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Colin Thubron en 2 récits de voyage – Notre sélection

Colin Thubron en 2 récits de voyage – Notre sélection

Colin Thubron naît à Londres le 14 juin 1939. Il est un parent éloigné du poète John Dryden. Après ses études au prestigieux Eton College, il travaille brièvement dans l’édition et la réalisation de documentaires avant de se consacrer à l’écriture.

En 1967, il publie son premier récit de voyage, « Mirror to Damascus », inaugurant une longue carrière d’écrivain-voyageur qui le mène des ruelles de Damas aux steppes sibériennes. Ses voyages le conduisent à travers le Moyen-Orient, la Russie, la Chine et l’Asie centrale, donnant naissance à des œuvres comme « Among the Russians » (1983) et « Behind the Wall » (1987). En parallèle, il développe une œuvre romanesque avec des titres comme « A Cruel Madness » (1984) et « To the Last City » (2002).

Reconnu comme l’un des plus grands écrivains britanniques de l’après-guerre, Thubron reçoit de nombreuses distinctions, dont le titre de Commandeur de l’Empire britannique (CBE) en 2007. Il préside la Royal Society of Literature de 2009 à 2017, confirmant sa place éminente dans le paysage littéraire britannique. Marié à la spécialiste de Shakespeare Margreta de Grazia, il continue d’enrichir la littérature de voyage avec des œuvres comme « The Amur River: Between Russia and China » (2021).

Voici notre sélection de ses récits de voyage majeurs.


1. En Sibérie (1999)

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« Qu’est-ce que je faisais là ? J’essayais de trouver l’âme d’une Sibérie qui semblait n’en avoir aucune. » À la fin des années 1990, Colin Thubron entreprend une traversée monumentale de la Sibérie, territoire grand comme les États-Unis et l’Europe occidentale réunis. De Iekaterinbourg à Magadan, l’écrivain britannique parcourt plus de 24 000 kilomètres en train, bus, bateau et même à pied. Premier étranger autorisé à sillonner librement ces terres après la chute de l’URSS, il part à la rencontre d’une population meurtrie par l’effondrement du régime soviétique.

Son périple le mène des rives de l’Oural jusqu’aux confins de la Kolyma, en passant par le lac Baïkal et les steppes gelées de Iakoutsk. Dans les villes délabrées comme dans les villages reculés de la taïga, il recueille les témoignages d’hommes et de femmes confrontés à une liberté nouvelle mais aussi à la misère, au chômage, à la corruption. « Ce n’est pas la nature qui a fait de la Sibérie un enfer, c’est l’homme. »

Entre les vestiges des goulags et les complexes industriels à l’abandon, Thubron croise la route de personnages singuliers : un descendant autoproclamé de Raspoutine, un major du KGB reconverti en chapelain baptiste, des chamans perpétuant leurs rites ancestraux, ou encore des scientifiques oubliés dans leur laboratoire désaffecté. À travers ces rencontres se dessine le portrait d’un peuple qui tente de se réinventer après des décennies de terreur stalinienne.

Ce récit, dernier volet d’une trilogie consacrée à la Russie commencée avec « Among the Russians » (1983) et « The Lost Heart of Asia » (1994), transcende le simple carnet de route pour livrer une méditation sur l’âme sibérienne. La région y apparaît comme un creuset où se mêlent les influences des peuples autochtones (Yakoutes, Bouriates, Evenks), l’héritage des dissidents religieux comme les Vieux Croyants, et les cicatrices laissées par le système concentrationnaire soviétique.

L’ouvrage, salué par des écrivains comme Kazuo Ishiguro et Jan Morris, a reçu le prestigieux prix Nicolas Bouvier en 2010. Sa force réside dans sa capacité à entrelacer l’histoire collective et les destins individuels, le grandiose des paysages et l’intimité des confidences. Les descriptions des conditions de vie extrêmes – comme ces températures descendant jusqu’à -72°C à Oïmiaka – côtoient des scènes plus légères où la vodka délie les langues et fait ressurgir les vieilles légendes.

La documentation historique impressionne par sa précision, des tumulus scythes de Pazyryk aux soulèvements dans les camps après la mort de Staline. Mais ce qui frappe surtout, c’est cette galerie de portraits saisis sur le vif : des êtres qui survivent entre les ruines de l’ancien monde et les promesses incertaines du nouveau, dans une terre où, selon un vieil adage, « Dieu est là-haut et le tsar très loin ».

Aux éditions FOLIO ; 480 pages.


2. L’ombre de la route de la Soie (2006)

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En 2006, le célèbre écrivain-voyageur britannique Colin Thubron entreprend de parcourir l’antique Route de la Soie, de Xi’an en Chine jusqu’à Antioche en Turquie. Durant huit mois, il traverse sept mille kilomètres à travers la Chine, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, l’Afghanistan, l’Iran et la Turquie. En bus, en camion, en voiture et même à dos de chameau, il suit les traces des caravanes qui, pendant des siècles, ont acheminé non seulement des marchandises mais aussi des idées, des religions et des inventions entre l’Asie et l’Europe.

« Suivre la Route de la Soie, c’est suivre un fantôme », écrit-il. « Elle traverse le cœur de l’Asie, mais elle a officiellement disparu, ne laissant derrière elle que le motif de son inquiétude : des frontières contrefaites, des peuples non cartographiés. »

Son périple débute au tombeau de l’Empereur Jaune, considéré comme le fondateur mythique de la civilisation chinoise. Il traverse ensuite le désert du Taklamakan, les montagnes du Tian Shan, les steppes d’Asie centrale. Dans chaque lieu, il mêle ses observations du présent aux échos du passé, évoquant aussi bien les conquêtes de Gengis Khan que la transformation de la Chine moderne. L’épidémie de SRAS qui sévit alors en Asie le contraint même à une quarantaine forcée.

Les rencontres jalonnent son itinéraire : un jeune Chinois rêvant d’émigrer au Brésil, un historien ayant survécu à la Révolution culturelle, des marchands ouïghours nostalgiques de leur indépendance perdue. À travers ces échanges se dessine une Asie en pleine mutation, où les anciennes Routes de la Soie demeurent des zones de friction entre peuples, religions et empires.

Ce récit s’inscrit dans une démarche singulière : Thubron avait déjà parcouru ces régions vingt ans plus tôt. Son nouveau voyage prend ainsi la forme d’un dialogue entre passé et présent, entre ses souvenirs et la réalité qu’il découvre. Les bouleversements politiques survenus depuis – effondrement de l’URSS, montée en puissance de la Chine, guerre d’Afghanistan – confèrent une dimension géopolitique à son témoignage.

L’ouvrage se distingue par son refus des clichés orientalistes. Là où d’autres ne verraient que spiritualité et sagesse ancestrale, Thubron montre une Asie centrale complexe, travaillée par les nationalismes, la modernisation accélérée, les revendications identitaires. Son regard lucide n’exclut pas l’empathie : chaque rencontre est l’occasion de faire entendre des voix singulières, de restituer des parcours individuels pris dans la grande Histoire.

Les critiques ont salué cette œuvre qui a reçu le prix Duff Cooper en 2007. Le Sunday Telegraph l’a qualifiée « d’accomplissement remarquable », tandis que le Times Literary Supplement y a vu « un des plus grands récits de voyage de notre époque ».

Aux éditions FOLIO ; 560 pages.

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