Pierre Michon est un écrivain français né le 28 mars 1945 à Châtelus-le-Marcheix, dans la Creuse. Élevé par sa mère institutrice après le départ de son père chef de gare alors qu’il n’avait que deux ans, il fait ses études au lycée de Guéret puis à l’université de Clermont-Ferrand en lettres.
Son premier livre, « Vies minuscules » (1984), paraît alors qu’il a 37 ans et reçoit le prix France Culture. Cette publication marque un tournant dans sa vie, lui permettant d’échapper à une situation financière précaire. Il développe ensuite une œuvre exigeante composée principalement de textes courts, dont « Rimbaud le fils », « La Grande Beune », et « Les Onze » (Grand prix du roman de l’Académie française 2009).
Son style se caractérise par un travail minutieux de la langue, proche de la poésie en prose, avec une attention particulière portée à la musicalité. Reconnu par ses pairs, il reçoit de nombreuses distinctions dont le prix Marguerite Yourcenar en 2015 pour l’ensemble de son œuvre. Après une longue période de silence éditorial entre 2009 et 2023, il fait son retour avec « Les Deux Beune », salué par la critique.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Vies minuscules (1984)
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Dans « Vies minuscules » (1984), Pierre Michon retrace huit destins croisés dans la France rurale du XXe siècle. Le narrateur, fils de paysan creusois, remonte le fil de son histoire à travers les portraits d’êtres modestes qui ont jalonné son existence : un orphelin parti chercher fortune en Afrique, des grands-parents aux caractères opposés, deux frères rencontrés au pensionnat, un prêtre alcoolique ou encore une amante éphémère. Ces récits dessinent en creux sa propre vie, marquée par l’absence du père et la mort précoce de sa sœur.
Ces huit chapitres déroulent une galerie de personnages ordinaires, pris dans leur quotidien âpre et leurs drames silencieux. Le narrateur scrute leurs traces ténues, convoque les souvenirs et comble les vides par l’imagination. De ces existences sans éclat particulier émerge peu à peu le portrait d’un homme tourmenté par l’écriture, hanté par ses démons et ses addictions.
Pour écrire ces vies, Michon a rempli quatre-vingt-quinze carnets de notes avant de trouver la juste distance et le ton exact. La langue ciselée, parfois archaïque, fait surgir un monde rural disparu avec une précision d’orfèvre. Le texte oscille entre mélancolie et dureté, tendresse et lucidité clinique. Premier roman d’un auteur alors inconnu, ce livre lui a valu le prix France Culture et s’est imposé comme un classique contemporain.
Aux éditions FOLIO ; 248 pages.
2. Les deux Beune (2023)
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En 1961, un jeune instituteur de vingt ans prend son premier poste à Castelnau, un village isolé du Périgord. Dans cette région truffée de grottes préhistoriques où coule la Beune, il loge à l’auberge d’Hélène et fait la connaissance d’Yvonne, la buraliste du village. Cette femme à la peau blanche comme le lait éveille en lui un désir impétueux, quasi animal.
Sous la pluie battante et le brouillard dense qui enveloppent les falaises, le narrateur arpente les chemins dans l’espoir de croiser Yvonne. Mais celle-ci se consume pour un autre homme, un certain Jeanjean qui la maltraite lors de leurs rendez-vous secrets dans les bois. Entre ses élèves qu’il observe derrière les vitres embuées et ses cigarettes achetées au bureau de tabac, le jeune homme se laisse consumer par cette obsession sensuelle.
« Les deux Beune » réunit deux textes écrits à vingt-sept ans d’intervalle : « La Grande Beune » (1996) et « La Petite Beune » (2023). La langue charnelle métamorphose les éléments naturels en corps désirants : la falaise a des lèvres, la rivière enlace les berges, le brouillard caresse les peupliers. Une sensualité émane de cette terre où les peintures rupestres content déjà les passions des hommes.
Aux éditions VERDIER ; 160 pages.
3. Les Onze (2009)
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Dans le pavillon de Flore du Louvre trône une toile monumentale : « Les Onze », chef-d’œuvre de François-Élie Corentin représentant les membres du Comité de salut public en 1794. Un soir de nivôse, trois sans-culottes réveillent le peintre et lui passent commande de ce tableau qui immortalisera Robespierre, Saint-Just et leurs neuf compagnons à l’heure où la Terreur bat son plein. La République exige cette œuvre pour le lendemain.
Le récit remonte alors aux origines du peintre, né en 1730 près d’Orléans. Fils d’un écrivain raté d’ascendance limousine, Corentin grandit entre une mère et une grand-mère qui l’adorent. Son talent le mène dans l’atelier de Tiepolo, où il acquiert cette maîtrise qui fera de lui le portraitiste attitré de la Révolution. La commande des « Onze » marque l’apogée de sa carrière – une œuvre née dans l’urgence, entre crainte et fascination pour ces hommes de pouvoir.
Fruit de dix-sept ans de gestation, ce texte bref construit une supercherie littéraire absolue : ni le tableau ni son créateur n’ont jamais existé. Les critiques d’art s’y sont laissés prendre, certains jurant avoir contemplé la toile au Louvre. À travers cette fiction historique se dessine une réflexion musclée sur l’art, le pouvoir et la violence politique, portée par une langue qui mêle érudition et souffle épique.
Aux éditions FOLIO ; 144 pages.