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Thomas Gunzig en 6 romans – Notre sélection

Né le 7 septembre 1970 à Bruxelles, Thomas Gunzig grandit avec une dyslexie qui marque ses premières années scolaires. Fils du cosmologue Edgard Gunzig, il parvient néanmoins à obtenir une licence en sciences politiques. Sa carrière littéraire démarre en 1993 avec la publication de son premier recueil de nouvelles, « Situation instable penchant vers le mois d’août ».

Après avoir travaillé comme libraire pendant dix ans à la librairie Tropismes de Bruxelles, il devient professeur de littérature dans les écoles supérieures artistiques de La Cambre et de Saint-Luc. Il s’illustre également comme chroniqueur radio et presse, notamment dans « Le Jeu des dictionnaires » et pour le journal Le Soir.

Son œuvre, marquée par l’humour noir et une forte critique sociale, oscille entre culture populaire et érudition. Il reçoit plusieurs distinctions dont le prix Victor Rossel 2001 pour « Mort d’un parfait bilingue » et le prix des Éditeurs en 2003. En 2015, il co-écrit le scénario du « Tout Nouveau Testament » avec Jaco Van Dormael, film qui connaît un succès international. Plus récemment, en 2024, il reçoit le prix Bob-Morane pour son roman « Rocky, dernier rivage ».

Voici notre sélection de ses romans majeurs.


1. Feel good (2019)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Alice, quarante-six ans, élève seule son fils Achille dans une précarité qui ne cesse de s’aggraver. Issue d’une famille où l’on vivait déjà « tout juste », elle perd son emploi de vendeuse dans un magasin de chaussures et se retrouve au bord du gouffre. Désespérée, elle conçoit un plan insensé : enlever un bébé de riches parents pour obtenir une rançon. Mais l’opération tourne mal quand personne ne réclame l’enfant kidnappé.

C’est alors qu’elle croise la route de Tom Petermans, un écrivain de romans confidentiels qui peine à percer. Lui aussi traverse une mauvaise passe : sa femme vient de le quitter et ses revenus s’effondrent. Ensemble, ils élaborent un projet audacieux – un « braquage culturel » comme ils le nomment – consistant à écrire un best-seller qui les sortira enfin de la misère.

Autour du livre

Cette satire sociale mordante, publiée en 2019, frappe par sa lucidité sur les mécanismes d’exclusion qui broient les plus vulnérables. Thomas Gunzig déconstruit avec férocité les rouages du monde éditorial, ses codes marketing et sa quête effrénée du succès commercial. La mise en abyme est particulièrement réussie : un livre qui s’intitule « Feel Good » tout en dynamitant les conventions du genre.

Les personnages d’Alice et Tom incarnent avec justesse cette nouvelle précarité qui touche même les travailleurs et les créateurs. Leur histoire questionne les limites morales que l’on est prêt à franchir quand la société nous pousse dans nos derniers retranchements. Gunzig jongle avec tact entre humour noir et tendresse, sans jamais tomber dans le misérabilisme ni les bons sentiments.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 384 pages.


2. Rocky, dernier rivage (2023)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Dans un monde au bord de l’effondrement, Fred, millionnaire avisé, aménage une île perdue dans l’Atlantique pour mettre sa famille à l’abri. Il y fait construire une demeure high-tech pourvue de tout le nécessaire : nourriture en abondance, médicaments, système énergétique autonome et même un couple de domestiques chiliens. Quand une pandémie dévastatrice frappe effectivement la planète, il s’y réfugie avec sa femme Hélène et leurs deux adolescents, Alexandre et Jeanne.

Cinq ans plus tard, plus aucune nouvelle ne leur parvient du continent. La famille survit dans un confort matériel absolu, mais l’isolement et l’ennui rongent peu à peu leur équilibre mental. Hélène sombre dans les anxiolytiques, Alexandre dans l’alcool, tandis que Jeanne s’évade dans les séries américaines. Une tempête solaire vient bouleverser leur quotidien en effaçant toutes leurs données numériques, ne laissant qu’un seul film : Rocky.

Autour du livre

Cette dystopie questionne la vacuité d’une existence fondée sur le matérialisme et les privilèges quand l’argent n’a plus cours. Le huis clos familial se mue en une méditation grinçante sur la nature humaine et l’impossibilité de se protéger indéfiniment des bouleversements du monde.

Sélectionné pour le Prix du roman des étudiants France Culture 2024, ce récit post-apocalyptique brille par sa construction polyphonique, alternant les points de vue des quatre membres de la famille. Elle permet d’ausculter avec une ironie mordante les mécanismes de décomposition d’une cellule familiale coupée du monde.

La force du livre réside dans sa capacité à transformer un scénario catastrophe en une allégorie implacable de notre société contemporaine, où l’accumulation de biens matériels ne suffit pas à donner un sens à l’existence. Les références à la culture populaire et aux codes de la société de consommation s’entremêlent pour créer un miroir déformant de nos obsessions actuelles.

Aux éditions AU DIABLE VAUVERT ; 368 pages.


3. Le sang des bêtes (2022)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Tom, vendeur de compléments alimentaires pour bodybuilders, traverse une crise existentielle à l’aube de ses cinquante ans. Sa vie conjugale avec Mathilde s’est enlisée dans la routine, son corps sculpté ne lui apporte plus de satisfaction, et son quotidien professionnel le laisse indifférent. Le retour à la maison de son fils Jérémie, fraîchement séparé de sa compagne, puis l’arrivée de son père Maurice, rescapé de la Shoah atteint d’un cancer, viennent perturber sa tranquillité.

Un jour, Tom assiste à une scène de violence devant sa boutique : un homme maltraite une jeune femme. Après avoir hésité une première fois, il décide finalement d’intervenir lors d’une seconde altercation. Il recueille alors cette mystérieuse inconnue qui se présente sous le nom de N7A et prétend être… une vache génétiquement modifiée. Cette rencontre improbable va bouleverser l’équilibre précaire de la famille.

Autour du livre

Ce roman décalé mêle avec brio le burlesque et la gravité pour aborder des thématiques contemporaines brûlantes : la manipulation génétique, le rapport au corps, le spécisme, l’identité juive, le vieillissement. Thomas Gunzig parvient à traiter des sujets graves – la Shoah, la maltraitance animale, la crise du couple – à travers le prisme de l’absurde et de l’humour noir.

Aux éditions AU DIABLE VAUVERT ; 234 pages.


4. Manuel de survie à l’usage des incapables (2013)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

L’action se déroule dans un monde futuriste où les manipulations génétiques permettent de croiser ADN humain et animal. Jean-Jean, agent de sécurité dans un hypermarché, reçoit l’ordre d’espionner Martine Laverdure, une caissière dont la direction veut se débarrasser. La mission dérape : la caissière trouve la mort accidentellement. Ses quatre fils, des hybrides mi-hommes mi-loups vivant de braquages, décident de venger leur mère en traquant Jean-Jean. Dans sa fuite, celui-ci abandonne sa femme Marianne – dont l’ADN a été croisé avec celui d’un mamba vert – qui est faite prisonnière par les quatre frères. Réfugié chez son père, Jean-Jean fait la connaissance de Blanche de Castille, une mystérieuse enquêtrice chargée de faire la lumière sur la mort de la caissière.

Autour du livre

Cette dystopie grinçante brosse le portrait d’une société entièrement soumise aux lois du marché, où même le vivant est privatisé et breveté. Les grands groupes commerciaux règnent en maîtres absolus sur un monde déshumanisé, où les êtres humains ne sont plus que des ressources interchangeables au service du profit. L’hypermarché est le symbole de cette société malade, temple moderne d’un consumérisme poussé à l’extrême.

L’humour noir et l’absurde servent ici à dénoncer les dérives du capitalisme sauvage. Les personnages mi-humains mi-animaux incarnent la bestialité qui sommeille dans notre société marchande, tandis que les « vrais » humains se comportent comme des automates programmés pour la rentabilité. Cette fable sociale décapante a été adaptée en roman graphique par Sébastien Goethals sous le titre « Le Temps des sauvages » (2016).

Aux éditions FOLIO ; 416 pages.


5. La vie sauvage (2017)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Seul rescapé d’un crash d’avion en Afrique alors qu’il n’était qu’un nourrisson, Charles grandit au sein d’une bande armée sous la protection de Cul-Nu, un mercenaire lettré qui lui inculque l’amour de la poésie. Dans cet univers brutal mais authentique, il noue une relation passionnée avec Septembre, une orpheline de son âge. Leur bonheur est anéanti quand une photo satellite Google Earth permet à la famille de Charles de le localiser. À seize ans, il est contraint de rejoindre son oncle, notable d’une ville moyenne belge.

Propulsé dans un environnement qu’il méprise, peuplé d’adolescents superficiels et d’adultes médiocres, Charles n’a qu’une obsession : retourner auprès de Septembre. Sous des dehors dociles, il met en œuvre un stratagème machiavélique, utilisant son intelligence et son pouvoir de séduction pour manipuler son entourage, notamment trois femmes qu’il pousse méthodiquement vers leur perte.

Autour du livre

Ce roman prend le contre-pied des récits traditionnels d’enfants sauvages en présentant un protagoniste qui, loin d’être une victime à « civiliser », se révèle plus impitoyable que ses « sauveurs ». Loin des clichés du « bon sauvage », Charles incarne une figure dérangeante qui retourne contre la « civilisation » ses propres armes : la manipulation et l’hypocrisie. À travers ce personnage cultivé mais cruel, qui cite Baudelaire tout en tramant sa vengeance, Gunzig compose un conte moral provocateur où la barbarie se niche davantage dans les salons policés que dans la jungle.

Aux éditions FOLIO ; 320 pages.


6. Mort d’un parfait bilingue (2001)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Mars 1978, quelque part dans les Balkans. Immobilisé sur son lit d’hôpital, un homme tente de reconstituer les événements qui l’ont conduit là. Les souvenirs émergent peu à peu : contraint par la misère, il a tué le beau-frère de Moktar, son meilleur ami slovène. Sa liaison avec Mini-Trip, l’épouse du chanteur Jim-Jim Slater, le précipite dans un nouvel engrenage : le mari trompé exige qu’il assassine Caroline Lemonseed, une chanteuse rivale. Pour approcher sa cible, il rejoint une unité militaire baptisée « Les Pluies de l’automne », chargée d’assurer la sécurité d’un concert aux armées. Mais cette guerre n’est pas celle qu’il imaginait.

Autour du livre

Premier roman de Thomas Gunzig, « Mort d’un parfait bilingue » a reçu le prix Rossel en 2001. Il se démarque par sa vision singulière d’un conflit armé où les médias transforment la guerre en spectacle télévisuel permanent. Les combats sont sponsorisés par des marques, les soldats deviennent des acteurs, et les pertes humaines se mesurent en points d’audience.

Cette représentation grinçante d’une société médiatique qui instrumentalise la violence résonne étrangement avec les conflits qui suivront sa publication, notamment la guerre d’Irak en 2003 où la frontière entre information et mise en scène s’est avérée particulièrement ténue. Les personnages, tous moralement ambigus, évoluent dans un univers où l’absurde côtoie l’horreur, où la publicité s’immisce jusque dans les zones de combat, où la réalité se plie aux exigences de l’audimat.

Aux éditions FOLIO ; 304 pages.

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