Fatou Diome est une écrivaine franco-sénégalaise née en 1968 sur l’île de Niodior, dans le delta du Saloum au Sénégal. Élevée par ses grands-parents pêcheurs, elle se distingue dès son jeune âge en choisissant d’aller à l’école plutôt que de suivre les traditions qui assignaient les jeunes filles aux tâches ménagères. Elle se passionne pour la littérature francophone dès l’âge de treize ans et commence alors à écrire.
Son parcours est marqué par une forte détermination : elle quitte son village pour poursuivre ses études dans différentes villes du Sénégal, en finançant sa scolarité par des petits emplois. Après avoir travaillé comme servante en Gambie, elle entreprend des études universitaires à Dakar.
En 1994, son mariage avec un Français l’amène à s’installer à Strasbourg. Suite à son divorce deux ans plus tard, elle traverse une période difficile, travaillant comme femme de ménage pendant six ans pour financer ses études. Elle obtient finalement un doctorat en lettres modernes à l’université de Strasbourg.
Sa carrière littéraire décolle en 2001 avec la publication de « La Préférence nationale », un recueil de nouvelles, suivi en 2003 par « Le Ventre de l’Atlantique », le roman qui lui apporte une reconnaissance internationale. Son œuvre, qui compte aujourd’hui plus d’une dizaine de livres, aborde principalement les thèmes de l’immigration, de l’identité et des relations entre l’Europe et l’Afrique.
Intellectuelle engagée, Fatou Diome se positionne régulièrement dans le débat public, défendant les valeurs républicaines et plaidant pour une relation plus égalitaire entre l’Europe et l’Afrique.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Le Ventre de l’Atlantique (2003)
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Au début des années 2000, sur la petite île sénégalaise de Niodior, Madické, jeune passionné de football, rêve de rejoindre sa sœur Salie en France. Chaque soir, il regarde à la télévision les exploits des footballeurs africains dans les clubs européens. Dans son village, « l’homme de Barbès », jadis émigré, fait miroiter aux jeunes l’image d’une France paradisiaque où la fortune attend les plus audacieux.
Mais Salie, qui vit à Strasbourg, connaît la réalité : les petits boulots, la discrimination, l’isolement. Elle tente de protéger son frère des désillusions de l’émigration, soutenue par un instituteur qui ne cesse de rappeler l’histoire tragique de Moussa, un jeune parti tenter sa chance dans un club français. Mais comment faire entendre raison à un jeune homme qui ne voit dans le football que la promesse d’un avenir meilleur ?
Premier roman largement autobiographique de Fatou Diome, « Le Ventre de l’Atlantique » dépeint sans concession le rapport complexe entre la France et le Sénégal. Le livre reçoit en 2003 le Prix des Hémisphères Chantal Lapicque et le LiBeraturpreis en 2005. À travers le prisme du football, symbole des espoirs d’une jeunesse africaine en quête d’eldorado, se dessine le portrait d’une génération tiraillée entre deux continents.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 256 pages.
2. Celles qui attendent (2010)
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Sur une petite île au large du Sénégal, Arame et Bougna, deux amies d’enfance, poussent leurs fils Lamine et Issa à partir clandestinement vers l’Europe. Pour ces mères qui peinent à nourrir leurs familles, l’émigration représente l’espoir d’une vie meilleure. Avant leur départ, elles marient leurs fils à deux jeunes femmes du village : Coumba et Daba.
Le quotidien s’organise alors autour de l’absence. Les quatre femmes attendent des nouvelles, guettent l’arrivée des mandats, supportent les commérages du village. Pendant ce temps, leurs hommes affrontent une réalité bien différente du rêve européen : la faim, le froid, le racisme, les petits boulots. Les années passent, l’attente s’éternise, et les secrets affleurent peu à peu à la surface.
« Celles qui attendent » aborde l’immigration clandestine sous un angle rarement évoqué : celui des femmes restées au pays. À travers ces quatre destins entrelacés se dessine le portrait d’une société sénégalaise en mutation, où se heurtent traditions et désir de modernité. Les rapports Nord-Sud, le micro-crédit, la condition féminine, la polygamie, les mariages arrangés sont autant de thèmes qui résonnent avec l’actualité. Le roman a reçu le prix Solidarité en 2012.
Aux éditions J’AI LU ; 288 pages.
3. Kétala (2006)
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Au Sénégal, le kétala désigne la cérémonie de partage des biens d’un défunt. Dans l’appartement de Mémoria, une jeune femme qui vient de mourir, ses meubles et objets personnels attendent avec appréhension leur dispersion prochaine. Pour préserver le souvenir de leur maîtresse, ils décident de mettre en commun leurs fragments de mémoire et de reconstituer son histoire.
Le récit dévoile la vie bouleversante d’une jeune Sénégalaise issue d’un milieu privilégié. Soumise à un mariage arrangé avec son cousin Makhou, Mémoria découvre que son époux entretient une relation homosexuelle secrète avec un travesti. Le couple s’exile en France, où Mémoria espère reconquérir son mari. Mais face à son indifférence persistante, elle le chasse et se retrouve seule. Contrainte d’envoyer de l’argent à sa famille, elle devient danseuse puis glisse vers la prostitution. Malade, elle rentre finalement mourir au Sénégal.
En donnant la parole aux objets du quotidien, ce deuxième roman de Fatou Diome après « Le Ventre de l’Atlantique » (2003) bouscule les codes narratifs traditionnels. Cette mise en scène insolite permet d’aborder des sujets tabous dans la société sénégalaise : l’homosexualité, la condition féminine, l’émigration. Les dialogues parfois cocasses entre les meubles allègent la gravité du propos tout en questionnant notre rapport aux souvenirs et à la mémoire.
Aux éditions J’AI LU ; 288 pages.
4. Inassouvies, nos vies (2008)
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Betty, une jeune femme discrète installée à Strasbourg, passe ses journées à épier les vies qui se déploient dans l’immeuble qui fait face au sien. Parmi les silhouettes qui défilent derrière les fenêtres éclairées, elle s’attache particulièrement à une vieille dame au tempérament joyeux, qu’elle baptise Félicité.
Après avoir appris que cette femme a été contrainte par ses neveux de rejoindre une maison de retraite, Betty part à sa recherche. De visiteuse régulière, elle devient rapidement sa confidente. Félicité lui dévoile son passé : son veuvage pendant la guerre, son travail en usine, son refus catégorique d’accepter sa pension de guerre. Leur complicité grandit jusqu’au jour où un événement tragique frappe Félicité. À son retour de quelques jours d’absence, Betty découvre que son amie n’est plus.
Dans son deuil, elle rencontre un homme qu’elle surnomme « l’Ami », développant pour lui un amour platonique qui se suffit de la simple contemplation. Mais la vie creuse ses trous et face à un vide de trop, Betty largue les amarres et s’évapore sans laisser d’adresse.
Publié en 2008, ce troisième roman de Fatou Diome tisse une réflexion sobre sur la solitude urbaine contemporaine. À travers le regard de Betty, qui observe les autres pour mieux fuir ses propres fantômes, se dévoile une méditation sur le vieillissement, l’abandon des aînés et notre difficulté à nouer des liens authentiques. La musique de la kora, instrument traditionnel africain, vient ponctuer le récit comme un contrepoint poétique à la mélancolie ambiante.
Aux éditions J’AI LU ; 256 pages.
5. Impossible de grandir (2013)
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Dans son appartement strasbourgeois, Salie tourne en rond. Marie-Odile, son amie, l’a invitée à dîner et cette perspective la terrorise. Romancière d’origine sénégalaise, elle ne supporte pas d’aller chez les autres ni de parler de sa famille. Cette angoisse la pousse à dialoguer avec « la Petite », une voix intérieure qui représente l’enfant qu’elle était.
L’histoire se concentre sur une journée de crise pendant laquelle les souvenirs remontent par vagues. Enfant illégitime née à Niodior d’une liaison entre sa mère et un lutteur, Salie a grandi sous la protection bienveillante de ses grands-parents. Mais le reste de sa famille, particulièrement son oncle et ses tantes, l’ont constamment humiliée et maltraitée à cause de sa naissance hors mariage.
Le récit oscille entre le présent à Strasbourg, où Salie doit décider si elle ira ou non à ce dîner, et le passé au Sénégal où elle revit les blessures de son enfance. Cette simple invitation devient le catalyseur d’une introspection douloureuse mais nécessaire.
Publié en 2013, ce roman largement autobiographique de Fatou Diome se distingue par sa structure originale qui fait dialoguer le présent et le passé à travers deux voix : celle de l’adulte et celle de l’enfant. Cette dualité permet d’aborder des thèmes complexes comme l’impact des traditions africaines sur les femmes, la résilience face aux traumatismes, le poids des origines dans la construction identitaire.
Aux éditions J’AI LU ; 512 pages.
6. Les veilleurs de Sangomar (2019)
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Le 26 septembre 2002, un ferry, le Joola, sombre au large des côtes sénégalaises, emportant avec lui près de 2000 âmes. Dans le village de Niodior, Coumba apprend la mort de son mari Bouba, qui laisse derrière lui une jeune épouse et leur fille Fadikiine encore bébé.
Selon la tradition musulmane, Coumba doit observer une période de deuil stricte de quatre mois et dix jours. Recluse chez sa belle-mère, elle reçoit les visites de condoléances et respecte les prières rituelles. Mais dès que le village s’endort, la jeune veuve écrit dans son journal et laisse libre cours à sa peine. Elle se tourne alors vers Sangomar, une île déserte où, selon les croyances animistes sérères, résident les esprits des défunts. Dans l’intimité de sa chambre, elle convoque ces « veilleurs » et cherche à communiquer avec son mari disparu.
Tandis que sa belle-famille et son entourage la pressent déjà de se remarier, Coumba lutte pour préserver son indépendance. Elle refuse de devenir la troisième épouse de son beau-frère ou d’épouser son cousin qui la courtise depuis longtemps. Pour sa fille, elle veut tracer un autre chemin que celui dicté par les traditions.
En s’inspirant de cette catastrophe réelle qui a marqué le Sénégal, Fatou Diome tisse une réflexion sur la condition des femmes au Sénégal, piégées entre tradition et modernité. Le texte fait dialoguer l’islam et l’animisme, questionne le poids des conventions sociales et célèbre la résistance d’une femme qui choisit son destin.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 360 pages.