Dominique Lapierre (1931-2022) est un écrivain et philanthrope français. Né à Châtelaillon-Plage d’un père diplomate, il débute sa carrière d’écrivain très jeune avec son premier récit de voyage « Un dollar les mille kilomètres » (1949), publié à seulement 18 ans.
Devenu journaliste à Paris Match en 1956, il réalise un reportage marquant en URSS, parcourant 13 000 km en Simca Marly avec le photographe Jean-Pierre Pedrazzini. Sa rencontre avec le journaliste américain Larry Collins donnera naissance à plusieurs best-sellers, dont « Paris brûle-t-il ? » (1964) et « Ô Jérusalem » (1971).
Profondément attaché à l’Inde, où il apprend le bengali, il écrit « La Cité de la joie » (1985), un immense succès qui sera adapté au cinéma. Philanthrope engagé, il consacre la moitié des droits d’auteur de ce livre à la lutte contre la misère en Inde, créant notamment une association caritative et finançant des bateaux-hôpitaux dans les îles Sundarbans. Son engagement humanitaire lui vaut la prestigieuse Médaille Padma Bhushan du gouvernement indien en 2008.
Après une mauvaise chute en 2012 qui altère sa santé, il décède le 2 décembre 2022 à Sainte-Maxime, à l’âge de 91 ans.
Voici notre sélection de ses livres majeurs.
1. La Cité de la joie (1985)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Au milieu des années 1980, dans les faubourgs surpeuplés de Calcutta, un prêtre français, Paul Lambert, s’installe dans l’un des bidonvilles les plus miséreux de la ville. Sa route croise celle d’Hasari Pal, un paysan bengali qui a fui sa campagne ravagée par la sécheresse. Pour nourrir sa famille, Hasari devient tireur de rickshaw, usant ses forces à tirer son « taxi » dans la fournaise des rues encombrées.
Le quotidien de ces deux hommes bascule avec l’arrivée de Max Loeb, un jeune médecin américain débarqué de sa luxueuse clinique de Miami. Dans ce quartier baptisé « la Cité de la joie », où s’entassent soixante-dix mille âmes, ils font face ensemble aux ravages de la lèpre, du choléra et de la malnutrition. Entre les égouts à ciel ouvert et les cahutes de tôle, dans un décor hanté par les rats et la vermine, ils découvrent pourtant une humanité qui refuse de céder au désespoir.
Ce récit, né d’une immersion de plusieurs mois de Dominique Lapierre dans les bidonvilles de Calcutta, puise son inspiration dans l’histoire vraie de deux religieux : le père François Laborde et le missionnaire Gaston Grandjean. Le succès fut immédiat : 40 millions d’exemplaires vendus, des traductions dans 31 langues et une adaptation cinématographique signée Roland Joffé en 1992. Les droits d’auteur ont permis la création d’une fondation qui œuvre aujourd’hui encore pour la scolarisation et les soins médicaux dans les quartiers les plus pauvres de la ville.
Aux éditions POCKET ; 672 pages.
2. Cette nuit la liberté (1975)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Août 1947 marque la fin du plus vaste empire colonial de l’Histoire : les Indes britanniques accèdent à l’indépendance. Le vice-roi Lord Mountbatten reçoit une mission impossible : organiser en quelques mois la transition du pouvoir dans un sous-continent où coexistent 400 millions d’habitants, 565 maharajas, et des communautés hindoues et musulmanes aux relations explosives.
Face à lui, trois figures majeures incarnent les espoirs et les divisions du pays : Gandhi, apôtre de la non-violence qui rêve d’une Inde unie ; Nehru, futur Premier ministre qui devra gérer l’apocalypse de la Partition ; et Jinnah, leader musulman déterminé à créer le Pakistan. Des cimes de l’Himalaya aux rues de Calcutta, la liberté tant désirée se transforme en tragédie avec l’exode de millions de réfugiés.
Publié en 1975, ce livre constitue une prouesse journalistique. Dominique Lapierre et Larry Collins ont mené l’enquête pendant quatre ans, épluché des milliers de documents inédits et interrogé les principaux acteurs encore vivants. Leur investigation les a même conduits à accompagner les assassins de Gandhi sur les lieux de leur crime pour reconstituer les événements. En 2017, cette épopée a inspiré le film « Le Dernier Vice-Roi des Indes ».
Aux éditions POCKET ; 768 pages.
3. Le cinquième cavalier (1980)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Un dimanche de décembre, une lettre arrive à la Maison-Blanche : le colonel Kadhafi menace de faire exploser une bombe H dissimulée au cœur de New York si les Israéliens ne rendent pas leurs terres aux Palestiniens sous 36 heures. L’ultimatum est catégorique : pas un mot aux médias ni à la population, sinon la bombe explosera immédiatement.
Face à cette menace sans précédent, le Conseil de sécurité du Pentagone se réunit d’urgence. Les experts sont formels : impossible d’évacuer huit millions d’habitants ou de céder au chantage. La seule solution ? Localiser l’engin explosif tout en négociant avec Kadhafi pour gagner du temps. Des milliers de policiers se lancent dans une course effrénée à travers Manhattan, tandis que les tractations diplomatiques s’intensifient entre Washington, Paris, Tel-Aviv et Tripoli.
Publié en 1980 par le duo Collins-Lapierre, ce thriller géopolitique a nécessité quatre années d’enquête et des centaines d’entretiens avec des ministres, des agents secrets et même des terroristes. Le livre a connu un retentissement particulier après les attentats du 11 septembre 2001, de nombreux lecteurs et journalistes soulignant la troublante prescience des auteurs. Quarante ans plus tard, cette vision d’un monde sous la menace du terrorisme nucléaire n’a rien perdu de sa force ni de son actualité.
Aux éditions ROBERT LAFFONT ; 468 pages.
4. Ô Jérusalem (1971)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
« Ô Jérusalem » retrace les événements tumultueux qui ont conduit à la création de l’État d’Israël entre novembre 1947 et juillet 1948. À travers une enquête minutieuse menée pendant trois ans auprès de milliers de témoins, Dominique Lapierre et Larry Collins reconstituent cette période charnière de l’histoire du Moyen-Orient.
Le récit s’ouvre sur le vote historique des Nations Unies du 29 novembre 1947 qui décide du partage de la Palestine. Dans les mois qui suivent, les tensions s’exacerbent entre communautés juive et arabe. D’un côté, les dirigeants juifs comme David Ben Gourion et Golda Meir organisent secrètement l’achat d’armes et la formation d’une armée. De l’autre, les pays arabes voisins se préparent à intervenir militairement. Au centre de ce maelström, Jérusalem devient le théâtre d’affrontements sanglants entre communautés. Le récit culmine avec la proclamation de l’État d’Israël le 14 mai 1948 et la première guerre israélo-arabe qui s’ensuit.
Publié en 1971 après un travail colossal de documentation, le livre s’est imposé comme une référence sur les origines du conflit israélo-palestinien avec plus de 50 millions de lecteurs dans 28 pays. En 2006, une adaptation cinématographique a été réalisée par Élie Chouraqui. Si certains critiques ont reproché aux auteurs un parti pris pro-israélien, d’autres ont salué leur effort pour donner la parole aux différents protagonistes et restituer la complexité des événements.
Aux éditions POCKET ; 928 pages.
5. Paris brûle-t-il ? (1964)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
En août 1944, alors que les troupes alliées progressent vers Paris, Hitler ordonne la destruction totale de la capitale française en cas de défaite. Le Führer ne veut laisser qu’un champ de ruines si la ville doit tomber aux mains de l’ennemi. Tous les monuments emblématiques sont minés, prêts à être pulvérisés sur ordre du commandant allemand von Choltitz.
Pendant ce temps, les forces américaines hésitent à libérer Paris, préférant contourner la ville pour éviter des combats de rue coûteux et le ravitaillement d’une population affamée. Mais la Résistance parisienne s’impatiente et déclenche une insurrection, tandis que la 2e Division Blindée du général Leclerc fonce vers la capitale contre l’avis du commandement allié. Une course contre la montre s’engage alors pour sauver Paris de l’anéantissement.
Publié en 1964, cet ouvrage précurseur du genre « docufiction » est le fruit d’un travail monumental de documentation. Pendant trois ans, Dominique Lapierre et Larry Collins ont interrogé plus de 3000 témoins, épluché des archives militaires dans trois pays et analysé des kilomètres de microfilms. Le résultat mêle habilement la grande Histoire et les destins individuels, les délibérations des états-majors et les actes de bravoure ou de lâcheté d’anonymes. Le succès fut tel que René Clément en tira un film en 1966, réunissant une distribution exceptionnelle avec Jean-Paul Belmondo, Alain Delon et Kirk Douglas.
Aux éditions POCKET ; 672 pages.
6. … ou tu porteras mon deuil (1968)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Dans l’Espagne de 1936, alors que la guerre civile déchire le pays, naît Manuel Benitez à Palma del Rio, près de Cordoue. Orphelin de mère puis de père, il grandit dans une misère extrême sous le régime franquiste. Pour échapper à cette vie de privations et de labeur sans fin, le jeune Manuel ne voit qu’une issue : devenir torero.
Obsédé par les taureaux depuis son plus jeune âge, il s’entraîne sans relâche dans des conditions périlleuses, bravant les coups, les blessures et la répression des autorités. Le 20 mai 1964, avant sa confirmation d’alternative qui doit faire de lui un matador reconnu, il lance à sa sœur Angelita ces mots qui donnent son titre au livre : « Ce soir, je t’achèterai une maison ou tu porteras mon deuil ». Cette phrase cristallise tout le parcours de cet homme qui deviendra « El Cordobés », l’une des plus grandes figures de la tauromachie.
À travers cette destinée hors du commun, Larry Collins et Dominique Lapierre dressent un tableau de l’Espagne du XXe siècle. Le récit alterne entre la dernière corrida d’El Cordobés et des retours en arrière qui éclairent trente ans d’histoire espagnole : la guerre civile, l’avènement du franquisme et ses répressions, la lente modernisation du pays. Sans jamais prendre parti sur la corrida elle-même, les auteurs montrent comment cet art controversé incarnait pour beaucoup le seul espoir d’échapper à la misère.
Aux éditions POCKET ; 640 pages.
7. Un arc-en-ciel dans la nuit (2008)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
En 1652, une poignée de jardiniers hollandais débarquent à la pointe sud de l’Afrique. Leur mission première : cultiver des salades pour les équipages de la Compagnie des Indes Orientales décimés par le scorbut. Cette modeste installation va pourtant marquer le début d’une histoire monumentale, celle de l’Afrique du Sud.
Ces premiers colons, guidés par leur foi calviniste et persuadés d’être élus par Dieu, s’enfoncent progressivement dans les terres malgré les dangers. Ils affrontent les tribus locales, résistent aux Britanniques et découvrent l’or et les diamants. Leur conviction d’une supériorité divine pose les fondements d’une idéologie qui culminera, trois siècles plus tard, avec l’instauration de l’apartheid – un système de ségrégation raciale qui opprimera des millions de Sud-Africains noirs jusqu’en 1991.
Cette fresque historique s’achève sur l’épopée de Nelson Mandela qui, après 27 ans d’emprisonnement, devient le premier président noir du pays et transforme l’Afrique du Sud en « Nation arc-en-ciel ».
Fruit de trois années d’enquête, ce récit publié en 2008 par Dominique Lapierre conjugue destins individuels et grande Histoire. Les témoignages d’acteurs méconnus comme Helen Lieberman, surnommée « la Mère Teresa sud-africaine », ou du chirurgien Christiaan Barnard, donnent une dimension humaine à cette chronique parfois controversée pour son traitement des sources historiques. Certains spécialistes ont en effet pointé des imprécisions factuelles, notamment dans la description des premiers temps de la colonisation.
Aux éditions POCKET ; 416 pages.