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Yannick Haenel en 5 livres – Notre sélection

Yannick Haenel en 5 livres – Notre sélection

Né en 1967 à Rennes dans une famille de militaire, Yannick Haenel suit d’abord ses études au prytanée national militaire de La Flèche puis au lycée Chateaubriand de Rennes. Agrégé de lettres modernes, il enseigne le français au lycée La Bruyère de Versailles jusqu’en 2005.

En 1997, il fonde la revue Ligne de risque, qu’il dirige avec François Meyronnis et Valentin Retz. Son parcours d’écrivain s’illustre à travers de nombreux romans remarqués : « Cercle » (2007) lui vaut le prix Décembre et le prix Roger-Nimier, tandis que « Jan Karski » (2009) remporte le prix Interallié. Ce dernier suscite une vive polémique avec Claude Lanzmann qui l’accuse de falsifier l’histoire. En 2017, « Tiens ferme ta couronne » est couronné par le prix Médicis.

Parallèlement à son activité de romancier, Haenel est chroniqueur pour le magazine Transfuge depuis 2010 et pour Charlie Hebdo depuis 2015. En 2024, il fonde la revue Aventures aux éditions Gallimard. Son œuvre, qui compte une quinzaine de livres, mêle romans, récits et essais, notamment sur l’art avec des textes consacrés à Caravage, Francis Bacon ou Adrian Ghenie.

Voici notre sélection de ses livres majeurs.


1. Jan Karski (roman, 2009)

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En 1942, Jan Karski, agent de liaison pour la résistance polonaise, reçoit une mission capitale : pénétrer clandestinement dans le ghetto de Varsovie à la demande de deux responsables juifs pour témoigner de l’extermination en cours. Ce qu’il découvre dépasse l’entendement – des cadavres dans les rues, une déshumanisation absolue, une terreur sans nom. Mandaté pour alerter les Alliés de cette tragédie, Karski traverse l’Europe en guerre jusqu’à Londres puis Washington, où il rencontre le président Roosevelt en personne. Malgré ses efforts acharnés pour « ébranler la conscience du monde », son message reste lettre morte. Ni les Britanniques ni les Américains ne prendront de mesures concrètes pour sauver les Juifs d’Europe.

En 1978, Claude Lanzmann persuade Karski, retiré aux États-Unis où il enseigne à l’université, de briser son silence pour le film « Shoah ». Face à la caméra, l’ancien messager peine à contenir son émotion en évoquant le ghetto. Son témoignage restera l’un des moments les plus saisissants du film.

Yannick Haenel construit son récit en trois temps : d’abord la transcription du témoignage de Karski dans « Shoah », puis le résumé de ses mémoires parues en 1944, et enfin une partie fictionnelle où l’auteur prête sa voix à Karski pour exprimer sa douleur et sa colère face à l’inaction des Alliés. Cette liberté prise avec la vérité historique a déclenché une vive polémique. Dans Marianne, Claude Lanzmann a dénoncé une « falsification de l’Histoire », tandis que l’historienne Annette Wieviorka pointait une « régression historiographique ». Le livre a néanmoins reçu un accueil critique largement favorable et s’est vu décerner le Prix Interallié. En 2011, il a fait l’objet d’une adaptation au théâtre par Arthur Nauzyciel avec Laurent Poitrenaux et Marthe Keller.

Aux éditions FOLIO ; 208 pages.


2. La solitude Caravage (essai biographique, 2019)

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À quinze ans, dans l’atmosphère austère du Prytanée militaire de La Flèche, Yannick Haenel découvre une reproduction partielle de « Judith décapitant Holopherne » du Caravage. Ne voyant que le visage et le buste de Judith, l’adolescent ignore alors qu’elle est en train de trancher la tête d’Holopherne. Ce fragment deviendra pour Yannick Haenel le point de départ d’une quête passionnée qui le mènera sur les traces du peintre italien pendant plus de trois décennies.

Des années plus tard, à Rome, Haenel retrouve l’œuvre complète au palais Barberini. La révélation de la scène dans son intégralité – une femme décapitant un homme – provoque un choc qui le pousse à s’immerger dans l’univers du Caravage. Il entreprend alors un périple à travers l’Europe pour étudier chaque toile du maître italien, des églises romaines aux grands musées, reconstituant pièce par pièce la vie tumultueuse de ce génie mort à 39 ans. Au fil de ses recherches, il découvre que Judith était en réalité Fillide Melandroni, une courtisane toscane liée au meurtre qui força le Caravage à l’exil.

Cette obsession pour le Caravage devient le fil conducteur d’une méditation sur l’art, la violence et le sacré. À travers l’analyse de ses œuvres majeures comme « La décollation de Saint Jean-Baptiste » ou « La conversion de Saint Paul », Haenel dévoile un artiste tourmenté, en perpétuelle quête spirituelle, dont les tableaux révolutionnaires mêlent le profane et le divin dans un clair-obscur saisissant.

Couronné par le Prix Méditerranée en 2019, « La solitude Caravage » transcende le simple essai biographique en entremêlant chronique personnelle, enquête historique et réflexion philosophique. Les recherches minutieuses sur le contexte artistique de la Rome baroque, les rivalités entre peintres et le rôle des mécènes éclairent d’un jour nouveau la trajectoire fulgurante du Caravage, tout en questionnant notre rapport contemporain à l’art et au sacré.

Aux éditions FOLIO ; 336 pages.


3. Le Trésorier-payeur (roman, 2022)

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En 2015, Yannick Haenel participe à l’inauguration d’une exposition consacrée à Georges Bataille dans les locaux de l’ancienne Banque de France de Béthune. Sur place, il découvre qu’un homonyme du célèbre écrivain y officiait comme trésorier-payeur jusqu’en 2007. Cette coïncidence, doublée de l’existence d’un mystérieux tunnel reliant la banque à la maison du trésorier, devient le point de départ d’un roman qui mêle réalité et fiction.

Le récit débute à la fin des années 1980, quand le jeune Georges Bataille abandonne ses études de philosophie pour intégrer une école de commerce. Cette conversion improbable fait suite à une révélation lors d’un stage à la Banque de France : « La porte de la Banque de France avait allumé dans sa vie un feu inattendu auquel il se devait, désormais, de rester fidèle ». Nommé à Béthune en 1991, il devient un trésorier-payeur pas comme les autres : la journée, il gère consciencieusement les comptes ; la nuit, il dévore Hegel et Spinoza, tout en développant des théories économiques hétérodoxes.

Dans cette ville marquée par la désindustrialisation, Bataille met peu à peu en pratique sa vision subversive de la finance : le banquier anarchiste s’engage auprès des surendettés, collabore avec Emmaüs, rejoint la confrérie des Charitables, transforme sa maison en refuge pour les plus démunis. Sa quête d’absolu se manifeste aussi dans ses relations amoureuses intenses, notamment avec Lilya Mizaki, une dentiste qui bouleverse sa conception de l’existence.

Avec ce livre, Haenel interroge la possibilité d’insuffler de l’humanité dans les rouages de la finance. En situant son récit entre 1987 et 2005, il pose un regard acéré sur les bouleversements économiques majeurs de cette période : la mondialisation financière, l’essor du néolibéralisme, le passage à l’euro. La dimension mystique et érotique du récit, conjuguée à une réflexion sur la nature de l’argent et de la dette, fait écho aux théories de l’autre Georges Bataille sur « la part maudite » et « la dépense improductive ».

Aux éditions FOLIO ; 464 pages.


4. Tiens ferme ta couronne (roman, 2017)

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Paris, de nos jours. Un écrivain d’une cinquantaine d’années vit reclus dans son minuscule appartement du 20ème arrondissement. Son quotidien se résume à regarder des films en boucle, particulièrement Apocalypse Now, et à descendre des bouteilles de vodka. Depuis des années, il a consacré son énergie à l’écriture d’un scénario monumental sur Herman Melville, mais aucun producteur n’en veut. Sa seule chance : convaincre Michael Cimino, le réalisateur controversé de Voyage au bout de l’enfer, de réaliser son film. Un jour, il obtient miraculeusement son numéro de téléphone et parvient à le rencontrer lors d’un aller-retour express à New York.

De retour à Paris, sa vie déjà chaotique prend un tour encore plus rocambolesque lorsque son voisin Tot lui confie la garde de son dalmatien Sabbat. S’ensuivent des aventures tragi-comiques : un dîner arrosé chez Bofinger avec Isabelle Huppert, des confrontations avec un maître d’hôtel sosie d’Emmanuel Macron, la perte du chien dans Paris, une romance passionnée avec Léna, conservatrice du Musée de la Chasse. Le récit atteint son paroxysme la nuit des attentats du 13 novembre 2015, qui coïncide avec le cinquantième anniversaire du narrateur.

Lauréat du prix Médicis 2017, ce roman conjugue comédie et quête spirituelle. À travers son antihéros obsédé par « l’intérieur mystiquement alvéolé de la tête de Melville », Yannick Haenel tisse des liens entre littérature et cinéma, entrelaçant les références à Moby Dick, au Voyage au bout de l’enfer et à Apocalypse Now. La figure du cerf, récurrente, symbolise une vérité qui, selon Melville, « est forcée de fuir dans les bois comme un daim blanc effarouché ». Le livre culmine lors d’une scène saisissante devant le retable d’Issenheim à Colmar, avant de s’achever au bord du lac de Némi en Italie, lieu sacré dédié à Diane chasseresse.

Aux éditions FOLIO ; 368 pages.


5. Les Renards pâles (roman, 2013)

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Paris. Jean Deichel, un quadragénaire sans attaches, se retrouve expulsé de son appartement le soir même de l’élection présidentielle. Plutôt que de chercher une solution d’hébergement, il choisit délibérément de s’installer dans la R18 break d’un ami, rue de la Chine dans le XXe arrondissement. Ainsi débute une existence marginale qu’il embrasse avec une certaine sérénité, rythmée par ses douches à la piscine des Tourelles, ses lectures à la médiathèque Marguerite-Duras et ses soirées dans les bars de Belleville.

Au fil de ses déambulations parisiennes, Deichel remarque d’étranges inscriptions murales accompagnées d’un mystérieux graffiti en forme de dieu-poisson. « La société n’existe pas », « La France, c’est le crime », « Identité = malédiction » : ces messages énigmatiques le conduisent sur la piste des « Renards pâles », un groupe de sans-papiers africains qui puise son inspiration dans les traditions dogons du Mali. Sa rencontre avec la mystérieuse « reine de Pologne » achève de le précipiter dans leur mouvement de révolte souterraine.

La seconde partie du récit bascule dans une dimension collective où le « je » du narrateur se fond dans un « nous » révolutionnaire. Après un rituel où ses papiers d’identité sont brûlés, Deichel rejoint cette communauté masquée qui organise une marche silencieuse à travers Paris. Cette procession enfle peu à peu, rassemblant tous les exclus de la société, jusqu’à devenir un mouvement de révolte qui embrase la capitale.

Publié en 2013 chez Gallimard, ce roman est né d’une nouvelle intitulée « L’Intervalle », parue dans Philosophie Magazine en 2008. Il se distingue par son architecture en deux mouvements : le premier adopte la forme d’un journal intime tandis que le second prend des allures de manifeste politique. Cette dualité formelle fait écho au glissement progressif du récit, qui part d’une expérience individuelle de déclassement social pour aboutir à une révolte collective aux accents mythologiques.

Aux éditions FOLIO ; 192 pages.

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