleverser. Alors que son équilibre professionnel et personnel vacille, elle trouve refuge auprès de Margot de Witt, une vieille dame excentrique qui devient sa confidente.
Autour du livre
Ce troisième volet de la trilogie de Jojo Moyes marque une évolution du personnage de Louisa Clark. La jeune femme, désormais plus mûre, conserve néanmoins les traits de caractère qui ont séduit les lecteurs des précédents tomes : sa maladresse touchante, ses tenues excentriques – notamment ses fameux « collants bourdon » – et sa capacité à répandre le bonheur autour d’elle.
La transposition de l’action à New York permet d’opposer deux univers : le monde clinquant et superficiel de l’Upper East Side face à la réalité plus brute des quartiers populaires. Cette dualité se retrouve dans le personnage principal, partagé entre son identité britannique et son adaptation à la vie new-yorkaise. Le personnage de Margot de Witt apporte une dimension supplémentaire à l’histoire. Cette aristocrate âgée et son chien Dean Martin créent avec Lou une relation qui rappelle, sous certains aspects, celle qu’elle entretenait avec Will dans « Avant toi ».
Les critiques soulignent la différence de ton avec le premier opus. Si « Avant toi » bouleversait par son intensité émotionnelle, « Après tout » choisit une approche plus légère, sans pour autant éluder des thèmes profonds comme la quête d’identité ou l’émancipation. Les références à d’autres œuvres littéraires parsèment le récit : on pense au « Diable s’habille en Prada » pour l’environnement professionnel, à « Rebecca » pour la relation entre Agnes Gopnik et sa gouvernante, ou encore à « Elle et lui » et « Nuit blanche à Seattle » pour la trame romantique.
L’ombre de Will, le personnage central de « Avant toi », continue de planer sur ce dernier tome, non plus comme un fantôme pesant mais comme une présence bienveillante qui guide les choix de Lou. Cette persistance mémorielle constitue l’un des fils conducteurs de l’œuvre, donnant une cohérence à l’ensemble de la trilogie tout en permettant au personnage principal de s’émanciper progressivement de son passé.
Aux éditions HAUTEVILLE ; 576 pages.
4. Les yeux de Sophie (2012)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
1916. Dans un petit village français occupé, Sophie Lefèvre gère l’auberge familiale avec sa sœur Hélène. Sur les murs trône son portrait, œuvre de son mari Édouard, artiste parti au front. L’arrivée d’un nouveau commandant allemand bouleverse leur quotidien : subjugué par le tableau, il ordonne que ses hommes soient servis chaque soir à l’auberge. Son intérêt croissant pour la toile et son modèle – Sophie – précipite une série d’événements aux conséquences dramatiques.
2006. À Londres, Liv peine à surmonter la mort de son mari architecte. Son seul réconfort : « Les yeux de Sophie », le tableau qu’il lui avait offert pour leur mariage. Mais cette œuvre cache une histoire trouble : les héritiers d’Édouard Lefèvre la revendiquent, affirmant qu’elle fut volée durant la Grande Guerre. Pour Liv commence alors une double quête : préserver ce dernier lien avec son époux et découvrir la vérité sur le destin de Sophie.
Autour du livre
La force de ce livre réside dans sa double temporalité qui met en lumière deux femmes d’exception. Sophie se distingue comme une héroïne lumineuse du quotidien, prête à tout pour retrouver son mari dans une France occupée où la moindre action peut être interprétée comme de la collaboration. Le portrait de cette résistance ordinaire, souvent méconnue, de la Première Guerre mondiale prend vie à travers les gestes simples mais courageux d’une femme qui refuse de se soumettre aux lois de l’occupant.
Le choix d’entrelacer cette histoire avec celle de Liv, une Londonienne contemporaine, permet d’aborder la question de la restitution des œuvres d’art spoliées pendant les guerres mondiales. La perspective originale adoptée ici ne se place pas du côté des victimes mais de celui des propriétaires actuels, confrontés à des dilemmes moraux et affectifs. Cette approche soulève des questions éthiques sur la valeur sentimentale des œuvres face à leur valeur marchande.
La première partie du livre, qui se déroule dans le Nord de la France occupée, retrace avec précision les conditions de vie sous l’occupation allemande : la faim, les privations, mais aussi la solidarité entre villageois et les jugements parfois hâtifs portés sur ceux soupçonnés de collaborer. Le personnage du Kommandant, décrit avec nuance, sort des clichés habituels sur l’occupant allemand pour proposer un portrait plus complexe des relations entre occupants et occupés.
Si la partie contemporaine perd parfois en intensité par rapport aux chapitres historiques, elle gagne en tension au fil des révélations sur le destin de Sophie. L’intrigue juridique autour du tableau devient le prétexte à une réflexion plus large sur l’héritage de la guerre et la façon dont les blessures du passé continuent d’influencer le présent.
Aux éditions HAUTEVILLE ; 576 pages.
5. Le vent nous portera (2019)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Dans le Kentucky des années 1930, Alice, une jeune Anglaise de bonne famille, épouse Bennett van Cleve, un séduisant Américain. Elle quitte son Angleterre natale, pressée d’échapper à l’atmosphère étouffante de la société britannique. Mais son rêve américain se brise rapidement : son mari reste distant, et son beau-père, un homme autoritaire qui dirige la mine locale, fait régner sa loi sous leur toit.
Pour échapper à son quotidien morose, Alice rejoint un projet audacieux initié par Eleanor Roosevelt : une bibliothèque itinérante. Aux côtés de Margery O’Hare, une femme libre d’esprit qui refuse les conventions sociales, et d’autres bibliothécaires, elle parcourt à cheval les sentiers escarpés des Appalaches. Leur mission : apporter des livres aux habitants des zones les plus reculées. Malgré l’hostilité de certains qui voient d’un mauvais œil ces femmes indépendantes, elles persistent, bravant les intempéries et les préjugés.
Autour du livre
En puisant dans un fait historique méconnu – les bibliothèques itinérantes à cheval du Kentucky créées sous l’impulsion d’Eleanor Roosevelt de 1936 à 1943 – Jojo Moyes bâtit une fresque sociale percutante sur l’Amérique de la Grande Dépression. Derrière le projet altruiste de diffusion de la culture se dessine le portrait saisissant de femmes qui osent braver les conventions d’une époque corsetée par le puritanisme et les préjugés.
La sororité constitue le fil conducteur de cette odyssée : Alice, Beth, Izzy, Sophia et Margery forment un groupe soudé, chacune apportant sa singularité et son histoire. L’accent mis sur leurs personnalités contrastées et leurs parcours variés permet d’aborder des thèmes forts comme la condition féminine, la ségrégation raciale ou les inégalités sociales. La figure de Margery O’Hare se distingue particulièrement : femme libre et insoumise, elle incarne la résistance face à l’ordre établi et insuffle un vent de révolte salutaire.
Les paysages escarpés du Kentucky, avec ses montagnes hostiles et ses climats extrêmes, ne servent pas de simple décor mais participent pleinement à la narration. Ces espaces sauvages reflètent la rudesse des conditions de vie de l’époque tout en symbolisant la quête de liberté des protagonistes. Comme le souligne un passage éloquent : « Là-haut, vous pouvez respirer. Vous n’entendez pas l’incessant bavardage de la ville. Aucun regard sur vous. Il n’y a rien que vous, les arbres, les oiseaux, la rivière, le ciel et la liberté… »
Si Jojo Moyes prend son temps pour installer l’intrigue, le rythme s’accélère progressivement jusqu’à créer une tension palpable, notamment lors des scènes de violence ou d’injustice. L’engagement social et féministe transparaît sans jamais tomber dans le manichéisme ou le moralisme appuyé. « Le vent nous portera » réussit ainsi le pari de conjuguer divertissement et réflexion sur des enjeux de société qui résonnent encore aujourd’hui.
Aux éditions HAUTEVILLE ; 500 pages.
6. Jamais deux sans toi (2014)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Jess Thomas, 27 ans, se démène pour joindre les deux bouts en cumulant deux emplois. Depuis que son mari l’a quittée il y a deux ans, elle élève seule sa fille Tanzie, petite génie des mathématiques, et Nicky, le fils de son ex-mari qu’elle considère comme le sien. Dans leur quartier populaire d’une ville côtière anglaise, la vie n’est pas simple : Nicky subit les brimades de ses camarades et les fins de mois sont difficiles.
La chance semble enfin sourire à Tanzie quand une école privée lui propose une bourse d’études. Mais même avec cette aide, les frais restent hors de portée. Un concours de mathématiques en Écosse pourrait être la solution : le premier prix permettrait de payer la scolarité. C’est alors qu’Ed Nicholls entre dans leur vie. Ce riche informaticien, empêtré dans une affaire de délit d’initié qui menace de ruiner sa carrière, propose de les conduire jusqu’au concours.
Le périple s’annonce mouvementé : Tanzie ne supporte pas les vitesses supérieures à 70 km/h, leur chien Norman empeste la voiture, et les tensions entre Ed et Jess sont palpables. Ce qui devait être un simple trajet va se transformer en une odyssée de plusieurs jours.
Autour du livre
À travers des points de vue alternés entre Ed, Jess, Nicky et Tanzie, « Jamais deux sans toi » déploie une réflexion sociale sur les inégalités et la différence. Les chapitres consacrés à Nicky, adolescent malmené pour son style gothique et son maquillage, touchent particulièrement par leur justesse et leur sensibilité. Cette architecture narrative permet d’appréhender chaque personnage dans sa complexité, notamment la jeune Tanzie dont les observations mathématiques et le regard innocent sur le monde des adultes apportent fraîcheur et humour au récit.
L’ancrage dans une réalité sociale contemporaine constitue l’une des forces majeures du texte. La précarité financière de Jess, contrainte de cumuler les emplois, le harcèlement scolaire subi par Nicky, ou encore les dérives du monde de la finance qui précipitent la chute d’Ed composent une toile de fond réaliste. Ces thématiques graves sont néanmoins équilibrées par des moments de légèreté, notamment grâce à la présence de Norman, le chien imposant dont les flatulences ponctuent le périple.
Plusieurs critiques rapprochent « Jamais deux sans toi » du film « Little Miss Sunshine », notamment dans sa structure de road movie où une famille atypique part en quête d’un concours salvateur. Cette comparaison souligne la dimension cinématographique du récit, portée par des dialogues vifs et des scènes d’action efficaces. L’Independent on Sunday le qualifie d’ailleurs de « grandiose, phénoménal, époustouflant ».
Aux éditions HAUTEVILLE ; 475 pages.
7. La dernière lettre de son amant (2015)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Londres, années 1960. Jennifer Stirling mène une existence dorée mais sans relief auprès de son mari, un puissant homme d’affaires. Un terrible accident de voiture la laisse amnésique. En fouillant dans ses affaires, elle découvre des lettres passionnées signées « B. » qui lui révèlent une liaison secrète dont elle n’a aucun souvenir. Commence alors pour elle une quête périlleuse pour retrouver cet amant mystérieux et comprendre qui elle était vraiment avant son accident.
Quarante ans plus tard, Ellie Haworth, jeune journaliste, tombe sur cette correspondance dans les archives de son journal. L’histoire de Jennifer entre en résonance avec sa propre situation – elle-même vit une relation compliquée avec un homme marié. Fascinée, elle décide de partir sur les traces de ces amants et de découvrir ce qu’ils sont devenus.
Autour du livre
Entre la quête d’émancipation des femmes des années 1960 et les questionnements amoureux contemporains, « La dernière lettre de son amant » dessine un parallèle saisissant entre deux époques. La société londonienne des sixties se révèle à travers Jennifer, une femme mariée qui étouffe dans son rôle d’épouse décorative, cantonnée aux mondanités et soumise à un mari condescendant qui lui rappelle qu’une femme ne doit pas « pontifier sur des sujets dont elle ne sait rien ». Cette oppression sociale entre en résonance avec la situation d’Ellie, journaliste des années 2000 prise au piège d’une relation sans avenir avec un homme marié.
Le livre s’articule autour de la correspondance amoureuse comme fil conducteur entre les deux époques. Les lettres, véritables témoignages d’une passion dévorante, contrastent avec les SMS et emails modernes. Cette opposition souligne l’évolution des rapports amoureux et de la place des femmes dans la société. Le texte s’enrichit d’authentiques lettres de rupture placées au début de chaque chapitre, créant un contrepoint ironique ou émouvant avec l’intrigue principale.
La structure narrative alterne entre trois temporalités : l’histoire d’Ellie en 2003, celle de Jennifer avant son accident, et sa vie post-amnésie. Jojo Moyes maintient ainsi le suspense tout en tissant des liens thématiques entre les personnages. Les conventions sociales, l’adultère, la quête d’identité et l’aspiration à la liberté se font écho d’une époque à l’autre.
Traduit dans plus de trente langues, le livre s’est imposé comme un best-seller international avant d’être adapté en film par Netflix en 2021. Par-delà la simple romance, Jojo Moyes y aborde des thèmes sociétaux majeurs comme l’émancipation féminine ou les ravages de l’industrie de l’amiante, évoqués avec tact à travers le personnage de Laurence Stirling, industriel sans scrupules qui tente de dissimuler les premiers cas de mésothéliome.
Aux éditions HAUTEVILLE ; 528 pages.
8. Les Fiancées du Pacifique (2008)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
En 1946, six cent cinquante-cinq Australiennes embarquent sur le HMS Victorious, un porte-avions britannique, pour une traversée de six semaines vers l’Angleterre. Ces « épouses de guerre » ont épousé des soldats britanniques pendant la Seconde Guerre mondiale, souvent après des rencontres furtives. La plus jeune n’a que quinze ans. Elles quittent leur pays natal pour retrouver des maris qu’elles connaissent à peine.
Parmi elles, quatre femmes partagent une cabine exiguë : Margaret, une fermière enceinte jusqu’aux yeux, Jean, une adolescente insouciante de seize ans, Avice, issue de la haute société et Frances, une infirmière mystérieuse qui cache un lourd secret. Dans cet espace confiné, au milieu d’un équipage exclusivement masculin, les tensions montent. Durant six semaines, entre tempêtes et scandales, ces femmes affrontent la promiscuité, le mal de mer et la cohabitation délicate avec plus de mille marins.
Autour du livre
Tiré d’un épisode méconnu de l’histoire familiale de Jojo Moyes, « Les Fiancées du Pacifique » s’inspire du périple de sa grand-mère Betty McKee, l’une des 655 épouses australiennes embarquées sur le HMS Victorious. Chaque chapitre s’ouvre sur des extraits de documents d’époque – articles de presse, journaux de bord, correspondances personnelles – qui inscrivent la narration dans son contexte historique et renforcent l’authenticité du récit.
La narration jongle entre présent et passé. Le prologue situe l’action en 2002 en Inde, où une grand-mère reconnaît l’épave du navire qui l’a menée vers sa nouvelle vie. Cette mise en perspective crée un pont entre les générations et soulève des questions sur la transmission de la mémoire familiale. L’identité de cette narratrice ne sera révélée qu’à la toute fin, maintenant le suspense jusqu’aux dernières pages.
Les portraits psychologiques des quatre protagonistes principales se dessinent progressivement à travers leurs interactions quotidiennes dans l’espace confiné de leur cabine. Les antagonismes de classes et de caractères entre Margaret la fermière, Jean l’écervelée, Avice la snob et Frances la mystérieuse reflètent les tensions sociales de l’époque. La condition féminine d’après-guerre transparaît notamment dans le traitement réservé aux « épouses non grata », renvoyées comme de simples marchandises défectueuses.
Si certains critiques relèvent des longueurs dans la première moitié du livre, la majorité souligne l’habileté avec laquelle Jojo Moyes dévoile les secrets de ses personnages. Les révélations surgissent au détour d’une phrase, avec une subtilité qui contraste avec la gravité des sujets abordés. Le récit évoque par moments l’atmosphère du film « Titanic », sans jamais tomber dans le piège de la simple imitation.
Aux éditions HAUTEVILLE ; 600 pages.
9. La baie des baleines (2012)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Liza McCullen s’est réfugiée avec sa fille Hannah sur les côtes australiennes, dans la petite ville de Silver Bay. Elles vivent chez Kathleen, la tante de Liza, qui tient un modeste hôtel familial. Entre les sorties en mer pour observer baleines et dauphins, mère et fille tentent de se reconstruire loin d’un passé douloureux qu’elles préfèrent taire.
L’arrivée de Mike Dormer, un homme d’affaires londonien, bouleverse leur fragile équilibre. Sous ses airs de simple touriste, il cache une mission secrète : superviser l’implantation d’un complexe hôtelier qui menace directement l’écosystème de la baie. Mais au contact des habitants et de la beauté sauvage des lieux, ses certitudes vacillent. Entre Liza qui le trouble et la petite Hannah qui s’attache à lui, Mike découvre un monde aux antipodes de sa vie londonienne.
Le projet immobilier menace non seulement l’équilibre fragile de la baie et ses majestueux cétacés, mais risque aussi d’exposer le lourd secret que Liza dissimule depuis des années. La petite communauté de Silver Bay se soude alors pour défendre son coin de paradis.
Autour du livre
« La baie des baleines » se démarque dans la bibliographie de Jojo Moyes par son traitement nuancé des enjeux environnementaux. La romancière y alterne entre six points de vue différents, ce qui multiplie les perspectives sur les événements et donne de la profondeur aux dilemmes moraux qui traversent l’histoire.
Le cadre australien de Silver Bay sert de théâtre à une réflexion sur la cohabitation entre développement économique et préservation de la nature. Les descriptions des sorties en mer et des rencontres avec les baleines créent une atmosphère singulière, notamment lors des passages sur les filets fantômes ou l’échouage d’un baleineau. Ces scènes poignantes illustrent les conséquences concrètes du tourisme de masse sur la faune marine.
Les personnages secondaires, notamment la tante Kathleen et la jeune Hannah, apportent une épaisseur supplémentaire au récit. Kathleen incarne la mémoire du lieu – elle s’est rendue célèbre à 17 ans en capturant le plus gros requin de la baie. Hannah, elle, représente une nouvelle génération passionnée par la protection des cétacés. Cette galerie de protagonistes bien dessinés renforce la crédibilité de la communauté de Silver Bay.
Si certains lecteurs critiquent un démarrage lent, la construction progressive de l’intrigue permet d’installer efficacement les enjeux écologiques avant que l’histoire d’amour ne prenne son envol. Les rebondissements de la dernière partie, notamment lors de la tempête en mer, démontrent la capacité de Jojo Moyes à manier suspense et émotion sans tomber dans le mélo.
À travers le prisme de cette histoire locale, l’autrice britannique aborde des thématiques universelles : la reconstruction après un traumatisme, le conflit entre progrès économique et respect de l’environnement, le poids des secrets familiaux. Le succès du livre tient aussi à ce savant équilibre entre romance et engagement écologique.
Aux éditions HAUTEVILLE ; 456 pages.
10. Sous le même toit (2017)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Isabel Delancey, violoniste professionnelle à Londres, voit sa vie basculer après le décès brutal de son mari. Elle découvre qu’il lui a laissé une montagne de dettes. Au même moment, elle hérite d’une vieille maison de style espagnol située dans la campagne anglaise, léguée par un grand-oncle qu’elle connaissait à peine.
Contrainte de quitter Londres avec ses deux enfants – Kitty, une adolescente mature pour son âge, et Thierry, mutique depuis la mort de son père – Isabel s’installe dans cette demeure délabrée au bord d’un lac. Matt McCarthy, un voisin, lui propose son aide pour rénover la maison. Mais ses intentions ne sont pas désintéressées : lui et sa femme Laura convoitaient cette propriété depuis des années, persuadés d’en hériter après s’être occupés du vieil homme.
Entre les travaux qui s’éternisent, les finances qui fondent et les tensions qui montent avec le voisinage, Isabel doit aussi composer avec son deuil et ses enfants traumatisés. Sa seule consolation vient des deux épiciers du village et de Byron, l’homme à tout faire au passé trouble qui aide Thierry à retrouver goût à la vie.
Autour du livre
À la fois chronique villageoise, drame psychologique et thriller immobilier, « Sous le même toit » déploie une intrigue singulière où la maison espagnole devient elle-même un personnage central, catalyseur des passions et des drames qui se nouent autour d’elle.
La force de Jojo Moyes réside dans sa capacité à tisser plusieurs fils narratifs qui s’entremêlent avec brio. D’un côté, le parcours d’Isabel incarne la renaissance d’une femme après le deuil, sa transformation d’une artiste éthérée en une mère capable d’affronter les réalités pratiques. De l’autre, les manœuvres sournoises des McCarthy illustrent comment la convoitise peut ronger les êtres jusqu’à la folie. Entre les deux, des personnages secondaires – comme Byron, dont le passé trouble cache une profonde humanité – apportent une profondeur inattendue au récit.
Les thèmes abordés dépassent largement la simple histoire de reconstruction : l’opposition entre ville et campagne, la différence entre possession matérielle et attachement émotionnel, la transmission intergénérationnelle des traumatismes. Le mutisme de Thierry et la maturité forcée de Kitty montrent comment les enfants portent différemment le poids du drame familial.
Si « Sous le même toit » se distingue nettement de « Avant toi », le précédent succès de Moyes, il conserve cette capacité à créer des moments de tension puis à les dénouer par des révélations inattendues. L’épilogue, jugé parfois trop rapide par certains critiques, suggère que la véritable valeur d’une maison ne réside pas dans ses murs mais dans les liens qui s’y tissent.
Le roman a reçu un accueil contrasté à sa sortie : certains critiques ont été déconcertés par son démarrage lent et le caractère initialement peu sympathique d’Isabel, tandis que d’autres ont salué la profondeur psychologique des personnages et la montée progressive de la tension dramatique. Cette diversité d’opinions témoigne de l’ambition de Moyes de s’éloigner des codes traditionnels du genre pour proposer une réflexion plus nuancée sur la reconstruction après le deuil.
Aux éditions HAUTEVILLE ; 576 pages.