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Ernest Hemingway en 12 livres - Notre sélection

Ernest Hemingway en 12 livres – Notre sélection

Ernest Hemingway naît le 21 juillet 1899 à Oak Park, dans la banlieue de Chicago. Fils d’un médecin et d’une musicienne, il grandit dans un environnement privilégié où il découvre très tôt la nature, la chasse et la pêche aux côtés de son père.

Après ses études secondaires, il devient journaliste au Kansas City Star. En 1918, il s’engage comme ambulancier sur le front italien pendant la Première Guerre mondiale, où il est grièvement blessé. Cette expérience marquante inspire plus tard son roman « L’adieu aux armes » (1929).

En 1921, il épouse Hadley Richardson et s’installe à Paris. Dans le quartier latin, il fréquente les cercles artistiques et littéraires de la « Génération perdue », se liant avec des figures comme Gertrude Stein et James Joyce. C’est à cette époque qu’il commence véritablement sa carrière d’écrivain. Son premier roman « Le soleil se lève aussi » (1926) le propulse sur la scène littéraire.

Sa vie privée est marquée par quatre mariages successifs et une passion pour l’aventure. Il couvre la guerre civile espagnole comme correspondant, expérience qui donne naissance à « Pour qui sonne le glas » (1940). Il partage son temps entre Key West en Floride, Cuba et ses nombreux voyages.

En 1954, il reçoit le prix Nobel de littérature, notamment pour « Le vieil homme et la mer » (1952). Mais les dernières années de sa vie sont assombries par la dépression et des problèmes de santé. Le 2 juillet 1961, il met fin à ses jours dans sa maison de Ketchum, dans l’Idaho.

Son style d’écriture dépouillé, direct, caractérisé par des phrases courtes et une économie de mots, révolutionne la littérature du XXe siècle. Ses thèmes de prédilection – la guerre, l’amour, la mort, la nature – ainsi que sa vie aventureuse contribuent à forger sa légende.

Voici notre sélection de ses livres majeurs.


1. Le vieil homme et la mer (nouvelle, 1952)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Cuba, années 1950. Santiago est un pêcheur cubain vieillissant qui n’a pas attrapé le moindre poisson depuis quatre-vingt-quatre jours. À La Havane, sa malchance lui vaut d’être considéré comme maudit par les autres marins. Même Manolin, le jeune garçon qui l’accompagnait en mer depuis ses cinq ans, a dû le quitter sur ordre de ses parents pour rejoindre un bateau plus chanceux. Pourtant, leur amitié reste intacte : chaque jour, l’enfant apporte au vieil homme du café et des journaux.

Un matin, Santiago décide de partir seul en mer, bien décidé à briser cette série noire. Il s’aventure plus loin que d’habitude dans le Gulf Stream et accroche enfin un espadon gigantesque, plus grand que sa propre barque. S’engage alors une lutte épique de trois jours et trois nuits entre l’homme et l’animal. Le vieux pêcheur, tenaillé par la faim, la soif et l’épuisement, refuse d’abandonner malgré ses mains en sang et son dos meurtri. Il voue un profond respect à ce poisson qu’il considère comme son frère, son égal.

Autour du livre

Rédigé en 1951 à Cuba, « Le vieil homme et la mer » est l’ultime œuvre majeure publiée du vivant d’Ernest Hemingway. Le livre naît d’une histoire vraie relatée à l’auteur par le guide cubain Carlos Gutiérrez dans les années 1930, qu’il transpose d’abord dans un article pour Esquire en 1936 avant d’en faire, quinze ans plus tard, une nouvelle.

L’écriture s’avère particulièrement rapide et intense : Hemingway compose jusqu’à mille mots par jour, achevant le manuscrit de 26 531 mots en à peine six semaines. Le succès est immédiat et retentissant. Life Magazine publie l’intégralité du texte dans son numéro du 1er septembre 1952 et écoule 5,3 millions d’exemplaires en deux jours. La maison d’édition Scribner’s enchaîne avec une édition en volume qui devient rapidement un best-seller international, traduit en neuf langues dès la fin 1952.

Les honneurs pleuvent : Prix Pulitzer en 1953, puis Nobel de littérature en 1954, où l’Académie suédoise salue « la maîtrise de l’art de la narration moderne » manifestée dans ce texte. Cette consécration marque un grand retour en grâce pour Hemingway, dont le précédent roman « Au-delà du fleuve et sous les arbres » avait été malmené par la critique.

Le personnage de Santiago s’inspire probablement de Gregorio Fuentes, un pêcheur d’origine canarienne immigré à Cuba, qui fut pendant trente ans le capitaine du bateau personnel d’Hemingway, le Pilar. La dimension autobiographique se révèle aussi à travers la passion du romancier pour la pêche au gros : grand amateur de cette pratique, il participe à plusieurs tournois et collabore même avec des ichtyologistes pour étudier les marlins de l’Atlantique Nord.

Le texte se prête à de multiples lectures. Certains y décèlent une parabole chrétienne, rapprochant Santiago du Christ ou de Saint Jacques, dont il porte le nom. D’autres soulignent sa dimension écologique avant l’heure ou y lisent une méditation sur le vieillissement.

« Le vieil homme et la mer » inspire plusieurs adaptations cinématographiques notables : un film avec Spencer Tracy en 1958, qui remporte l’Oscar de la meilleure musique, une version télévisée avec Anthony Quinn en 1989, et un remarquable court-métrage d’animation d’Alexandre Petrov en 1999, récompensé par l’Oscar du meilleur film d’animation. L’œuvre figure parmi les livres les plus étudiés dans les écoles du monde entier et génère encore d’importantes recettes – près de 100 000 dollars annuels de droits d’auteur dans les années 1980.

Aux éditions FOLIO ; 144 pages.


2. Les neiges du Kilimandjaro (nouvelle, 1936)

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Résumé

Au pied du Kilimandjaro, Harry, un écrivain américain, agonise dans une tente lors d’un safari en Afrique. Une banale égratignure au genou, négligée et infectée, s’est transformée en gangrène. À ses côtés, Helen, son épouse fortunée qu’il n’aime plus, tente de le maintenir en vie en attendant un hypothétique avion de secours. Dans son délire fiévreux, Harry repense à sa vie d’artiste raté : ses années de guerre, ses errances à Constantinople, ses amours à Paris, ses souvenirs du Black Forest. Il prend conscience d’avoir gâché son talent en choisissant le confort matériel plutôt que l’authenticité créatrice.

Autour du livre

Publié en 1936, « Les neiges du Kilimandjaro » naît des expériences d’Hemingway lors de son safari au Kenya en 1933, relatées dans « Les vertes collines d’Afrique ». La nouvelle conjugue les thèmes chers à l’écrivain : la mort, l’échec artistique, le renoncement aux idéaux. La structure narrative alterne entre le présent de l’agonie et les réminiscences du protagoniste, marquées typographiquement par l’usage de l’italique. Cette technique, inspirée de « Ce qui se passa sur le pont de Owl Creek » (1891) d’Ambrose Bierce, permet de tisser des liens entre réalité et hallucination, présent et passé, vie et mort.

La symbolique se déploie autour de l’image du léopard gelé au sommet. Cette présence mystérieuse, documentée par le missionnaire Richard Reusch en 1926, se mue en puissante métaphore : contrairement à Harry qui se corrompt dans la chaleur des plaines, le félin reste préservé dans les hauteurs glacées, suggestion d’une forme d’immortalité par l’élévation spirituelle et artistique. Le « Ngàje Ngài » (Maison de Dieu) évoque l’Olympe grec, tandis que le léopard rappelle « La Divine Comédie » de Dante, où il symbolise la luxure.

« Les neiges du Kilimandjaro » résonne également des tensions personnelles d’Hemingway, alors las de son mariage avec Pauline Pfeiffer et à l’aube de sa relation avec Martha Gellhorn. Le film de Henry King (1952), avec Gregory Peck, Susan Hayward et Ava Gardner, propose une adaptation qui s’éloigne de la fin tragique du texte original.

Aux éditions FOLIO ; 188 pages.


3. Cinquante mille dollars (nouvelle, 1927)

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Résumé

New Jersey, années 1920. Jack Brennan, champion de boxe des poids welters, se prépare pour son dernier combat professionnel contre Jimmy Walcott. Son entraîneur et ami Jerry Doyle, qui narre l’histoire, l’accompagne dans son camp d’entraînement. Tourmenté par l’absence de sa famille et conscient de ses faibles chances de victoire, Jack prend une décision radicale : parier cinquante mille dollars sur sa propre défaite. La veille du combat, la visite de son manager John Collins et de deux hommes louches laisse présager des arrangements en coulisses. Le jour J, au Madison Square Garden de New York, Jack livre un combat remarquable pendant onze rounds, jusqu’à ce qu’un coup bas de Walcott change la donne.

Autour du livre

Cette nouvelle publiée en 1927 s’inscrit dans la tradition des récits de boxe, genre alors florissant qu’illustraient Arthur Conan Doyle, Jack London ou encore George Bernard Shaw. Le manuscrit initial comportait un prologue sur le combat entre Jack et Benny Leonard, supprimé sur les conseils de F. Scott Fitzgerald – une intervention que Hemingway finira par regretter, comme en témoigne son annotation amère sur le tapuscrit : « 1st 3 pages of story mutilated by Scott Fitzgerald ».

Les spécialistes débattent des sources d’inspiration : certains y voient une transposition du championnat des welters du 1er novembre 1922 entre Jack Britton et Mickey Walker, d’autres évoquent le combat Siki-Carpentier du 24 septembre 1922. Cette ambiguïté nourrit la dimension universelle du récit, qui transcende l’anecdote sportive pour dresser le portrait d’un professionnel confronté au déclin.

La réception critique fut contrastée. Ray Long, rédacteur en chef du Cosmopolitan, salua « la meilleure histoire de boxe jamais lue », tandis que d’autres, comme Joseph Wood Krutch, fustigèrent ces « sordides petites catastrophes ». Hemingway répliqua à ses détracteurs par un poème satirique publié dans The Little Review en mai 1929.

Aux éditions FOLIO ; 160 pages.


4. Pour qui sonne le glas (roman, 1940)

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Résumé

En 1937, la guerre civile espagnole fait rage. Robert Jordan, un Américain idéaliste venu combattre dans les Brigades internationales aux côtés des Républicains, se voit confier une mission : dynamiter un pont pour entraver l’avancée des troupes franquistes lors d’une offensive imminente.

Spécialiste des explosifs, il s’infiltre derrière les lignes ennemies et trouve refuge auprès d’un groupe de guérilleros dans les montagnes de Ségovie. Le moral des partisans vacille sous l’autorité chancelante de leur chef Pablo, homme brisé par l’alcool. Sa compagne Pilar, femme indomptable aux allures de pythie, tient le groupe d’une main de fer. Dans cette atmosphère électrique, Robert s’éprend de Maria, jeune femme meurtrie par les sévices des phalangistes.

Le roman se concentre sur les trois jours qui précèdent l’opération. Le temps suspendu de l’attente fait surgir les démons de chacun. Les doutes s’installent sur les chances de survie après le sabotage. Entre les préparatifs minutieux et les tensions qui couvent, une romance intense se noue entre Robert et Maria, comme un défi lancé à la mort qui rôde.

Autour du livre

Publié en 1940, « Pour qui sonne le glas » s’inspire directement des expériences de Hemingway comme correspondant de guerre pour la North American Newspaper Alliance pendant la guerre civile espagnole. Le titre provient d’une méditation du poète anglais John Donne : « Nul homme n’est une île […] ne demande jamais pour qui sonne le glas : il sonne pour toi. » Cette citation cristallise le thème central de l’interdépendance des êtres humains face à la mort.

La genèse du roman s’avère particulièrement intéressante. Initialement conçu comme une nouvelle, le projet prend de l’ampleur après la dernière visite de Hemingway sur le front espagnol en novembre 1938. L’écriture débute à La Havane en février 1939, à l’hôtel Sevilla-Biltmore, et s’achève en juillet 1940 à New York. Le succès est immédiat : 189 000 exemplaires vendus en neuf semaines.

La scène marquante du chapitre 10, où Pilar décrit l’exécution des fascistes de son village, s’inspire d’événements réels survenus à Ronda en 1936. Plusieurs personnages sont calqués sur des figures historiques : Karkov sur le journaliste soviétique Mikhaïl Koltsov, le général Golz sur Karol Świerczewski, et Robert Jordan lui-même pourrait être inspiré de Robert Hale Merriman, leader des volontaires américains dans les Brigades internationales. Les dialogues reflètent une singularité linguistique : Hemingway utilise un anglais archaïque et des tournures espagnoles pour recréer le parler des personnages, donnant une dimension authentique aux échanges tout en rappelant constamment au lecteur qu’il lit une traduction implicite.

La réception du livre suscite des réactions contrastées. Malgré un succès commercial indéniable, « Pour qui sonne le glas » se heurte aux critiques de la gauche américaine, déçue par son caractère apolitique privilégiant l’héroïsme individuel sur l’action collective. En 1941, le roman fait l’unanimité du comité Pulitzer mais se voit refuser le prix sous la pression de Nicholas Murray Butler, président de l’université Columbia, qui le juge trop controversé.

Son impact culturel perdure : Barack Obama et Fidel Castro en ont fait leur livre de chevet. Le groupe Metallica s’en inspire pour composer « For Whom the Bell Tolls ». L’adaptation cinématographique de 1943 par Sam Wood, avec Gary Cooper et Ingrid Bergman, remporte un Oscar. Le roman occupe la huitième place du classement français des cent livres du siècle établi par la Fnac et Le Monde en 1999.

Aux éditions FOLIO ; 512 pages.


5. L’adieu aux armes (roman, 1929)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

1915. Alors que l’Italie s’enfonce dans la Grande Guerre, un jeune Américain, Frederic Henry, sert comme lieutenant dans le corps des ambulanciers de l’armée italienne. Dans un hôpital militaire près du front, il fait la connaissance de Catherine Barkley, une infirmière anglaise. Le flirt se transforme en amour passionné lorsque Frederic, grièvement blessé par un obus, se retrouve patient dans l’hôpital où travaille Catherine. Leur idylle prend de l’épaisseur pendant sa convalescence à Milan, loin des combats. Mais le retour au front est inévitable, et la débâcle de l’armée italienne à Caporetto précipite leur destin : Frederic, menacé d’exécution comme déserteur, s’enfuit avec Catherine vers la Suisse.

Autour du livre

La genèse de « L’adieu aux armes » commence bien avant sa publication, dans les expériences d’Hemingway sur le front italien. En 1918, le jeune écrivain s’engage comme conducteur d’ambulance pour la Croix-Rouge américaine. Une blessure par éclat d’obus le conduit à l’hôpital de Milan, où il tombe éperdument amoureux de l’infirmière Agnes von Kurowsky. Cette relation, bien que non consommée, marque profondément Hemingway : quand Agnes rompt leurs fiançailles à son retour aux États-Unis, la blessure émotionnelle nourrit déjà les prémices du roman.

La gestation de l’œuvre s’étend sur plusieurs années et différents lieux. Les premières pages prennent forme au ranch Willis M. Spear dans les montagnes Bighorn du Wyoming. Hemingway poursuit l’écriture à Piggott, Arkansas, chez sa belle-famille, puis à Mission Hills, Kansas, pendant que sa femme Pauline attend leur enfant. Cette période de création coïncide étrangement avec la scène d’accouchement de Catherine : Pauline subit une césarienne au moment même où Hemingway rédige la mort en couches de son héroïne.

Le perfectionnisme d’Hemingway transparaît dans sa quête obsessionnelle de la fin parfaite. Il affirme avoir écrit 39 versions différentes du dénouement, mais l’édition de 2012 en révèle 47, témoignant d’un travail acharné pour capturer l’essence de ce moment crucial. Cette recherche méticuleuse traduit l’importance qu’Hemingway accordait à la conclusion de son histoire d’amour tragique.

La publication en feuilleton dans Scribner’s Magazine, de mai à octobre 1929, précède la sortie du livre en septembre de la même année. Le tirage initial de 31 000 exemplaires assure à Hemingway une indépendance financière longtemps convoitée. Deux exemplaires uniques existent, dans lesquels l’auteur a réinséré à la main les passages censurés : l’un offert à Maurice Coindreau, l’autre à James Joyce.

Les démêlés avec la censure illustrent les tensions politiques de l’époque. Le régime fasciste italien interdit le livre jusqu’en 1948, officiellement pour atteinte à l’honneur des forces armées. Cette décision découle aussi d’une antipathie personnelle entre Mussolini et Hemingway. Dans un article du Toronto Star de 1923, l’écrivain s’était moqué du Duce, le décrivant tenant un dictionnaire français-anglais à l’envers pour impressionner la presse. La traduction italienne clandestine de 1943 par Fernanda Pivano lui vaut d’ailleurs une arrestation par les nazis à Turin.

Les critiques contemporaines saluent unanimement « L’adieu aux armes ». Le New York Times le qualifie de « livre émouvant et magnifique ». Gore Vidal y décèle les prémices du style caractéristique d’Hemingway, cette « idiotie soignée, artiste, immaculée de ton ». La controverse n’épargne pourtant pas le roman : Boston en interdit la vente, l’accusant de pornographie, malgré l’absence délibérée de descriptions explicites.

L’influence du roman sur la culture populaire ne se dément pas au fil des décennies. Frank Borzage réalise la première adaptation cinématographique en 1932, avec Gary Cooper incarnant Frederic Henry. Cette version reçoit quatre nominations aux Oscars. Le remake de 1957 par Charles Vidor, avec Rock Hudson, transpose l’histoire en Cinémascope. Une mini-série télévisée en trois parties voit le jour en 1966. L’annonce en 2023 d’une nouvelle adaptation par Michael Winterbottom, avec Tom Blyth, confirme la pérennité du récit.

Les ondes s’emparent également de « L’adieu aux armes » : en 1937, la série Lux Radio Theater produit une adaptation radiophonique avec Clark Gable et Josephine Hutchinson. En 2011, BBC Radio 4 propose une version en dix épisodes dans sa série « 15 Minute Drama ». Le film « In Love and War » (1996) de Richard Attenborough, avec Sandra Bullock et Chris O’Donnell, reconstitue les événements qui ont inspiré le roman, centré sur la relation entre Hemingway et Agnes von Kurowsky.

La postérité du roman tient aussi à sa dimension historique méticuleuse. Pour décrire la retraite de Caporetto, Hemingway s’appuie sur les témoignages de militaires italiens et sur les mémoires de l’historien George Macaulay Trevelyan, directeur de la Première Section Ambulances de la Croix-Rouge britannique. Cette attention au détail historique confère au récit une authenticité qui transcende la simple fiction.

Aux éditions FOLIO ; 320 pages.


6. Le soleil se lève aussi (roman, 1926)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Paris, années folles. Jake Barnes, correspondant de presse américain, traîne sa mélancolie dans les cafés de la rive gauche. Une blessure de guerre l’a rendu impuissant, condamnant son amour pour Lady Brett Ashley à demeurer platonique. Belle et impétueuse, Brett attise les passions parmi le cercle d’amis de Jake : Robert Cohn, écrivain tourmenté par ses origines juives, Mike Campbell, aristocrate écossais qui noie son spleen dans l’alcool, et Bill Gorton, compagnon de beuveries.

L’atmosphère s’alourdit quand le groupe décide de se rendre à Pampelune pour assister aux célèbres fêtes de la San Fermin. Entre les courses de taureaux et les soirées arrosées, les rivalités s’exacerbent. Brett succombe au charme de Pedro Romero, jeune torero dont la fougue et la grâce dans l’arène fascinent Jake. Cette liaison provoque une onde de choc au sein du groupe, cristallisant les failles et les fragilités de chacun.

Autour du livre

Publié en 1926, « Le soleil se lève aussi » s’inscrit dans un tournant majeur pour Hemingway qui, à 26 ans, travaille comme correspondant du Toronto Star à Paris. Son expérience de la guerre, sa vie d’expatrié et ses voyages en Espagne nourrissent directement l’intrigue. Les germes du roman se trouvent dans les fêtes de San Fermín de juillet 1925 : Hemingway y participe avec un groupe d’amis américains et britanniques, dont Lady Duff Twysden, qui inspirera le personnage de Brett Ashley, et Harold Loeb, futur modèle de Robert Cohn. Les tensions entre les membres du groupe, notamment la rivalité entre Hemingway et Loeb pour les faveurs de Lady Twysden, fourniront la matière dramatique du livre.

La genèse s’avère mouvementée : la première version, commencée le 21 juillet 1925 à Valencia sous le titre « Fiesta », subit de nombreuses transformations. Hemingway poursuit l’écriture à Madrid, San Sebastián et Hendaye, avant d’achever un premier jet le 6 septembre à Paris. L’hiver suivant, dans le Montafon autrichien, il procède à d’importantes révisions qui affinent la structure et le style. C’est à cette époque qu’il se convertit au catholicisme, donnant une dimension spirituelle supplémentaire au personnage de Jake Barnes, lui-même catholique.

Le manuscrit connaît un destin singulier : pour le publier chez Scribner’s plutôt que chez Boni & Liveright, Hemingway rédige en quelques jours « The Torrents of Spring », une parodie de Sherwood Anderson. Son contrat avec Boni & Liveright comportant une clause de rupture en cas de refus d’un manuscrit, la maison d’édition rejette sans surprise cette satire d’un de leurs auteurs phares, libérant Hemingway de ses obligations.

F. Scott Fitzgerald joue un rôle déterminant dans la forme finale du roman. Sur son conseil, Hemingway supprime les trente premières pages, créant une narration sans point d’ancrage conventionnel. Cette décision audacieuse bouleverse les codes narratifs de l’époque et contribue à l’émergence d’une nouvelle esthétique romanesque. La première édition, tirée à 5 090 exemplaires, paraît le 22 octobre 1926 au prix de 2 dollars. La couverture, dessinée par Cleo Damianakes, représente une femme drapée à l’antique, choix délibéré de l’éditeur Maxwell Perkins pour séduire le lectorat féminin.

Le succès immédiat engendre des réactions contrastées. La critique salue majoritairement cette voix nouvelle : Conrad Aiken loue dans le New York Herald Tribune « le meilleur dialogue qui puisse s’écrire aujourd’hui », tandis que Bruce Barton célèbre dans The Atlantic une écriture qui semble avoir « façonné l’art d’écrire elle-même ». En revanche, The Nation considère le style « hard-boiled » mieux adapté aux nouvelles qu’au roman. John Dos Passos, ami de l’auteur, publie une critique mitigée dans New Masses avant de s’en excuser personnellement auprès d’Hemingway.

La réception familiale s’avère particulièrement houleuse. Grace Hemingway, la mère du romancier, fustige ce qu’elle considère comme un gaspillage de talent au service de « la strate la plus dégradée de l’humanité ». Cette réprobation n’empêche pas le roman de devenir un phénomène culturel : les jeunes femmes imitent le style vestimentaire de Brett Ashley, tandis que les étudiants des universités de l’Ivy League aspirent à devenir des « héros hemingwayens ».

« Le soleil se lève aussi » soulève des controverses durables, notamment concernant son traitement des personnages juifs et féminins. Le portrait de Robert Cohn, décrit à travers des stéréotypes antisémites, reflète les préjugés sociaux de l’époque. Les éditeurs, qui avaient émis des réserves sur les descriptions de corridas, laissent passer ces épithètes antisémites, témoignant de l’acceptation sociale de tels préjugés dans l’Amérique d’après-guerre.

La Modern Library classe « Le soleil se lève aussi » au 45ème rang des meilleurs romans anglophones du XXe siècle. En 1957, Henry King le porte à l’écran avec Ava Gardner et Tyrone Power, les droits d’adaptation revenant à Hadley Richardson, première épouse d’Hemingway. L’œuvre contribue également à populariser les fêtes de San Fermín, transformant Pampelune en destination touristique internationale.

Aux éditions FOLIO ; 352 pages.


7. En avoir ou pas (roman, 1937)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Key West, Floride, années 1930. Harry Morgan, capitaine de bateau de pêche, survit tant bien que mal en emmenant des touristes traquer l’espadon dans les eaux cubaines. L’impayé d’un client peu scrupuleux le précipite dans une spirale infernale. Pour nourrir sa femme et ses trois filles, il n’a d’autre choix que de basculer dans des trafics illicites : alcool de contrebande d’abord, puis transport de clandestins chinois.

Autour du livre

L’histoire d’Harry Morgan naît d’abord sous forme de fragments épars. En septembre 1933, à Madrid, Hemingway compose une nouvelle substantielle publiée dans Cosmopolitan sous le titre « One Trip Across ». Le personnage de Morgan y apparaît déjà dans ses traits essentiels : ancien policier de Miami reconverti en capitaine de pêche à Key West, contraint par la nécessité au trafic d’alcool. Une seconde nouvelle, « The Tradesman Returns », paraît dans Esquire en février 1936, narrant la perte du bras de Morgan dans une fusillade avec des contrebandiers cubains.

La transformation de ces nouvelles en roman s’opère dans des circonstances particulières. L’été 1936, Hemingway conçoit un projet ambitieux : tisser autour de Morgan une fresque sociale mettant en relief les contrastes saisissants entre Key West et La Havane, tout en documentant les répercussions de la révolution cubaine sur les populations locales. Le déclenchement de la guerre civile espagnole bouleverse ce plan initial. Pressé de retourner à Madrid pour témoigner du conflit, mais réticent à l’idée de laisser une œuvre inachevée, Hemingway s’isole dans le Wyoming pour achever son manuscrit dans l’urgence.

Cette genèse tourmentée marque profondément la structure du roman. La narration alterne entre différentes perspectives, passant de la première à la troisième personne, multipliant les points de vue. Cette technique novatrice pour l’époque permet d’incarner la fracture sociale au cœur du récit. Les chapitres consacrés aux existences dissolues des propriétaires de yachts contrastent violemment avec le combat désespéré de Morgan pour la survie.

L’influence du marxisme, que Hemingway découvre au contact des républicains espagnols, imprègne le texte. La division entre les « have » et les « have not » structure l’ensemble du récit, transformant Morgan en symbole des victimes de la Grande Dépression. Ses dernières paroles – « Un homme seul n’a pas la moindre chance » – sonnent comme une condamnation de l’individualisme américain.

La réception critique reflète les tensions de l’époque. Le New York Times fustige un « livre vide » qu’Hemingway aurait mieux fait de ne pas publier, lui reprochant l’absence d’évolution intellectuelle depuis « L’adieu aux armes ». Pourtant, le succès commercial est immédiat : deux semaines après sa sortie, le roman figure en quatrième position des meilleures ventes américaines. Six mois plus tard, 36 000 exemplaires sont écoulés.

L’héritage du roman se manifeste particulièrement au cinéma. Howard Hawks en livre en 1944 une adaptation très libre avec Humphrey Bogart et Lauren Bacall, transposant l’action en Martinique sous le régime de Vichy et gommant la dimension sociale au profit d’une intrigue romantique. En 1950, Michael Curtiz propose avec « The Breaking Point » une version plus fidèle, John Garfield incarnant un Morgan transformé en ancien capitaine de PT Boat. Don Siegel réalise en 1958 « The Gun Runners », où Audie Murphy reprend le rôle principal. En 1987, le réalisateur iranien Nasser Taghvai transpose l’intrigue dans le golfe Persique avec « Capitaine Khorshid ».

« En avoir ou pas » conserve une résonance particulière dans le contexte des inégalités économiques contemporaines. Dans les eaux troubles entre Cuba et la Floride se joue un drame universel, celui de la dignité humaine confrontée aux forces du déterminisme social. Le destin de Morgan, homme ordinaire poussé au crime par la précarité, continue d’interroger les mécanismes de l’exclusion ordinaire. La construction fragmentée du récit, les variations de point de vue, la peinture sans concession des rapports de classe font de ce roman un témoignage de première main sur les années de la Grande Dépression.

Aux éditions FOLIO ; 280 pages.


8. Le jardin d’Éden (roman, 1986)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Dans les années 1920, sur la Côte d’Azur, le jeune écrivain américain David Bourne et son épouse Catherine entament leur lune de miel. Rapidement, Catherine manifeste des comportements troublants : elle se fait couper les cheveux très courts, commence à jouer avec son identité sexuelle et pousse David à participer à ses jeux de rôles genrés. Leur séjour les mène de la Camargue à l’Espagne, puis retour en France où ils rencontrent une jeune femme, Marita. Les trois personnages développent une relation triangulaire complexe, Catherine et David ayant chacun une liaison avec elle. Tandis que Catherine sombre dans une instabilité croissante, elle devient obsédée par le travail d’écrivain de son mari, exigeant qu’il se consacre uniquement au récit de leur vie commune. Dans un geste désespéré, elle finit par brûler les manuscrits de David relatant son enfance, avant de partir pour Paris.

Autour du livre

Ce second roman posthume d’Ernest Hemingway, publié en 1986, soit vingt-cinq ans après sa mort, révèle une facette méconnue de l’écrivain. Sa genèse remonte à 1946, et pendant quinze ans, Hemingway y travaille parallèlement à d’autres œuvres majeures comme « Le vieil homme et la mer ». Le manuscrit original, fort de 800 pages et 48 chapitres, subit une réduction drastique pour sa publication : seuls 30 chapitres et 70 000 mots subsistent dans la version finale.

« Le jardin d’Éden » puise ses racines dans l’expérience personnelle d’Hemingway, notamment sa lune de miel avec Pauline Pfeiffer, sa seconde épouse, au Grau-du-Roi en 1927. Cette période coïncide avec la fin de son mariage avec Hadley Richardson, créant un parallèle troublant avec le triangle amoureux du roman. Dans ses mémoires « Paris est une fête », Hemingway évoque cette configuration : « L’époux a deux filles séduisantes autour de lui quand il a fini de travailler. L’une est nouvelle et étrange et s’il a de la malchance, il doit les aimer toutes les deux. »

La publication suscite la controverse. Barbara Probst Solomon, dans The New Republic, qualifie les coupes éditoriales de « crime littéraire ». Susan Seitz soutient que ces modifications ont occulté une nouvelle direction artistique d’Hemingway, notamment dans son traitement des rapports hommes-femmes et de l’androgynie. Malgré ces débats, Harold Bloom intègre l’œuvre dans son canon occidental aux côtés de « L’adieu aux armes » et du « Soleil se lève aussi ».

La dimension transgressive du roman bouleverse les attentes liées à Hemingway. Les jeux d’identité sexuelle, l’androgynie et la fluidité des genres y occupent une place centrale, bien loin de la masculinité traditionnelle associée à l’auteur. John Updike salue cette évolution, notant qu’elle permet « un nouveau regard sur l’ancienne magie ». Le personnage de Catherine, qualifié par E. L. Doctorow de « figure féminine la plus accomplie d’Hemingway », incarne cette modernité inattendue qui fait du « Jardin d’Éden » une œuvre à part dans la bibliographie de l’écrivain.

Le roman connaît une adaptation cinématographique en 2008, présentée au RomaCinemaFest. Cette « œuvre érotique qui transgresse les frontières », selon Screen International, sort en salles en 2010 avec Jack Huston et Mena Suvari dans les rôles principaux. Le film, réalisé par John Irvin sur un scénario de James Scott Linville, ancien rédacteur en chef de The Paris Review, propose une nouvelle lecture de cette œuvre singulière.

Aux éditions FOLIO ; 336 pages.


9. Au-delà du fleuve et sous les arbres (roman, 1950)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

En cette fin des années 1940, un officier américain de cinquante ans, le colonel Richard Cantwell, quitte sa garnison de Trieste pour une partie de chasse dans la lagune vénitienne. Marqué physiquement et psychologiquement par les deux guerres mondiales, il sait ses jours comptés à cause d’une grave maladie cardiaque. À Venise, il retrouve la jeune comtesse Renata, dix-neuf ans, qui cristallise ses derniers espoirs de bonheur. Dans une ville glaciale et mélancolique, leur relation se noue entre les murs du prestigieux hôtel Gritti et les méandres des canaux. La jeune femme recueille les confidences du soldat meurtri, tandis que lui trouve dans cet amour impossible un ultime sursaut de vie.

Autour du livre

« Au-delà du fleuve et sous les arbres » paraît en 1950 après une prépublication en feuilleton dans le magazine Cosmopolitan. Cette œuvre tardive d’Hemingway puise sa source dans une histoire vécue : lors d’un séjour à Venise en 1948, l’écrivain fait la connaissance d’Adriana Ivancich, une aristocrate de dix-huit ans qui deviendra sa muse. Si leur relation reste platonique, elle inspire profondément l’intrigue et le personnage de Renata. Adriana dessine d’ailleurs la couverture de la première édition.

La genèse du roman s’étale sur deux ans, entre l’Italie, Cuba, Paris et Venise. Le manuscrit initial est envoyé à Marlene Dietrich, que l’auteur connaît depuis 1943. Malgré un tirage initial conséquent de 75 000 exemplaires et sept semaines en tête des ventes du New York Times – une première pour Hemingway – l’accueil critique s’avère glacial. Plus de 150 critiques éreintent le roman, lui reprochant son caractère autobiographique mal déguisé et son style en deçà des œuvres précédentes.

Les rares voix discordantes comptent Tennessee Williams, qui y voit « le livre le plus triste du monde sur la plus triste des villes » et salue la sincérité nouvelle de l’écriture. Le temps a partiellement réhabilité l’œuvre, désormais considérée comme une méditation sur la mort et le vieillissement, mise en tension avec la jeunesse incarnée par Renata. Le personnage de Cantwell emprunte ses traits à trois modèles : Charles Sweeny, mercenaire ami de l’auteur, l’officier « Buck » Lanham rencontré en Normandie en 1944, et Hemingway lui-même.

La narration oscille constamment entre présent et passé, réalité et souvenirs, dans une Venise hivernale qui devient le théâtre d’une dernière passion. Le destin tragique d’Adriana Ivancich, qui se suicide en 1983, ajoute une résonance particulière à cette histoire d’amour impossible. Le livre a récemment connu une adaptation cinématographique avec Liev Schreiber dans le rôle de Cantwell, présentée au Sun Valley Film Festival en mars 2022.

Aux éditions FOLIO ; 416 pages.


10. Paris est une fête (récit autobiographique, 1964)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Dans les années 1920, Ernest Hemingway s’installe à Paris avec sa première épouse Hadley Richardson. Jeune journaliste américain désargenté mais déterminé à devenir écrivain, il abandonne son travail alimentaire pour se consacrer à son art. Le couple mène une vie modeste dans le Quartier Latin, entre les cafés littéraires et les rencontres avec les artistes expatriés. Hemingway y côtoie notamment Gertrude Stein, qui règne en prophétesse sur le petit monde des créateurs américains, le poète Ezra Pound aux enthousiasmes parfois déraisonnables, et l’écrivain F. Scott Fitzgerald dont la personnalité fantasque l’entraîne dans des péripéties mémorables. Si la précarité forge son caractère – « la faim était une bonne discipline » confie-t-il – ces années parisiennes constituent un moment fondateur pour le jeune romancier qui forge son style et sa sensibilité artistique, jusqu’à la rupture avec Hadley qui marque la fin de cette période enchantée.

Autour du livre

La genèse de « Paris est une fête » recèle une part de mystère et de hasard. En 1956, Hemingway retrouve deux malles oubliées depuis 1928 dans les sous-sols de l’hôtel Ritz. À l’intérieur, des carnets noircis dans les cafés parisiens trois décennies plus tôt. Ces notes, retravaillées entre 1957 et 1960, donnent naissance à un récit autobiographique publié de manière posthume en 1964.

L’ouvrage suscite d’emblée des débats sur son authenticité. Mary Hemingway, dernière épouse de l’écrivain, réorganise les chapitres et supprime certains passages, notamment une longue lettre d’excuses à Hadley. En 2009, une nouvelle édition supervisée par Sean Hemingway, petit-fils de l’auteur, réintègre les textes écartés et modifie l’ordre initial, suscitant à son tour la controverse.

Le titre même de l’ouvrage recèle une histoire singulière. « A Moveable Feast », suggéré par Hotchner, fait référence à une remarque d’Hemingway en 1950 : « Si vous avez eu la chance de vivre à Paris jeune homme, où que vous alliez pour le reste de votre vie, il vous accompagne, car Paris est une fête mobile ». Cette expression trouve un écho inattendu dans l’actualité : après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris, le livre connaît un regain d’intérêt spectaculaire. Les ventes passent de 10 à 1500 exemplaires quotidiens. Les Parisiens déposent des copies aux mémoriaux improvisés, transformant ce récit personnel en symbole collectif de résistance.

L’influence de « Paris est une fête » imprègne la culture populaire contemporaine. Woody Allen s’en inspire directement pour « Midnight in Paris » (2011), où il recrée l’atmosphère du Paris des années 1920. Les lieux évoqués – la librairie Shakespeare & Company, les cafés de Saint-Germain-des-Prés, la brasserie Lipp – attirent désormais les pèlerins littéraires du monde entier. Hemingway mentionne également avec précision les vins consommés à l’époque : Sancerre chez Prunier, Mâcon avec Fitzgerald, vins corses et Cahors dans les bistrots populaires, témoignant d’un art de vivre disparu.

Les personnalités qui traversent ces pages prennent un relief saisissant. Fitzgerald y apparaît dans toute sa complexité : brillant, instable, hanté par ses démons. Gertrude Stein dispense ses conseils littéraires avec autorité tandis qu’Ezra Pound se montre généreux envers ses pairs malgré ses propres difficultés. James Joyce, Ford Madox Ford, Aleister Crowley : chaque rencontre ajoute une touche au tableau d’une époque extraordinaire. Le Paris d’Hemingway devient ainsi le symbole de toutes les jeunesses créatrices, où l’enthousiasme compense les privations matérielles. La présence lumineuse d’Hadley Richardson traverse le récit comme un fil d’or, donnant à ces mémoires la profondeur d’une méditation sur le temps qui passe et les promesses non tenues.

Des projets d’adaptation continuent d’émerger. En 2009, Mariel Hemingway, petite-fille de l’écrivain, acquiert les droits pour le cinéma et la télévision. En 2019, Village Roadshow Entertainment Group annonce le développement d’une série télévisée, preuve que cette « fête mobile » continue d’inspirer les créateurs contemporains.

Aux éditions FOLIO ; 352 pages.


11. Mort dans l’après-midi (récit de voyage, 1932)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Dans les années 1920, Ernest Hemingway découvre la tauromachie lors des fêtes de San Fermín à Pampelune. Cette rencontre avec l’art taurin se transforme en passion dévorante qui le pousse à écrire « Mort dans l’après-midi », publié en 1932. L’écrivain américain y dévoile les arcanes de la corrida, décryptant minutieusement chaque étape du combat entre l’homme et le taureau. À travers une succession de portraits de matadors légendaires (Pedro Romero, Joselito ou encore Juan Belmonte), il brosse le tableau d’un univers où la mort rôde en permanence. La figure imaginaire d’une vieille dame, possible incarnation de Gertrude Stein, sert de contrepoint humoristique aux réflexions métaphysiques sur la vie, la mort, le courage. Le livre oscille ainsi entre guide pratique de la tauromachie et méditation sur la condition humaine. La corrida s’y révèle comme un rituel quasi religieux où se joue, selon Hemingway, l’essence même de l’existence.

Autour du livre

La genèse de « Mort dans l’après-midi » s’étend sur plusieurs années. En 1930, Hemingway pose les premières pierres de son projet avec un article intitulé « Bullfighting, Sport and Industry » dans Fortune. L’écriture prend son envol grâce à l’invention du personnage de la Vieille Dame, qui insuffle une dimension dialogique au texte. Le manuscrit atteint rapidement deux cents pages, enrichi d’un glossaire technique qui se mue en véritable encyclopédie taurine.

L’ouvrage se distingue par sa structure tripartite : le texte principal d’Hemingway, un corpus photographique commenté, et un lexique spécialisé. Le chapitre XX propose un inventaire saisissant des morts dans l’arène, témoignage brutal du tribut payé à cet art périlleux. L’accueil initial s’avère mitigé, les critiques jugeant l’œuvre en deçà de leurs attentes. C’est le traducteur russe Ivan Kashkeen qui, le premier, en saisit la portée et contribue à sa reconnaissance en Union soviétique. À partir de 1935, le livre s’impose comme une référence, surnommé la « Bible des corridas ».

La dimension comique, souvent négligée, irrigue l’ensemble du texte. Elle se manifeste notamment dans l’observation de la culture hispanique et dans la distance prise avec les conventions sociales. Le dialogue avec la vieille dame – possible avatar de Gertrude Stein – illustre cette veine humoristique avec la célèbre formule « what is moral is what you feel good after ». La conviction qui sous-tend l’ouvrage est que la corrida transcende le simple spectacle : elle incarne une tragédie où l’homme et le taureau deviennent simultanément bourreaux et victimes. Dans l’arène se joue un drame métaphysique où le torero, par ses gestes codifiés, défie la mort et dispense à la foule une leçon de courage et de vertu.

Aux éditions FOLIO ; 503 pages.


12. Les vertes collines d’Afrique (récit de voyage, 1935)

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Résumé

« Les vertes collines d’Afrique » retrace un mois de safari dans l’Est africain en 1933. Hemingway, accompagné de son épouse Pauline et guidé par le légendaire chasseur Philip Percival, sillonne les terres sauvages du Kenya et du Tanganyika (l’actuelle Tanzanie). L’action se concentre autour du lac Manyara, où l’écrivain poursuit avec obstination le koudou, une antilope prisée des chasseurs pour ses cornes majestueuses. Entre les parties de chasse, les soirées au campement donnent lieu à des conversations enflammées sur la littérature européenne et américaine. La quête du koudou structure le récit : après des semaines de traque sans succès, Hemingway s’aventure dans des zones reculées. Sa persévérance est finalement récompensée : Hemingway parvient à tuer un koudou aux cornes spectaculaires, mais découvre que son ami Karl en a abattu un encore plus impressionnant.

Autour du livre

Publié en 1935, ce récit autobiographique marque une incursion d’Hemingway dans la non-fiction. Le livre paraît d’abord en feuilleton dans Scribner’s Magazine de mai à novembre 1935, avant d’être édité en volume avec un tirage initial de 10 500 exemplaires. Dans sa préface, l’auteur se lance un défi : démontrer qu’un récit strictement véridique peut rivaliser avec une œuvre fictionnelle.

La réception critique s’avère mitigée. John Chamberlain, du New York Times, reproche à Hemingway d’avoir simplifié sa méthode narrative au point que tous ses personnages, quelle que soit leur origine, adoptent le même langage. En revanche, son confrère C. G. Poore salue « la meilleure histoire de chasse au gros gibier jamais écrite ».

Cette expérience africaine nourrit deux nouvelles majeures : « L’heure triomphale de Francis Macomber » et « Les neiges du Kilimandjaro », où transparaît l’amertume d’Hemingway envers les femmes fortunées de son entourage, notamment son épouse Pauline et sa maîtresse Jane Mason.

Le livre acquiert une notoriété particulière grâce à un passage devenu célèbre sur la littérature américaine. Lors d’une conversation avec un fermier autrichien du nom de Kandisky, Hemingway affirme que « toute la littérature américaine moderne provient d’un seul livre de Mark Twain : Huckleberry Finn ». Cette déclaration contribue à établir « Les aventures de Huckleberry Finn » comme le « Grand Roman Américain ».

Aux éditions FOLIO ; 305 pages.

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