John Locke (1632-1704) est l’un des philosophes les plus influents des temps modernes. Né dans le Somerset en Angleterre, il étudie à la Westminster School de Londres puis au prestigieux Christ Church College d’Oxford, où il s’initie à la médecine et à la philosophie naturelle.
Sa rencontre avec Lord Ashley Cooper (futur comte de Shaftesbury) en 1666 marque un tournant dans sa carrière. Devenu son médecin personnel puis son conseiller politique, il participe activement aux débats politiques de son époque. Les troubles politiques en Angleterre le contraignent à s’exiler aux Pays-Bas de 1683 à 1689.
Locke développe une philosophie empiriste qui s’oppose aux idées innées de Descartes. Dans son « Essai sur l’entendement humain » (1689), il défend que toute connaissance provient de l’expérience. Ses « Deux traités du gouvernement civil » (1690) posent les fondements du libéralisme politique moderne, établissant les notions de droits naturels, de consentement des gouvernés et de séparation des pouvoirs.
Défenseur de la tolérance religieuse, il publie sa célèbre « Lettre sur la tolérance » (1689) qui prône la séparation de l’Église et de l’État. Ses « Pensées sur l’éducation » (1693) auront également une influence considérable.
L’œuvre de Locke marque profondément les Lumières françaises et inspire les révolutions américaine et française. Ses idées sur la propriété, les droits individuels et le gouvernement limité continuent d’influencer la pensée politique contemporaine.
Il meurt en 1704 à High Laver dans l’Essex, laissant un héritage intellectuel considérable qui fait de lui le père de l’empirisme anglais et l’un des principaux théoriciens du libéralisme politique.
Voici notre sélection de ses livres majeurs.
1. Essai sur l’entendement humain (1689)
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« Essai sur l’entendement humain », publié en 1689 par John Locke, constitue l’une des œuvres fondatrices de la philosophie empiriste. Cette somme intellectuelle s’attaque à une question centrale : comment l’esprit humain acquiert-il ses connaissances ? Locke y développe une thèse radicale pour son époque : l’esprit humain naît comme une page blanche, sans aucune idée préexistante. Toutes nos connaissances proviennent de l’expérience, soit par la sensation (informations reçues des sens), soit par la réflexion (opérations de l’esprit sur ces informations sensorielles).
L’ouvrage se structure en quatre livres qui forment une progression logique. Le premier livre réfute méthodiquement la théorie des idées innées, chère aux cartésiens. Le deuxième examine comment se forment nos idées, en distinguant les idées simples (reçues passivement) et les idées complexes (construites activement par l’esprit). Le troisième analyse le rôle du langage dans la formation et l’expression de nos idées. Le quatrième aborde enfin la nature et les limites de la connaissance humaine.
Cette œuvre majeure a immédiatement rencontré un succès considérable, comme en témoignent ses nombreuses rééditions et traductions. Elle a suscité des débats passionnés, notamment avec Leibniz qui lui opposa point par point ses « Nouveaux essais sur l’entendement humain ». Son influence s’est révélée décisive sur les philosophes des Lumières, particulièrement Berkeley et Hume qui ont poussé plus loin ses concepts empiristes. Voltaire la comparait aux travaux de Newton, voyant en Locke celui qui avait enfin écrit « l’histoire naturelle de la conscience » après tant de « romans de l’âme ».
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 1120 pages.
2. Traité du gouvernement civil (1690)
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Publié anonymement en 1690, « Traité du gouvernement civil » constitue l’une des œuvres majeures de la philosophie politique moderne. Dans le premier essai, Locke s’attaque aux thèses de Robert Filmer qui défendait le droit divin des rois dans son ouvrage « Patriarcha ». Selon Filmer, les monarques seraient les héritiers légitimes d’Adam, à qui Dieu aurait accordé une autorité absolue sur ses descendants. À travers une analyse minutieuse des textes bibliques, Locke démontre l’absurdité de cette théorie et souligne que Dieu a donné la terre en commun à tous les hommes.
Le second essai, plus célèbre, développe une théorie complète du gouvernement civil fondée sur le droit naturel et le contrat social. Locke y décrit d’abord un « état de nature » où les hommes vivent libres et égaux, dotés de droits fondamentaux comme la vie, la liberté, la propriété. Pour préserver ces droits menacés par l’absence d’autorité commune, les individus acceptent de former une société politique. Le pouvoir est alors confié à un gouvernement dont la mission est de protéger les droits naturels des citoyens. Si ce gouvernement faillit à sa tâche ou abuse de son autorité, le peuple conserve le droit légitime de résister et de le renverser.
Rédigé dans le contexte de la Glorieuse Révolution anglaise de 1688, cet ouvrage a profondément influencé la pensée politique occidentale. Les idées de Locke sur la limitation du pouvoir, la séparation des pouvoirs et les droits naturels inaliénables ont directement inspiré la Déclaration d’indépendance américaine et la Révolution française. Thomas Jefferson considérait d’ailleurs Locke comme l’un des trois plus grands hommes ayant jamais vécu. L’impact de ce texte fondateur du libéralisme politique se fait encore sentir aujourd’hui dans de nombreuses constitutions démocratiques.
Aux éditions FLAMMARION ; 381 pages.
3. Lettre sur la tolérance (1689)
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Rédigée en 1686 et publiée anonymement en latin à Gouda en 1689, la « Lettre sur la tolérance » naît dans un contexte de tensions religieuses en Angleterre. John Locke, alors exilé aux Pays-Bas, adresse cette missive à son ami Philipp van Limborch, qui la publie sans son accord. Le texte s’inscrit dans une période où la crainte d’une domination catholique en Angleterre atteint son paroxysme, poussant le philosophe à proposer une solution audacieuse : la tolérance religieuse.
Locke développe une thèse novatrice sur la séparation entre pouvoir civil et religieux. Il y définit l’État comme une société d’hommes vouée à la protection des biens civils – la vie, la liberté et la propriété – tandis que l’Église représente une association libre d’individus réunis pour le culte divin. Cette distinction fondamentale l’amène à démontrer l’absurdité de la coercition en matière de foi : la violence peut contraindre à l’obéissance, mais jamais à la croyance sincère.
Les limites de cette tolérance sont toutefois clairement établies. Deux groupes en sont exclus : les athées, jugés incapables de respecter les serments et contrats sociaux en l’absence de foi divine, et les catholiques, soupçonnés de double allégeance en raison de leur obédience au Pape. Ces restrictions témoignent des préoccupations politiques de l’époque.
L’impact du texte fut immédiat et considérable. Des théologiens anglicans comme Thomas Long et Jonas Proast s’y opposèrent vivement, le premier y voyant même un complot jésuite déguisé. Des recherches récentes ont nuancé l’interprétation traditionnelle de l’opposition de Locke aux catholiques : un manuscrit découvert en 2019, « Reason for tolerating Papists equally with others », suggère une position plus nuancée dès 1667. L’influence de « Lettre sur la tolérance » s’étend bien au-delà de son époque : elle pose les fondements théoriques de la liberté de conscience et inspire directement les textes constitutionnels modernes sur la séparation de l’Église et de l’État.
Aux éditions FLAMMARION ; 284 pages.
4. Quelques pensées sur l’éducation (1693)
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Publié en 1693, « Quelques pensées sur l’éducation » naît d’une correspondance entre John Locke et son ami Edward Clarke, qui lui demande conseil pour l’éducation de son fils. Ces lettres privées se transforment en un traité qui marque durablement la pensée pédagogique occidentale. Locke y propose une méthode d’éducation en trois axes : le développement d’un corps robuste, la formation d’un caractère vertueux et le choix d’un programme d’études adapté.
La théorie de Locke repose sur le concept de « tabula rasa » : l’esprit de l’enfant serait comme une page blanche à la naissance, sans idées innées. L’éducation jouerait donc un rôle crucial dans la formation de l’individu. Pour Locke, neuf personnes sur dix sont ce qu’elles sont grâce à leur éducation. Cette dernière doit avant tout former des êtres vertueux et rationnels. Sa méthode privilégie l’expérience pratique aux punitions corporelles, le raisonnement à la mémorisation, et insiste sur l’importance d’une bonne santé physique. Les recommandations sont précises : bains froids, vêtements légers, exercice régulier. L’objectif est de forger des adultes robustes, tant physiquement que moralement.
Initialement destiné à l’aristocratie, « Quelques pensées sur l’éducation » connaît un retentissement considérable dans toute l’Europe des Lumières. Traduit dans la plupart des langues européennes au XVIIIe siècle, il influence profondément les théories éducatives modernes. Le succès est tel que l’ouvrage connaît 53 éditions en moins d’un siècle. Des pédagogues comme Pestalozzi ou Montessori bien plus tard s’en inspirent pour développer leurs propres méthodes, tandis que Rousseau en reconnaît l’influence dans « Émile ou de l’éducation ». Leibniz le considère comme l’œuvre la plus influente de Locke, devant son célèbre « Essai sur l’entendement humain ». Les principes énoncés par Locke continuent de résonner jusqu’à nos jours, notamment dans des programmes éducatifs comme « Sesame Street », qui reprend son approche d’apprentissage par l’expérience sensorielle.
Aux éditions VRIN ; 384 pages.