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Jorge Amado en 4 romans majeurs – Notre sélection

Jorge Amado en 4 romans – Notre sélection

Jorge Amado naît le 10 août 1912 à Ferradas, un district d’Itabuna dans l’État de Bahia au Brésil. Fils d’un propriétaire terrien, il passe son enfance à Ilhéus après que sa famille a fui une épidémie de variole. Dès l’âge de 14 ans, il participe activement à la vie littéraire à Salvador et publie son premier roman à 18 ans.

Il fait des études de droit à Rio de Janeiro où il entre en contact avec le mouvement communiste. Militant actif, il est arrêté en 1935. Ses livres sont brûlés publiquement deux ans plus tard. Il doit s’exiler en Argentine et en Uruguay entre 1941 et 1942. À son retour, il se sépare de sa première femme Matilde Garcia Rosa. En 1945, il épouse l’écrivaine Zélia Gattai et est élu député du Parti Communiste Brésilien. Lorsque le parti est déclaré illégal en 1947, il s’exile à nouveau, cette fois en France puis en Tchécoslovaquie.

De retour au Brésil en 1954, il quitte la vie politique active et se consacre entièrement à la littérature. Son œuvre connaît un tournant en 1958 avec « Gabriela, girofle et cannelle », délaissant en partie le réalisme social au profit d’une célébration des traditions de Bahia. Ses romans, traduits en 49 langues, connaissent un immense succès et sont adaptés au cinéma et à la télévision.

Membre de l’Académie brésilienne des lettres à partir de 1961, il reçoit de nombreuses distinctions dont le prix Lénine pour la paix (1951) et le prix Camões (1994). Jorge Amado s’éteint le 6 août 2001 à Salvador de Bahia, laissant derrière lui une œuvre majeure qui mêle engagement social, traditions populaires et sensualité brésilienne.

Voici notre sélection de ses romans majeurs.


1. Gabriela, girofle et cannelle (1958)

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Résumé

Brésil, années 1920. La petite ville d’Ilhéus vit au rythme du commerce florissant du cacao. Nacib, propriétaire de bar d’origine syrienne, se retrouve dans une situation délicate quand sa cuisinière le quitte à la veille d’un important banquet. Sur le « marché aux esclaves » où s’entassent les réfugiés fuyant la sécheresse du Sertão, il tombe sur Gabriela, une jeune femme à la peau couleur cannelle et au parfum de girofle. Elle se révèle d’une beauté envoûtante doublée d’une cuisinière hors pair. La clientèle du bar grandit, porté par les talents culinaires de Gabriela et sa présence lumineuse qui attire tous les regards.

Dévoré par la jalousie face aux convoitises que suscite sa cuisinière, Nacib décide de l’épouser. Mais le mariage contraint Gabriela, esprit libre habitué à danser pieds nus et à vivre selon ses envies, à endosser un rôle qui l’étouffe. Lorsque Nacib la surprend dans les bras de Tonico Bastos, son propre témoin de mariage, il ne peut se résoudre à la tuer comme le voudrait la tradition. L’annulation du mariage pour faux papiers lui permet de sauver la face.

En toile de fond de cette histoire d’amour se joue une lutte entre tradition et modernité. Le jeune exportateur Mundinho Falcão défie l’autorité du vieux colonel Ramiro Bastos en voulant développer le port pour permettre l’accès des grands navires.

Autour du livre

Cette chronique d’une ville en mutation a remporté cinq prix prestigieux dès sa sortie en 1958, dont le Prix Machado de Assis. Traduit en plus de trente langues, le roman marque un tournant dans l’œuvre d’Amado qui délaisse les thèmes politiques pour une écriture plus sensuelle. Il y dépeint avec acuité une société patriarcale où les femmes n’ont d’autre choix que d’être épouse ou prostituée. À travers le personnage solaire de Gabriela, Jorge Amado dresse le portrait d’une femme qui refuse les carcans sociaux.

Cette modernité du propos, rare pour l’époque, explique sans doute le succès retentissant du roman qui fut adapté plusieurs fois en télénovelas et au cinéma, notamment avec Sonia Braga et Marcello Mastroianni dans les rôles principaux en 1983. Pablo Neruda y voyait « un chef-d’œuvre débordant de sensualité et de joie ». Jean-Paul Sartre le considérait comme « le meilleur roman de folklore populaire ».

Aux éditions J’AI LU ; 638 pages.


2. Dona Flor et ses deux maris (1966)

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Résumé

Dans le Bahia des années 1940, Floripedes Paiva, dite Dona Flor, dirige une école de cuisine réputée. Son mari Vadinho, séducteur impénitent et joueur invétéré, meurt subitement en plein carnaval après sept années d’un mariage tumultueux. Si Vadinho dilapidait l’argent du foyer et multipliait les conquêtes, il était aussi un amant extraordinaire dont Dona Flor garde un souvenir brûlant.

Après une période de deuil, elle épouse Teodoro, un pharmacien respectable qui incarne l’exact opposé de Vadinho : méthodique, fidèle, attentionné. Mais la passion manque à leur union, rythmée par des rapports conjugaux programmés les mercredis et samedis. C’est alors que le fantôme de Vadinho réapparaît, visible d’elle seule, bien décidé à reconquérir sa place dans le lit conjugal.

Entre son désir pour Vadinho et son affection pour Teodoro, Dona Flor hésite. Doit-elle rester fidèle à son second mari ou céder aux ardeurs du revenant ? La solution viendra d’elle-même : pourquoi choisir quand on peut avoir les deux ? Elle finira par accepter cette bigamie surnaturelle qui lui apporte à la fois la sécurité de Teodoro et la fougue de Vadinho.

Autour du livre

Publié en 1966, ce roman est devenu l’une des œuvres majeures de la littérature brésilienne. Cette bigamie fantastique sert de prétexte à une satire sociale jubilatoire. Plus de 300 personnages secondaires gravitent autour de Dona Flor, composant un tableau truculent de la société bahianaise : joueurs impénitents, prostituées au grand cœur, bourgeois hypocrites, commères insatiables.

Cette fresque picaresque connut un succès retentissant, notamment grâce à son adaptation cinématographique de 1976 avec Sônia Braga, qui resta pendant plus de trois décennies le plus grand succès du box-office brésilien. Dans ses mémoires, Amado révèle qu’il avait initialement prévu une fin tragique dans laquelle Dona Flor, rongée par la culpabilité, devait mourir. C’est son épouse qui l’a convaincu d’opter pour un dénouement plus audacieux.

Aux éditions STOCK ; 625 pages.


3. Capitaines des sables (1937)

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Résumé

Salvador de Bahia, années 1930. Une bande d’une centaine de gamins des rues terrorise les quartiers chics de l’ancienne capitale brésilienne. Ces « Capitaines des Sables », âgés de 8 à 16 ans, se sont établis dans un entrepôt abandonné près du port. Leur chef, Pedro Bala, impose une discipline de fer à ses lieutenants : le Professeur qui dévore les livres volés, Patte-Molle l’expert en repérage, João Grande le géant débonnaire. La police les pourchasse en vain tandis que le père José Pedro tente de les ramener dans le droit chemin, s’attirant les foudres de sa hiérarchie.

Un jour, le groupe accueille Dora, une orpheline de 13 ans qui devient rapidement leur « mère » de substitution. Une histoire d’amour naît entre elle et Pedro, mais la répression s’abat : tous deux sont arrêtés. Si Pedro s’évade de la maison de correction, Dora ne survit pas aux mauvais traitements du pensionnat. Sa mort précipite l’éclatement de la bande : certains rejoignent le grand banditisme, d’autres embrassent des causes militantes ou artistiques.

Autour du livre

Écrit en 1937 par un Jorge Amado de 25 ans, ce brûlot social déclenche la fureur du pouvoir brésilien. À Salvador, 800 exemplaires partent en fumée sur la place publique, sous prétexte de propagande communiste. L’auteur est emprisonné brièvement avant de s’exiler temporairement en Argentine. Le roman transcende la simple chronique de la délinquance juvénile pour dresser un réquisitoire contre les inégalités de la société brésilienne. La solidarité qui unit ces enfants livrés à eux-mêmes contraste avec l’indifférence des élites et la brutalité des institutions censées les « redresser ». Traduit en plusieurs langues, « Capitaines des Sables » inspire plusieurs adaptations : un film hollywoodien en 1971, une mini-série brésilienne en 1989 et un long-métrage en 2011 signé par Cecília Amado, la petite-fille de l’écrivain.

Aux éditions GALLIMARD ; 308 pages.


4. Tieta d’Agreste (1977)

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Résumé

Dans les années 1970, Antonieta Esteves, dite Tieta, fait son retour à Santana do Agreste, bourgade reculée à la frontière des États de Bahia et Sergipe, après vingt-six années d’exil. À dix-sept ans, elle avait été brutalement chassée par son père, qui l’avait surprise dans les bras d’un homme. Durant son absence, elle n’a cessé d’envoyer argent et cadeaux à sa famille, sans jamais révéler sa situation. La voici qui revient, se présentant comme une respectable veuve fortunée de São Paulo, accompagnée de sa prétendue belle-fille Leonora.

Son retour bouleverse la petite communauté. Tieta devient rapidement une figure tutélaire, usant de ses relations pour apporter l’électricité tant attendue au village. Mais derrière cette façade de respectabilité se cache la tenancière du plus luxueux bordel de São Paulo. L’intrigue se noue autour d’un projet d’usine de dioxyde de titane qui menace la splendide plage de Mangue Seco, tandis que Tieta entame une liaison avec son neveu Ricardo, jeune séminariste promis à la prêtrise.

Autour du livre

Écrit entre Bahia et Londres en 1977, pendant la dictature militaire brésilienne, ce roman dépasse largement le cadre d’une simple chronique provinciale. À travers le prisme de cette héroïne indomptable, Jorge Amado compose une satire mordante des rapports de pouvoir, du favoritisme et de la corruption qui gangrènent le Brésil. Les thématiques abordées – préservation de l’environnement, émancipation féminine, hypocrisie sociale – résonnent avec une étonnante modernité. Le texte se distingue par sa structure originale en cinq « épisodes sensationnels », ponctués d’interventions malicieuses du narrateur qui dialogue directement avec son lecteur. « Tieta d’Agreste » a connu un succès retentissant, donnant lieu à une télénovela en 1989 avec Betty Faria, puis à un film en 1996 avec Sônia Braga dans le rôle-titre.

Aux éditions J’AI LU ; 864 pages.

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