John Irving naît le 2 mars 1942 à Exeter, New Hampshire, dans des circonstances qui marqueront profondément son œuvre : sa mère Helen Winslow le met au monde hors mariage et refuse de révéler l’identité du père. Elle épouse plus tard Colin F. Irving, professeur à la Phillips Exeter Academy, qui devient le père adoptif de John. Ce n’est qu’à l’âge de 60 ans qu’Irving apprend l’identité de son père biologique, John Blunt Sr., déjà décédé à ce moment-là.
À Exeter, en dépit d’une dyslexie non diagnostiquée qui handicape ses résultats scolaires, Irving s’épanouit au sein de l’équipe de lutte. Il poursuit ses études à l’université du New Hampshire, puis intègre le prestigieux Iowa Writers’ Workshop, où il est conseillé par Kurt Vonnegut. C’est à Vienne qu’il rencontre sa première femme, Shyla Leary, avec qui il a deux fils avant leur divorce dans les années 1980. Il épouse ensuite Janet Turnbull, son agent littéraire.
Sa carrière d’écrivain décolle véritablement en 1978 avec la publication du « Monde selon Garp », qui devient un succès international. Dès lors, chacun de ses romans est un best-seller. En 2000, il reçoit l’Oscar du meilleur scénario adapté pour « L’œuvre de Dieu, la part du Diable ». Son œuvre, traduite dans une quarantaine de langues, est marquée par des thèmes récurrents : la Nouvelle-Angleterre, la lutte, l’absence parentale, les accidents tragiques et Vienne.
En 2019, Irving obtient la citoyenneté canadienne tout en conservant sa nationalité américaine. Il partage aujourd’hui son temps entre Toronto et Pointe au Baril, en Ontario, et continue à écrire, avec la publication en 2022 des « Fantômes de l’hôtel Jérôme ».
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Une prière pour Owen (1989)
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Résumé
Dans une petite ville du New Hampshire des années 1950, deux garçons de onze ans nouent une amitié indéfectible : John Wheelwright, issu d’une famille aristocratique, et Owen Meany, fils d’un modeste carrier. Owen, minuscule pour son âge et doté d’une voix suraiguë qui ne changera jamais, tue accidentellement la mère de John lors d’un match de baseball. Au lieu de briser leur amitié, ce drame la renforce. Owen, persuadé d’être l’instrument de Dieu, affirme connaître la date exacte de sa mort et commence à préparer ce qu’il nomme sa « mission divine ». Il insiste notamment pour que John et lui s’entraînent quotidiennement à un exercice particulier : John doit le soulever pour qu’il puisse dunker un ballon de basket en moins de quatre secondes.
Le récit se déroule sur trois décennies, entre 1950 et 1980. En toile de fond, l’Amérique traverse une période de bouleversements profonds : l’assassinat de Kennedy, la guerre du Vietnam, le scandale de l’Iran-Contra. Tandis que John cherche désespérément à découvrir l’identité de son père biologique – un secret que sa mère a emporté dans la tombe – Owen s’engage dans l’armée malgré l’opposition farouche de ses proches. Pourquoi Owen s’obstine-t-il à pratiquer cet étrange rituel du dunk ? Quelle est cette mission divine dont il se dit investi ? John, qui relate cette histoire depuis Toronto en 1987 où il s’est exilé, reste hanté par ces questions. Il sait seulement qu’Owen a transformé sa vie au point de le convertir à la foi chrétienne, lui qui ne croyait en rien.
Autour du livre
Ce roman tire son inspiration du « Tambour » de Günter Grass, ami proche de John Irving. Les personnages principaux des deux œuvres, Owen Meany et Oskar Matzerath, partagent les mêmes initiales et plusieurs caractéristiques. Irving confirme lui-même ces similitudes dans plusieurs entretiens, tout en soulignant que son récit suit une trame narrative indépendante.
L’originalité de la narration réside dans son entrelacement temporel. Le récit alterne entre deux périodes : le présent (1987), où John vit en exil volontaire à Toronto, et ses souvenirs d’enfance dans le New Hampshire. Cette structure permet de tisser des liens entre le passé et le présent, entre la foi et le doute, entre le destin individuel et l’histoire collective américaine. Les dialogues d’Owen se distinguent par leur typographie en majuscules, particularité qui rappelle la tradition biblique où les paroles du Christ apparaissent en rouge.
Les critiques soulignent la profondeur des thèmes abordés. Pour le New York Times, Irving s’inscrit dans la tradition des romanciers du XIXe siècle, particulièrement Dickens, en créant des personnages mémorables tout en distillant des leçons morales. The Guardian met en avant la construction méticuleuse du récit et sa réflexion sur la foi. Alfred Kazin note l’importance du contexte politique, notamment la guerre du Vietnam et les désillusions de l’Amérique des années 1960.
En 1998, Mark Steven Johnson réalise « Simon Birch », une version cinématographique qui s’éloigne significativement du roman, au point qu’Irving demande que le titre soit modifié. Le Royal National Theatre monte une adaptation théâtrale en 2002, et la BBC produit une version radiophonique en 2009. Le Book-It Repertory Theatre de Seattle crée « Owen Meany’s Christmas Pageant », adaptation du quatrième chapitre qui connaît sept représentations.
Aux éditions POINTS ; 752 pages.
2. Le monde selon Garp (1978)
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Résumé
En 1942, Jenny Fields, une infirmière de Boston qui souhaite devenir mère sans s’encombrer d’un homme, profite de l’érection d’un aviateur blessé au cerveau pour concevoir un enfant. Le garçon qui naît de cette union ne porte que les initiales de son père, le sergent-technicien Garp : T. S.
Après avoir choqué sa famille aisée par cette naissance hors mariage, Jenny prend un poste d’infirmière au prestigieux collège de Steering, où elle élève seule son fils. Garp grandit dans cet environnement singulier, découvre la lutte et se passionne pour l’écriture dans l’espoir de séduire Helen, la fille de son entraîneur.
Parallèlement, sa mère rédige une autobiographie, « Sexuellement suspecte », qui connaît un succès retentissant et fait d’elle une figure emblématique du féminisme. Tandis que Jenny devient malgré elle l’ambassadrice des femmes meurtries par la vie, Garp poursuit sa carrière d’écrivain tout en tentant désespérément de protéger ses proches d’un monde qu’il perçoit comme dangereux et hostile.
Autour du livre
Ce quatrième roman d’Irving puise sa source dans la propre expérience de l’auteur qui, comme son personnage principal, n’a jamais connu son père biologique. Sa mère, Frances Winslow, n’était pas mariée lors de sa conception, et le jeune Irving n’a jamais rien su de son géniteur. Enfant, il prévient sa mère que si elle ne lui donne pas d’informations sur son père biologique, il inventera les circonstances de sa conception dans ses écrits. La réponse de Winslow est éloquente : « Vas-y, mon chéri ». Cette genèse particulière imprègne l’ensemble du récit d’une authenticité troublante.
L’originalité du roman tient notamment à son mélange audacieux de tragique et de comique. Les situations les plus dramatiques côtoient des scènes d’un humour grinçant, un équilibre précaire entre rire et larmes. La mort elle-même devient parfois burlesque sous la plume d’Irving. Cette dualité se manifeste également dans la structure du livre qui intègre plusieurs récits enchâssés, dont « La Pension Grillparzer », première nouvelle de Garp, considérée comme son œuvre la plus aboutie. Le roman aborde également des thématiques sociétales majeures comme le féminisme, la violence sexuelle, l’identité de genre et la parentalité, à travers une galerie de personnages mémorables.
Les critiques littéraires ont largement salué le livre à sa sortie. William McPherson le qualifie de « roman merveilleux, plein d’énergie et d’art, drôle, terrifiant et déchirant à la fois ». Christopher Lehmann-Haupt considère « Le monde selon Garp » comme le meilleur roman d’Irving, soulignant sa capacité à faire rire le lecteur malgré les situations les plus folles. Mark Stevens loue quant à lui « le travail d’une imagination extravagante » et compare l’énergie débridée des dialogues à celle des Marx Brothers. Le roman reçoit le National Book Award en 1980.
L’adaptation cinématographique réalisée par George Roy Hill en 1982 met en scène Robin Williams dans le rôle de Garp et Glenn Close dans celui de Jenny Fields. Cette dernière, tout comme John Lithgow qui incarne Roberta Muldoon, est nommée aux Oscars pour sa performance. En 2014, BBC Radio 4 propose une adaptation radiophonique en trois parties avec Miranda Richardson dans le rôle de Jenny. Plus récemment, en 2015, HBO et Warner Brothers ont approché Irving pour développer une mini-série basée sur le roman, pour laquelle l’auteur a achevé le scénario en cinq parties en 2017.
Aux éditions POINTS ; 680 pages.
3. L’œuvre de Dieu, la part du Diable (1985)
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Résumé
Dans les années 1920, le Dr Wilbur Larch dirige l’orphelinat de Saint Cloud’s, un établissement isolé dans le Maine. Médecin obstétricien, il y pratique à la fois des accouchements et des avortements clandestins, considérant ces deux actes comme « l’œuvre de Dieu ».
Homer Wells, un orphelin né dans les années 1930, grandit dans cet environnement après plusieurs tentatives infructueuses d’adoption. Le Dr Larch le prend sous son aile et lui enseigne la médecine, notamment l’obstétrique. Malgré son attachement profond pour son mentor, Homer refuse catégoriquement de pratiquer des avortements.
Sa vie bascule le jour où un jeune couple, Wally Worthington et Candy Kendall, se présente à Saint Cloud’s pour interrompre une grossesse. Homer quitte Saint Cloud’s pour la première fois et les suit jusqu’à leur exploitation de pommes à Ocean View. Il y découvre une autre Amérique, tombe amoureux de Candy et s’initie au travail des vergers.
Quand Wally part combattre pendant la Seconde Guerre mondiale, la relation entre Homer et Candy prend un tournant inattendu. Pendant ce temps, à Saint Cloud’s, le Dr Larch, de plus en plus dépendant à l’éther, s’inquiète de sa succession. Homer devra alors choisir entre sa nouvelle vie et le destin que son mentor a tracé pour lui.
Autour du livre
John Irving puise dans son histoire familiale pour nourrir « L’œuvre de Dieu, la part du Diable ». Son grand-père, médecin, lui a fourni de nombreux renseignements médicaux qui donnent au roman son authenticité clinique. Le destin de Wally, abattu au-dessus de la Birmanie pendant la guerre, s’inspire directement de celui du père biologique d’Irving, qu’il n’a jamais connu.
L’avortement constitue la pierre angulaire du récit. À travers le prisme de cette question, Irving interroge la notion même de règles, qu’elles soient légales, morales ou sociales. Le titre original du roman, « The Cider House Rules », fait référence aux règlements affichés dans la maison des cueilleurs de pommes, des textes incompréhensibles pour ces travailleurs illettrés qui développent leurs propres codes de conduite. Cette métaphore illustre l’inadéquation entre les lois édictées par la société et les réalités du terrain.
Les personnages se construisent et évoluent autour de cette problématique centrale. Le Dr Larch incarne la figure du médecin engagé qui défie la loi pour venir en aide aux femmes, marqué par son expérience des avortements clandestins meurtriers. Homer Wells représente la conscience tourmentée, partagée entre ses convictions personnelles et la nécessité d’agir face à la souffrance d’autrui. Melony, orpheline au tempérament fougueux, apporte une dimension supplémentaire au récit en questionnant les notions d’abandon et de fidélité.
La critique salue unanimement la dimension humaniste du roman. Matthias Horx, dans le journal allemand Die Zeit, souligne qu’il s’agit d’un « roman sur les efforts interminables de l’émancipation sexuelle, sur le long chemin historique hors de la bigoterie ; écrit par un homme, avec un homme comme héros, pas du tout féministe et pourtant une œuvre enflammée pour les femmes. »
L’adaptation cinématographique de 1999 par Lasse Hallström, avec Tobey Maguire, Charlize Theron et Michael Caine, remporte un succès considérable. John Irving, qui signe lui-même le scénario, obtient l’Oscar de la meilleure adaptation en 2000. Il apparaît même brièvement à l’écran dans le rôle d’un chef de gare. Le film contribue largement à la popularité du roman, traduit dans seize langues, dont l’hébreu, le japonais et le finnois.
Aux éditions POINTS ; 832 pages.
4. L’hôtel New Hampshire (1981)
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Résumé
New Hampshire, années 1950. Win Berry, un professeur d’anglais insatisfait de sa vie, décide de transformer une ancienne école de filles en hôtel. Cette nouvelle aventure implique toute sa famille : sa femme Mary, leurs cinq enfants (Frank, l’aîné homosexuel ; Franny, la belle et rebelle ; John, le narrateur ; Lilly, qui a cessé de grandir ; et Egg, le benjamin fantasque), ainsi que le père de Win, Iowa Bob, entraîneur de football à la retraite.
L’établissement est baptisé « Hôtel New Hampshire », mais le rêve tourne court quand Win reçoit une lettre de Freud, un vieil ami juif autrichien rencontré dans sa jeunesse. Ce dernier l’invite à reprendre la direction de son hôtel à Vienne. Win n’hésite pas et embarque toute sa famille dans cette nouvelle aventure. Mais lors du voyage, un terrible drame survient : Mary et Egg périssent dans un accident d’avion.
À Vienne, la famille découvre un établissement pour le moins singulier : au premier étage logent des prostituées, au dernier des terroristes, et dans le hall trône une femme déguisée en ours. Cette configuration explosive préfigure des événements dramatiques qui marqueront à jamais la vie des Berry.
Autour du livre
Cinquième roman de John Irving, « L’hôtel New Hampshire » paraît en 1981, trois ans après le succès retentissant du « Monde selon Garp ». Ce nouveau livre naît d’une réécriture et d’un développement de la nouvelle « La Pension Grillparzer », qui apparaît dans « Le monde selon Garp » comme une création fictive du protagoniste. Irving y prolonge ses obsessions littéraires tout en les poussant vers de nouveaux territoires narratifs.
Le livre se distingue par sa capacité à mêler l’absurde et le tragique dans un équilibre délicat. Les situations loufoques – un ours qui fait de la moto, un chien empaillé qui revient hanter les vivants, une femme qui refuse d’ôter son costume d’ours – côtoient des thèmes d’une gravité extrême : le viol, l’inceste, le terrorisme, le suicide. Cette juxtaposition crée une tonalité unique où l’humour noir sert de baume aux blessures les plus profondes. Comme le déclare l’un des personnages : « Il est difficile et c’est un grand art de faire en sorte que la vie ne soit pas trop sérieuse. »
La famille constitue le cœur battant du récit. À travers les Berry, Irving brosse le portrait d’une tribu dysfonctionnelle mais profondément unie. Win, le père, incarne le rêveur américain par excellence, toujours en quête d’un ailleurs meilleur. Ses enfants, marqués chacun par leurs singularités, doivent apprendre à « continuer à passer devant les fenêtres ouvertes » – métaphore récurrente qui invite à persévérer malgré les épreuves. La structure même du roman, organisée autour de trois hôtels successifs, reflète cette quête perpétuelle d’un foyer idéal.
Les critiques de l’époque ont souligné la maestria avec laquelle Irving parvient à tenir ensemble les fils d’une narration qui aurait pu, entre les mains d’un auteur moins habile, sombrer dans le chaos. Le New York Times, sous la plume de John Leonard, salue particulièrement la manière dont « les épisodes, qu’ils se déroulent ou se dénouent, importent moins que dans leur narration magistrale ». Irving réussit à enchanter son lecteur malgré – ou grâce à – l’accumulation de situations improbables.
Une adaptation cinématographique voit le jour en 1984 sous la direction de Tony Richardson. Le film réunit un casting prestigieux avec Jodie Foster, Rob Lowe et Beau Bridges dans les rôles principaux. Bien que fidèle au roman, cette version n’a pas rencontré le même succès que le livre, illustrant la difficulté de transposer à l’écran l’équilibre subtil entre fantaisie et tragédie qui fait la force du texte d’Irving.
Aux éditions POINTS ; 608 pages.
5. Une veuve de papier (1998)
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Résumé
L’été 1958 bouleverse à jamais l’existence de Ruth Cole, quatre ans. Dans leur somptueuse demeure des Hamptons, ses parents Ted et Marion ne se remettent pas de la mort accidentelle de leurs deux fils adolescents. Les murs, tapissés de leurs photographies, perpétuent leur souvenir. Ted, écrivain reconnu de livres pour enfants, engage un assistant de seize ans, Eddie O’Hare. Ce choix n’est pas innocent : l’adolescent ressemble étrangement à l’un des fils disparus. Ted, séducteur invétéré, espère que cette ressemblance troublante poussera son épouse Marion à une liaison qui lui permettrait d’obtenir la garde exclusive de Ruth. Son plan fonctionne, mais pas comme prévu : après sa liaison avec Eddie, Marion s’enfuit, abandonnant sa fille.
Trente-deux ans plus tard, Ruth est devenue une romancière célèbre. Elle retrouve Eddie, lui aussi écrivain, alors qu’elle s’apprête à partir pour Amsterdam. Dans la capitale néerlandaise, où elle mène des recherches dans le quartier rouge pour son prochain roman, elle assiste par hasard au meurtre d’une prostituée. Témoin anonyme, elle aide la police à résoudre l’affaire. Ce séjour marque le début d’une quête plus intime : celle de sa mère disparue, dont elle a peut-être retrouvé la trace à travers des romans publiés sous pseudonyme.
Autour du livre
« Une veuve de papier » est un petit évènement dans la bibliographie de John Irving : il s’agit de son premier roman avec une femme comme personnage principal. Publié en 1998, il constitue son neuvième opus. Ses thèmes de prédilection s’y entrelacent : le deuil insurmontable d’un enfant, la création littéraire, l’importance des liens familiaux.
La particularité de cette œuvre réside dans sa construction en trois parties temporellement distinctes, chacune correspondant à un moment charnière de la vie de Ruth : son enfance marquée par l’abandon maternel, sa carrière d’écrivaine, et sa vie de veuve. Irving y brode une réflexion sur la nature autobiographique de la fiction à travers ses personnages, tous écrivains : Ted et ses livres pour enfants, Eddie et ses romans autobiographiques, Marion qui publie sous pseudonyme, et Ruth dont les œuvres mettent en scène des écrivains.
L’accueil critique se révèle contrasté. Certains saluent la capacité d’Irving à créer des personnages mémorables et à tisser des intrigues complexes. D’autres pointent la longueur du récit et son penchant pour les coïncidences improbables. La représentation des personnages féminins suscite également la controverse : là où certains voient en Ruth un personnage féminin crédible et authentique, d’autres critiquent une vision réductrice.
La première partie du roman a fait l’objet d’une adaptation cinématographique en 2004 sous le titre « Lignes de vie » (« The Door in the Floor ») par Tod Williams, avec Jeff Bridges et Kim Basinger dans les rôles principaux. Irving a participé à l’écriture du scénario. Le livre a connu un succès commercial notable, notamment en Allemagne où il a occupé pendant dix-neuf semaines la première place de la liste des best-sellers du magazine Der Spiegel en 1999.
Aux éditions POINTS ; 672 pages.
6. Dernière nuit à Twisted River (2009)
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Résumé
En 1954, dans une communauté forestière isolée du New Hampshire, Dominic Baciagalupo travaille comme cuisinier pour les bûcherons de Twisted River. Veuf depuis dix ans, il élève seul son fils Daniel, âgé de douze ans. Une nuit, le jeune garçon tue accidentellement la compagne du policier local en la confondant avec un ours. Cet événement tragique contraint le père et le fils à fuir précipitamment. Leur seul allié est Ketchum, un bûcheron bourru au grand cœur qui surveille de loin les agissements du policier revanchard.
Pendant cinquante ans, Dominic et Daniel changent régulièrement d’identité et de ville, passant de Boston à l’Iowa, puis au Vermont et enfin à Toronto. Daniel devient un écrivain reconnu sous le pseudonyme de Danny Angel, auteur de huit romans semi-autobiographiques. Malgré leurs précautions et les changements d’identité successifs, le policier vengeur ne renonce jamais à les retrouver.
Autour du livre
John Irving a mis vingt ans à concevoir et écrire « Dernière nuit à Twisted River ». L’idée d’un roman mettant en scène un cuisinier et son fils contraints à la fuite germait dans son esprit depuis 1986. La dernière phrase du livre lui est venue en janvier 2005 en écoutant « Tangled Up in Blue » de Bob Dylan dans sa voiture. Les paroles évoquant un cuisinier travaillant dans les bois du Nord ont déclenché l’inspiration finale, permettant à Irving de commencer l’écriture en août 2005.
L’histoire suit une construction temporelle non linéaire, avec des sauts chronologiques de dix à trente ans. Cette structure narrative permet à Irving de déployer plusieurs niveaux de suspense et d’ironie. Le roman met en scène une réflexion sur l’écriture à travers le personnage de Danny Angel, dont la carrière d’écrivain suit un parcours étrangement similaire à celui d’Irving : même âge, même école préparatoire d’Exeter, même enseignant (Kurt Vonnegut) à l’Université d’Iowa, même succès avec leur quatrième roman respectif.
Le livre s’inscrit dans la lignée des thèmes chers à Irving : la Nouvelle-Angleterre, les familles dysfonctionnelles, la présence d’ours, les accidents tragiques, l’initiation sexuelle précoce. Comme dans « L’hôtel New Hampshire », les relations incestueuses font partie de la trame narrative. La relation père-fils entre Dominic et Danny constitue néanmoins une nouveauté dans l’œuvre d’Irving, qui privilégiait jusqu’alors les relations mère-fils en l’absence du père.
La réception critique s’est montrée partagée. The Independent l’a salué comme l’œuvre la plus puissante d’Irving à ce jour, louant sa capacité à fusionner les petits détails avec les événements significatifs. The Dallas Morning News a apprécié sa version moderne du thème de la fuite et de la vengeance. En revanche, The New York Times a regretté qu’une édition plus rigoureuse n’ait pas permis au roman d’égaler les œuvres majeures d’Irving comme « Le monde selon Garp » ou « Une veuve de papier ». Le St. Petersburg Times l’a qualifié d’histoire « lâche et diffuse en quête d’un centre ».
Aux éditions POINTS ; 696 pages.