Marcel Aymé (1902-1967) est un écrivain français majeur du XXe siècle. Né à Joigny dans l’Yonne, il perd sa mère à l’âge de deux ans et est élevé par ses grands-parents maternels dans le Jura, à Villers-Robert. Cette enfance rurale influencera profondément son œuvre.
Après des études interrompues par la grippe espagnole et son service militaire, il s’installe à Paris où il exerce divers métiers avant de se consacrer à l’écriture. Son premier roman, « Brûlebois » (1926), attire l’attention. Il obtient le prix Renaudot en 1929 pour « La Table aux Crevés ». La publication de « La jument verte » (1933) lui apporte la notoriété.
Son œuvre, très variée, comprend des romans, des nouvelles (dont le célèbre recueil « Le passe-muraille »), des contes pour enfants (« Les contes du chat perché »), et des pièces de théâtre. Son style se caractérise par un mélange de réalisme social et de fantastique, souvent teinté d’ironie. Il excelle particulièrement dans la représentation des différentes classes sociales, en utilisant avec brio leurs langages respectifs, de l’argot parisien au patois franc-comtois.
Malgré sa collaboration à des journaux controversés pendant l’Occupation, ce qui lui vaut un « blâme sans affichage » à la Libération, il reste un écrivain populaire. Il refuse la Légion d’honneur en 1949 et décline une invitation à l’Académie française en 1950.
Marcel Aymé meurt à Paris le 14 octobre 1967, laissant une œuvre riche qui continue d’influencer la littérature française. Une statue du « Passe-muraille », réalisée par Jean Marais, lui rend hommage sur la place qui porte son nom à Montmartre, où il vécut une grande partie de sa vie.
Voici notre sélection de ses livres majeurs.
1. Les contes du chat perché (recueil de contes, 1934-1946)
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Au cœur d’une ferme française des années 1930, deux sœurs inséparables, Delphine et Marinette, partagent leur enfance avec des animaux extraordinaires capables de parler. Les fillettes évoluent dans un univers rural où le chat Alphonse fait tomber la pluie d’un coup de patte, les bœufs s’initient à la lecture, un canard revient de voyage accompagné d’une panthère. Face à des parents sévères à l’autorité inflexible, les deux sœurs nouent une alliance joyeuse avec leurs compagnons à plumes et à poils.
Chacun des dix-sept contes relate une nouvelle péripétie de cette sororie malicieuse. Un jour, les fillettes tentent de sauver un cochon promis à l’abattoir. Le lendemain, elles consolent un âne mélancolique ou aident des vaches disparues à retrouver leur chemin. Les situations les plus improbables s’enchaînent : un loup tente de racheter sa mauvaise réputation, une poule se rêve en éléphant, même les cygnes d’un étang voisin s’en mêlent pour une histoire d’adoption.
Publiés entre 1934 et 1946, ces contes de Marcel Aymé ont connu un succès immédiat qui ne s’est jamais démenti. La première édition fut illustrée par 67 aquarelles de Natan Altman, figure majeure de l’avant-garde russe alors en exil à Paris. En 1963, Gallimard réunit les récits en deux volumes distincts : « Les contes bleus du chat perché » et « Les contes rouges du chat perché ».
L’originalité de ces contes tient à leur ancrage dans un quotidien rural authentique, où le merveilleux surgit sans artifice. Les enfants y trouvent des aventures palpitantes tandis que les adultes décèlent une critique sociale sous couvert de fantaisie. De nombreuses adaptations en dessin animé, théâtre et même opéra ont contribué à faire entrer ces histoires dans le patrimoine littéraire français.
Aux éditions FOLIO ; 416 pages.
2. Uranus (roman, 1948)
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À Blémont, petite ville française de 1945 en partie détruite par les bombes, la pénurie de logements oblige à la cohabitation forcée. L’appartement de l’ingénieur Archambaud abrite désormais la famille de Gaigneux, un ouvrier communiste, ainsi que le professeur Watrin, un optimiste incurable. Dans ce climat tendu d’après-guerre, Archambaud prend le risque d’héberger secrètement Maxime Loin, un collaborateur traqué.
Le café de Léopold, réquisitionné comme salle de classe, devient le théâtre d’événements tragiques. Cet ancien lutteur, qui s’initie avec passion à la poésie de Racine pendant les cours de français, se retrouve accusé à tort d’avoir caché Loin. Cette accusation, orchestrée par des communistes locaux, le mènera à sa perte.
Troisième volet d’une trilogie sur la guerre après « Travelingue » et « Le Chemin des écoliers », ce roman de 1948 dépeint les règlements de compte et l’hypocrisie généralisée de l’épuration. La violence des représailles côtoie les retournements de veste, tandis que certains tentent de faire oublier leur passé pétainiste.
Le personnage de Watrin apporte une touche d’espoir : après avoir perdu sa femme lors d’un bombardement alors qu’il étudiait la planète Uranus, il choisit résolument l’émerveillement face au monde plutôt que le désespoir. Claude Berri en a tiré en 1990 une adaptation cinématographique fidèle, avec Gérard Depardieu dans le rôle de Léopold et Philippe Noiret dans celui de Watrin.
Aux éditions FOLIO ; 376 pages.
3. La Vouivre (roman, 1943)
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Dans le Jura de l’entre-deux-guerres, Arsène Muselier, jeune paysan de 23 ans, fait une rencontre extraordinaire alors qu’il fauche son pré. Une mystérieuse femme, « la Vouivre », se baigne nue dans l’étang voisin. Sur la berge repose son diadème orné d’un immense rubis, protégé par une armée de vipères prêtes à attaquer quiconque tenterait de s’en emparer.
Plus sensible à ses charmes qu’à la valeur de son bijou, Arsène noue avec elle une relation singulière. Pourtant, ses préoccupations restent bien terrestres : la gestion de sa ferme, sa rivalité avec son frère Victor, et surtout son amour pour Juliette Mindeur, issue d’une famille ennemie. Dans le village, l’apparition de la Vouivre bouleverse les esprits : le maire vacille dans sa foi républicaine, tandis que le curé doute de l’existence du surnaturel.
Publié en 1943, ce récit puise dans les légendes de Franche-Comté, région natale de Marcel Aymé. L’histoire mélange avec malice le merveilleux et le trivial, la sensualité et la cupidité, les querelles de clocher et les forces mystérieuses de la nature. Le roman a inspiré plusieurs adaptations, dont un film en 1989 avec Lambert Wilson, et irrigue encore la culture populaire à travers des chansons comme celles d’Hubert-Félix Thiéfaine ou Thomas Fersen.
Aux éditions FOLIO ; 256 pages.
4. Le passe-muraille (recueil de nouvelles, 1943)
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Au troisième étage d’un immeuble de Montmartre vit Dutilleul, un modeste employé au ministère de l’Enregistrement. À quarante-trois ans, cet homme discret qui porte un binocle et une barbiche noire découvre qu’il possède un don extraordinaire : celui de traverser les murs sans le moindre désagrément.
La découverte de ce pouvoir surnaturel transforme peu à peu le timide bureaucrate. Il l’utilise d’abord pour se venger de son chef de service tyrannique, puis devient un voleur célèbre sous le pseudonyme de « Garou-Garou ». Ses exploits font la une des journaux tandis qu’il se joue de la police, allant jusqu’à s’évader de prison après s’y être fait enfermer volontairement. Mais une rencontre amoureuse précipite sa chute : privé soudainement de son don alors qu’il traverse un mur, il y reste à jamais prisonnier.
Cette nouvelle qui donne son titre au recueil paru en 1943 ouvre une série de dix textes où le surnaturel se mêle aux difficultés quotidiennes de la France occupée. Entre humour et gravité, les histoires évoquent la misère, le marché noir et l’absurdité administrative à travers des situations improbables.
Le succès du « Passe-muraille » ne s’est jamais démenti. Une statue réalisée par Jean Marais, place Marcel Aymé à Montmartre, immortalise aujourd’hui Dutilleul traversant la pierre. L’histoire a inspiré plusieurs adaptations, dont un film avec Bourvil en 1951 et une comédie musicale signée Michel Legrand en 1997.
Aux éditions FOLIO ; 222 pages.
5. La jument verte (roman, 1933)
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Au cœur du Second Empire, dans le village franc-comtois de Claquebue, la naissance d’une jument couleur jade bouleverse le destin des Haudouin. Le patriarche Jules, rusé maquignon, voit dans ce prodige le signe d’une fortune nouvelle. Mais c’est surtout le portrait de l’animal, réalisé par un peintre de passage, qui deviendra le témoin silencieux des tribulations familiales sur trois décennies, entre la guerre de 1870 et les débuts de la IIIe République.
L’histoire suit principalement les destins des fils Haudouin : Honoré, paysan jovial et sensuel, et Ferdinand, vétérinaire coincé obsédé par la morale. En toile de fond se joue une rivalité séculaire avec la famille voisine des Maloret, exacerbée par un drame survenu pendant l’occupation prussienne. Une lettre compromettante égarée par le facteur du village menace de raviver ces vieilles querelles.
Marcel Aymé signe en 1933 une chronique villageoise sulfureuse qui fait sensation. À travers les « Propos de la jument », chapitres où le portrait enchanté livre ses observations, il dresse un tableau sans concession des mœurs rurales du XIXe siècle. Une satire sociale qui conjugue réalisme cru et fantastique, politique locale et libido débridée. Claude Autant-Lara en tire en 1959 une adaptation cinématographique avec Bourvil.
Aux éditions FOLIO ; 256 pages.