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James Lee Burke en 10 polars – Notre sélection

James Lee Burke en 10 polars – Notre sélection

James Lee Burke est un écrivain américain de romans policiers né le 5 décembre 1936 à Houston, Texas. Issu d’une famille modeste dont le père travaillait dans une raffinerie, il passe son enfance entre le Texas et la Louisiane. C’est durant ses années à l’école catholique, pendant la Seconde Guerre mondiale, qu’il découvre sa vocation d’écrivain.

Après des études à l’Université de Louisiane du Sud-Ouest puis à l’Université du Missouri-Columbia, où il obtient une maîtrise en littérature et journalisme, il épouse en 1960 Pearl Pai Chu, une native de Pékin. Le couple aura quatre enfants, dont Alafair Burke qui deviendra elle aussi autrice de romans policiers.

Avant de se consacrer pleinement à l’écriture, Burke exerce divers métiers : ouvrier dans le pétrole, travailleur social à Los Angeles, reporter, garde forestier et enseignant d’anglais. Son premier roman, « La moitié du paradis », paraît en 1965, mais c’est en 1987 que sa carrière prend véritablement son envol avec « La pluie de néon », premier volet des enquêtes de Dave Robicheaux qui deviendra l’un de ses personnages les plus célèbres.

Auteur prolifique et acclamé, Burke a reçu de nombreuses récompenses dont deux Prix Edgar-Allan-Poe du meilleur roman. Sa série Dave Robicheaux compte plus de vingt romans, dont « Dans la brume électrique » (1993) adapté au cinéma par Bertrand Tavernier en 2009. Aujourd’hui, James Lee Burke partage son temps avec son épouse entre New Iberia en Louisiane et Missoula dans le Montana.

Voici notre sélection de ses romans majeurs.


1. Dans la brume électrique (1993)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Dans la Louisiane des années 1990, Dave Robicheaux, shérif adjoint à New Iberia, arrête pour conduite en état d’ivresse Elrod Sykes, star hollywoodienne venue tourner un film sur la guerre de Sécession. L’acteur lui révèle avoir découvert dans le bayou le corps momifié d’un homme noir enchaîné. Cette confidence ravive chez Robicheaux le souvenir traumatisant d’un lynchage auquel il a assisté, impuissant, des décennies plus tôt.

L’enquête sur ce crime racial se complique avec l’arrivée de Julie « Baby Feet » Balboni, figure de la pègre locale et producteur du film. Alors que Robicheaux poursuit ses investigations sur ce crime vieux de trente-cinq ans, une série de meurtres sordides frappe la région : des jeunes femmes sont retrouvées sauvagement mutilées.

Autour du livre

« Dans la brume électrique » est le sixième volet des enquêtes de Dave Robicheaux, publié en 1993. James Lee Burke y insuffle une dimension surnaturelle inédite dans la série, en faisant surgir les fantômes de soldats confédérés et leur général John Bell Hood des brumes moites du delta de l’Atchafalaya.

La Louisiane s’impose une fois encore comme un personnage à part entière, avec ses marécages peuplés d’alligators, son climat tropical saturé d’humidité, ses ouragans dévastateurs et son parler cajun si caractéristique. Les descriptions sensorielles nous plongent dans une atmosphère poisseuse et oppressante : « une odeur de serpents morts, de boue âcre et de filaments de jacinthe pourrie souffle sur le marais, portée par le vent brûlant. »

La dimension fantastique, savamment distillée à travers les apparitions du général Hood, ajoute une profondeur métaphysique au récit sans jamais basculer dans l’invraisemblance. Ces manifestations spectrales se lisent comme la matérialisation de la conscience tourmentée de Robicheaux, lui prodiguant des conseils cryptiques aux moments cruciaux de l’enquête. Cette ambiguïté entre hallucination et surnaturel constitue l’une des grandes réussites du livre.

Le personnage de Dave Robicheaux gagne en complexité dans ce sixième opus. Ancien alcoolique hanté par ses démons, vétéran du Vietnam à la violence contenue, il incarne un idéalisme désabusé face à la corruption endémique. Sa relation touchante avec sa fille adoptive Alafair et son raton laveur Tripod apporte des moments de légèreté bienvenus dans cette atmosphère sombre.

L’ancrage historique du récit, à travers le lynchage racial de 1957 et les fantômes de la guerre de Sécession, permet d’aborder frontalement la persistance du racisme dans le Sud profond. Burke démontre comment les injustices du passé continuent d’empoisonner le présent, dans une région où la ségrégation a laissé des cicatrices indélébiles.

En 2009, Bertrand Tavernier adapte le roman au cinéma avec Tommy Lee Jones dans le rôle de Robicheaux. Si le film transpose l’action après l’ouragan Katrina, il préserve l’essentiel de l’atmosphère et l’épaisseur du personnage principal. Le choix de Tommy Lee Jones s’avère particulièrement judicieux pour incarner ce flic bourru mais profondément humain.

Dans sa tonalité comme dans son propos, « Dans la brume électrique » transcende les codes du polar traditionnel pour créer une œuvre à la croisée des genres, mêlant enquête criminelle, roman social et conte fantastique. C’est cette alchimie singulière qui en fait l’un des sommets de la série Robicheaux.

Aux éditions RIVAGES ; 496 pages.


2. Prisonniers du ciel (1988)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Au sud de la Nouvelle-Orléans, Dave Robicheaux a raccroché son badge de lieutenant pour tenir un petit commerce d’articles de pêche avec Annie, sa femme. Une vie simple au bord du bayou, loin de ses démons : l’alcool, la violence, les souvenirs du Vietnam. Tout bascule quand un avion de tourisme s’abîme dans les eaux troubles. Dave sauve une fillette salvadorienne, Alafair, mais ne peut rien pour les autres passagers.

L’affaire semble intéresser les services secrets et les narcotrafiquants. Dave a vu quatre corps dans l’épave, mais les autorités n’en déclarent que trois. Avec Annie, ils décident de protéger Alafair malgré les menaces. Une décision qui va les précipiter dans un engrenage meurtrier où vont se mêler corruption, vengeance et trafic de drogue dans les marécages de Louisiane.

Autour du livre

Publié en 1988 aux États-Unis chez Simon & Schuster, « Prisonniers du ciel » est le deuxième volet des enquêtes de Dave Robicheaux. James Lee Burke y délaisse les rues de La Nouvelle-Orléans pour ancrer son intrigue dans les bayous de Louisiane, une atmosphère suffocante où la moiteur des marais se mêle à la violence des hommes.

La force du livre réside dans son personnage principal. Ancien lieutenant de police hanté par ses souvenirs du Vietnam, Dave Robicheaux mène un combat permanent contre son alcoolisme. Sa lutte contre ses démons intérieurs trouve un écho dans ses mots : « Je me demandais si j’exorciserais un jour le succube alcoolique qui semblait vivre en moi, ses griffes plantées dans mon âme. » Cette dualité du personnage s’exprime parfaitement lorsqu’un protagoniste lui lance : « Tu es deux personnes dans la même enveloppe. Tu veux être un homme moral dans une entreprise amorale. »

Le cadre louisianais ne se limite pas à un simple décor pittoresque. Les descriptions des bayous, des couchers de soleil « couleur de prunes déchirées », des lucioles illuminant les arbres et des cigales dans la brume violette créent une symbiose entre les tourments des personnages et leur environnement. La culture cajun imprègne chaque page, des expressions créoles aux spécialités culinaires comme les écrevisses et le riz brun.

Ce deuxième tome marque également l’apparition d’Alafair, la petite fille sauvée de l’avion, qui deviendra un personnage récurrent de la série. Son adoption constitue un tournant majeur dans la vie de Robicheaux, lui offrant une chance de rédemption tout en le précipitant dans de nouveaux dangers.

Salué par Walker Percy pour « la beauté et la puissance de son style », « Prisonniers du ciel » a été adapté au cinéma en 1996 avec Alec Baldwin dans le rôle de Dave Robicheaux. Le film n’a cependant pas su retranscrire la profondeur psychologique du roman ni son atmosphère si particulière. Publishers Weekly souligne « l’intelligence méditative et la prose élégante » du roman. Toutefois, Kirkus Reviews note une certaine faiblesse dans la construction de l’intrigue, notamment concernant les allusions non résolues aux malversations des services d’immigration américains. Le contexte politique des années 1980, avec le mouvement Sanctuary qui aidait les réfugiés salvadoriens, s’inscrit en effet en filigrane dans la trame.

Aux éditions RIVAGES ; 400 pages.


3. Dixie City (1994)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

En Louisiane, le shérif adjoint Dave Robicheaux doit faire face à une série de meurtres brutaux : des dealers noirs sont retrouvés le cœur arraché dans les quartiers pauvres de La Nouvelle-Orléans. L’affaire prend un tour personnel quand Batist, son ami et employé, est arrêté pour l’un de ces crimes. À court d’argent pour payer sa caution, Robicheaux accepte une mission d’Hippo Bimstine, un homme d’affaires juif : retrouver l’épave d’un U-Boot allemand gisant au fond du golfe du Mexique.

Cette recherche sous-marine réveille de vieux démons. Des groupuscules néo-nazis s’intéressent de près à l’épave, tandis que la mafia locale surveille l’opération. Un personnage particulièrement pervers, Will Buchalter, commence à terroriser la famille de Robicheaux. Sa femme Bootsie subit une agression violente, message clair pour que le shérif adjoint cesse de « travailler pour les Juifs ».

Autour du livre

Avec ce septième volet des aventures de Dave Robicheaux, James Lee Burke inscrit son intrigue dans un contexte historique peu connu : la présence de sous-marins allemands au large de la Louisiane pendant la Seconde Guerre mondiale. L’U-166, coulé en 1942 dans ces eaux, constitue d’ailleurs le fondement historique qui nourrit la fiction.

La dimension politique et sociétale imprègne fortement la narration. Les tensions raciales, l’antisémitisme et la résurgence du nazisme s’entremêlent dans une Amérique contemporaine où les vieux démons ne demandent qu’à ressurgir. Burke dresse le portrait d’une société louisianaise fragmentée, où les communautés s’affrontent sur fond de corruption policière et de crime organisé.

« Dixie City Jam » marque également une évolution significative dans la construction du personnage principal. Pour la première fois, Dave Robicheaux n’affronte plus ses propres démons alcooliques mais devient le témoin impuissant de la descente aux enfers de son épouse Bootsie. Ce renversement de perspective permet à Burke d’approfondir la psychologie de son protagoniste, confronté à sa propre vulnérabilité à travers celle de l’être aimé.

La Nouvelle-Orléans, omniprésente, se dévoile dans toute sa complexité sociale et culturelle. Les descriptions sensorielles transportent le lecteur au cœur des quartiers populaires, comme en témoigne ce passage emblématique : « Comme je descendais Bourbon ce soir-là […] l’air était rempli d’une brume mauve illuminée de néon, parfumé des odeurs chaudes de bière et de whiskey en gobelets de carton. »

Will Buchalter, l’antagoniste principal, incarne probablement la figure du mal la plus terrifiante créée par Burke jusqu’alors. Sa capacité à terroriser et son ubiquité en font un personnage d’une noirceur sans précédent dans la série, évoquant presque une dimension surnaturelle qui contraste avec le réalisme habituel des romans précédents.

La publication en 1994 de « Dixie City » intervient dans une période particulièrement féconde pour Burke, qui reçoit en 1998 le prestigieux Edgar Award pour « La rose du Cimarron ». Ce tome a d’ailleurs suscité l’intérêt d’Hollywood, même si seuls « Prisonniers du ciel » et « Dans la brume électrique » ont finalement été adaptés au cinéma.

Aux éditions RIVAGES ; 528 pages.


4. La descente de Pégase (2006)

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Résumé

Dans les marécages de Louisiane, le lieutenant Dave Robicheaux peine à oublier la mort de son ami Dallas Klein, abattu sous ses yeux lors d’un braquage vingt ans plus tôt. Ce souvenir ressurgit quand Trish Klein, la fille de la victime, débarque à New Iberia. Cette mystérieuse jeune femme multiplie les arnaques dans les casinos avec des billets de cent dollars marqués à l’encre rouge.

Dans le même temps, le policier se retrouve confronté à deux morts suspectes : celle d’Yvonne Darbonne, brillante étudiante qui se serait suicidée sans raison apparente, et la découverte d’un cadavre méconnaissable dans un fossé. Ces trois affaires convergent vers un même homme : un puissant mafieux local dont l’influence s’étend des casinos jusqu’aux plus hautes sphères politiques de l’État.

Autour du livre

La Louisiane d’avant Katrina constitue la toile de fond de ce volet où le spectre du cyclone dévastateur plane déjà sur New Orleans. James Lee Burke intègre d’ailleurs subtilement cette menace imminente à travers une réunion où Helen Soileau, la supérieure de Dave Robicheaux, apprend que les digues ne résisteraient pas à des vents de 250 km/h.

Les démons de Dave Robicheaux, notamment son alcoolisme et ses traumatismes du Vietnam, s’entremêlent avec les tourments collectifs d’une société profondément marquée par les inégalités raciales et la corruption. La présence des casinos symbolise cette dégradation morale que Burke dépeint sans concession : « Ce pays n’est plus celui dans lequel on a grandi. C’est les raclures de bas étage qui le gouvernent, du haut de la pyramide jusqu’en bas. »

Le personnage de Dave Robicheaux se distingue des autres héros du genre policier. Ni totalement vertueux ni complètement cynique, il oscille constamment entre humanisme et violence réprimée. Sa lutte intérieure contre ses pulsions violentes et son passé d’alcoolique fait de lui un protagoniste complexe qui remet perpétuellement en question son propre jugement.

Le titre du roman fait référence au prénom d’un des personnages centraux, Bellérophon, figure mythologique qui dompta Pégase. Cette référence classique ajoute une dimension symbolique à une intrigue criminelle où les personnages tentent, comme Bellérophon, de maîtriser leurs propres démons.

Les critiques considèrent « La descente de Pégase » comme l’un des meilleurs opus de la série, louant particulièrement la manière dont Burke noue ensemble les différentes intrigues. Le roman témoigne aussi d’une maturité dans l’écriture, où la violence n’est jamais gratuite mais sert à illustrer les failles d’une société en déliquescence.

Aux éditions RIVAGES ; 512 pages.


5. Purple Cane Road (2000)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Dans les bayous de Louisiane, l’enquête sur le meurtre du proxénète Zipper Clum fait resurgir le passé de Dave Robicheaux. Ce dernier apprend que sa mère Mae, serveuse partie quand il était enfant, aurait été assassinée par deux flics en 1967. Désormais adjoint du shérif à New Iberia, Robicheaux suit cette piste qui le mène vers des zones troubles de son histoire familiale.

L’affaire se complique avec le cas de Letty Labiche, qui attend son exécution dans le couloir de la mort pour avoir tué l’homme qui avait abusé d’elle dans son enfance. Sa sœur jumelle Passion et une ancienne prostituée possèdent des informations sur la mort de Mae. Mais un tueur professionnel élimine un à un les témoins gênants, forçant Robicheaux à accélérer son enquête.

Autour du livre

Onzième volet des enquêtes de Dave Robicheaux, « Purple Cane Road » marque en 2000 une nouveauté dans la série de James Lee Burke. Pour la première fois, le passé familial du protagoniste se dévoile pleinement à travers l’enquête sur le meurtre de sa mère Mae, dont le cadavre fut retrouvé dans une flaque de boue sur Purple Cane Road en 1967.

La Louisiane dépeinte ici incarne un monde en déliquescence morale où la corruption gangrène les plus hautes sphères du pouvoir. Les personnages gravitent dans un univers crépusculaire, entre les bayous étouffants et une Nouvelle-Orléans poisseuse. Burke excelle particulièrement dans la construction de figures ambivalentes comme Johnny Remeta, tueur à gages au QI de 160 qui développe une fixation inquiétante sur Alafair, la fille adoptive de Dave.

La violence irrigue chaque page mais elle n’est jamais gratuite, servant plutôt à révéler la noirceur des âmes. Dave lui-même oscille constamment entre cynisme et compassion, retenue et pulsion destructrice. Son ami Clete Purcel incarne quant à lui une force quasi primitive, un ogre au grand cœur dont les débordements font grincer des dents la police locale.

L’intrigue entrelace deux fils narratifs : d’un côté l’enquête sur Mae Guillory, de l’autre le cas de Letty Labiche, condamnée à mort pour avoir tué l’homme qui l’avait violée enfant. Cette construction en miroir permet d’explorer les thèmes de la justice, de la vengeance et de la rédemption qui traversent toute l’œuvre de Burke.

La critique américaine salue unanimement ce roman considéré comme l’un des chefs-d’œuvre de Burke. Publishers Weekly lui accorde une critique étoilée, soulignant notamment la puissance de son dénouement. The New York Times, tout en émettant quelques réserves sur son aspect parfois trop autoréférentiel, reconnaît la maestria du romancier.

Aux éditions RIVAGES ; 448 pages.


6. Black Cherry Blues (1989)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Hanté par l’assassinat de sa femme, Dave Robicheaux mène une existence paisible en Louisiane. Cet ancien flic reconverti en loueur de bateaux partage son temps entre l’éducation d’Alafair, sa fille adoptive salvadorienne, et les réunions des Alcooliques Anonymes. Un soir, dans un bar, il retrouve Dixie Lee Pugh, ex-star du rock devenue indic, qui lui révèle avoir surpris une conversation sur deux meurtres liés à une histoire de gaz naturel.

L’affaire l’entraîne jusqu’au Montana, sur les terres des Indiens Pieds-Noirs. Une compagnie de forage y élimine les militants qui s’opposent à l’exploitation de leurs ressources. Piégé et accusé d’un meurtre qu’il n’a pas commis, Robicheaux doit compter sur Clete Purcell, son ancien coéquipier aux méthodes musclées, pour sortir de ce guêpier. Entre la mafia locale et des tueurs psychopathes, sa quête de justice prend des allures de chemin de croix.

Autour du livre

Couronné du prestigieux Edgar Award en 1990 et du Grand Prix de la Littérature Policière en 1992, « Black Cherry Blues » marque un virage dans la série Dave Robicheaux. Pour la première fois, Burke déplace son protagoniste loin de sa Louisiane natale vers les étendues sauvages du Montana, créant ainsi une double géographie qui enrichit considérablement la narration.

La force du récit réside une fois encore dans l’épaisseur psychologique de Dave Robicheaux, un personnage tourmenté par la mort violente de sa femme Annie et par ses propres démons intérieurs. Son combat permanent contre l’alcoolisme, ses réunions aux Alcooliques Anonymes et ses conversations oniriques avec le fantôme de sa défunte épouse tissent une toile narrative d’une intensité rare. Sa relation avec sa fille adoptive Alafair apporte une dimension émotionnelle supplémentaire, notamment à travers leurs échanges teintés d’accent cajun qui insufflent une authenticité culturelle au récit.

Le romancier écossais Ian Rankin considère le premier chapitre de « Black Cherry Blues » comme un modèle du genre, estimant qu’il contient tous les éléments essentiels : personnages, situation initiale et thématiques. Cette maîtrise narrative se prolonge dans le traitement des paysages, tant ceux du bayou louisianais que ceux du Montana, où Burke réside également. Cette connaissance intime des deux régions confère au récit une authenticité géographique remarquable.

Les personnages secondaires, notamment Clete Purcel, l’ancien coéquipier de Dave devenu ripou, contribuent à densifier l’intrigue. Leur relation ambiguë illustre parfaitement les zones grises morales dans lesquelles Burke excelle à faire évoluer ses protagonistes. La présence des Indiens Pieds-Noirs et la question de l’exploitation de leurs terres par les compagnies pétrolières ancrent le récit dans une réalité sociale et politique contemporaine.

Aux éditions RIVAGES ; 496 pages.


7. La nuit la plus longue (2007)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Fin août 2005. L’ouragan Katrina s’abat sur la Louisiane et transforme La Nouvelle-Orléans en champ de ruines. Les digues cèdent, les quartiers pauvres disparaissent sous les flots. Dans ce décor d’apocalypse, Dave Robicheaux, adjoint du shérif de la paroisse d’Iberia, découvre une ville livrée aux pilleurs où la loi du plus fort a repris ses droits.

Une nuit, des coups de feu éclatent dans un quartier résidentiel : deux jeunes Noirs sont abattus devant la maison d’un certain Kovick, un fleuriste aux relations troubles. L’enquête s’oriente d’abord vers un crime raciste – la fille du principal suspect avait été violée par un gang quelques années plus tôt. Mais la découverte de diamants de guerre et l’apparition d’un tueur méthodique font basculer l’affaire dans une autre dimension.

Autour du livre

Avec « La nuit la plus longue », seizième opus des enquêtes de Dave Robicheaux paru en 2007, James Lee Burke livre un réquisitoire sur les conséquences de l’ouragan Katrina qui dévaste La Nouvelle-Orléans en 2005. La catastrophe naturelle n’apparaît pas comme un simple décor mais comme un personnage à part entière qui innerve chaque page du récit. Burke transcende les codes du polar noir pour dresser le portrait d’une ville à l’agonie, abandonnée par les autorités et livrée aux pires instincts. Sans pathos ni sensationnalisme, il dépeint la régression d’une société civilisée vers une jungle primitive où les prédateurs font la loi.

Le romancier américain y conjugue la chronique d’un désastre historique à une intrigue criminelle. La quête de vérité de Robicheaux sur le meurtre de jeunes Noirs sert de fil conducteur pour aborder des thèmes plus vastes : le racisme endémique, la corruption institutionnelle, l’indifférence des autorités face au sort des plus démunis. Les scènes de chaos post-Katrina prennent une dimension quasi biblique, transformant La Nouvelle-Orléans en une Babylone moderne engloutie par le déluge.

Finaliste du Prix Anthony 2008 dans la catégorie « Meilleur roman », « La nuit la plus longue » se distingue par son atmosphère crépusculaire et son portrait sans concession d’une Amérique défaillante. À travers le regard de Robicheaux, Burke compose une oraison funèbre rageuse pour sa ville natale disparue sous les eaux. La dimension politique et sociale du récit n’étouffe toutefois jamais la tension dramatique de l’intrigue policière.

« La nuit la plus longue » rejoint ainsi le documentaire de Spike Lee, « When the Levees Broke: A Requiem in Four Acts », comme l’une des œuvres majeures consacrées à cette tragédie. Sans jamais tomber dans le prêche ni le manichéisme, Burke parvient à transformer un drame contemporain en une parabole universelle sur la fragilité de la civilisation.

Aux éditions RIVAGES ; 480 pages.


8. La pluie de néon (1987)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Dans la Nouvelle-Orléans des années 1980, Dave Robicheaux, lieutenant de police à la criminelle, reçoit une étrange confidence d’un condamné à mort : sa tête serait mise à prix par des trafiquants colombiens. La raison ? Son obstination à faire la lumière sur la mort d’une jeune prostituée noire retrouvée dans le bayou, une affaire que la police locale s’empresse de classer comme simple noyade.

Plus Robicheaux creuse, plus il débusque des connexions troubles entre mafia locale, trafiquants d’armes et nostalgiques du Vietnam. L’enquête le confronte à une violence croissante tandis que ses propres démons – son alcoolisme en rémission et les traumatismes de la guerre – menacent de refaire surface. Entre sa nouvelle histoire avec Annie, une assistante sociale, et son partenariat houleux avec l’impétueux Cletus Purcel, Robicheaux s’enfonce dans une affaire qui le dépasse.

Autour du livre

Premier volet d’une saga qui en compte plus d’une vingtaine, « La pluie de néon » marque en 1987 l’entrée fracassante de Dave Robicheaux dans l’univers du polar américain. James Lee Burke y forge un personnage hors norme : lieutenant de police à La Nouvelle-Orléans, ancien du Vietnam, Cajun jusqu’au bout des ongles et alcoolique en rémission qui lutte chaque jour contre ses démons.

La Louisiane devient sous sa plume un personnage à part entière. Les bayous moites, le French Quarter, le lac Pontchartrain où Robicheaux vit sur sa péniche constituent bien plus qu’un simple décor – ils incarnent l’âme tourmentée du Sud profond. Burke restitue magistralement l’atmosphère unique de La Nouvelle-Orléans, ses sandwichs aux huîtres, ses bars miteux où les néons se reflètent dans la pluie, ses maisons victoriennes et ses fantômes confédérés.

Le personnage de Robicheaux se révèle d’une complexité remarquable. Hanté par les atrocités du Vietnam, marqué par une enfance difficile auprès d’un père qui lui parlait en français cajun, il porte en lui une vision du monde désenchantée mais conserve une morale inflexible. Sa lutte quotidienne contre l’alcoolisme est dépeinte avec une intensité rare : la tentation de la bouteille revient le hanter à chaque épreuve, tel un tigre tapi dans l’ombre.

L’originalité du livre tient aussi à sa dimension sociale et politique. À travers l’enquête de Robicheaux, Burke dresse le portrait sans concession d’une Amérique des années 80 gangrenée par la corruption, où les traces de la guerre du Vietnam côtoient les magouilles autour du Nicaragua. Le racisme ordinaire, la violence institutionnelle, les inégalités sociales constituent la toile de fond d’un polar qui transcende largement les codes du genre.

Le succès critique et public de « La pluie de néon » a permis à Burke de quitter son emploi d’enseignant pour se consacrer entièrement à l’écriture. La série Robicheaux s’est imposée comme une référence majeure du roman noir américain, saluée notamment par des auteurs comme Michael Connelly qui cite Burke parmi ses principales influences.

Traduit en français par Freddy Michalski, le livre avait d’abord paru sous le titre « Légitime défense » dans une version tronquée, avant d’être réédité dans son intégralité. Le titre original « The Neon Rain » fait écho aux néons des bars qui se reflètent dans la pluie de La Nouvelle-Orléans, métaphore d’une ville où la frontière entre ombre et lumière demeure perpétuellement floue.

Aux éditions RIVAGES ; 400 pages.


9. Swan Peak (2008)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Deux ans après Katrina, l’inspecteur Dave Robicheaux fuit la désolation de la Louisiane pour quelques semaines de repos dans le Montana. Accompagné de sa femme Molly et de son turbulent ami Clete Purcel, il s’installe dans le ranch d’un ami écrivain, au cœur des Rocheuses. Les rivières cristallines et les montagnes sauvages promettent une parenthèse paisible. Mais le passé rattrape Clete quand il croise d’anciennes connaissances mafieuses, aujourd’hui au service des frères Wellstone, des magnats texans qui règnent sur la région.

L’assassinat brutal de deux étudiants près du ranch fait basculer le séjour dans l’horreur. D’autres meurtres suivent bientôt. Dave prête main-forte au shérif local tandis que Clete s’enfonce dans les ennuis. Dans ce climat délétère surgit Jimmy Dale Greenwood, un prisonnier évadé traqué par son ancien geôlier. Il cherche désespérément à revoir Jamie Sue, son ancienne compagne devenue l’épouse d’un des frères Wellstone.

Autour du livre

Avec « Swan Peak », James Lee Burke délocalise pour la seconde fois ses protagonistes Dave Robicheaux et Clete Purcel hors de leur Louisiane natale. Ce dix-septième opus de la série les emmène dans le Montana, où ils tentent d’échapper aux séquelles laissées par l’ouragan Katrina. Les paysages majestueux des Rocheuses remplacent les bayous moites, contraste saisissant avec l’univers habituel de la série.

La transposition géographique ne constitue pas qu’un simple changement de décor : Burke connaît intimement le Montana puisqu’il y réside en alternance avec la Louisiane. Cette double appartenance transparaît dans sa description méticuleuse des lieux, notamment de Missoula qui, avec « cinquante écrivains en activité sur une population de quarante mille habitants », s’impose comme un creuset littéraire inattendu. La ville abrite effectivement plusieurs auteurs majeurs comme James Crumley, Richard Ford, Thomas McGuane ou Jim Harrison.

Les démons intérieurs qui tourmentent Dave et Clete les poursuivent jusque dans ces grands espaces. La violence sourde qui les anime depuis la guerre du Vietnam ne s’estompe pas malgré la sérénité apparente des lieux. Burke creuse particulièrement la psychologie de Clete Purcel dans cet opus, esquissant le portrait d’un homme perpétuellement en lutte contre ses pulsions destructrices. Sa propension à s’enticher de femmes névrosées qui le blessent inévitablement révèle une profonde faille existentielle.

La dimension spirituelle, omniprésente chez Burke, prend ici une teinte particulière à travers la figure d’un télévangéliste véreux et la quête de rédemption de certains personnages. Les valeurs morales portées par Dave Robicheaux transcendent le cadre religieux pour atteindre une portée universelle sur la nature humaine et le libre arbitre.

Si l’intrigue policière semble parfois relever du prétexte, elle permet à Burke d’ausculter les rapports de classe dans l’Amérique contemporaine. Les Wellstone, magnats du pétrole texan, incarnent cette aristocratie financière qui se croit au-dessus des lois. Leur confrontation avec Dave et Clete cristallise la tension entre pouvoir économique et justice sociale.

L’héritage traumatique des guerres américaines irrigue aussi le récit : du Vietnam à l’Irak en passant par la prison d’Abu Ghraib, Burke noue des ponts entre les différentes générations de vétérans marqués par la violence. Cette réflexion sur les séquelles du combat s’inscrit dans une méditation plus large sur le déterminisme historico-social.

La critique salue majoritairement ce dix-septième volet comme l’un des plus aboutis de la série, louant particulièrement la complexité psychologique des personnages secondaires qui parviennent presque à éclipser le duo principal. Seule la résolution de l’intrigue suscite quelques réserves, certains lecteurs la jugeant un peu précipitée.

Aux éditions RIVAGES ; 560 pages.


10. Une tache sur l’éternité (1992)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

En Louisiane, dans les années 1980, Dave Robicheaux enquête sur une attaque brutale survenue chez les Sonnier, une famille qu’il connaît depuis l’enfance. Des coups de feu ont été tirés sur la maison de Weldon, l’aîné devenu magnat du pétrole. Sa sœur Drew, militante d’Amnesty International, est retrouvée mutilée dans son arrière-cour. Leur frère Lyle, ancien compagnon d’armes de Dave au Vietnam, s’est reconverti en prédicateur médiatique.

L’affaire prend un tournant dramatique quand un policier est assassiné au domicile de Weldon. Dave s’enfonce dans les méandres d’une histoire familiale trouble, où resurgit le fantôme d’un père violent qu’on croyait mort. Entre la pègre locale, l’extrême-droite et les secrets bien gardés des Sonnier, l’inspecteur de New Iberia devra compter sur l’aide de son ami Clete Purcel pour démêler les fils de cette sombre histoire.

Autour du livre

Publié en 1992, « Une tache sur l’éternité » de James Lee Burke tire son titre original, « A Stained White Radiance », d’une élégie de Percy Bysshe Shelley, « Adonaïs », écrite à la mémoire de John Keats. Cette référence poétique n’est pas anodine : elle fait écho aux thèmes de la mortalité et de la transcendance qui imprègnent ce cinquième volet des enquêtes de Dave Robicheaux.

La Louisiane s’impose comme personnage à part entière, avec ses bayous bruissants de cyprès et de sténotaphrums, ses crépuscules moites où flottent les effluves de crabes grillés et de Dr Pepper. Burke peint un Sud profond marqué par les tensions raciales des années 80, où l’extrême-droite côtoie les sectes et où la mafia étend son influence jusque dans les milieux pétroliers.

Cet opus se distingue par son traitement de la famille Sonnier, dont les traumatismes d’enfance ressurgissent comme autant de spectres. La violence domestique subie par les trois enfants Sonnier sous la férule d’un père brutal constitue la clé de voûte narrative. Cette fratrie brisée incarne les tares et les folies du Sud profond : Weldon dans le pétrole, Lyle dans le télévangélisme, Drew dans l’activisme – trois destins qui portent les stigmates d’un passé toxique.

La présence d’Alafair, fille adoptive de Robicheaux, apporte une touche d’espoir et d’innocence dans cet univers sombre. Son personnage permet d’équilibrer la noirceur ambiante et offre un contrepoint salutaire aux tourments qui agitent les adultes. La maladie de Bootsie, nouvelle épouse de Dave, ajoute une dimension supplémentaire à la fragilité des liens familiaux.

Les critiques soulignent la dimension sociale du roman : Burke y ausculte les maux endémiques de la Louisiane – racisme, corruption, ferveur religieuse. Le personnage de Clete Purcell, ancien coéquipier de Robicheaux, insuffle par ses répliques cinglantes une dose d’humour noir qui allège la pesanteur du propos.

Si certains critiques déplorent une intrigue parfois touffue et des résolutions partielles, « Une tache sur l’éternité » s’inscrit dans la tradition du roman noir américain tout en s’en démarquant par son approche quasi-faulknérienne des démons du Sud. La critique saluera d’ailleurs cette parenté avec l’auteur du « Bruit et la fureur », qualifiant Burke de « Faulkner du polar ».

Aux éditions RIVAGES ; 480 pages.

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