Après avoir refermé « Into the Wild » de Jon Krakauer, difficile de ne pas rester habité par l’histoire de Chris McCandless : son idéal farouche de liberté, son goût du dépouillement, cette quête absolue qui l’a mené jusqu’aux confins de l’Alaska. Si ce récit vous a particulièrement percuté, vous cherchez peut-être d’autres lectures qui abordent les mêmes thèmes : aventure, introspection, confrontation avec la nature, rupture avec les conventions. Voici une sélection d’ouvrages — témoignages, récits de voyage, classiques de la littérature — pour prolonger l’élan et la réflexion.
1. Le dernier ermite (Michael Finkel, 2017)
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« Le dernier ermite » de Michael Finkel raconte l’histoire vraie de Christopher Knight, un jeune homme de 20 ans qui, en 1986, quitte brutalement la société pour vivre seul dans les forêts du Maine. Pendant vingt-sept ans, il ne prononce presque pas un mot, ne voit presque personne et survit grâce à de petits vols dans les cottages voisins : nourriture, vêtements, piles, livres… tout juste de quoi tenir face aux hivers rudes. Son arrestation en 2014 met fin à cette vie secrète. Michael Finkel, seul journaliste à avoir gagné sa confiance, relate ses échanges avec Knight et tente de comprendre les raisons et les limites de ce retrait volontaire.
Ce livre présente des points communs évidents mais aussi des différences notables. Comme Chris McCandless, Knight choisit de rompre avec les codes sociaux et de se confronter à l’isolement, animé par un besoin profond de silence et d’indépendance. Mais là où McCandless s’éloigne pour vivre en immersion totale dans la nature, Knight reste dépendant de ce qu’il dérobe aux autres pour survivre. Ce contraste soulève des questions intéressantes sur la liberté, l’autonomie et le prix réel d’une vie hors du monde.
« Le dernier ermite » ne se limite pas à raconter une survie physique : c’est aussi une réflexion sur l’inadaptation sociale, la difficulté du retour à la vie “normale” et la manière dont la société accueille — ou rejette — ceux qui choisissent un autre chemin.
Aux éditions 10/18 ; 264 pages.
2. Into The Wild – L’histoire de mon frère (Carine McCandless, 2014)
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« Into The Wild – L’histoire de mon frère » commence bien avant le départ de Chris McCandless pour l’Alaska. Carine, sa sœur cadette, revient sur leur enfance dans une famille marquée par la violence physique et psychologique, les mensonges et la manipulation. Elle raconte un père autoritaire, menant une double vie, et une mère complice de ce climat toxique. Dans ce cadre étouffant, Chris devient pour elle un protecteur, avant de rompre définitivement avec ses parents à l’été 1990. Ce choix, souvent perçu comme une fuite égoïste, prend ici un autre sens : celui d’un besoin vital de se libérer.
Pour qui a lu « Into the Wild » de Jon Krakauer, ce livre apporte un éclairage décisif. Là où Krakauer restait discret sur les raisons intimes du départ de Chris, Carine expose sans détour le contexte familial qui l’a façonné et poussé à couper les ponts. On retrouve l’esprit indépendant et la quête de sincérité que Krakauer décrivait, mais replacés dans une histoire familiale où l’absence d’amour et la maltraitance pèsent lourd. Le récit ne se limite pas à Chris : il montre aussi comment Carine, longtemps incapable de rompre avec ses parents, finit par suivre le même chemin de rupture, tout en conservant un lien fort avec ses demi-frères et sœurs.
Ce témoignage agit comme une pièce manquante du puzzle. Il ne change pas la fin de l’histoire, mais il permet de comprendre autrement la radicalité des choix de Chris. C’est aussi le récit d’un lien fraternel profond, soudé par l’adversité.
Aux éditions 10/18 ; 312 pages.
3. Wild (Cheryl Strayed, 2012)
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Dans « Wild », Cheryl Strayed raconte comment, à 26 ans, elle décide de marcher seule sur 1700 kilomètres du Pacific Crest Trail, un long sentier qui traverse l’Ouest américain du désert de Mojave jusqu’au pont des Dieux dans l’Oregon. Elle part sans réelle expérience, avec un sac trop lourd qu’elle surnomme « Monster » et des chaussures qui la blessent. Au fil de son avancée, elle affronte la chaleur, le froid, la faim, la peur, et surtout les souvenirs qui l’accompagnent : la mort brutale de sa mère, un divorce douloureux, des années marquées par la drogue et l’errance. Les rencontres ponctuelles, les paysages grandioses et l’effort quotidien l’aident peu à peu à reprendre pied.
Comme Christopher McCandless, Cheryl part avec un mélange de fuite et de quête de soi. Tous deux cherchent dans la nature un moyen de se libérer d’un passé lourd, en choisissant un mode de vie radicalement différent de ce qu’ils connaissaient. Mais là où « Into The Wild » raconte une rupture qui mène à l’isolement absolu et à un destin tragique, « Wild » trace un chemin vers la reconstruction : la solitude devient un terrain pour affronter ses failles et se relever.
Le Pacific Crest Trail n’est pas seulement un décor, c’est un fil conducteur qui lui permet de mesurer chaque pas comme une victoire, même minuscule, sur ses douleurs physiques et morales. Pour le lecteur, suivre Cheryl, c’est éprouver cette ténacité brute et voir comment une expérience extrême peut non pas effacer les blessures, mais apprendre à vivre avec.
Aux éditions 10/18 ; 504 pages.
4. La Cité perdue de Z (David Grann, 2009)
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Dans « La Cité perdue de Z », David Grann retrace la destinée de Percy Fawcett, officier britannique et figure mythique de la cartographie amazonienne du début du XXe siècle. Convaincu de l’existence d’une civilisation disparue au cœur de la forêt, il part en 1925 avec son fils et un ami de celui-ci pour atteindre ce qu’il appelle la cité Z. Aucun des trois ne reviendra. Grann mêle le récit de cette obsession à sa propre enquête, menée près d’un siècle plus tard, entre archives et immersion dans les zones reculées du Haut Xingu, là où Fawcett a été vu pour la dernière fois. Le livre alterne entre biographie, reconstitution historique et récit de terrain, offrant un regard précis sur les conditions extrêmes, les dangers permanents et les rivalités du monde des expéditions de l’époque.
Si « Into the Wild » suit un homme poussé par un idéal de liberté jusqu’à l’isolement et la mort, « La Cité perdue de Z » met en scène un autre genre d’obsession, celle d’un but archéologique presque chimérique. Chris McCandless et Percy Fawcett partagent une détermination inflexible, une rupture avec la vie conventionnelle et une attirance pour des territoires où la nature impose ses lois les plus dures. Mais là où McCandless se confronte seul à l’Alaska, Fawcett engage des équipes entières dans un environnement où les insectes, les maladies et la faim frappent plus sûrement qu’une tempête de neige. Dans les deux cas, l’inconnu devient un miroir où se révèlent convictions, fragilités et limites.
Le livre de Grann prolonge l’expérience de lecture de « Into the Wild » en interrogeant les mêmes tensions : jusqu’où peut-on aller pour rester fidèle à ses idéaux ? Qu’est-ce qui pousse quelqu’un à risquer sa vie, et parfois celle des autres, pour une cause ou une croyance ? On y retrouve la confrontation avec un milieu extrême, l’isolement physique et psychologique, la persistance d’un mystère qui continue de hanter ceux qui s’y intéressent. Là où Krakauer montre un destin individuel happé par la nature sauvage, Grann étend la perspective à une quête collective et historique, inscrite dans un siècle d’expéditions, de rêves et d’échecs. C’est ce mélange d’aventure, d’enquête et de réflexion sur l’obsession qui peut séduire quiconque a été marqué par l’histoire de Chris McCandless.
Aux éditions POINTS ; 432 pages.
5. Mange, prie, aime (Elizabeth Gilbert, 2006)
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« Mange, prie, aime » raconte l’histoire d’Elizabeth Gilbert, une trentenaire qui semble tout avoir : mari, maison, carrière. Pourtant, elle ne ressent qu’angoisse et vide intérieur. Après un divorce éprouvant et une liaison ratée, elle décide de tout quitter pendant un an pour se reconstruire. Son itinéraire se découpe en trois étapes : l’Italie, où elle redécouvre le plaisir de manger et la beauté d’une langue qu’elle apprend avec passion ; l’Inde, où elle vit plusieurs mois dans un ashram pour discipliner son esprit et chercher la paix intérieure ; Bali, où elle tente de trouver un équilibre entre corps et âme, et finit par s’ouvrir à l’amour.
Ce livre devrait vous plaire car il partage une impulsion similaire : tout abandonner pour chercher une vie plus juste à ses yeux. Comme Chris McCandless, Elizabeth Gilbert refuse de continuer à jouer un rôle qui ne lui ressemble pas. Elle part seule, en dehors du cadre rassurant qu’elle connaît, et confronte ses peurs autant que ses désirs. La démarche est cependant moins radicale que celle de McCandless : là où lui choisit un face-à-face avec la nature sauvage, elle se tourne vers des environnements humains, urbains ou spirituels, pour se reconstruire.
Les deux récits mettent en avant la tension entre liberté et sécurité, le besoin de s’affranchir des attentes sociales, et la quête d’un sens qui ne se mesure pas en réussite matérielle. Dans « Mange, prie, aime », cette quête prend la forme d’un apprentissage progressif : le plaisir simple en Italie, le silence et la méditation en Inde, la reconnexion au lien affectif à Bali. Ce rythme en trois temps donne au lecteur le sentiment de cheminer avec elle, de passer par des étapes qui peuvent faire écho à ses propres interrogations. Là où « Into the Wild » montre l’âpreté d’un idéal poussé à l’extrême, « Mange, prie, aime » illustre une quête plus douce mais tout aussi exigeante, centrée sur la réconciliation avec soi-même.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 512 pages.
6. En Sibérie (Colin Thubron, 1999)
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Dans « En Sibérie », Colin Thubron traverse cette immense région, de l’Oural jusqu’à l’océan Pacifique. Il chemine à travers des paysages gelés, des villes marquées par l’histoire soviétique, des villages isolés, des territoires où les traditions ancestrales côtoient les séquelles du goulag. Il rencontre des habitants, écoute leurs histoires, observe leur quotidien et décrit les contrastes entre beauté sauvage et rudesse des conditions de vie. C’est un parcours qui mêle observation du terrain, mémoire historique et rencontre avec l’humain.
Ce livre pourrait vous séduire par la même attirance pour les terres éloignées et difficiles d’accès, où la nature façonne le caractère de ceux qui y vivent. Comme Chris McCandless en Alaska, Thubron s’aventure dans un espace immense, parfois hostile, où l’isolement force à se confronter à soi-même et aux forces naturelles.
Là où « Into The Wild » raconte l’histoire d’un homme en rupture, « En Sibérie » propose un regard plus large, nourri par de nombreuses voix et expériences, mais conserve cette dimension de quête : comprendre un lieu, ses habitants et ce qu’ils disent de la liberté, de la survie et du sens que l’on donne à sa vie. La lecture offre ainsi le même sentiment d’horizon lointain et de réflexion sur la place de l’homme dans un environnement qui le dépasse.
Aux éditions FOLIO ; 480 pages.
7. Promenons-nous dans les bois (Bill Bryson, 1998)
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« Promenons-nous dans les bois » raconte comment Bill Bryson, de retour aux États-Unis après des années passées en Angleterre, décide de s’attaquer à l’Appalachian Trail, un sentier de randonnée mythique qui s’étire sur plus de 3 500 kilomètres entre la Géorgie et le Maine. Peu expérimenté, il entraîne dans cette aventure Stephen Katz, un vieil ami encore moins préparé que lui. Ensemble, ils affrontent les montagnes, la météo capricieuse, les ours… et surtout leurs propres limites, le tout dans un mélange d’anecdotes drôles, de réflexions sur la nature et de portraits savoureux des randonneurs croisés en chemin.
Si « Into The Wild » de Jon Krakauer vous a marqué, ce livre peut prolonger l’élan qu’il a suscité. Comme Chris McCandless, Bryson part vers un environnement rude, où l’endurance et l’adaptation comptent autant que le courage. La différence, c’est que l’humour remplace ici la gravité. Là où « Into The Wild » questionne la quête de liberté jusqu’à ses conséquences les plus tragiques, « Promenons-nous dans les bois » montre ce que signifie se confronter à la nature en restant ancré dans la vie ordinaire, avec ses maladresses et ses imprévus.
Les deux récits partagent pourtant un regard lucide sur la fragilité des écosystèmes et sur le rapport souvent contradictoire que les Américains entretiennent avec leur environnement. Chez Bryson, la marche devient un fil conducteur pour observer et comprendre ce monde, sans cacher les absurdités, mais avec un ton qui fait sourire autant qu’il fait réfléchir.
Aux éditions PAYOT ; 352 pages.
8. Tragédie à l’Everest (Jon Krakauer, 1997)
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« Tragédie à l’Everest » raconte l’ascension de Jon Krakauer au sein d’une expédition menée par le guide Rob Hall au printemps 1996. Ce qui devait être l’accomplissement d’un défi tourne au drame : ce 10 mai, plusieurs groupes se retrouvent pris dans une violente tempête près du sommet. Huit alpinistes, dont des guides expérimentés, y perdent la vie. Rescapé, Krakauer retrace les semaines de préparation, l’attente dans les camps, la montée dans la « zone de la mort » et l’engrenage d’erreurs, de retards et de mauvaises décisions qui mènent à la catastrophe. Son récit mêle faits, témoignages et introspection, avec la lucidité d’un survivant hanté par ce qu’il a vu et ce qu’il n’a pas pu empêcher.
On retrouve dans cette histoire la même tension entre désir d’absolu et prix à payer. Comme Christopher McCandless, les alpinistes décrits par Krakauer cherchent quelque chose qui dépasse la sécurité et le confort, et acceptent des risques extrêmes pour y parvenir. Mais cette fois, l’auteur n’observe pas seulement en enquêteur : il est au cœur de l’action, pris dans un environnement où chaque geste compte et où l’orgueil, la pression financière et la nature impitoyable s’entremêlent.
On retrouve la plume sobre et précise qui rendait « Into the Wild » si prenant, mais appliquée à un décor encore plus hostile. Ce texte questionne la part de responsabilité individuelle, l’attrait pour les épreuves qui frôlent la mort et l’impact des choix collectifs dans des conditions extrêmes. C’est un récit qui, comme « Into the Wild », laisse le lecteur avec un mélange d’admiration, de sidération et de malaise face à ce que certains sont prêts à affronter pour toucher leur sommet.
Aux éditions 10/18 ; 320 pages.
9. La mort suspendue (Joe Simpson, 1988)
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Dans « La mort suspendue », Joe Simpson raconte comment, en 1985, il entreprend avec Simon Yates l’ascension de la face ouest du Siula Grande, un sommet de plus de 6 000 mètres dans les Andes péruviennes. L’ascension réussit, mais la descente tourne à la catastrophe lorsque Simpson se fracture la jambe. Dans un environnement hostile, avec le froid, la tempête et la fatigue, Yates tente de le descendre à la corde. Piégé par la configuration du terrain et sans possibilité de communiquer, il finit par couper la corde pour sauver sa propre vie. Contre toute attente, Simpson survit à la chute, parvient à sortir d’une crevasse et, au prix d’efforts inouïs, rampe pendant plusieurs jours jusqu’au camp de base, où il retrouve son compagnon à la veille de son départ.
Comme chez Jon Krakauer, on retrouve ici le rapport brut et sans filtre à un milieu naturel qui ne pardonne rien. Les deux récits mettent en scène des hommes isolés, confrontés à leurs limites physiques et mentales, qui doivent composer avec la peur, la douleur et la solitude. Chez Krakauer, la quête de Chris McCandless mène à une immersion volontaire dans la nature sauvage de l’Alaska, où l’isolement devient une épreuve existentielle. Chez Simpson, c’est un accident qui transforme l’ascension en une lutte de survie absolue, où chaque geste compte, où la détermination devient vitale. Dans les deux cas, le lecteur assiste à la tension entre l’attirance pour un idéal — liberté, pureté, accomplissement — et la dure réalité des éléments.
« La mort suspendue » apporte aussi une dimension supplémentaire avec le dilemme moral de Simon Yates, obligé de trancher la corde qui le relie à son ami. Ce moment interroge sur la prise de décision face à l’urgence, un thème qui, bien que sous une forme différente, résonne aussi dans « Into The Wild » à travers les choix de McCandless et leurs conséquences irréversibles. Enfin, l’écriture de Simpson, nourrie de précision et d’émotion, permet de ressentir physiquement l’épuisement, le froid et l’effort, tout comme Krakauer sait rendre palpable la rudesse de l’Alaska. C’est un récit qui, comme « Into The Wild », laisse longtemps son empreinte et pousse à réfléchir sur ce que signifie aller au bout de soi.
Aux éditions POINTS ; 288 pages.
10. Tracks (Robyn Davidson, 1980)
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« Tracks » raconte l’histoire vraie de Robyn Davidson qui, à vingt-cinq ans, part d’Alice Springs pour rejoindre la côte ouest australienne. Elle parcourt plus de 1 700 miles de désert avec pour seule compagnie quatre chameaux et son chien. Avant de se lancer, elle passe deux ans à apprendre à s’occuper de ses animaux et à rassembler le matériel nécessaire, tout en vivant de petits boulots. Sur la route, elle affronte la chaleur extrême, la soif, les tempêtes de sable, les serpents, mais aussi la solitude, les tensions avec un photographe imposé par un sponsor, la dure réalité des rapports humains dans les zones reculées. Elle partage des moments de complicité avec ses bêtes, croise parfois des personnages, notamment un ancien aborigène qui lui transmet une part de sa culture, et se heurte aux injustices faites aux peuples autochtones.
Comme Christopher McCandless, Robyn Davidson quitte un cadre de vie établi pour se mesurer à un environnement extrême, en quête de liberté et d’authenticité. Tous deux refusent les codes sociaux qui leur paraissent étouffants et s’engagent dans une expérience qui demande une force physique et mentale considérable. Mais là où « Into The Wild » met en lumière l’improvisation et la fragilité d’un jeune homme face à la nature, « Tracks » montre un long travail de préparation, une confrontation continue avec les contraintes matérielles et une adaptation progressive au milieu.
La relation que Davidson entretient avec ses chameaux et son chien rappelle l’importance, dans ce type d’aventure, des liens tissés avec le vivant. La dimension humaine de son récit — l’apprentissage au contact des Aborigènes, la dénonciation du racisme et du sexisme — apporte une profondeur sociale et culturelle qui enrichit la lecture, tout en gardant cette tension permanente entre désir d’isolement et nécessité d’interactions, un fil commun avec le parcours de McCandless.
Aux éditions STOCK ; 264 pages.
11. Le léopard des neiges (Peter Matthiessen, 1978)
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En 1973, Peter Matthiessen part au Dolpo, au nord-ouest du Népal, avec le zoologiste George Schaller. Ce dernier veut observer les bharals, moutons bleus des montagnes himalayennes, et, peut-être, croiser le rarissime léopard des neiges. Pour Matthiessen, marqué par la mort récente de sa femme, ce périple est aussi l’occasion de rejoindre le monastère de Shey Gompa et de s’immerger dans un univers bouddhiste, entre cimes glacées, villages isolés et rencontres avec les sherpas. Les deux hommes affrontent cols à plus de 5 000 mètres, conditions rudes et imprévus, dans un décor grandiose où la nature impose son rythme.
Si vous avez aimé « Into The Wild », « Le léopard des neiges » pourrait vous toucher pour des raisons proches. Dans les deux récits, un homme quitte un cadre familier pour affronter un environnement difficile, à la recherche d’un sens plus profond que la simple réussite matérielle. Comme Chris McCandless, Matthiessen s’éloigne volontairement du confort, porté par une quête intérieure indissociable du contact avec la nature sauvage.
Les montagnes du Dolpo, immenses et hostiles, jouent un rôle semblable à celui des étendues d’Alaska : elles révèlent autant la fragilité que la force de celui qui s’y aventure. Et, comme dans « Into The Wild », ce qui compte n’est pas seulement l’objectif – voir le léopard – mais tout ce que le chemin provoque : questionnements, moments de doute, émerveillements soudains, confrontation directe avec ses propres limites.
Aux éditions GALLIMARD ; 378 pages.
12. En Patagonie (Bruce Chatwin, 1977)
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« En Patagonie » commence avec une image d’enfance : Bruce Chatwin, intrigué par un fragment de peau de brontosaure exposé chez sa grand-mère, nourrit le désir de partir au bout du monde. Ce morceau, en réalité issu d’un mylodon, devient le prétexte à un long périple à travers la Patagonie. Chatwin parcourt cette région austère et changeante, de la pampa balayée par le vent jusqu’aux côtes de la Terre de Feu. Il s’arrête dans de petites villes, discute avec des éleveurs gallois ou des descendants d’Italiens, écoute des récits sur Butch Cassidy, Magellan, ou encore des révoltes ouvrières. Le livre prend la forme d’une mosaïque de quatre-vingt-dix-sept courts chapitres où se mêlent anecdotes, portraits, et bribes d’Histoire, dessinant un tableau aussi fragmenté que vivant de ce territoire à la croisée des continents et des époques.
« En Patagonie » se déploie en terrain familier : celui de l’homme qui décide de tout quitter pour suivre une obsession intime. Comme Christopher McCandless, Chatwin part seul, guidé par une idée qui pourrait sembler dérisoire, mais qui cache une quête plus vaste : comprendre ce que signifie vivre loin des routes tracées. On retrouve la tension entre isolement et rencontres marquantes, la fascination pour des figures à la marge, l’attention aux gestes simples dans des lieux où chaque contact humain compte.
Là où « Into The Wild » se concentre sur un destin individuel jusqu’à sa tragédie, « En Patagonie » élargit le champ : chaque personnage croisé devient un fragment d’un récit collectif, chaque étape ajoute une strate à la légende du Sud lointain. Cette lecture prolonge donc l’expérience de Krakauer, mais en la déployant dans un labyrinthe d’histoires qui montrent que l’appel du bout du monde ne mène pas à une seule vérité, mais à une multitude de vies possibles.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 336 pages.
13. Désert solitaire (Edward Abbey, 1968)
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« Désert solitaire » d’Edward Abbey raconte ses saisons comme ranger dans le parc national des Arches, au cœur du désert de l’Utah, à la fin des années 1950. Il y vit seul pendant de longs mois, observant les canyons, les arches de grès, la faune et la flore qui parviennent à survivre dans un environnement aride et extrême. Le livre mêle récits d’expériences sur le terrain — marches, bivouacs, descentes de rivière, rencontres avec des cow-boys ou des chevaux redevenus sauvages — et réflexions tranchantes sur la destruction progressive de ces paysages par le tourisme de masse, les routes et les aménagements. C’est un texte à la fois contemplatif et combatif, qui défend la valeur irremplaçable d’une nature préservée.
Chris McCandless, dans le récit de Jon Krakauer, cherchait à vivre au plus près de la nature, loin des artifices et des contraintes de la société. Edward Abbey, bien que dans un autre contexte, porte le même désir d’indépendance et la même méfiance vis-à-vis du confort moderne qui éloigne de l’essentiel. Comme « Into the Wild », « Désert solitaire » repose sur une expérience vécue, avec un rapport physique et sensoriel aux lieux : la chaleur écrasante, le parfum d’un genévrier brûlé, la morsure du sable poussé par le vent. Les deux livres mettent aussi en avant l’idée que la nature n’est pas un décor mais un milieu qui impose ses règles, et que la liberté y a un prix — parfois l’inconfort, parfois le danger.
Là où « Into the Wild » suit une trajectoire tragique, « Désert solitaire » se déroule sur un temps plus long, fait de cycles saisonniers et de retours sur les mêmes lieux, ce qui permet de mesurer l’impact du temps et des transformations humaines. Abbey ne se contente pas d’aimer le désert : il dénonce, parfois avec humour, parfois avec colère, ce qui menace son intégrité. Cela rejoint l’arrière-plan critique de Krakauer, qui questionne les choix d’une société incapable de préserver ses espaces sauvages. Lire Abbey après Krakauer, c’est prolonger la réflexion : passer de l’histoire d’un individu face à la nature à celle d’un homme qui interroge la place de toute une civilisation dans un monde qu’elle risque de dégrader au point de le rendre méconnaissable.
Aux éditions GALLMEISTER ; 352 pages.
14. Endurance – L’incroyable voyage de Shackleton (Alfred Lansing, 1959)
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« Endurance – L’incroyable voyage de Shackleton » d’Alfred Lansing retrace l’expédition de 1914 menée par Ernest Shackleton, dont l’objectif est de traverser l’Antarctique à pied. Le projet bascule rapidement quand l’Endurance, leur trois-mâts, se retrouve prisonnier des glaces avant même d’atteindre la côte. Écrasé par la banquise, le navire est abandonné et les vingt-huit hommes se retrouvent isolés à des milliers de kilomètres de toute aide. Commence alors une lutte acharnée pour survivre : dérive sur la banquise pendant des mois, traversées en canots dans des mers hostiles, marche à travers montagnes et glaciers pour aller chercher du secours. Tous en réchappent, contre toute attente.
À l’instar de l’histoire de Chris McCandless, ce bouquin montre des hommes confrontés à un environnement extrême, loin de toute civilisation, où l’instinct de survie devient central. Mais ici, l’aventure est collective : au lieu d’un destin solitaire, on suit un groupe uni par la nécessité, où chaque décision peut sceller le sort de tous. Dans les deux récits, la nature impose sa loi, qu’il s’agisse du froid implacable de l’Alaska ou de l’Antarctique.
Alfred Lansing s’appuie sur les journaux et témoignages des membres de l’expédition, ce qui rend palpable l’endurance physique et mentale requise. Là où « Into The Wild » invite à réfléchir sur la liberté et ses risques, « Endurance » montre comment solidarité, leadership et ténacité peuvent permettre de survivre à ce qui semblait insurmontable.
Aux éditions POINTS ; 480 pages.
15. Les clochards célestes (Jack Kerouac, 1958)
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« Les clochards célestes » raconte l’errance de Ray Smith, alter ego de Jack Kerouac, et de son ami Japhy Ryder, poète, alpiniste et passionné de bouddhisme zen. Ensemble, ils sillonnent la Californie, gravissent des sommets comme le Matterhorn, partagent des nuits autour d’un feu, discutent de spiritualité et vivent avec presque rien. Entre périodes de solitude au cœur de la nature et retrouvailles bruyantes avec la bohème de San Francisco, Ray cherche un sens à sa vie, hésitant entre la stabilité d’un foyer et l’appel des grands espaces. Ce récit mêle descriptions saisissantes de paysages, moments de méditation et épisodes de fête, tout en dressant le portrait d’une génération en rupture avec le conformisme américain des années 1950.
Comme Chris McCandless, Ray Smith rejette les attentes sociales et matérielles. Il choisit une vie simple, marquée par le dépouillement volontaire, la marche, le bivouac, le contact direct avec la nature sauvage. Les passages en montagne, où l’effort physique se double d’une quête intérieure, font écho à l’isolement de McCandless en Alaska. Tous deux cherchent à se libérer d’un monde jugé étouffant, à tester leurs limites, à trouver un apaisement spirituel au milieu de paysages bruts.
Mais là où « Into the Wild » est porté par une trajectoire solitaire et tragique, « Les clochards célestes » montre aussi la force des amitiés, la solidarité de ceux qui partagent cette marginalité, et la tension constante entre retour à la civilisation et envie de repartir. Ce mélange d’idéalisme, de liberté et de fragilité humaine en fait une lecture complémentaire, qui prolonge et nuance les thèmes chers à « Into the Wild ».
Aux éditions FOLIO ; 384 pages.
16. Le soleil se lève aussi (Ernest Hemingway, 1926)
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Dans « Le soleil se lève aussi », Ernest Hemingway raconte l’histoire de Jake Barnes, journaliste américain installé à Paris après la Première Guerre mondiale. Affaibli physiquement par une blessure de guerre qui le rend impuissant, il entretient avec Lady Brett Ashley un lien amoureux impossible. Autour d’eux gravite un petit groupe d’amis expatriés qui enchaînent soirées et excès, à Paris d’abord, puis en Espagne, entre pêche dans les montagnes basques et fêtes de San Fermin à Pampelune. Là, sous le soleil des corridas, tensions, jalousies et désirs non assouvis atteignent leur point de rupture, jusqu’à un dernier échange désabusé entre Jake et Brett.
Si « Into The Wild » raconte la quête de sens d’un jeune homme en rupture avec le monde, « Le soleil se lève aussi » montre une autre forme d’errance. Chris McCandless cherche la solitude et la nature pour se confronter à lui-même ; Jake et ses amis se perdent dans la foule, l’alcool et les distractions pour échapper à un vide intérieur. Dans les deux récits, on retrouve le refus des conventions, le poids des blessures passées, la difficulté de trouver un ancrage. Les scènes de pêche dans le roman d’Hemingway rappellent cette idée que la nature peut offrir un répit, même bref, face au chaos. C’est une façon différente de croiser les mêmes thèmes : la quête d’authenticité, le besoin de se mesurer à soi-même, et l’ombre persistante des rêves impossibles.
Aux éditions FOLIO ; 352 pages.
17. Un été dans la Sierra (John Muir, 1911)
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En 1869, John Muir rejoint un berger pour conduire un troupeau de moutons depuis la vallée centrale de Californie jusqu’aux hauteurs de la Sierra Nevada et la vallée de Yosemite. Pendant trois mois, il tient un journal quotidien. Il y consigne ses marches, ses observations de la flore et de la faune, ses croquis, ses pensées inspirées par les montagnes, les lacs, les forêts et les ciels changeants. S’il se montre peu tendre envers ses moutons, il s’attache à tout le reste : les arbres immenses, les oiseaux, les écureuils, les chutes d’eau, les nuages. Entre anecdotes parfois drôles et descriptions minutieuses, il exprime un émerveillement constant pour la nature sauvage.
Pour quiconque a aimé « Into The Wild » de Jon Krakauer, « Un été dans la Sierra » a un goût familier : celui d’une vie en retrait du confort moderne, tournée vers une immersion totale dans la nature. Comme Christopher McCandless, Muir choisit de s’éloigner de la société pour vivre au rythme des éléments. Mais là où McCandless affronte un environnement rude et solitaire, Muir se consacre à observer et comprendre chaque aspect du monde autour de lui. Ce livre déploie la même intensité dans la relation à la nature : le lever de soleil n’est pas une simple transition du jour, mais un événement grandiose ; un lac ou une forêt ne sont pas un décor, mais un univers vivant avec lequel l’homme dialogue.
On retrouve aussi chez Muir cette idée que la nature façonne l’esprit autant que le corps. Comme dans « Into The Wild », il y a la quête d’un sens profond, d’une clarté intérieure née du silence, de la beauté et des épreuves physiques. Mais « Un été dans la Sierra » apporte une nuance : c’est un texte d’observation patiente, nourri par la précision scientifique autant que par l’élan poétique. Là où Krakauer raconte un destin tragique, Muir donne à voir la continuité d’une vie vouée à la nature et à sa préservation, ce qui en fait un prolongement apaisé mais tout aussi intense de la lecture de « Into The Wild ».
Aux éditions FOLIO ; 320 pages.
18. Walden (Henry David Thoreau, 1854)
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« Walden » raconte l’expérience de Henry David Thoreau qui, en 1845, s’installe seul dans une petite cabane qu’il construit de ses mains au bord de l’étang de Walden, dans le Massachusetts. Pendant deux ans, il cultive ses légumes, observe les saisons, prend des notes sur la faune et la flore, médite sur le sens de l’existence et remet en question les habitudes de la société de son temps. Ce n’est ni un roman ni un simple récit de nature : Thoreau y mêle descriptions, réflexions intimes et prises de position radicales sur le travail, la consommation et la liberté individuelle.
Chris McCandless et Thoreau partagent un refus des conventions et une volonté de se recentrer sur l’essentiel, loin des contraintes matérielles et des rôles imposés. Là où McCandless agit dans l’élan et la rupture, Thoreau mène une expérience plus proche de l’ascèse méthodique, en restant à portée de la société tout en s’en tenant à distance. Les deux interrogent la valeur du confort moderne et la part de liberté qu’il coûte, chacun à sa manière.
« Walden » offre une matière plus philosophique et introspective que « Into The Wild ». Thoreau ne se contente pas de raconter une vie simple au bord d’un étang : il analyse les raisons de ce choix, discute de ce qui est réellement nécessaire pour vivre, critique le gaspillage et l’obsession du gain. Son texte pousse à se demander ce que l’on est prêt à abandonner pour être plus libre et plus en accord avec soi-même. En refermant ce livre, on garde l’image d’un homme qui a choisi d’éprouver ses convictions dans le quotidien le plus dépouillé, et qui nous met au défi de réfléchir à notre propre manière de vivre.
Aux éditions GALLMEISTER ; 400 pages.