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Alexandre Postel en 4 romans – Notre sélection

Alexandre Postel en 4 romans – Notre sélection

Né le 29 avril 1982 à Colombes, en région parisienne, Alexandre Postel grandit entre deux cultures, celle de son père français et celle de sa mère anglaise. Brillant élève, il poursuit ses études jusqu’à l’École normale supérieure de Lyon, où il obtient son diplôme. Sa passion pour les lettres le mène naturellement vers l’enseignement : il devient professeur en classes préparatoires à Paris tout en dispensant des cours à la Sorbonne.

En 2013, il fait une entrée remarquée dans le monde littéraire avec son premier roman, « Un homme effacé », publié chez Gallimard. Ce livre, qui met en scène un professeur de philosophie confronté à une accusation de pédophilie, remporte un succès critique immédiat : il décroche le prix Goncourt du premier roman, le prix Landerneau de la découverte, et deux ans plus tard, le prix Québec-France.

Son deuxième roman, « L’ascendant », paraît en 2015. Il aborde les thèmes du deuil paternel et de la déviance, avec un narrateur qui se trouve peu à peu happé par les comportements troublants de son défunt père. Il remporte le prix du deuxième roman et inspire, huit ans plus tard, le thriller « Le Successeur » du réalisateur Xavier Legrand.

En 2016, il publie « Les deux pigeons », roman qui dépeint la quête existentielle d’un jeune couple. « Un automne de Flaubert » (2020) est son quatrième roman, salué par la critique pour sa maîtrise stylistique. Alexandre Postel y imagine Gustave Flaubert à 53 ans, aux prises avec des difficultés financières et une panne d’inspiration. Cette œuvre lui vaut le Prix Cazes 2020.

Voici notre sélection de ses romans majeurs.


1. Un homme effacé (2013)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Timide et introverti, Damien North enseigne la philosophie dans une prestigieuse université. Petit-fils d’un héros national, ce veuf sans enfant voit son existence paisible voler en éclats quand des policiers l’arrêtent : son ordinateur contiendrait un millier d’images pédopornographiques. Les médias s’emparent de l’affaire. Sa discrétion naturelle, son isolement social et sa maladresse face aux accusations se retournent contre lui. Son avocat, persuadé de l’impossibilité d’obtenir un acquittement dans une affaire aussi sensible, le pousse à plaider coupable pour limiter sa peine. Broyé par la machine judiciaire, North se retrouve en prison où il côtoie de véritables criminels. Finalement innocenté, il doit pourtant affronter les séquelles durables de cette expérience traumatisante, les soupçons persistants de son entourage et la difficulté de retrouver une vie normale. « Au fond, ce n’est pas parce qu’il a été innocenté qu’il est à tout jamais innocent. »

Autour du livre

Premier roman d’Alexandre Postel publié en 2013 chez Gallimard, « Un homme effacé » connaît un parcours éditorial singulier. Refusé par tous les éditeurs parisiens, le manuscrit doit sa publication à Daniel Pennac qui, après l’avoir reçu de son ancien élève, le transmet à Gallimard. Cette reconnaissance éditoriale se double d’une consécration critique avec l’obtention du Prix Goncourt du premier roman 2013, décerné par sept voix sur dix, ainsi que le Prix Landerneau « Découvertes ».

Le titre résonne comme un double sens : Damien North n’est pas seulement un personnage naturellement effacé, il subit aussi un effacement social et identitaire. Cette désagrégation progressive transparaît dans la construction du récit qui suit l’engrenage implacable de sa destruction. Sa personnalité discrète, initialement simple trait de caractère, devient un élément à charge dans une société où, selon les mots du texte, « le retrait, l’indépendance, toute tentative de préservation d’une forme de quant-à-soi étaient frappés de suspicion. »

Le récit s’inscrit dans une tradition kafkaïenne, notamment par sa dimension cauchemardesque et l’absurdité d’une machine judiciaire qui transforme l’innocence en culpabilité. La froideur du ton, teintée d’humour distant, souligne l’isolement du protagoniste et évite l’écueil du pathos. Postel y soulève des questions majeures sur la présomption d’innocence à l’ère numérique, la fragilité de la réputation face aux accusations de pédophilie, et la persistance du soupçon malgré la réhabilitation judiciaire. Le cadre volontairement indéterminé – ville et pays non identifiés – universalise le propos tout en suggérant un futur proche inquiétant, notamment avec l’évocation d’un mystérieux « projet Tirésias » censé prévenir la récidive.

Postel y interroge également la nature des relations sociales contemporaines : derrière les masques de la bienséance se cachent jalousie, désir de nuire et hypocrisie. Les commentaires anonymes sur internet, la presse à sensation et la rumeur publique forment un tribunal parallèle peut-être plus implacable encore que la justice institutionnelle.

La particularité du texte réside dans sa capacité à maintenir une ambiguïté troublante : certains lecteurs finissent par douter de l’innocence du protagoniste, tant son comportement semble parfois suspect. Cette confusion morale constitue l’une des forces du récit, qui évite ainsi tout manichéisme simpliste.

Aux éditions FOLIO ; 272 pages.


2. Un automne de Flaubert (2020)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

En 1875, Gustave Flaubert, 53 ans, traverse une profonde crise existentielle. Miné par des soucis financiers et la perspective de devoir vendre sa maison de Normandie, l’écrivain ne trouve plus la force d’écrire. Pour échapper à sa torpeur, il décide de séjourner quelques semaines à Concarneau auprès de son ami Georges Pouchet, qui dirige la station de biologie marine. Dans cette petite ville bretonne aux effluves de sardines, Flaubert s’installe dans une modeste pension. Les journées s’écoulent entre bains de mer revigorants, repas pantagruéliques et visites au laboratoire où il observe son ami disséquer poissons et mollusques. Peu à peu, au contact de ce scientifique à l’esprit cartésien et méthodique, sa mélancolie se dissipe. Un matin, dans sa chambre d’hôtel, il commence à rédiger les premières lignes d’un conte médiéval qui deviendra « La légende de Saint Julien l’Hospitalier ».

Autour du livre

Dans ce récit inspiré d’épisodes réels de la vie de Flaubert, Alexandre Postel dévoile les affres d’un géant des lettres au crépuscule de son existence. La narration s’appuie sur la correspondance de l’écrivain, notamment ses échanges avec George Sand et sa nièce Caroline. Des citations tirées de ses lettres ponctuent le texte : « Je me gorge de homards et je me promène au bord de la mer, en ruminant mes souvenirs et mes chagrins, en déplorant ma vie gâchée ».

Cette parenthèse bretonne marque un tournant dans le parcours de Flaubert. Loin des mondanités parisiennes et du tumulte de sa vie normande, il redécouvre des plaisirs simples. La présence de Pouchet et ses travaux scientifiques jouent un rôle catalyseur dans sa renaissance créative. Face aux dissections méticuleuses du naturaliste, Flaubert retrouve le goût de la précision et de la rigueur qui caractérisent son écriture.

Le séjour concarnois sert de matrice à « La légende de Saint Julien l’Hospitalier », premier des « Trois Contes » que Flaubert publiera en 1877. Postel dévoile ainsi la genèse de cette œuvre, entre les premières ébauches griffonnées dans la chambre d’hôtel et le travail acharné sur chaque phrase. Il restitue avec minutie les hésitations de l’écrivain, sa quête obsessionnelle du mot juste, ses ratures et réécritures successives.

La figure de Mademoiselle Charlotte, la servante « bigle et un peu attardée » de la pension, préfigure le personnage de Félicité dans « Un cœur simple ». Cette trame fictionnelle s’entremêle aux éléments biographiques avérés pour composer le portrait d’un homme qui, au bord du gouffre, parvient à se réinventer.

Aux éditions FOLIO ; 160 pages.


3. L’ascendant (2015)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Un vendeur de téléphones mobiles de 36 ans apprend le décès de son père, avec lequel il entretenait une relation distante depuis des années. Il se rend dans la petite ville où vivait le défunt pour organiser les obsèques et s’installe dans la maison paternelle. En descendant dans la cave, il fait une découverte terrifiante : une jeune femme est enfermée dans une cage. Paralysé par cette révélation qui dynamite l’image qu’il avait de son père, ancien fonctionnaire des impôts apparemment sans histoire, il repousse l’appel aux autorités. Dans un état second, sous l’emprise de médicaments et d’alcool, il commence à nourrir la prisonnière tout en cherchant la clé pour la libérer. Cinq jours durant, il s’enlise dans une situation cauchemardesque qui le mène à reproduire inconsciemment les actes de son père.

Autour du livre

Paru en 2015, « L’ascendant » est le deuxième roman d’Alexandre Postel. Le titre joue sur une double signification : il désigne à la fois le père dont on descend et l’autorité morale qu’une personne exerce sur une autre. Cette ambivalence traverse tout le récit, où l’emprise paternelle se manifeste même après la mort. Le narrateur, privé de nom comme pour souligner sa transparence sociale, incarne une figure d’anti-héros moderne dont la banalité même renforce l’inquiétante étrangeté de la situation.

Plusieurs critiques établissent un parallèle avec « L’Étranger » de Camus, notamment dans la construction d’un personnage inadapté socialement, confronté à une situation qui le dépasse. La narration implacable, adressée à une psychiatre dont les interventions restent silencieuses, donne au texte la forme d’une confession qui oscille entre tragédie et ironie.

Les choix du protagoniste, aussi incompréhensibles soient-ils, posent la question universelle de l’héritage moral et de l’identité. Sa procrastination face à l’horreur révèle la fragilité d’un être incapable de s’émanciper de l’influence paternelle, même confronté à sa monstruosité. Le roman interroge ainsi les mécanismes de la culpabilité et la possibilité d’échapper à son ascendance.

En 144 pages d’une tension croissante, Postel construit un huis clos psychologique qui laisse délibérément certaines questions sans réponse. Le romancier refuse les explications faciles et maintient une part d’ambiguïté qui nourrit le malaise du lecteur jusqu’à la dernière ligne, entre empathie pour le fils et effroi devant sa dérive morale.

Aux éditions FOLIO ; 144 pages.


4. Les deux pigeons (2016)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Dans les années 2000, Théodore et Dorothée emménagent à Paris après deux ans de relation. « Ils restaient toujours évasifs quant aux circonstances de leur rencontre ; interrogés sur ce point, ils échangeaient un regard et parlaient d’autre chose. » Elle se consacre à l’enseignement et à une thèse qui n’avance guère, lui enchaîne les CDD dans le web. Le couple traverse la décennie en se confrontant aux grandes questions de leur génération : faut-il se marier ? Avoir des enfants ? Manger bio ? S’engager politiquement ? Déçus par les exemples qui les entourent, ils multiplient les expériences pour échapper à leur routine : sport, danse, projets d’écriture… Sans grand succès. Leur vie s’écoule ainsi, entre moments de complicité devant des séries et interrogations sur leur avenir commun, dans une société où les repères traditionnels du couple ont volé en éclats.

Autour du livre

« Les deux pigeons » s’inscrit dans la lignée des grands romans générationnels, de « L’Éducation sentimentale » aux « Choses » de Perec, explicitement cité dans les premières pages. Cette chronique du quotidien d’un couple de trentenaires parisiens dans les années 2000 se structure en onze chapitres, chacun abordant une thématique spécifique : le logement, la nourriture, le mariage, les enfants, le sport, la vie sociale et sexuelle.

La force du texte réside dans son regard acéré sur une génération souvent qualifiée de « pigeonnée », dont les protagonistes aux prénoms-anagrammes incarnent les contradictions et les errances. Leur parcours conjugal se mue en radiographie sociale d’une époque où les codes traditionnels s’effritent, où la gauche politique perd ses repères, où l’écologie devient une préoccupation centrale, où les réseaux sociaux bouleversent les interactions.

L’ironie qui traverse le récit transforme ces « pigeons » individualistes et velléitaires en figures profondément attachantes. Leurs tergiversations sur l’alimentation – du bio à la malbouffe -, leurs tentatives avortées de transformer leur existence – du tango au ping-pong -, leurs questionnements sur la parentalité dessinent le portrait d’une génération prisonnière de ses doutes, oscillant entre désir de distinction et conformisme inconscient.

En parallèle de cette satire sociale se déploie une réflexion sur la vie conjugale elle-même, comparée avec humour à la vie politique : « On conduit les affaires courantes ; on débat de l’avenir, du passé, des valeurs communes ; on fait face à des crises, à des émeutes, parfois à des grèves. On vote des lois et on y ajoute des amendements. Si on est trop mécontent, on élit quelqu’un d’autre. »

Ce tableau d’une génération désenchantée, qui ne parvient pas à donner forme à ses aspirations, s’achève sur une note d’espoir ténu. Le dernier chapitre suggère l’émergence d’une lucidité nouvelle chez ces personnages qui, malgré leurs errements, continuent de s’aimer « d’amour tendre », comme les pigeons de La Fontaine dont ils partagent la candeur mais aussi la fidélité.

Aux éditions FOLIO ; 272 pages.

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