Gaëlle Josse, née le 22 septembre 1960, est une femme de lettres française. Après des études de droit, de journalisme et de psychologie clinique, elle passe quelques années en Nouvelle-Calédonie avant de s’installer à Paris où elle travaille comme rédactrice pour un site Internet. Elle anime également des ateliers d’écoute musicale et d’écriture pour adultes et adolescents.
Venue à la littérature par la poésie dans les années 2000, elle publie son premier roman « Les heures silencieuses » en 2010, qui remporte plusieurs distinctions. Son roman « Le dernier gardien d’Ellis Island » (2014) connaît un franc succès et reçoit le Prix de littérature de l’Union européenne en 2015. Parmi ses œuvres marquantes figurent également « Une femme en contre-jour » (2019), biographie de la photographe Vivian Maier, « Ce matin-là » (2021) qui aborde le thème du burn-out, et « La nuit des pères » (2022).
Ses romans, traduits en plusieurs langues et étudiés dans de nombreux lycées français, lui ont valu de nombreuses récompenses littéraires. Elle est Chevalier des Arts et Lettres et Chevalier de la Légion d’Honneur. En 2024, elle publie un recueil de nouvelles intitulé « À quoi songent-ils, ceux que le sommeil fuit ? ».
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Une longue impatience (2018)
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Dans un village breton au début des années 1950, Anne vit avec son second mari Étienne, pharmacien du bourg, et leurs deux jeunes enfants. Son fils aîné Louis, né d’une première union avec un marin disparu en mer pendant la guerre, peine à trouver sa place dans cette nouvelle famille bourgeoise. Un soir d’avril, après une violente dispute avec son beau-père, l’adolescent de seize ans ne rentre pas.
Anne découvre que son fils s’est embarqué sur un cargo. Commence alors pour elle une attente déchirante qui va consumer ses jours. Chaque matin, elle scrute l’horizon depuis la falaise, guette le retour des bateaux. Pour tenir, elle se réfugie dans son ancienne maison de pêcheur et écrit à Louis de longues lettres où elle lui décrit les festivités qu’elle prépare pour son retour. Mais les années passent et Louis demeure silencieux.
Ce roman sobre et poignant sur l’amour maternel a reçu le Prix du public du Salon du livre de Genève. À travers le portrait de cette mère écartelée entre deux mondes – celui modeste des marins dont elle est issue et l’univers bourgeois de son second mariage – se dessine la Bretagne d’après-guerre avec ses codes sociaux rigides et ses drames ordinaires. Le texte se fait l’écho des nombreuses femmes de cette époque qui, comme Anne, ont attendu le retour d’un homme parti en mer.
Aux éditions J’AI LU ; 192 pages.
2. La nuit des pères (2022)
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En août 2020, Isabelle reçoit l’appel de son frère Olivier qui la presse de revenir dans leur village natal des Alpes. Leur père, jadis guide de montagne respecté, montre les premiers signes de la maladie d’Alzheimer. À contrecœur, Isabelle quitte Paris pour retrouver cette maison d’enfance qu’elle a fuie des années plus tôt.
Ce retour la replonge dans ses souvenirs douloureux auprès d’un père dur et violent qui ne lui a jamais témoigné la moindre affection. Entre les murs de la demeure familiale, les blessures du passé refont surface : les cris nocturnes inexpliqués de son père, sa colère permanente, ses paroles destructrices. Tandis qu’Olivier est resté proche de lui, Isabelle a choisi l’exil et une carrière de documentariste sous-marine, aux antipodes de ces montagnes qu’elle exècre.
Face à ce père diminué par la maladie, la rage d’Isabelle laisse peu à peu place à l’écoute. Au fil des jours, l’homme livrera enfin le secret qui l’a rongé toute sa vie : un traumatisme vécu pendant la guerre d’Algérie qui a empoisonné son existence et celle de sa famille.
Ce huis clos familial dévoile avec une rare justesse comment les non-dits et les traumatismes se transmettent silencieusement d’une génération à l’autre. La maladie d’Alzheimer devient paradoxalement le catalyseur d’une parole trop longtemps retenue, ouvrant peut-être la voie à une forme de réconciliation.
Aux éditions J’AI LU ; 192 pages.
3. Le dernier gardien d’Ellis Island (2014)
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En novembre 1954, Ellis Island s’apprête à fermer définitivement ses portes. Cette île au large de Manhattan, point d’entrée de millions d’immigrants aux États-Unis depuis 1892, s’apprête à tourner une page de son histoire. John Mitchell, son directeur et dernier gardien, dispose de neuf jours avant de quitter ce lieu qui a absorbé quarante-cinq années de sa vie.
Seul dans les couloirs déserts du centre d’immigration, Mitchell entreprend la rédaction d’un journal. Il y consigne ses souvenirs les plus marquants : son mariage avec Liz, une infirmière emportée par une épidémie de typhus, et sa rencontre bouleversante avec Nella, une mystérieuse immigrante sarde. Entre devoir et transgression, ce fonctionnaire rigoureux se découvre hanté par des choix qui n’ont cessé de le tourmenter.
À travers ce récit intime se dessine l’histoire d’Ellis Island, surnommée « l’île aux vingt-neuf questions » – en référence à l’interrogatoire qui décidait du sort des arrivants. Un lieu où se sont entremêlés espoirs et désespoirs, où des milliers d’Européens fuyant la misère ont tout quitté pour tenter leur chance en Amérique.
Finaliste du Prix des Libraires 2015, ce livre naît de l’émotion ressentie par Gaëlle Josse lors de sa visite d’Ellis Island. En mêlant personnages fictifs et réels – comme le photographe Frederick Sherman qui immortalisa les visages des migrants – elle donne chair à un pan de l’histoire américaine qui résonne fortement avec les enjeux migratoires actuels.
Aux éditions J’AI LU ; 192 pages.
4. Noces de neige (2013)
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En 1881, Anna Alexandrovna, jeune aristocrate russe au physique ingrat, quitte Nice avec sa famille pour regagner Saint-Pétersbourg après leur villégiature hivernale. Durant les cinq jours de trajet à bord du train de luxe, elle rêve de retrouver Dimitri, un ami de son frère dont elle s’est éprise. Mais les révélations qui surgiront pendant ce voyage bouleverseront à jamais son existence.
Cent trente ans plus tard, en 2012, Irina Tanaiev monte dans le même train mais en sens inverse, de Moscou vers Nice. Cette jeune Russe désargentée a correspondu pendant six mois avec Enzo, un Français rencontré sur internet. Elle quitte tout pour le rejoindre, portée par l’espoir d’une vie meilleure. Le chef de bord, Sergueï, va cependant faire vaciller ses certitudes.
Gaëlle Josse signe en 2013 ce huis clos ferroviaire qui culmine dans un dénouement qui noue ces trajectoires en miroir. À plus d’un siècle d’intervalle, ces deux femmes que tout sépare – leur époque, leur milieu social, leur apparence – vont voir leur destin basculer dans ce train qui relie la Russie à la France.
Aux éditions J’AI LU ; 123 pages.
5. Ce matin-là (2021)
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Ce matin d’octobre 2018, la voiture de Clara refuse de démarrer. Un incident anodin qui fait tout basculer pour cette conseillère bancaire de 35 ans. Incapable de se rendre au travail, elle s’effondre dans son appartement, terrassée par un burn-out qu’elle n’a pas vu venir.
Douze ans plus tôt, Clara avait renoncé à son rêve d’enseigner le français à l’étranger suite à l’AVC de son père, choisissant de rester près de sa famille. Depuis, elle s’est construite une carrière brillante dans la finance, enchaînant les promotions malgré une cheffe tyrannique et des objectifs toujours plus exigeants. Mais ce matin-là, son corps dit stop. Son compagnon Thomas, déstabilisé par ce changement brutal, s’éloigne peu à peu. C’est auprès de Cécile, son amie d’enfance vivant à la campagne, que Clara trouvera peut-être un nouveau souffle.
Avec cette histoire de chute et de renaissance, que François Busnel qualifie de « véritable caresse sur l’épaule du lecteur », Gaëlle Josse aborde un mal contemporain qui touche de plus en plus de personnes, particulièrement dans le monde de l’entreprise. Sans tomber dans le misérabilisme, elle décrit les mécanismes invisibles qui mènent à l’épuisement professionnel et questionne nos choix de vie face aux injonctions de performance.
Aux éditions J’AI LU ; 224 pages.
6. L’ombre de nos nuits (2016)
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En 1639, dans une Lorraine ravagée par la guerre de Trente Ans, Georges de la Tour s’attelle à la création d’un nouveau tableau : « Saint Sébastien soigné par Irène ». Dans son atelier de Lunéville, le peintre fait poser sa fille Claude pour incarner Irène, tandis que le fils d’un voisin prête ses traits à Saint Sébastien. Laurent, son jeune apprenti orphelin, observe avec attention le travail du maître tout en nourrissant un amour secret pour Claude.
Au printemps 2014, une femme entre par hasard au musée des Beaux-Arts de Rouen pour tuer le temps avant son train. Face à la toile de Georges de la Tour, elle se trouve soudain submergée par les souvenirs d’une relation amoureuse destructrice. Le regard d’Irène sur le saint blessé fait ressurgir sa propre histoire : celle d’un amour à sens unique pour un homme qu’elle n’a pas su guérir de ses tourments.
À travers ces deux récits qui s’entrelacent, le tableau devient le point de convergence entre la quête artistique d’un peintre avide de reconnaissance et l’introspection douloureuse d’une femme confrontée à ses échecs amoureux. Les thèmes de la compassion, du don de soi et de la guérison traversent les siècles, tandis que la lumière si caractéristique des œuvres de Georges de la Tour éclaire autant qu’elle dissimule.
Ce cinquième roman de Gaëlle Josse, publié en 2016, poursuit le travail entamé dans « Les heures silencieuses » où l’art pictural servait déjà de catalyseur narratif. Le roman a séduit la critique par sa capacité à faire dialoguer les époques sans artifice, tout en offrant un éclairage saisissant sur le processus créatif d’un des plus grands peintres français du XVIIe siècle.
Aux éditions J’AI LU ; 192 pages.
7. Les heures silencieuses (2010)
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Dans le Delft prospère du XVIIe siècle, Magdalena van Beyeren tient un journal intime. Fille d’un riche armateur de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, cette femme de 36 ans a grandi en assistant son père dans la gestion des affaires maritimes. Mais son destin bascule : née femme, elle ne peut lui succéder malgré ses talents. Elle épouse alors Pieter, un capitaine qui reprend l’entreprise familiale.
Du 12 novembre au 16 décembre 1667, Magdalena confie au papier ses joies et ses peines. Entre ses cinq enfants survivants et les quatre autres perdus en bas âge, elle raconte son quotidien de maîtresse de maison. La dernière grossesse manque de lui coûter la vie. Son mari décide alors de ne plus partager sa couche, la condamnant à une solitude précoce. Dans l’intimité de sa chambre, aux heures silencieuses, elle livre ses secrets les plus intimes, notamment un drame dont elle fut témoin enfant.
Ce premier roman de Gaëlle Josse naît d’une contemplation : celle du tableau « Intérieur avec une femme jouant du virginal » d’Emmanuel de Witte. L’autrice imagine alors l’histoire de cette mystérieuse femme peinte de dos, dans un dialogue entre peinture et littérature. À travers ce journal fictif transparaît toute la complexité de la condition féminine dans la société néerlandaise du Siècle d’or.
Aux éditions J’AI LU ; 96 pages.