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Chinua Achebe en 2 romans – Notre sélection

Chinua Achebe en 2 romans – Notre sélection

Chinua Achebe naît le 16 novembre 1930 dans une famille chrétienne au Nigeria. Fils d’un enseignant évangéliste, il grandit à Ogidi dans un environnement où se mêlent culture igbo traditionnelle et christianisme. Brillant élève, il fait ses études à l’Université d’Ibadan où il développe un regard critique sur la représentation de l’Afrique dans la littérature occidentale.

Après ses études, il travaille pour le Nigerian Broadcasting Service tout en commençant à écrire. En 1958, il publie son premier roman « Tout s’effondre » (Things Fall Apart) qui devient rapidement un classique de la littérature africaine. Traduit dans plus de 50 langues, Achebe y dépeint la vie d’un village igbo confronté à la colonisation.

Dans les années 1960, Achebe publie plusieurs autres romans importants comme « Le Malaise » (1960) et « La Flèche de Dieu » (1964) qui complètent la « Trilogie africaine » entamée avec « Tout s’effondre ». Pendant la guerre du Biafra (1967-1970), il soutient activement la cause biafraise et devient ambassadeur pour cette région sécessionniste.

En 1990, un grave accident de voiture le laisse partiellement paralysé. Il s’installe alors aux États-Unis où il enseigne au Bard College pendant plus de quinze ans. Reconnu comme une figure majeure de la littérature africaine moderne, il reçoit de nombreuses distinctions dont l’International Booker Prize en 2007.

Il décède le 21 mars 2013 à Boston. Son œuvre, qui comprend romans, nouvelles, poèmes et essais, aborde les thèmes du colonialisme, de la tradition, de la modernité ou encore de l’identité culturelle. Elle continue d’influencer la littérature mondiale.

Voici notre sélection de ses romans majeurs.


1. Tout s’effondre (1958)

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Résumé

Dans le sud-est du Nigeria des années 1890, le puissant Okonkwo incarne la réussite au sein de son clan. Champion de lutte admiré par tous, il s’est bâti une position respectée à la force du poignet, déterminé à ne pas finir comme son père, mort criblée de dettes, déshonoré. Sa vie bascule quand le clan lui confie la garde d’Ikemefuna, un jeune garçon reçu comme tribut d’un village voisin. Pendant trois ans, Okonkwo s’attache à cet adolescent qui devient comme un fils pour lui. Mais lorsque l’oracle décrète qu’Ikemefuna doit mourir, Okonkwo, craignant par-dessus tout de paraître faible, participe lui-même à son exécution malgré les conseils des anciens.

Le destin le frappe une seconde fois : lors de funérailles, son fusil explose accidentellement et tue un jeune homme. La loi tribale est claire – il doit partir en exil pour sept ans. À son retour, Okonkwo découvre que les missionnaires britanniques ont commencé à convertir la population au christianisme. Les nouvelles croyances séduisent les plus faibles esprits du clan, y compris son propre fils Nwoye. Une administration coloniale s’installe, impose ses lois et son autorité. Devant cette menace qui ébranle les fondements de sa société traditionnelle, le clan se divise entre ceux qui s’adaptent et ceux qui résistent. Pour Okonkwo, pas question de courber l’échine : il prend la tête du mouvement de résistance…

Autour du livre

Publié en 1958, « Tout s’effondre » naît d’une volonté de combler un vide béant dans la littérature : l’absence de romans racontant l’Afrique du point de vue des Africains. Étudiant en littérature anglaise, Chinua Achebe constate que les œuvres occidentales, à l’instar de « Au cœur des ténèbres » de Conrad, dépeignent systématiquement les Africains comme des sauvages ayant besoin d’être civilisés. Il décide alors d’écrire ce roman, le premier d’une trilogie qui comprendra « Le Malaise » (1960) et « La Flèche de Dieu » (1964).

Le choix d’Achebe d’écrire en anglais, plutôt qu’en igbo, sa langue maternelle, suscite la controverse. Il justifie sa décision en expliquant que la version écrite standardisée de l’igbo, créée artificiellement par les missionnaires anglicans pour unifier les différents dialectes, manque de musicalité et de naturel. Plus encore, il considère l’anglais comme une arme puissante dans le combat pour la décolonisation : « L’anglais était la langue de la colonisation elle-même. »

L’originalité du roman réside dans sa neutralité narrative. Achebe ne tombe pas dans le piège de l’idéalisation : il montre les aspects problématiques de la société traditionnelle igbo, comme le sacrifice des jumeaux ou la position subalterne des femmes, tout en soulignant la complexité et la richesse de ses traditions. De même, les missionnaires ne sont pas dépeints comme des monstres, mais comme des hommes convaincus d’agir pour le bien. Cette approche nuancée permet au lecteur d’appréhender toute l’ampleur du choc culturel engendré par la colonisation.

La presse de l’époque salue unanimement cette œuvre pionnière. Le Times Literary Supplement loue sa capacité à présenter la vie tribale de l’intérieur, tandis que The Observer la qualifie d’excellent roman. Plus tard, l’écrivain nigérian Wole Soyinka souligne qu’il s’agit du « premier roman en anglais qui parle depuis l’intérieur du caractère africain, plutôt que de dépeindre l’Africain comme un être exotique, tel que l’homme blanc le verrait ». En 2019, la BBC l’inclut dans sa liste des 100 romans les plus influents.

En 1961, la Nigerian Broadcasting Corporation en tire un drame radiophonique intitulé « Okonkwo », avec Wole Soyinka dans un second rôle. En 1971, une version cinématographique met en scène la princesse Elizabeth de Toro. La Nigerian Television Authority en propose une minisérie acclamée en 1987. Le groupe de hip-hop américain The Roots lui rend hommage en intitulant son quatrième album « Things Fall Apart » en 1999. Plus récemment, en septembre 2024, une adaptation télévisée produite par A24 est annoncée avec Idris Elba dans le rôle principal.

Aux éditions ACTES SUD ; 240 pages.


2. Les Termitières de la savane (1987)

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Résumé

Dans un État africain imaginaire du nom de Kangan, trois amis d’enfance se retrouvent au sommet du pouvoir après un coup d’État militaire. Sam, officier formé à la prestigieuse académie britannique de Sandhurst, s’impose comme chef de l’État. Pour asseoir son autorité, il s’entoure de ses deux plus proches camarades : Chris Oriko, nommé Commissaire à l’Information, et Ikem Osodi, propulsé rédacteur en chef du journal national. Tous trois partagent le privilège d’une éducation à l’occidentale, mais leurs destins vont brutalement diverger.

Deux ans après sa prise de pouvoir, Sam, que l’on surnomme désormais « Son Excellence », manifeste des signes inquiétants de dérive autoritaire. Quand la province d’Abazon refuse de le soutenir comme président à vie, il n’hésite pas à la punir en lui refusant toute aide face à une terrible sécheresse. La soif de pouvoir absolu le transforme peu à peu en tyran paranoïaque.

Ikem, devenu son principal opposant, utilise sa plume pour dénoncer les excès du régime. Chris, plus diplomate, tente de préserver l’amitié qui les unit, tandis que sa compagne Beatrice Okoh, haute fonctionnaire au Ministère des Finances, observe avec lucidité la déchéance morale de leur cercle. Dans ce climat de tensions croissantes, la répression s’abat sur tous ceux qui osent critiquer le régime.

Autour du livre

Publié en 1987, « Les Termitières de la savane » marque le retour de Chinua Achebe à la littérature après vingt-et-un ans de silence romanesque. Sa précédente œuvre, « Le Démagogue », datait de 1966. Cette longue pause s’explique notamment par son engagement durant la guerre civile du Biafra, où il a occupé des fonctions officielles. Ce cinquième roman puise sa matière dans l’histoire contemporaine du Nigeria, son pays natal, marqué par une succession de coups d’État militaires et d’accusations de fraudes électorales systémiques.

Son originalité réside notamment dans sa construction narrative sophistiquée. Achebe alterne les points de vue entre les trois protagonistes principaux durant la première moitié du roman, avant de basculer vers une narration à la troisième personne. Cette technique lui permet d’orchestrer une polyphonie de voix qui éclaire sous différents angles les mécanismes du pouvoir et ses corruptions. Il y mêle l’anglais formel des élites éduquées à l’étranger et le pidgin des classes populaires, une texture linguistique qui reflète les fractures sociales du pays.

La dimension allégorique du titre se déploie tout au long du récit. Les termitières de la savane symbolisent les fissures qui lézardent le paysage politique de Kangan, comme autant de blessures infligées par un pouvoir oppressif. Mais elles représentent aussi la résilience d’une société qui, malgré la sécheresse politique et morale, continue de construire et de résister. Achebe accorde également une place importante aux femmes à travers les personnages de Beatrice et d’Elewa, qui incarnent deux versants de la société : l’une, éduquée et occidentalisée, l’autre, ancrée dans la culture traditionnelle.

L’accueil critique a été particulièrement élogieux. Ben Okri, dans The Observer, considère « Les Termitières de la savane » comme l’œuvre « la plus complexe et la plus sage » d’Achebe. Nadine Gordimer salue son humour grinçant qui contraste avec la description des horreurs politiques. Le roman est sélectionné pour le Booker Prize 1987 et certains critiques le considèrent comme « le roman africain le plus important des années 1980 ». Charles Johnson, tout en louant ses qualités dans The Washington Post, émet quelques réserves sur le développement des personnages.

Aux éditions LES BELLES LETTRES ; 285 pages.

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