Alain Damasio naît le 1er août 1969 à Lyon, d’un père carrossier et d’une mère agrégée d’anglais. Après une classe préparatoire aux écoles de commerce, il intègre l’ESSEC dont il sort diplômé en 1991. Il commence à écrire vers l’âge de 20 ans.
Son premier roman, « La zone du dehors » (1999), aborde les sociétés de contrôle sous le modèle démocratique. Mais c’est « La Horde du Contrevent » (2004) qui le consacre, remportant le grand prix de l’Imaginaire en 2006 et devenant un véritable succès public avec 400 000 exemplaires vendus. En 2019, il publie « Les Furtifs », puis « Scarlett et Novak » en 2021 et « Vallée du Silicium » en 2024.
Outre la littérature, Damasio s’investit dans de nombreux projets : il cofonde le studio de jeux vidéo Dontnod Entertainment, participe à des créations sonores et collabore avec des musiciens comme Rone. Militant engagé, il soutient notamment la ZAD de Notre-Dame-des-Landes et le mouvement des Gilets jaunes.
Son style se caractérise par l’invention de néologismes et une attention particulière portée à la musicalité de l’écriture. Il vit actuellement dans les Alpes-de-Haute-Provence, où il participe à une « Zone d’expérimentation sociale terrestre et enchantée ».
Voici notre sélection de ses livres majeurs.
1. La Horde du Contrevent (roman de science-fantasy, 2004)
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Résumé
Dans un monde balayé sans répit par des vents dévastateurs, la 34ème Horde du Contrevent entreprend une mission qui dure depuis trois décennies : remonter à contre-courant jusqu’à la source mystérieuse des vents, en Extrême-Amont. Ces vingt-trois élus choisis et entraînés dès l’enfance forment un groupe soudé où chacun remplit un rôle précis : Golgoth trace la route, Sov consigne leur périple, Caracole maintient le moral par ses facéties, tandis qu’Oroshi étudie les formes du vent.
Sur leur chemin, des épreuves titanesques les attendent : le furvent capable de broyer les os, la traversée périlleuse de la flaque de Lapsane, l’ascension du massif glacé de Norska, sans oublier les énigmatiques chrones aux pouvoirs surnaturels. La Horde doit aussi composer avec les habitants de ce monde hostile : les Fréoles qui naviguent grâce au vent, les Obliques qui pillent les voyageurs, et de mystérieux poursuivants qui tentent de les éliminer.
L’unité du groupe est mise à rude épreuve alors que des questions existentielles surgissent : pourquoi les trente-trois Hordes précédentes ont-elles échoué ? Que trouveront-ils en Extrême-Amont ? Le jeu en vaut-il la chandelle ?
Autour du livre
Ce roman publié en 2004 aux éditions La Volte constitue un objet littéraire sans équivalent. La numérotation inversée des pages symbolise le compte à rebours vers l’objectif final. Un système sophistiqué de glyphes identifie chaque narrateur tandis que la ponctuation elle-même traduit les mouvements du vent. L’édition originale comportait même un CD musical composé par Arno Alyvan comme « bande originale du livre ».
Récompensé par le Grand Prix de l’Imaginaire en 2006, l’ouvrage connaît un succès croissant qui dépasse le cercle des amateurs de science-fiction. Son adaptation en bande dessinée par Éric Henninot chez Delcourt et un jeu de rôle intitulé « Rafales » témoignent de l’engouement suscité par cet univers singulier où le vent devient le personnage principal d’une méditation sur la quête de sens et les liens qui unissent les êtres.
Aux éditions FOLIO ; 736 pages.
2. La Zone du Dehors (roman de science-fiction, 1999)
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Résumé
En 2084, sur un satellite de Saturne, la cité de Cerclon I offre un havre artificiel à sept millions d’humains ayant fui une Terre dévastée par la quatrième guerre mondiale. Cette société se présente comme une démocratie idéale où chaque civiyen est évalué tous les deux ans lors du « Clastre », un système de notation qui détermine sa position sociale. Le rang obtenu se traduit par un code de lettres : une seule lettre pour les dirigeants (A étant le président), jusqu’à cinq lettres pour les plus modestes. Dans cet univers ultra-contrôlé où la surveillance est omniprésente, Capt, un professeur de philosophie, dirige un mouvement contestataire nommé la Volte aux côtés de ses compagnons du « Bosquet » : Kamio, Slift, Brihx et Obffs.
Face à l’inefficacité des actions non-violentes, la Volte décide de passer à des méthodes plus radicales pour réveiller une population anesthésiée par le confort et la consommation. Leurs opérations subversives culminent avec l’attaque de la tour de télévision, qui se solde par la capture de Capt. Emprisonné, celui-ci refuse les propositions de ralliement du gouvernement et s’évade avec l’aide de Slift. S’ensuit une révolte populaire qui permet au groupe de concrétiser son projet : créer dans la « Zone du Dehors » des cités libres échappant au système du Clastre.
Autour du livre
Premier roman d’Alain Damasio publié en 1999 puis révisé en 2007, « La Zone du Dehors » s’inscrit dans la lignée des grandes dystopies comme « 1984 » d’Orwell, tout en actualisant leur propos. Damasio ne dépeint plus un totalitarisme brutal mais une société de contrôle insidieuse, où le pouvoir s’exerce par le conditionnement et l’auto-censure. Cette anticipation trouve un écho particulier dans notre époque marquée par la surveillance numérique et la notation permanente des individus.
Le roman se distingue par sa construction polyphonique – sept narrateurs différents se succèdent – et par l’alternance entre passages théoriques nourris de références à Nietzsche, Foucault ou Deleuze, et scènes d’action haletantes. Récompensé par le Prix Européen Utopiales en 2007, il a fait l’objet d’une adaptation théâtrale en 2014 intitulée « Le Dehors de toute chose ».
Aux éditions FOLIO ; 656 pages.
3. Les Furtifs (roman de science-fiction, 2019)
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Résumé
En 2041, dans une France où l’État s’est effondré, les villes ont été privatisées par des multinationales. La ville d’Orange, rachetée par l’entreprise éponyme, impose à ses citoyens des forfaits (standard, premium ou privilège) qui déterminent leur accès aux différents quartiers. Chaque habitant porte une bague connectée qui traque ses moindres faits et gestes.
Dans ce contexte dystopique, Lorca Varèse, jadis sociologue, cherche désespérément sa fille Tishka, mystérieusement disparue de sa chambre deux ans plus tôt. Persuadé que cette disparition est liée aux « furtifs » – des créatures quasi-invisibles capables de se métamorphoser – il intègre le RÉCIF (Recherches, Études, Chasse et Investigations Furtives), une unité militaire spécialisée dans leur traque.
Au sein de sa nouvelle équipe composée de Saskia la traqueuse sonore, Nèr le spécialiste optique et Agüero le chef d’unité, Lorca découvre peu à peu la nature extraordinaire de ces êtres qui se nourrissent des sons et peuvent assimiler tout type de matière. Pendant ce temps, son ex-femme Sahar, devenue « proferrante » (enseignante clandestine), rejoint les mouvements de résistance qui s’opposent à la privatisation généralisée.
La quête de Lorca le mène à côtoyer les marges de la société, là où subsistent des poches de liberté échappant au contrôle numérique : zones autogérées, îles artificielles habitées par des alternatifs, communautés rebelles. Ce parcours transforme profondément sa vision du monde et celle de ses coéquipiers.
Autour du livre
Fruit de plus de dix années d’écriture, ce troisième roman d’Alain Damasio, publié quinze ans après « La Horde du Contrevent », synthétise les thématiques qui lui sont chères : critique du capitalisme débridé, réflexion sur les technologies de surveillance, éloge de la résistance créative. L’ouvrage se distingue par une invention typographique singulière : chaque personnage possède sa propre signature graphique, matérialisée par des signes diacritiques spécifiques.
« Les Furtifs » s’accompagne d’un album musical, « Entrer dans la couleur », composé avec le guitariste Yan Péchin. Cette bande originale prolonge l’univers sonore omniprésent dans le roman. L’œuvre a connu un succès considérable avec plus de 65 000 exemplaires vendus dès le premier mois et a reçu le Grand Prix de l’Imaginaire 2020 dans la catégorie « Roman francophone ». Elle a également donné lieu à plusieurs adaptations scéniques, notamment « Les Furtifs, émeute musicale » avec le groupe Palo Alto et « L’Oratorio Furtif » mis en scène par Laëtitia Pitz.
Aux éditions FOLIO ; 944 pages.
4. Aucun souvenir assez solide (recueil de nouvelles, 2012)
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Résumé
Ce recueil de dix nouvelles d’Alain Damasio dépeint un futur où la technologie et le capitalisme ont pris le contrôle total de nos vies.
« Les Hauts Parleurs » nous transporte dans un monde où le langage est devenu une marchandise privatisée. Un petit groupe de résistants, mené par le charismatique Spassky, lutte contre cette confiscation des mots en créant un nouveau vocabulaire poétique. Par des joutes verbales malicieuses, ils défient le système qui ne laisse que cent mots en libre usage.
« Annah à travers la Harpe » narre l’odyssée bouleversante d’un père endeuillé qui part à la recherche de sa fille de deux ans dans un au-delà technologique. Malgré tous les dispositifs de sécurité censés la protéger, Annah est morte dans un accident. Son père consulte alors un mystérieux passeur capable de communiquer avec les morts.
« Le Bruit des Bagues » se déroule dans une société ultra-connectée où chaque citoyen porte une bague enregistrant ses moindres faits et gestes. Un vendeur nommé Sony rencontre Loréal, membre d’une cellule dissidente, et décide de changer d’identité pour échapper à cette surveillance permanente.
Dans « C@ptch@ », des enfants séparés de leurs parents tentent de traverser une ville truffée de pièges qui les « dématérialisent » en données numériques. Ces jeunes, qui se nourrissent de composants informatiques, rêvent d’être transformés en forums populaires plutôt qu’en simples pixels.
« So Phare Away » dépeint un monde submergé par des marées d’asphalte où seuls émergent des phares depuis lesquels les humains communiquent par signaux lumineux. Deux gardiens amoureux, Sofia et Farrago, tentent de maintenir leur lien malgré la multiplication des tours qui brouillent leurs messages.
« Les Hybres » suit un artiste-chasseur qui traque d’étranges créatures mi-organiques mi-mécaniques dans une usine abandonnée pour les transformer en sculptures. Sa quête prend un virage inattendu lorsqu’il se retrouve lui-même métamorphosé par sa dernière capture.
« El Levir et le Livre » relate la quête mystique d’un scribe chargé d’écrire le Livre ultime selon des règles précises : chaque mot doit être deux fois plus grand que le précédent et inscrit sur un support différent, qu’il s’agisse de sable, de pluie ou du vol des oiseaux.
« Sam va mieux » décrit la dérive d’un homme seul dans un Paris post-apocalyptique, accompagné de ce qu’il croit être son fils. Obsédé par l’idée de faire parler le vent et l’eau, il sombre progressivement dans une folie teintée d’espoir.
« Une stupéfiante salve d’escarbilles de houille écarlate » raconte l’histoire d’Ile, un aéromaître atteint du « mu », une force mystérieuse qui transforme tout ce qu’il touche. Une course aérienne oppose différents êtres dotés de ce pouvoir pour déterminer qui en est le plus digne.
La dernière nouvelle, « Aucun souvenir assez solide », condense en deux pages la tentative d’un homme de ranimer ses souvenirs amoureux avant qu’ils ne s’effacent définitivement, questionnant la fragilité de la mémoire et des émotions.
Autour du livre
À travers ces récits aux atmosphères éclectiques, du cyberpunk au réalisme magique, se dessine une critique musclée de notre rapport à la technologie et aux relations humaines. Alain Damasio questionne notre soumission croissante au numérique et à la surveillance généralisée, qui mènent à une déshumanisation progressive des rapports sociaux. Les personnages luttent pour préserver leur individualité et leur liberté face à des systèmes de contrôle toujours plus invasifs.
La force du recueil réside dans sa capacité à réinventer la langue pour mieux décrire ces mondes étranges mais terriblement proches du nôtre. Damasio joue constamment avec les mots, créant un style unique qui mêle néologismes, jeux sonores et déconstruction syntaxique.
Couronné du Grand Prix de l’Imaginaire 2005 pour « La Horde du Contrevent », l’auteur confirme ici sa place singulière dans le paysage littéraire français. Certaines nouvelles du recueil préfigurent d’ailleurs les thèmes qu’il développera plus tard dans « Les Furtifs », notamment la résistance à l’uniformisation technologique et la quête d’espaces de liberté dans les angles morts du système.
Aux éditions FOLIO ; 400 pages.
5. Vallée du silicium (essai, 2024)
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Résumé
En avril 2022, Alain Damasio se rend dans la Silicon Valley pour une résidence d’écrivain à la Villa Albertine de San Francisco. L’auteur de science-fiction part à la rencontre des géants de la technologie qui façonnent notre quotidien numérique. De ses observations naissent sept chroniques qui sondent les mutations technologiques de notre époque.
Son périple débute au siège d’Apple, baptisé « The Ring », un anneau de 1,5 km de circonférence où travaillent 12 000 salariés. Il poursuit son immersion en observant les voitures autonomes qui sillonnent les rues désertes de San Francisco, avant de s’aventurer dans le quartier défavorisé de Tenderloin, à deux pas des locaux de Twitter, où la misère côtoie l’opulence des géants du numérique.
L’ouvrage s’achève sur une nouvelle de science-fiction inédite, « Lavée du silicium », qui met en scène une famille piégée dans son appartement intelligent lors d’une catastrophe climatique à San Francisco. L’intelligence artificielle censée les protéger finit par les emprisonner, illustrant les dangers d’une dépendance excessive à la technologie.
Autour du livre
La genèse de ce livre s’inscrit dans un programme novateur de résidences d’artistes français aux États-Unis, porté par la Villa Albertine en partenariat avec les éditions du Seuil. Damasio y développe une réflexion incisive sur notre rapport aux nouvelles technologies, passant du statut de technophobe à celui de technocritique éclairé. Son analyse prend racine dans des rencontres avec les acteurs majeurs de la Silicon Valley – ingénieurs, développeurs, cadres des GAFAM – mais aussi avec ceux qui résistent à cette hégémonie numérique.
L’originalité de l’ouvrage réside notamment dans son approche formelle : Damasio alterne les chapitres en utilisant le masculin puis le féminin, créant un « trouble stimulant » qui questionne nos habitudes linguistiques. Cette écriture politique s’accompagne d’une critique féroce du capitalisme numérique et de ses effets sur nos corps, nos relations sociales et notre autonomie. Ce texte constitue une pièce essentielle dans l’œuvre de Damasio, une clé de lecture pour mieux appréhender ses romans de science-fiction, une réflexion urgente sur notre avenir technologique.
Aux éditions SEUIL ; 336 pages.