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Betty Smith en 3 romans – Notre sélection

Betty Smith en 3 romans – Notre sélection

Betty Smith (née Elisabeth Wehner) naît le 15 décembre 1896 à Brooklyn, dans une famille d’immigrants allemands. Elle grandit dans la pauvreté mais développe très tôt une passion pour la littérature, fréquentant assidûment la bibliothèque municipale de son quartier.

En 1919, elle épouse George H. E. Smith et s’installe avec lui à Ann Arbor, Michigan, où elle donne naissance à deux filles. Malgré ses responsabilités familiales, elle poursuit ses études à l’université du Michigan, suivant des cours de journalisme, de littérature et de théâtre. Après sa séparation en 1933 et son divorce en 1938, elle s’installe à Chapel Hill, Caroline du Nord, où elle se consacre à l’écriture.

Le succès arrive en 1943 avec la publication de son roman le plus célèbre, « Le Lys de Brooklyn », largement inspiré de sa propre enfance. Best-seller vendu à plus de six millions d’exemplaires, il est adapté au cinéma par Elia Kazan en 1945. Elle publie ensuite trois autres romans : « Tout ira mieux demain » (1947), « Maggy la Douce » (1958) et « La Joie du matin » (1963).

Sa vie privée est marquée par trois mariages : après George Smith, elle épouse Joseph Piper Jones en 1943, dont elle divorce en 1951, puis Robert Voris Finch en 1957, qui décède moins de deux ans plus tard. Betty Smith s’éteint d’une pneumonie le 17 janvier 1972 à Shelton, Connecticut, à l’âge de soixante-quinze ans, laissant derrière elle une œuvre qui continue de toucher les lecteurs par sa sensibilité et son authenticité.

Voici notre sélection de ses romans majeurs.


1. Le Lys de Brooklyn (1943)

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Résumé

Brooklyn, 1912. Francie Nolan, onze ans, grandit dans le quartier pauvre de Williamsburg. Fille d’immigrants de première génération, elle vit avec son frère Neeley et leurs parents aux moyens très limités. Sa mère Katie, femme de ménage pragmatique infatigable, porte la famille à bout de bras, tandis que son père Johnny, serveur-chanteur charismatique mais alcoolique, apporte plus de joie que d’argent au foyer.

Dans ce quotidien marqué par la pauvreté, Francie trouve son échappatoire dans la lecture. Chaque jour, elle emprunte un livre à la bibliothèque et s’impose de lire l’intégralité des ouvrages par ordre alphabétique. Le soir, sur ordre maternel, elle et son frère récitent une page de la Bible et une page de Shakespeare – Katie est convaincue que l’éducation représente leur seule chance de s’extraire de la misère.

Le jour où Johnny meurt de pneumonie liée à son alcoolisme, alors que Katie est enceinte d’un troisième enfant, la famille sombre davantage dans les difficultés. Francie, désormais adolescente, doit abandonner l’école pour travailler. Pourtant, à l’instar des plantes qui poussent obstinément entre les pavés du quartier, elle refuse de renoncer à ses ambitions. Déterminée à parfaire son éducation malgré les obstacles, Francie devra faire preuve d’une volonté extraordinaire pour transformer son rêve en réalité et s’élever au-dessus de sa condition sociale.

Autour du livre

Betty Smith a largement puisé dans sa propre enfance à Brooklyn pour façonner son roman semi-autobiographique. Le manuscrit, initialement intitulé « They Lived in Brooklyn », fut soumis aux éditeurs dès 1940 sous forme de récit non-fictionnel. Après plusieurs refus, elle l’inscrivit à un concours organisé par Harper & Brothers en 1942. Sur les conseils des éditeurs, elle remania en profondeur son texte, le reclassifia comme roman et modifia son titre. À sa parution en 1943, le succès fut immédiat et considérable.

« Le Lys de Brooklyn » dépeint avec une acuité remarquable la vie dans les quartiers pauvres de New York au début du XXe siècle. Smith y documente la condition des immigrants de première génération, leurs luttes quotidiennes, leurs espoirs et leurs stratégies de survie. Elle y présente un tableau sans complaisance mais jamais misérabiliste de la pauvreté urbaine en montrant comment les habitants de Williamsburg s’accrochent à leur dignité malgré le dénuement. À travers le microcosme familial des Nolan, elle esquisse les grandes mutations de la société américaine : l’industrialisation, les luttes syndicales, la Première Guerre mondiale, l’émancipation féminine naissante.

Le thème central du livre, symbolisé par l’arbre du titre original – « A Tree Grows in Brooklyn » – est la résilience face à l’adversité. Cet arbre, seul capable de pousser dans le ciment, représente la capacité de Francie à survivre et à s’épanouir malgré un environnement défavorable. Smith confronte les visions du monde pragmatique de Katie et idéaliste de Johnny, suggérant que les deux approches sont nécessaires à la survie. La question de l’éducation comme vecteur d’ascension sociale constitue également un fil conducteur essentiel, reflétant l’importance du « rêve américain » pour les descendants d’immigrants.

« Il y a un arbre qui pousse à Brooklyn. Certaines personnes l’appellent l’arbre du ciel. Peu importe où la graine tombe, elle donne un arbre qui s’efforce d’atteindre le ciel. Elle pousse dans les friches clôturées de planches et les tas d’ordures abandonnés. Elle sort des grilles de caves. C’est le seul arbre qui pousse dans le ciment. Il devient luxuriant… survit sans soleil, sans eau et, apparemment, sans terre. Il serait beau, s’il n’y en avait pas trop. »

Dès sa publication, « Le Lys de Brooklyn » a provoqué un engouement considérable, notamment parmi les soldats américains de la Seconde Guerre mondiale. L’édition spéciale distribuée aux forces armées, conçue pour tenir dans la poche d’un uniforme, a touché ces hommes loin de leur foyer. Un Marine écrivit à Smith : « Je ne peux pas expliquer la réaction émotionnelle qui s’est produite dans ce cœur mort qui est le mien ».

Au fil des décennies, le roman a acquis le statut de classique de la littérature américaine, étudié dans les universités au même titre que « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur » de Harper Lee. Les critiques contemporains saluent sa capacité à transcender son ancrage historique grâce à l’universalité de ses thèmes. Comme l’écrit la romancière Anna Quindlen dans sa préface, « peu importe sa condition sociale, chacun peut se reconnaître en Francie Nolan. » Sa force réside dans sa capacité à transformer une histoire de pauvreté urbaine en une célébration de la dignité et de la persévérance.

En 1945, Elia Kazan en tire un film éponyme qui remporte lui aussi un triomphe critique et public. James Dunn y incarne le père Johnny et remporte l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle, tandis que Peggy Ann Garner, interprétant Francie, reçoit un Oscar spécial pour son interprétation exceptionnelle en tant qu’enfant actrice. William Meade Prince l’adapte également en bande dessinée en 1944, distribuée par King Features.

En 1951, « Le Lys de Brooklyn » connaît une nouvelle vie sous forme de comédie musicale à Broadway, produite et mise en scène par George Abbott, avec une musique d’Arthur Schwartz et une chorégraphie de Herbert Ross. Shirley Booth y tient la vedette, aux côtés de Marcia van Dyke et de la jeune Nomi Mitty dans le rôle de Francie. La pièce est jouée durant 267 représentations. Plus tard, en 1974, une adaptation télévisuelle reprend le scénario du film, avec Cliff Robertson et Pamelyn Ferdin dans les rôles principaux.

Aux éditions 10/18 ; 696 pages.


2. Tout ira mieux demain (1947)

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Résumé

Brooklyn, années 1920. Margy Shannon, une jeune femme de dix-sept ans, quitte l’école après deux ans de lycée pour travailler dans une entreprise de vente par correspondance. Chaque soir, elle repousse son retour au domicile familial, préférant errer dans les rues froides plutôt que d’affronter l’atmosphère étouffante qui règne chez elle. Sa mère, Flo, femme amère et frustrée, domine le foyer de ses perpétuelles récriminations, tandis que son père, Henny, se réfugie dans de longues absences.

Animée d’un optimisme tenace, Margy s’accroche à un rêve simple : échapper à la misère qui a brisé ses parents. Elle aspire à rencontrer un mari aimant, fonder une famille heureuse et habiter une maison où ses enfants ne connaîtront jamais « la terreur du manque ». C’est avec cet espoir qu’elle se tourne vers Frankie Malone, le premier garçon qui la courtise, lui aussi issu d’un milieu modeste.

Leur mariage, conclu rapidement, devient vite une nouvelle source de désillusions. L’incompatibilité entre les époux se révèle profonde, tant sur le plan émotionnel que physique. Lorsqu’une tragédie frappe le couple, Margy doit affronter une réalité douloureuse. Son mantra « tout ira mieux demain » suffira-t-il à surmonter les obstacles qui se dressent devant elle ?

Autour du livre

« Tout ira mieux demain », le second roman de Betty Smith, paraît en 1947, seulement quatre ans après l’immense succès de « Le Lys de Brooklyn ». Elle puise une nouvelle fois dans sa propre expérience du Brooklyn populaire du début du XXe siècle. Née en 1896, mariée en 1919 puis divorcée en 1938, elle transpose beaucoup d’elle-même dans le personnage de Margy. Cette authenticité confère au roman une sincérité remarquable dans sa description des quartiers ouvriers de Brooklyn et des aspirations contrariées de leurs habitants.

Smith trace un portrait saisissant des « petites gens » du Brooklyn d’après-guerre en illustrant les mécanismes de reproduction sociale qui maintiennent les pauvres dans leur condition. Elle décortique les ravages causés par une éducation déficiente, les privations matérielles et l’absence d’espoir. À travers la famille Shannon et les Malone, elle dépeint des ouvriers harassés, des mères composant avec le manque, des jeunes aspirant à s’élever socialement. Le mariage, perçu comme une échappatoire, devient souvent le lieu d’une nouvelle désillusion.

Smith aborde avec une audace remarquable pour l’époque la question de l’incompatibilité sexuelle dans le couple. Dans une scène de confrontation poignante, Margy prend conscience que son mari Frankie est « mélangé à propos de certaines choses » – une manière codée d’évoquer son orientation sexuelle à une époque où le vocabulaire manquait pour aborder ces sujets. Cette description de « tristesse sexuelle » constitue une singularité notable.

Le titre « Tomorrow Will Be Better » (Tout ira mieux demain) reflète la philosophie qui permet aux personnages de survivre dans cet environnement difficile. Cette phrase, répétée comme un mantra, justifie les privations présentes par l’espoir d’un futur meilleur. Margy incarne cet optimisme inébranlable, traquant « les moindres étincelles de poésie et de joie dans un quotidien difficile ». Le roman interroge cependant la validité de cette croyance : cet optimisme constitue-t-il une force motrice ou un leurre qui pousse à accepter une vie médiocre?

À sa publication, le livre reçoit un accueil mitigé. Le New York Times salue un style « remarquable par son absence de prétention – une prose facile, ordonnée, directe qui n’attire pas l’attention sur elle-même ». D’autres critiques qualifient « Tout ira mieux demain » de « morose » comparé au « Lys de Brooklyn ». La critique contemporaine redécouvre aujourd’hui ce roman jugé « étonnamment moderne par les messages qu’il véhicule d’émancipation et de liberté ». Pour Maureen Corrigan de NPR, « Le Lys de Brooklyn » est « l’un de ces rares cas de roman oublié qui mérite vraiment d’être exhumé ».

Aux éditions BELFOND ; 384 pages.


3. La Joie du matin (1963)

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Résumé

En 1927, Annie McGairy, une jeune femme de 18 ans originaire de Brooklyn, quitte sa famille pour rejoindre Carl Brown, un étudiant en droit de 20 ans dans une université du Midwest américain. Annie fuit notamment un beau-père aux comportements déplacés, tandis que Carl affronte la désapprobation de ses parents qui comptaient sur son futur salaire d’avocat. Le jour même de son arrivée, le couple se marie devant un juge de paix, sans famille ni cérémonie.

Installés dans une modeste chambre meublée près du campus, ils font face à une précarité constante. Carl jongle entre ses cours et plusieurs petits boulots, tandis qu’Annie, qui a abandonné l’école à 14 ans, décroche un emploi dans un magasin. L’argent manque perpétuellement, chaque dollar est compté. Malgré tout, Annie révèle une curiosité intellectuelle dévorante. Elle emprunte des livres à la bibliothèque universitaire, assiste clandestinement à des cours de littérature, et commence à écrire.

Leur situation précaire se complique encore lorsqu’Annie tombe enceinte. Les parents de Carl ont coupé tout soutien financier, la rendant responsable de la « ruine » de leur fils. Le doyen de la faculté, d’abord sceptique face à ce mariage précoce, s’attache pourtant à ce couple déterminé et leur offre son aide. Mais cela suffira-t-il à leur permettre de surmonter l’arrivée d’un enfant ?

Autour du livre

Betty Smith a publié « La Joie du matin » en 1963, vingt ans après son célèbre premier roman « Le Lys de Brooklyn ». L’histoire s’inspire directement de sa propre expérience de jeune mariée avec son mari étudiant en droit à l’université. Comme son héroïne Annie, Smith n’avait pas pu terminer ses études secondaires mais a assisté à des cours universitaires sans obtenir de crédit. Cette dimension autobiographique confère au récit son authenticité et sa justesse dans la description des obstacles quotidiens.

Le roman brosse ainsi un tableau de la condition des femmes dans les années 1920. Annie, malgré son manque d’éducation formelle, manifeste une soif insatiable d’apprendre et de s’émanciper, tout en naviguant dans les contraintes sociales de son époque. Betty Smith aborde avec tact les thèmes du mariage précoce, des difficultés financières, mais aussi la question de l’émancipation féminine par l’accès à la connaissance et à la lecture. Le personnage d’Annie, optimiste et résiliente, devient le véritable moteur du couple en faisant preuve d’une détermination remarquable pour créer sa propre place dans un monde où les attentes envers les femmes se limitaient souvent au foyer.

La critique a souligné la tonalité particulière de ce roman, le qualifiant de « charmant », « frais », « attendrissant ». Nombre de lecteurs ont été séduits par la candeur d’Annie, cette « femme-enfant » qui, par sa joie de vivre et sa curiosité naturelle, charme aussi bien les autres personnages que les lecteurs. Contrairement au « Lys de Brooklyn », jugé plus profond, certains critiques ont noté un côté parfois « naïf » et « désuet » dans « La Joie du matin », mais cette simplicité apparente du récit cache une réflexion sur la capacité des gens modestes à s’élever grâce aux livres et à l’écriture. La presse a particulièrement apprécié « cette chronique à la fois lumineuse et délicate » qui illustre « les joies de l’amour mais aussi les premiers chagrins face à une réalité parfois sans pitié ».

« La Joie du matin » a été adapté au cinéma en 1965, avec Richard Chamberlain et Yvette Mimieux dans les rôles principaux. Cependant, le film n’a pas connu le succès escompté et a été assez sévèrement critiqué, certains le jugeant « mal joué, mal écrit, mal réalisé ».

Aux éditions BELFOND ; 448 pages.

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