Jack London, né John Griffith Chaney le 12 janvier 1876 à San Francisco et mort le 22 novembre 1916 à Glen Ellen en Californie, est l’un des écrivains américains les plus célèbres du début du XXe siècle.
Issu d’un milieu modeste, il exerce de nombreux petits métiers dans sa jeunesse : vendeur de journaux, marin, chercheur d’or au Klondike, pilleur d’huîtres dans la baie de San Francisco. Ces expériences nourriront plus tard son œuvre littéraire.
Autodidacte passionné de lecture, il reprend ses études à 19 ans et entre brièvement à l’université de Berkeley. C’est en 1899 qu’il publie sa première nouvelle. Le succès arrive rapidement avec la publication de « L’appel de la forêt » (1903) et « Le loup des mers » (1904). Ses romans et nouvelles, souvent inspirés de ses aventures dans le Grand Nord ou en mer, connaissent un immense succès populaire.
Engagé politiquement, il adhère au parti socialiste et écrit plusieurs œuvres à caractère social comme « Le Peuple de l’abîme » (1903) et « Le Talon de fer » (1908). Ses écrits témoignent aussi d’une grande sensibilité pour la condition animale, notamment à travers son célèbre roman « Croc-Blanc » (1906) et ses dernières œuvres sur les chiens.
Grand voyageur, il parcourt le Pacifique sur son voilier et travaille comme correspondant de guerre. Il achète un ranch dans la vallée de Sonoma où il passe ses dernières années. Usé par une vie intense et l’alcool, il meurt à seulement 40 ans, laissant une œuvre considérable comptant plus de cinquante ouvrages qui ont profondément marqué la littérature américaine.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Martin Eden (1909)
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Au début du XXe siècle à Oakland, Martin Eden, un jeune marin de vingt ans issu des quartiers pauvres, sauve d’une bagarre Arthur Morse, un fils de bonne famille. Invité chez les Morse en remerciement, Martin découvre un monde raffiné qui le subjugue et tombe éperdument amoureux de Ruth, la sœur d’Arthur. Pour conquérir cette jeune bourgeoise cultivée, il décide de s’instruire coûte que coûte.
Avec une obstination qui confine à la folie, Martin se lance dans une quête effrénée du savoir. Il engloutit des centaines d’ouvrages, apprend la grammaire, découvre la philosophie et la poésie. L’écriture s’impose comme une évidence : il veut devenir écrivain. Mais les éditeurs rejettent ses manuscrits les uns après les autres. Sa famille le traite de rêveur, Ruth s’impatiente et le presse d’accepter un emploi stable.
Cette œuvre semi-autobiographique de Jack London transcende le simple roman d’apprentissage pour livrer une critique acerbe de la société américaine et du monde littéraire de l’époque. La trajectoire fulgurante de Martin, de son éveil intellectuel jusqu’aux désillusions du succès tardif, résonne comme un cri de révolte contre le conformisme bourgeois et l’hypocrisie sociale. Le roman connaît un retentissement considérable dès sa parution en 1909.
Aux éditions FOLIO ; 592 pages.
2. Croc-Blanc (1906)
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À la fin du XIXe siècle, dans les étendues glacées du Yukon, une louve met au monde cinq louveteaux. Un seul survit. Fruit des amours d’une chienne-louve et d’un loup, il porte en lui cette double nature qui va façonner son existence. Les premiers mois de sa vie se déroulent dans la violence du Grand Nord, où chaque journée est un combat pour la survie. Tuer ou périr, manger ou être mangé. Puis vient la rencontre avec les hommes : les Indiens le baptisent Croc-Blanc.
D’abord dressé comme chien de traîneau par Castor-Gris, il connaît ensuite l’enfer des combats clandestins sous la coupe de Beauty Smith, un homme sans scrupules. À deux doigts de la mort lors d’un affrontement contre un bouledogue, il est arraché à ce destin funeste par Weedon Scott, un riche prospecteur. Ce dernier entreprend alors de l’apprivoiser, défi qui exigera une patience infinie face à un animal devenu machine à tuer.
Publié en 1906, ce roman s’inspire directement de l’expérience de Jack London dans le Klondike lors de la ruée vers l’or. La force du texte tient à sa capacité à nous faire percevoir le monde à travers les yeux et les sensations d’un animal, sans jamais tomber dans l’anthropomorphisme facile. Cette histoire brutale et tendre à la fois constitue le pendant inversé de « L’appel de la forêt », roman dans lequel un chien domestique retournait à l’état sauvage.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 288 pages.
3. L’appel de la forêt (1903)
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En 1897, Buck coule des jours heureux dans le domaine ensoleillé du juge Miller en Californie. Ce magnifique chien, né d’un Saint-Bernard et d’une chienne colley, voit sa vie basculer quand le jardinier de la propriété le vend pour éponger ses dettes de jeu. Expédié dans le Grand Nord comme chien de traîneau, Buck découvre un univers où règnent le froid mordant et la brutalité.
Les coups de fouet et la faim deviennent son quotidien tandis qu’il passe de maître en maître. Pourtant, sa force et son intelligence exceptionnelles lui permettent de s’adapter : il apprend à voler sa nourriture, à dormir dans la neige et à se battre. Devenu chef de meute respecté, il trouve enfin en John Thornton un maître aimant. Mais l’appel de la forêt se fait de plus en plus pressant, éveillant en lui des instincts oubliés.
Les descriptions saisissantes des paysages glacés du Yukon s’entremêlent aux scènes de violence dans un récit tendu comme un arc. Refusant tout sentimentalisme, le roman sonde les profondeurs de l’âme animale en suivant la métamorphose de Buck, de chien domestique en créature sauvage. Cette histoire tire son origine des propres aventures de Jack London pendant la ruée vers l’or du Klondike.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE JEUNESSE ; 192 pages.
4. Le Vagabond des étoiles (1915)
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Au début du XXe siècle, Darrell Standing, professeur d’agronomie, purge une peine à perpétuité dans une prison californienne pour avoir tué un collègue. Victime d’une fausse accusation de détention d’explosifs, il subit les pires sévices de la part du directeur de l’établissement, notamment d’interminables séances de camisole de force censées le faire avouer où se cache la dynamite. Ces séances peuvent durer plusieurs jours, pendant lesquels le prisonnier, sanglé dans une toile qui comprime sa cage thoracique, frôle continuellement la mort.
Pour échapper à ces tortures, Standing découvre une technique d’auto-hypnose qui lui permet de quitter son corps meurtri. Son esprit s’évade alors dans ses vies antérieures. Il revit ainsi des existences multiples à travers les siècles. Il sera comte à Paris, enfant du Far West, naufragé sur une île déserte ou encore soldat romain – autant d’aventures qui lui permettent de transcender sa condition de prisonnier.
Dernier roman de Jack London, publié en 1915, « Le Vagabond des étoiles » menotte avec brio la dénonciation du système carcéral et une réflexion sur la puissance libératrice de l’esprit. L’ouvrage s’inspire de faits réels et de témoignages d’anciens détenus, notamment Ed Morrell qui pratiquait réellement ces techniques de dissociation. Sa publication provoqua un tel scandale que l’usage de la camisole fut aboli dans les prisons californiennes.
Aux éditions LIBRETTO ; 400 pages.
5. Le Loup des mers (1904)
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En 1904, dans la baie de San Francisco, Humphrey van Weyden, un critique littéraire habitué au confort bourgeois, fait naufrage dans le brouillard. Il est repêché par le Fantôme, une goélette en partance pour la chasse aux phoques vers le Japon. Son capitaine, le redoutable Loup Larsen, refuse de le déposer à terre et l’incorpore de force à son équipage comme simple mousse.
Van Weyden, intellectuel raffiné qui n’a jamais travaillé de ses mains, se retrouve sous les ordres d’un tyran brutal. Mais Larsen n’est pas qu’une brute : cet autodidacte lit Shakespeare et Nietzsche. Entre les deux hommes s’engage une joute philosophique sur le sens de la vie, tandis que Van Weyden apprend la dure existence des marins. La tension monte encore d’un cran quand une jeune poétesse naufragée rejoint l’équipage.
Cette confrontation entre deux visions du monde – le matérialisme cynique de Larsen contre l’humanisme de van Weyden – s’inspire directement de l’expérience de London comme chasseur de phoques en 1893. Le personnage du capitaine est modelé sur Alexander McLean, figure légendaire des mers du Nord. Le roman mêle aventures maritimes et questionnements philosophiques dans un huis clos d’une rare intensité.
Aux éditions FOLIO ; 480 pages.
6. Le Talon de fer (1908)
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En 1908, Jack London imagine dans « Le Talon de fer » une Amérique dystopique où s’affrontent prolétariat et oligarchie capitaliste. L’histoire se présente sous la forme d’un manuscrit retrouvé au 24e siècle, écrit par Avis Cunningham, fille d’un professeur d’université qui s’éprend d’Ernest Everhard, charismatique leader socialiste. À travers son journal, elle raconte leur combat contre un système qui écrase les travailleurs.
Dans ce futur proche des années 1910-1920, les États-Unis basculent dans une dictature après l’échec d’une révolution ouvrière. Les grands industriels, banquiers et capitalistes, surnommés « le Talon de fer », imposent leur pouvoir par la force. Ils manipulent la presse, corrompent les syndicats et déploient des milices pour mater toute opposition. La révolte culmine lors de la « Commune de Chicago », violemment réprimée dans le sang.
Cette première dystopie moderne frappe par sa prescience : Jack London prévoit avec une troublante exactitude la montée des fascismes européens et l’émergence des régimes totalitaires. Trotski lui-même salua en 1937 cette « puissante intuition de l’artiste révolutionnaire ». Le récit mêle habilement pamphlet politique, romance et action, porté par une construction narrative originale qui entrelace trois temporalités : celle du manuscrit, celle des commentaires historiques et celle du lecteur contemporain.
Aux éditions LIBERTALIA ; 490 pages.
7. La Peste écarlate (1912)
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En 2073, un vieillard parcourt les ruines de la baie de San Francisco avec ses trois petits-fils vêtus de peaux de bêtes. Soixante ans plus tôt, une mystérieuse maladie, la peste écarlate, a anéanti la civilisation en quelques semaines. James Howard Smith, autrefois professeur d’université, figure parmi les rares survivants de ce cataclysme qui a décimé l’humanité.
Face à ces enfants revenus à l’état sauvage, le vieil homme tente de transmettre la mémoire du monde disparu. Son récit dévoile l’effondrement brutal d’une société technologique : la propagation fulgurante du virus, la panique dans les villes, puis le chaos total où la violence et l’instinct de survie ont pris le pas sur toute forme d’organisation sociale. Les survivants, privés des acquis de la civilisation, ont dû réapprendre à vivre comme aux premiers âges de l’humanité.
Cette fable post-apocalyptique, écrite en 1912, frappe par son caractère précurseur et sa lucidité. London y déroule une réflexion saisissante sur la fragilité de nos sociétés et la nature humaine. Son récit, construit comme un conte cruel, oscille entre espoir et pessimisme : si le vieillard a préservé des livres dans une grotte secrète, ses petits-enfants ne savent même plus lire et se moquent de ses « radotages ».
Aux éditions BABEL ; 128 pages.