Friedrich Wilhelm Nietzsche (1844-1900) est un philosophe allemand majeur dont l’influence sur la pensée contemporaine fut considérable. Né dans une famille pastorale luthérienne, il perd son père à l’âge de 5 ans. Brillant élève, il devient professeur de philologie à l’université de Bâle à seulement 24 ans, un record de précocité.
Sa carrière universitaire est marquée par sa rencontre avec Richard Wagner, dont il devient proche avant de rompre avec lui en 1878. Sa première œuvre importante, « La Naissance de la tragédie » (1872), bien qu’accueillie avec controverse, pose les bases de sa réflexion sur la culture grecque antique.
À partir de 1879, des problèmes de santé chroniques (violents maux de tête, troubles de la vue) le forcent à abandonner son poste de professeur. Il mène alors une vie errante entre la Suisse, l’Italie et la France, à la recherche d’un climat favorable. C’est durant cette période qu’il écrit ses œuvres majeures, dont « Ainsi parlait Zarathoustra » (1883-1885).
Le 3 janvier 1889, Nietzsche s’effondre mentalement à Turin après avoir enlacé un cheval maltraité. Il sombre progressivement dans la folie et passe ses dernières années sous la garde de sa mère puis de sa sœur Elisabeth, jusqu’à sa mort en 1900. Cette dernière, en gérant son héritage intellectuel via les archives Nietzsche, manipulera certains de ses textes et tentera de rapprocher sa pensée du nazisme, créant une controverse durable sur l’interprétation de son œuvre.
Philosophe de la « mort de Dieu » et du « surhomme », critique acerbe de la morale traditionnelle, Nietzsche reste l’une des figures les plus influentes et controversées de la philosophie moderne.
Voici notre sélection de ses livres majeurs.
1. Ainsi parlait Zarathoustra (1883-1885)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Publié entre 1883 et 1885, « Ainsi parlait Zarathoustra » met en scène un prophète ermite qui, après dix années de solitude dans la montagne, décide de redescendre parmi les hommes pour leur transmettre sa sagesse. Accompagné d’un aigle et d’un serpent, Zarathoustra arrive dans une ville où il tente de prêcher sa doctrine du surhomme à une foule rassemblée pour voir un funambule. Mais ses paroles ne rencontrent qu’incompréhension et moqueries. Le funambule meurt, précipité dans le vide par un bouffon, et Zarathoustra comprend qu’il doit s’adresser non pas aux masses mais à des disciples triés sur le volet.
S’ensuivent une série de discours et de paraboles où le prophète développe ses enseignements : la mort de Dieu, l’avènement du surhomme qui doit dépasser la condition humaine, la volonté de puissance comme force créatrice, l’éternel retour du même. Mais ces révélations s’accompagnent de doutes et d’épreuves. Zarathoustra doit notamment affronter « l’esprit de pesanteur », sous forme d’un nain moqueur, et faire face à la tentation de la pitié envers les « hommes supérieurs » qu’il rencontre dans la dernière partie.
Dans ce livre que Nietzsche considérait comme son chef-d’œuvre, la figure de Zarathoustra incarne une inversion significative : le prophète perse historique avait établi la distinction entre Bien et Mal, son double nietzschéen vient la déconstruire. Le texte fourmille de références bibliques détournées et de symboles : l’aigle représente l’orgueil, le serpent la sagesse, le funambule l’humanité suspendue entre la bête et le surhomme.
L’impact de l’œuvre fut considérable, inspirant compositeurs et artistes : Richard Strauss en tira un poème symphonique en 1896, Gustav Mahler y puisa pour sa Troisième Symphonie, et de nombreux artistes continuent d’y trouver matière à création, comme en témoigne le ballet de Maurice Béjart en 2005. La dimension poétique du texte, son ton prophétique et ses multiples niveaux de lecture en font une œuvre singulière dans l’histoire de la philosophie.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 410 pages.
2. Le Gai Savoir (1882)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Publié en 1882, « Le Gai Savoir » marque un tournant décisif dans l’œuvre de Friedrich Nietzsche. L’ouvrage, composé initialement de quatre livres auxquels s’ajoutera un cinquième en 1887, déploie une succession d’aphorismes numérotés où le philosophe développe ses thèses majeures. Le titre, emprunté aux troubadours provençaux qui nommaient leur art « gaya scienza », annonce d’emblée l’ambition : associer la connaissance à la légèreté et à la joie plutôt qu’à la gravité traditionnelle de la philosophie.
Les premiers livres s’attaquent aux fondements de la morale occidentale, que Nietzsche juge étouffante pour l’individu. Il y dénonce notamment la pitié comme un affaiblissement de la vie et critique la condition ouvrière de son époque, où l’homme s’aliène en obéissant aux besoins de la société plutôt qu’aux siens. Le troisième livre contient l’une des formules les plus célèbres de Nietzsche : « Dieu est mort ». Cette proclamation ouvre la voie à une réflexion sur la nécessité pour l’homme de créer ses propres valeurs. Le quatrième livre esquisse la figure du surhomme, tandis que le cinquième affine la critique de la morale et de la religion.
Le dernier livre s’achève sur une vision exaltée où les « Argonautes de l’idéal » partent en quête d’une « grande santé », libérés des chaînes de la morale traditionnelle. Nietzsche y développe le concept d’éternel retour, invitant le lecteur à vivre chaque instant comme s’il devait se répéter éternellement.
L’ouvrage occupe une place singulière dans le parcours de Nietzsche : écrit après une période de grave maladie, il témoigne d’une renaissance intellectuelle et d’un regain d’énergie. La forme fragmentaire, mêlant poésie et philosophie, rompt avec les conventions académiques. Les idées développées ici préfigurent directement « Ainsi parlait Zarathoustra », dont « Le Gai Savoir » constitue, selon Nietzsche lui-même, l’introduction. L’influence de ce texte sur la pensée contemporaine reste considérable, même si certains aspects, notamment sa vision des femmes, portent la marque de son époque.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 565 pages.
3. Par-delà le bien et le mal (1886)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
« Par-delà le bien et le mal » constitue l’une des œuvres majeures de Friedrich Nietzsche, parue en 1886 après « Ainsi parlait Zarathoustra ». Dans cet essai composé de 296 aphorismes répartis en neuf chapitres, le philosophe allemand s’attaque aux fondements de la morale occidentale et à ce qu’il nomme les « préjugés des philosophes ». Il y développe une critique radicale du dogmatisme philosophique, en particulier celui issu du platonisme et du christianisme.
L’ouvrage commence par une remise en question systématique des certitudes morales traditionnelles. Nietzsche y démontre que les notions de bien et de mal ne sont pas des vérités absolues mais des interprétations humaines, trop humaines. Il expose ensuite sa théorie de la « volonté de puissance » comme force motrice de la vie, opposée à l’idéal ascétique promu par la morale chrétienne. Cette volonté de puissance ne doit pas être confondue avec une simple volonté de domination : elle représente la capacité d’un être à s’élever, à se dépasser.
La pensée nietzschéenne se déploie ici à travers une écriture fragmentée, faite d’aphorismes percutants qui dynamitent les conventions. Le texte alterne entre passages théoriques denses et formules incisives qui marquent les esprits. Cette structure éclatée n’est pas un hasard : elle reflète la volonté de briser les systèmes philosophiques traditionnels pour proposer une nouvelle manière de penser.
L’influence de cet ouvrage sur la pensée contemporaine reste considérable, même si certains aspects, notamment concernant les femmes ou les « races », portent la marque de leur époque. L’œuvre a suscité de nombreuses controverses, en particulier à cause de son utilisation détournée par l’idéologie nazie – alors que Nietzsche lui-même dénonçait l’antisémitisme. Sa critique de la morale traditionnelle et sa conception d’un dépassement de l’homme continuent d’alimenter les débats philosophiques actuels.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 413 pages.
4. La Généalogie de la morale (1887)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
« La Généalogie de la morale », publiée par Friedrich Nietzsche en 1887, entreprend de retracer l’histoire des valeurs morales qui structurent la société occidentale. Dans cet essai polémique divisé en trois parties, le philosophe allemand s’attaque aux fondements mêmes de la morale traditionnelle et questionne radicalement nos certitudes sur le bien et le mal.
Dans le premier traité, Nietzsche oppose deux types de morale : celle des « maîtres », fondée sur l’affirmation de soi et la puissance, et celle des « esclaves », née du ressentiment des faibles envers les forts. Le deuxième traité s’attaque aux concepts de faute et de mauvaise conscience, démontrant comment la société a façonné l’homme en créant une mémoire de la dette et de la culpabilité. Le troisième traité dissèque les idéaux ascétiques, révélant comment le renoncement et la négation de la vie sont devenus des valeurs dominantes sous l’influence du christianisme.
L’ouvrage se démarque dans l’œuvre de Nietzsche par son caractère systématique et argumenté, contrastant avec le style aphoristique de ses précédentes publications. Rédigé en à peine vingt jours à Sils-Maria pendant l’été 1887, il prolonge les réflexions développées dans « Par-delà bien et mal » paru l’année précédente. La publication survient quelques mois seulement avant l’effondrement mental du philosophe.
Les thèses développées dans « La Généalogie de la morale » ont profondément marqué la philosophie du XXe siècle, notamment des philosophes comme Max Scheler ou Michel Foucault. Si certains passages ont fait l’objet d’instrumentalisations politiques contestables, notamment par le régime nazi, l’ouvrage demeure une référence pour comprendre les mécanismes qui sous-tendent nos jugements moraux. Sa force critique n’a rien perdu de sa pertinence dans les débats éthiques actuels.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 311 pages.
5. Humain, trop humain (1878)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
« Humain, trop humain », première œuvre aphoristique de Friedrich Nietzsche parue en 1878, constitue un moment charnière dans sa pensée. Composé alors qu’il se croyait mourant, ce livre marque l’abandon de ses anciennes convictions et son émancipation des influences de Wagner et Schopenhauer qui avaient jusque-là modelé sa réflexion.
L’ouvrage se compose de trois parties distinctes. La première, qui donne son titre au livre, comprend 638 aphorismes répartis en neuf chapitres, des « choses premières et dernières » à « l’homme avec lui-même ». La deuxième partie, « Opinions et sentences mêlées », publiée en 1879, rassemble 408 pensées sans chapitrage. La troisième, « Le Voyageur et son ombre », parue fin 1879, regroupe 350 réflexions supplémentaires.
À travers ces fragments, Nietzsche démantèle méthodiquement les fondements de la métaphysique traditionnelle et développe sa « philosophie historique ». Il s’attaque aux illusions de la morale, de la religion et de l’art, révélant leur origine trop humaine. Sa méthode, qu’il nomme « chimie des idées et des sentiments », cherche à montrer comment les valeurs considérées comme éternelles naissent en réalité de processus historiques et psychologiques.
L’ouvrage fut composé dans des conditions particulières : presque aveugle et sujet à des crises de paralysie, Nietzsche dicta ses textes à Heinrich Köselitz (dit Peter Gast). La première édition reçut un accueil glacial de la part de ses proches – Wagner ne répondit même pas à l’envoi du livre. Cette rupture avec le romantisme wagnérien et l’adoption d’un style aphoristique inspiré des moralistes français marquent la naissance du Nietzsche mature, celui qui influencera profondément la pensée du XXe siècle.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 768 pages.
6. La Naissance de la tragédie (1872)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Premier ouvrage majeur de Friedrich Nietzsche, « La Naissance de la tragédie » (1872) se penche sur les origines du théâtre grec antique à travers le prisme de deux forces opposées : l’apollinien et le dionysiaque. L’apollinien, incarné par le dieu Apollon, représente la mesure, la raison et la beauté formelle. Le dionysiaque, associé au dieu Dionysos, incarne l’ivresse, la démesure et les pulsions primitives. Ces deux principes, en apparence contradictoires, trouvent leur équilibre parfait dans la tragédie grecque classique.
Cette harmonie entre forces apolliniennes et dionysiaques atteint son apogée dans les œuvres d’Eschyle et de Sophocle. Le chœur tragique, élément central du théâtre grec, exprime cette dualité : il unit la musique dionysiaque qui bouleverse les spectateurs à la beauté apollinienne des vers et des formes. Mais cet équilibre se brise avec l’arrivée d’Euripide et l’influence grandissante de Socrate. Le rationalisme socratique privilégie la raison pure et étouffe progressivement la dimension dionysiaque de l’art, conduisant au déclin de la tragédie grecque.
L’ouvrage suscita de vives controverses dans le monde universitaire allemand. Les philologues traditionnels rejetèrent cette interprétation qui s’éloignait des analyses classiques. Seul Richard Wagner, auquel le livre était dédié, soutint avec enthousiasme cette vision qui faisait écho à ses propres théories sur l’art total. Cette première œuvre contient déjà les germes des grands thèmes nietzschéens : la critique du rationalisme, l’importance des instincts vitaux, la nécessité d’affirmer la vie malgré son caractère tragique. Nietzsche lui-même porta plus tard un regard critique sur ce texte de jeunesse, tout en maintenant la validité de ses intuitions fondamentales sur l’opposition entre forces dionysiaques et apolliniennes.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 312 pages.
7. Crépuscule des idoles (1888)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Écrit en 1888 à Sils-Maria, « Crépuscule des idoles » constitue l’une des dernières œuvres de Friedrich Nietzsche avant sa descente dans la folie. Dans ce texte incisif sous-titré « Comment philosopher à coups de marteau », le philosophe allemand s’attaque aux fondements de la pensée occidentale et à ses figures tutélaires. Son principal adversaire est Socrate, qu’il accuse d’avoir corrompu la pensée grecque en substituant la raison aux instincts, inaugurant ainsi une longue tradition de décadence intellectuelle.
À travers onze chapitres alternant maximes percutantes et développements théoriques, Nietzsche démonte méthodiquement ce qu’il nomme les « idoles » : la morale chrétienne, le rationalisme philosophique, l’idéalisme platonicien. Il dénonce notamment l’invention d’un « monde vrai » opposé au monde sensible comme une fuite devant la réalité et un symptôme de faiblesse. Cette critique s’étend à la culture allemande de son temps, qu’il juge affadie par le christianisme et l’alcool.
Le livre se clôt sur un appel à la « dureté » et à l’affirmation dionysiaque de la vie, seule capable selon lui de dépasser le nihilisme ambiant. Nietzsche s’y proclame « le dernier disciple de Dionysos », dieu grec de l’ivresse et de la démesure, opposé à l’apollinien rationnel.
Ce texte concentré occupe une place singulière dans l’œuvre nietzschéenne. Rédigé en quelques jours à peine, il devait initialement s’intituler « Loisirs d’un psychologue » avant que l’auteur n’opte pour un titre faisant ironiquement écho au « Crépuscule des dieux » de Wagner. Les nazis tenteront plus tard de récupérer certaines de ses idées, bien que Nietzsche ait toujours manifesté son mépris pour l’antisémitisme. L’ouvrage continue d’exercer une influence majeure sur la philosophie contemporaine, notamment par sa critique radicale de la métaphysique traditionnelle et sa volonté de « transmutation de toutes les valeurs ».
Aux éditions FOLIO ; 151 pages.
8. L’Antéchrist (1896)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Publié en 1896, « L’Antéchrist » constitue l’ultime charge de Friedrich Nietzsche contre le christianisme, rédigée juste avant que le philosophe ne sombre dans la folie. Dans cet ouvrage polémique, Nietzsche développe une critique virulente de la religion chrétienne qu’il considère comme responsable du déclin de la civilisation occidentale. Sa thèse centrale : le christianisme institutionnalisé a trahi et perverti le message originel du Christ, seul « vrai chrétien » selon lui, pour imposer une morale du ressentiment et de la pitié qui affaiblit l’humanité.
À travers une analyse généalogique minutieuse, le philosophe allemand décortique les mécanismes par lesquels le christianisme, notamment sous l’influence de Saint Paul, aurait falsifié les valeurs naturelles pour glorifier la faiblesse et condamner la force. Pour Nietzsche, la religion chrétienne nie la vie en prônant l’égalité entre les hommes et en interdisant tout désir de distinction. Elle maintient ainsi l’humanité dans un état de médiocrité qui empêche l’émergence d’individus supérieurs capables de sublimer leurs pulsions dans l’art et la pensée.
Le livre a marqué son époque par la violence de ses attaques et la radicalité de ses positions. Sa parution fut d’ailleurs retardée en raison de son contenu jugé trop subversif pour l’Allemagne de la fin du XIXe siècle. Les thèses développées dans « L’Antéchrist » ont influencé de nombreux penseurs, de Michel Onfray à Richard Strauss qui s’en est inspiré pour composer sa « Symphonie Alpestre » en 1915. L’ouvrage demeure aujourd’hui l’une des critiques les plus percutantes jamais formulées contre le christianisme, même si certains passages controversés ont parfois donné lieu à des interprétations douteuses, notamment pendant la période nazie.
Aux éditions FOLIO ; 338 pages.
9. Ecce Homo (1908)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
« Ecce homo » est le dernier ouvrage de Friedrich Nietzsche, rédigé en 1888 quelques mois avant qu’il ne sombre dans la démence. Cette autobiographie philosophique s’articule autour de quatre chapitres aux titres provocateurs : « Pourquoi je suis si sage », « Pourquoi je suis si avisé », « Pourquoi j’écris de si bons livres » et « Pourquoi je suis une fatalité ». Le philosophe allemand y déploie une interprétation de son œuvre et une autoanalyse de sa personnalité.
Le livre commence par une réflexion sur la double nature de Nietzsche : à la fois décadent et son contraire. Il se présente comme un être hybride, capable de comprendre la décadence pour mieux la combattre. Cette dualité s’exprime notamment dans son rapport à la maladie et à la santé, deux états qu’il a intensément expérimentés tout au long de sa vie. Il revient ensuite sur ses origines, revendiquant une ascendance polonaise noble tout en rejetant violemment sa famille allemande, en particulier sa mère et sa sœur.
Dans la partie centrale, Nietzsche passe en revue ses œuvres majeures, de « La Naissance de la tragédie » jusqu’au « Cas Wagner », expliquant leur genèse et leurs objectifs. Il y développe ses thèmes de prédilection : la critique du christianisme, le rejet de la morale traditionnelle, la volonté de puissance, l’idée du surhomme. Le texte culmine avec l’affirmation de sa « destinée », celle d’un penseur qui se voit comme un point tournant dans l’histoire de l’humanité.
Ce testament intellectuel frappe par son ton singulier, entre parodie et prophétie. Les accents mégalomaniaques qui traversent l’ouvrage prennent une résonance particulière quand on sait que Nietzsche s’effondrera mentalement quelques semaines après sa rédaction, en janvier 1889. Sa sœur Elisabeth en retardera la publication jusqu’en 1908, contribuant à alimenter la controverse autour de ce texte incandescent qui reste aujourd’hui l’une des clés essentielles pour comprendre la pensée nietzschéenne.
Aux éditions FLAMMARION ; 288 pages.
10. Considérations inactuelles (1873-1876)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Publiées entre 1873 et 1876, les « Considérations inactuelles » constituent une série de quatre essais dans lesquels Friedrich Nietzsche s’attaque frontalement aux certitudes de son époque. Dans le contexte d’une Allemagne triomphante après sa victoire sur la France en 1871, le philosophe prend le contre-pied de l’euphorie ambiante et questionne les fondements de la culture moderne.
Le premier essai, « David Strauss, sectateur et écrivain », déconstruit méthodiquement l’œuvre d’un universitaire allemand respecté qui incarnait alors l’autosatisfaction de la bourgeoisie cultivée. Le deuxième texte, « De l’utilité et de l’inconvénient des études historiques pour la vie », développe une thèse audacieuse : l’excès de conscience historique paralyse l’action et nuit à l’épanouissement vital des individus comme des civilisations. Les deux derniers essais dressent les portraits de Schopenhauer et Wagner, présentés comme des modèles de pensée et de création authentiques face à la médiocrité culturelle ambiante.
À travers ces quatre textes se dessine une critique radicale de la modernité et de ses illusions de progrès. Pour Nietzsche, la « maladie historique » qui frappe ses contemporains les empêche de vivre pleinement au présent et d’agir de manière créative. Face à l’accumulation stérile du savoir historique, il réhabilite la puissance de l’oubli comme force vitale nécessaire.
Ces essais de jeunesse contiennent déjà en germe les grands thèmes nietzschéens : la critique de la culture moderne, la valorisation des forces créatrices contre le conformisme, la réhabilitation du corps et des instincts face à la raison pure. Leur publication suscita l’incompréhension, voire l’hostilité du monde universitaire – exactement ce que souhaitait leur auteur, convaincu que la pensée authentique devait déranger les certitudes établies plutôt que les conforter.
Aux éditions FOLIO ; 224 pages.