Né le 4 octobre 1956 à Paris, Jérôme Garcin grandit dans une famille marquée par la tragédie. Il perd son frère jumeau Olivier dans un accident de voiture en 1962, puis son père Philippe dans un accident d’équitation. Après des études au lycée Henri-IV et une formation en philosophie à la Sorbonne, il se lance dans le journalisme.
Sa carrière démarre aux Nouvelles littéraires sous la direction de Philippe Tesson. Dans les années 1980, il rejoint L’Événement du jeudi aux côtés de Jean-François Kahn et intègre l’émission Le Masque et la Plume sur France Inter. En 1989, il prend la direction de cette émission mythique qu’il animera jusqu’en décembre 2023.
Parallèlement à ses activités de journaliste culturel à L’Express puis à L’Obs, Jérôme Garcin développe une importante œuvre littéraire. Ses livres, souvent autobiographiques, évoquent les thèmes de la famille, du deuil et de la mémoire. Il obtient plusieurs prix prestigieux, dont le Médicis essai en 1994 pour « Pour Jean Prévost » et le prix des Deux Magots en 2019 pour « Le dernier hiver du Cid », consacré à son beau-père Gérard Philipe.
Marié à Anne-Marie Philipe, fille du célèbre acteur Gérard Philipe, il est père de trois enfants. Son dernier ouvrage, « Mes fragiles » (2023), évoque la mort de sa mère et celle de son frère Laurent, atteint du syndrome de l’X fragile.
Voici notre sélection de ses livres majeurs.
1. Le voyant (2014)
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En 1932, Jacques Lusseyran perd accidentellement la vue à l’âge de huit ans suite à une bousculade dans la cour de récréation. Loin de s’apitoyer sur son sort, le jeune garçon transforme ce handicap en atout, développant une sensibilité et une acuité hors du commun. Ses parents, notamment sa mère institutrice, l’encouragent à poursuivre une scolarité normale plutôt que de l’envoyer dans une institution spécialisée. Brillant élève, il intègre le prestigieux lycée Louis-le-Grand où il excelle dans ses études.
À dix-sept ans, alors que la France est sous occupation allemande, Lusseyran crée et dirige le réseau de résistance « Les Volontaires de la Liberté », composé principalement d’étudiants. Sa cécité lui confère une capacité exceptionnelle à jauger les nouveaux candidats grâce aux inflexions de leurs voix. Mais en 1943, trahi par un agent infiltré, il est arrêté par la Gestapo puis déporté à Buchenwald. Il y survit miraculeusement pendant quinze mois, soutenu par sa connaissance de l’allemand et la solidarité de ses codétenus.
De retour en France, une loi de Vichy toujours en vigueur lui interdit d’enseigner à cause de son handicap. Il s’exile alors aux États-Unis où il devient professeur de littérature française, adulé par ses étudiants. Sa vie privée est tumultueuse : marié trois fois, père distant de plusieurs enfants, il meurt prématurément dans un accident de voiture en 1971, à l’âge de 47 ans.
Jérôme Garcin redonne ses lettres de noblesse à cette figure oubliée de la Résistance française. Dédié à Patrick Modiano qui a encouragé sa rédaction, ce portrait s’appuie sur les archives personnelles de Lusseyran, notamment sa correspondance et son autobiographie « Et la lumière fut ». L’ouvrage a reçu le Prix Jean-Jacques Rousseau de l’autobiographie en 2015, saluant la réhabilitation d’un homme qui, paradoxalement, voyait mieux que quiconque la beauté du monde et la noirceur de son époque.
Aux éditions FOLIO ; 208 pages.
2. Le dernier hiver du Cid (2019)
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En août 1959, Gérard Philipe profite de ses vacances familiales à Ramatuelle. À 36 ans, l’acteur le plus admiré de sa génération ressent une fatigue inhabituelle, des douleurs abdominales qui l’inquiètent. De retour à Paris, il consulte et entre le 5 novembre à la clinique Violet pour ce qui semble être un simple abcès au foie. L’opération révèle un cancer foudroyant, incurable. Le médecin annonce à Anne, son épouse, qu’il ne reste que quelques semaines à vivre à celui qui incarna le Cid sur les planches du TNP.
Anne prend alors une décision discutable : taire la vérité à son mari. Commence alors un dernier acte où elle doit jouer, jour après jour, le rôle le plus difficile de sa vie – celui d’une femme qui dissimule l’insoutenable. Pendant ce temps, Gérard Philipe, ignorant le diagnostic, continue de nourrir des projets. Il lit avec passion les tragédies grecques, rêve d’incarner Hamlet, prépare son rôle d’Edmond Dantès pour une adaptation du Comte de Monte-Cristo. Le 25 novembre 1959, une embolie l’emporte dans son sommeil.
Publié en 2019 pour les 60 ans de la disparition de l’acteur, ce livre signé par son gendre Jérôme Garcin reconstitue, avec une minutie d’orfèvre, les derniers mois du « Prince d’Avignon ». Par-delà le simple récit biographique surgit le portrait d’un homme aux multiples facettes : le comédien adulé qui rendit accessibles les grands classiques, le militant engagé qui créa le Syndicat Français des Acteurs, le père attentionné qui jouait avec ses enfants sur la plage de Pampelonne. Prix des Deux Magots 2020, l’ouvrage ranime la mémoire d’une étoile filante du théâtre français, parti trop tôt mais resté à jamais jeune dans la conscience collective.
Aux éditions FOLIO ; 208 pages.
3. Mes fragiles (2023)
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À l’automne 2020, la mère de Jérôme Garcin s’éteint après une longue maladie, laissant derrière elle ses deux fils. Le cadet, Laurent, ne lui survivra que six mois : atteint du « syndrome de l’X fragile », une maladie génétique entraînant des troubles cognitifs, il succombe au Covid-19 en mars 2021. Ces disparitions rapprochées ravivent les blessures d’une famille marquée par la mort : celle d’Olivier, frère jumeau de Jérôme, renversé par une voiture à l’âge de cinq ans, puis celle du père, désarçonné par son cheval dans la forêt de Rambouillet en 1973.
Le récit oscille entre ces différentes temporalités, dessinant le portrait d’une mère courageuse, artiste et restauratrice de tableaux pour Le Louvre, qui puisait dans la foi catholique la force de surmonter les épreuves. À travers elle se dévoile aussi la figure de Laurent, ce frère différent dont l’auteur était devenu le tuteur. Peintre comme sa mère, il s’exprimait principalement à travers ses toiles aux teintes lumineuses, compensant ses difficultés d’élocution par l’éclat de ses compositions.
Ce court récit autobiographique s’inscrit dans une série d’œuvres où Jérôme Garcin tisse patiemment la trame de son histoire familiale. Après « La chute de cheval » (1998) consacré à son père et « Olivier » (2011) à son frère jumeau disparu, « Mes fragiles » parachève ce triptyque du deuil. Le syndrome de l’X fragile, maladie génétique identifiée seulement en 1991, jette une lumière nouvelle sur l’histoire familiale : Jérôme Garcin apprend qu’il en est porteur et qu’il l’a transmise à sa fille et sa petite-fille, donnant au titre « Mes fragiles » toute sa résonance.
Aux éditions FOLIO ; 112 pages.
4. Olivier (2011)
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Le 7 juillet 1962, Olivier, le frère jumeau de Jérôme Garcin, est fauché par une voiture sur une route de Seine-et-Marne. Il n’a pas encore six ans. Pour le petit Jérôme, c’est le début d’une existence marquée par l’absence de celui qui partageait tout avec lui depuis leur naissance, le 4 octobre 1956. Un drame qui se répète lorsque onze ans plus tard, son père Philippe Garcin décède à son tour dans une chute de cheval, à l’âge de 45 ans.
Cinquante ans après la disparition d’Olivier, Jérôme Garcin brise enfin le silence et s’adresse directement à son frère dans ce récit intime. Il y retrace leurs brèves années communes, ces moments où ils partageaient ce langage secret propre aux jumeaux. Il évoque aussi sa vie sans lui : son adolescence marquée par la révolte, son refuge dans la littérature et l’équitation, sa rencontre salvatrice avec Anne-Marie Philippe – qui deviendra sa femme – et la naissance de leurs trois enfants.
Ce dialogue imaginaire avec le frère absent permet à l’auteur d’interroger la nature singulière du lien gémellaire, en convoquant aussi bien des textes scientifiques que littéraires. La perte d’un jumeau s’apparente à une amputation : le survivant ressent toujours la présence du membre fantôme. « À mesure que je vieillis, je me sens gagné par un sentiment croissant d’incomplétude, une manière de boiterie, invisible mais récurrente », confie Garcin.
« Olivier » s’inscrit dans une série autobiographique initiée avec « La chute de cheval » et « Théâtre intime ». Sans pathos ni apitoiement, ce « petit tombeau de papier » fait résonner la voix d’un enfant éternellement figé dans ses six ans, tout en célébrant les forces qui permettent de continuer à vivre : la famille, la nature, les arts.
Aux éditions FOLIO ; 176 pages.
5. La chute de cheval (1998)
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« Mon père est mort d’une chute de cheval le samedi 21 avril 1973, veille de Pâques, dans l’insoucieuse et très civilisée forêt de Rambouillet. Il avait quarante-cinq ans, j’allais en avoir dix-sept. » Ainsi s’ouvre le récit autobiographique de Jérôme Garcin, qui retrace l’histoire d’un double deuil : celui de son frère jumeau Olivier, mort renversé par une voiture à cinq ans, puis celui de son père Philippe, célèbre éditeur qui s’était mis à l’équitation après la perte de son fils.
Pendant deux décennies, Jérôme Garcin tourne le dos aux chevaux, jusqu’à ce que ses propres enfants le ramènent vers les écuries. Le voilà qui achète des chevaux, sillonne la campagne normande. Cette pratique, d’abord dominicale et distanciée, devient une « obsession intraitable, dévoreuse de temps, d’énergie, d’insouciance ».
À travers ce récit autobiographique publié en 1998, Jérôme Garcin entrelace son histoire familiale avec celle des grandes figures de l’équitation : François Baucher et ses innovations en Haute École, le comte d’Aure et la tradition militaire, Bartabas et le théâtre équestre contemporain. Les œuvres de Géricault – lui aussi mort d’une chute de cheval – et les écrits de Paul Morand nourrissent cette méditation sur l’art équestre.
Couronné par le prix Roger-Nimier, ce livre dessine en filigrane le portrait d’une génération d’intellectuels français pour qui l’équitation représentait bien plus qu’un sport : une école de la vie, un art exigeant, une philosophie pratique. La postface, ajoutée un an après la publication, lève enfin le voile sur les circonstances exactes de la mort de Philippe Garcin.
Aux éditions FOLIO ; 192 pages.