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Edmond Rostand en 3 pièces de théâtre – Notre sélection

Edmond Rostand en 3 pièces de théâtre – Notre sélection

Edmond Rostand naît le 1er avril 1868 à Marseille dans une famille bourgeoise. Après des études au lycée Thiers puis au collège Stanislas à Paris, il se tourne vers la poésie malgré le souhait de son père de le voir devenir diplomate. En 1890, il épouse la poétesse Rosemonde Gérard, avec qui il aura deux fils.

Sa carrière littéraire décolle en 1894 avec « Les Romanesques », mais c’est « Cyrano de Bergerac » qui le propulse vers la gloire en 1897. La première représentation est un triomphe retentissant qui redonne espoir à une France encore marquée par la défaite de 1870. En 1900, il connaît un nouveau succès avec « L’Aiglon », écrit pour Sarah Bernhardt. Réussite qui lui ouvre les portes de l’Académie française en 1901.

En 1910, il crée « Chantecler », une pièce audacieuse où tous les personnages sont des animaux, qui reçoit un accueil mitigé. Pendant la Première Guerre mondiale, Rostand s’implique fortement dans le soutien aux soldats français. Il quitte Rosemonde en 1915 pour l’actrice Mary Marquet. Le 2 décembre 1918, alors que la guerre vient de s’achever, il meurt à Paris, emporté par la grippe espagnole. Il repose au cimetière Saint-Pierre de Marseille, sa ville natale.

Voici notre sélection de ses pièces de théâtre majeures.


1. Cyrano de Bergerac (1897)

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Résumé

Paris, 1640. Cyrano de Bergerac, poète et cadet de Gascogne à l’esprit vif mais affligé d’un nez démesuré, aime secrètement sa cousine Roxane. Lorsque Roxane lui avoue son inclination pour le séduisant mais peu éloquent Christian de Neuvillette, Cyrano décide d’aider ce dernier en lui prêtant sa verve poétique. Par ses lettres enflammées signées du nom de Christian, il conquiert le cœur de Roxane qui finit par aimer l’âme plus que l’apparence. Le comte de Guiche, éconduit par Roxane, envoie les deux hommes au front. Christian meurt au siège d’Arras sans que Cyrano n’ait révélé être l’auteur des lettres. Ce n’est que quinze ans plus tard, alors que Roxane vit recluse dans un couvent, qu’elle découvre la vérité au chevet de Cyrano mourant.

Autour de la pièce

Chef-d’œuvre du théâtre français créé le 28 décembre 1897 au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, « Cyrano de Bergerac » marque l’apogée de la carrière d’Edmond Rostand. Cette comédie héroïque en cinq actes, écrite en alexandrins, s’inspire librement de la vie du poète libertin Savinien de Cyrano de Bergerac (1619-1655).

Le contexte historique de sa création s’avère particulièrement morose : la France, encore meurtrie par la défaite de 1870, traverse une période troublée marquée par l’affaire Dreyfus et les attentats anarchistes. Le succès inattendu de la pièce répond au besoin d’idéal du public. Face aux vaudevilles et au théâtre naturaliste alors en vogue, Rostand propose un retour au romantisme qui séduit immédiatement. Dès la première, le triomphe est total : vingt minutes d’applaudissements ininterrompus saluent la fin de la représentation. La reconnaissance officielle suit rapidement : Rostand reçoit la Légion d’honneur le 1er janvier 1898.

Le personnage de Cyrano incarne de multiples facettes qui en font une figure complexe et attachante. Héros romantique par excellence, il allie le grotesque de sa disgrâce physique au sublime de son sens du sacrifice. Son panache, qu’il définit comme « l’esprit de la bravoure », devient sa marque distinctive. Maître du verbe, il prononce environ 1600 vers dans la pièce, maniant tour à tour chronique, pastiche et séduction. Le pacte faustien qui le lie à Christian jusqu’à leur mort ajoute une dimension tragique au personnage.

Si Rostand prend certaines libertés avec la réalité historique, plusieurs éléments authentiques nourrissent l’intrigue : l’amitié avec Le Bret, la participation au siège d’Arras, la mort due à un coup à la tête. Le personnage de Roxane fusionne deux figures historiques : Madeleine Robineau, cousine de Cyrano, et Marie Robineau, une précieuse connue sous le nom de Roxane.

Le succès ne s’est jamais démenti : jouée plus de 400 fois entre 1897 et 1899, la pièce atteint sa millième représentation en 1913. Elle est rapidement traduite et adaptée à l’international : théâtre, opéra, cinéma et télévision s’en emparent. Parmi les adaptations cinématographiques marquantes figurent les versions de 1950 avec José Ferrer (Oscar du meilleur acteur) et de 1990 avec Gérard Depardieu.

La complexité de la mise en scène – cinquante personnages, décors multiples, scènes de bataille – n’a pas empêché « Cyrano de Bergerac » de devenir la pièce la plus jouée du répertoire français. Son mélange des genres, alternant farce et tragédie, scènes intimistes et tableaux collectifs, en fait une œuvre inclassable qui transcende les catégories traditionnelles du théâtre.

Aux éditions FOLIO ; 461 pages.


2. L’Aiglon (1900)

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Résumé

L’action se déroule entre 1830 et 1832, principalement au palais de Schönbrunn, près de Vienne. Le duc de Reichstadt, fils de Napoléon Ier surnommé « l’Aiglon », étouffe sous la tutelle du prince de Metternich qui l’utilise comme un pion diplomatique contre la France de Louis-Philippe. Déchiré entre son identité française et son éducation autrichienne, le jeune homme tente d’abord de convaincre son grand-père, l’empereur Franz, de lui restituer son héritage. Suite à l’échec de cette démarche, il accepte l’aide de Séraphin Flambeau, un ancien soldat de Napoléon infiltré comme laquais, pour organiser son évasion. La tentative de fuite, soutenue par sa cousine la comtesse Camerata, se solde par un échec dans la plaine de Wagram. Miné par la maladie, le duc s’éteint dans sa chambre de Schönbrunn, emportant avec lui ses rêves de gloire et son désir de marcher dans les pas de son père.

Autour de la pièce

« L’Aiglon » se distingue d’emblée par sa distribution exceptionnelle lors de sa création au théâtre Sarah-Bernhardt le 15 mars 1900. Sarah Bernhardt elle-même incarne le rôle-titre en travesti, aux côtés de Lucien Guitry dans le rôle de Flambeau. Ce drame en six actes, écrit en alexandrins, déploie une structure métaphorique autour du thème des ailes, chaque acte portant un titre évocateur : « Les ailes qui poussent », « Les ailes qui battent », « Les ailes qui s’ouvrent », « Les ailes meurtries », « Les ailes brisées » et « Les ailes fermées ».

La pièce connaît un succès retentissant dès sa création. Elle résonne particulièrement avec le contexte politique de l’époque, ravivant le sentiment national français dans une période marquée par les tensions avec la Prusse et la perte de l’Alsace-Lorraine. La tirade de Flambeau à l’acte II, scène 9, « Nous, les petits, les obscurs, les sans-grades… », devient instantanément célèbre.

Rostand, issu d’une famille bonapartiste et marié à la petite-fille d’un officier impérial, s’inscrit dans une tradition d’œuvres célébrant la figure de Napoléon et de son héritier. Il transforme l’histoire du duc de Reichstadt en une méditation sur l’identité et l’héritage, où le protagoniste se trouve perpétuellement tiraillé entre ses origines françaises et son éducation autrichienne. La tension dramatique culmine lors de la scène du miroir avec Metternich, où le jeune homme se trouve confronté aux reflets de ses ancêtres aliénés.

La pièce brille également par sa dimension spectaculaire, mobilisant plus de cinquante acteurs et déployant des scènes d’ampleur comme le bal masqué dans les ruines artificielles du jardin de Schönbrunn ou la vision hallucinée de la bataille de Wagram. Interdite sous l’Occupation, elle retrouve un second souffle à la Libération avec deux années consécutives de représentations au Châtelet devant des salles combles.

Au cinéma, plusieurs adaptations voient le jour, notamment celle de Viktor Tourjanski en 1931 avec Jean Weber. La musique s’empare également du sujet avec l’opéra d’Arthur Honegger et Jacques Ibert, créé à Monte-Carlo en 1937. La pièce continue de fasciner les metteurs en scène contemporains, comme en témoignent les nombreuses reprises au théâtre, de Jacques Sereys en 1969 au Châtelet jusqu’à Maryse Estier en 2021 au théâtre Montansier de Versailles.

Aux éditions FLAMMARION ; 458 pages.


3. Chantecler (1910)

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Résumé

« Chantecler » met en scène un coq convaincu que son chant provoque le lever du jour. Maître incontesté de sa basse-cour, il partage ce secret avec une faisane dont la beauté l’a séduit. Cette confidence, surprise par le merle moqueur, déclenche un complot orchestré par les oiseaux de nuit qui haïssent la lumière. Lors d’une réception chez la pintade, symbole du snobisme mondain, Chantecler affronte leurs railleries puis triomphe d’un coq de combat. Retiré dans la forêt avec la faisane, il découvre que le soleil se lève sans lui. Malgré cette désillusion, il choisit de retourner à la ferme, comprenant que son rôle est d’éveiller les créatures au jour nouveau. La faisane, d’abord blessée par son choix, finit par se sacrifier pour le sauver d’un chasseur.

Autour de la pièce

Edmond Rostand entreprend la rédaction de « Chantecler » en 1902, à l’âge de 34 ans, après les succès retentissants de « Cyrano » et « L’Aiglon ». Cette pièce monumentale, qui nécessite huit années de travail, traduit son profond attachement à la campagne française et sa critique acerbe du cynisme grandissant dans la société parisienne.

La création de « Chantecler » constitue un défi titanesque : plus de 70 personnages, 195 costumes nécessitant 35 000 heures de travail, des retards répétés qui attisent la curiosité du public. Les moyens déployés sont si considérables qu’ils rendront les futures reprises extrêmement rares. Initialement écrite pour Benoît-Constant Coquelin, dit « Coq », la pièce perd son interprète idéal lorsque celui-ci meurt en 1909 alors qu’il tient dans ses mains le manuscrit.

La première représentation, le 7 février 1910 au théâtre de la Porte-Saint-Martin, reçoit un accueil mitigé. Le public parisien, se sentant visé par la satire sociale, manifeste une certaine froideur. L’interprétation peu inspirée de Lucien Guitry dans le rôle-titre contribue également à ce demi-succès. Il faudra attendre 1927 et une nouvelle distribution avec Victor Francen pour que la pièce connaisse une véritable reconnaissance.

À travers cette fable animalière, Rostand dépeint une galerie de personnages symboliques : Chantecler incarne l’idéalisme et la sincérité spirituelle, le merle représente le cynisme mondain, la pintade symbolise le snobisme bourgeois, tandis que Patou, le chien fidèle, personnifie la loyauté et la clairvoyance. Les oiseaux de nuit, comploteurs acharnés, manifestent la haine de tout ce qui brille.

Le conflit entre l’idéalisme de Chantecler et le cynisme de ses détracteurs résonne comme une métaphore de la lutte éternelle entre sincérité artistique et conformisme social. La dimension autobiographique transparaît également : les angoisses créatives de Rostand, ses problèmes de santé et son perfectionnisme obsessionnel trouvent un écho dans les tourments de son protagoniste.

La pièce a connu plusieurs adaptations notables, dont un long-métrage d’animation de Don Bluth en 1991, « Rock-o-rico », et un téléfilm réalisé par Jean-Christophe Averty en 1977. Disney envisagea même une adaptation animée dans les années 1960, finalement abandonnée au profit de « L’Épée dans la pierre » de Terence Hanbury White qui donnera « Merlin l’Enchanteur ». Walt Disney lui-même exprima ses réserves, estimant qu’un coq ne suscitait pas suffisamment d’empathie comme personnage principal.

Aux éditions FLAMMARION ; 366 pages.

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