Simonetta Greggio est une romancière et traductrice italienne née le 21 avril 1961 à Rubano (province de Padoue). Après des études à la Faculté des lettres de Padoue, elle s’installe à Paris en 1981, où elle démarre une carrière de journaliste, collaborant avec plusieurs magazines prestigieux dont City, Télérama et La Repubblica.
Elle débute dans l’écriture en publiant des guides touristiques et des ouvrages sur l’art de vivre, avant de se lancer dans la fiction. Son premier roman, « La Douceur des hommes » (2005), est remarqué par le magazine Lire. Elle connaît un succès important avec « Dolce Vita, 1959-1979 » (2010), finaliste du prix Renaudot, qui évoque les années de plomb en Italie. Dans ses œuvres suivantes, notamment « Les Nouveaux Monstres, 1978-2014 » (2014) et « Black Messie » (2016), elle continue de raconter l’histoire contemporaine de l’Italie, notamment aux liens entre politique et criminalité.
Partageant sa vie entre Paris, Venise et la Provence, elle diversifie ses activités en collaborant à des scénarios de films, dont « Titane » de Julia Ducournau (Palme d’or 2021), et en produisant des séries documentaires pour France Culture. Son travail est reconnu par l’État français qui la fait Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres en 2013.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Dolce Vita, 1959-1979 (2010)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Rome, 1960. La projection de « La Dolce Vita » de Fellini fait scandale dans une Italie encore corsetée par l’Église. Le film annonce l’aube d’une ère nouvelle, celle des promesses et des libertés qui succèdent aux années de misère d’après-guerre. Mais cette période d’insouciance et d’espoir va rapidement basculer : en 1969, un attentat à Milan fait seize morts. C’est le début des années de plomb.
À l’automne 2010, le prince Malo, aristocrate de 85 ans, fait venir à son chevet le prêtre Saverio. Dans sa villa d’Ischia, ce témoin des années 1959-1979 livre sa dernière confession : le récit d’une vie de débauche mais aussi celui des secrets d’État qu’il a tus pendant un demi-siècle. Son témoignage met au jour les liens occultes entre le Vatican, la loge maçonnique P2 et la mafia, tandis que se dessine l’ombre tutélaire des États-Unis.
Le livre pulse au rythme des souvenirs qui surgissent sans ordre chronologique, comme autant d’éclats de mémoire. Cette narration fragmentée entremêle l’histoire intime du prince et les grands drames qui ont secoué l’Italie : l’enlèvement d’Aldo Moro, l’assassinat de Pasolini, les attentats des années de plomb. Se révèlent peu à peu les mécanismes qui ont conduit l’Italie des promesses de « La Dolce Vita » à l’Italie berlusconienne contemporaine.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 360 pages.
2. Les Nouveaux Monstres, 1978-2014 (2014)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
En 2010, lors des funérailles du prince de Valfonda dans un somptueux château italien, Don Saverio, prêtre jésuite et héritier de la fortune familiale, rencontre sa petite-nièce Aria. Cette journaliste d’investigation dirige un journal indépendant où elle dévoile les liens troubles entre la mafia, le Vatican et le pouvoir politique italien.
Une correspondance s’établit entre l’oncle et la nièce, mêlant secrets de famille et enquêtes sur les années de plomb. À travers leurs échanges se dessine le portrait d’une Italie meurtrie par trois mille attentats entre 1978 et 1979, l’assassinat d’Aldo Moro, la corruption endémique et l’ascension de Silvio Berlusconi. Les investigations d’Aria révèlent un système où juges et journalistes trop curieux disparaissent mystérieusement.
Suite de « Dolce Vita, 1959-1979 », ce second opus emprunte son titre à un film de Risi, Monicelli et Scola qui dépeignait une société au bord du chaos. Le récit alterne articles de presse, lettres intimes et passages romanesques pour tisser une fresque historique sans concession. Les figures héroïques des juges Falcone et Borsellino côtoient les silhouettes troubles des financiers du Vatican et des chefs mafieux dans cette chronique lucide d’un pays déchiré entre sa beauté et ses démons politiques.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 360 pages.
3. Bellissima (2021)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Dans l’Italie des années 1960-70, Simonetta grandit à Padoue au sein d’une famille marquée par la violence d’un père qui, d’homme tendre, se mue peu à peu en tyran domestique. Sa mère Amanda, juive sauvée pendant la guerre par un couple de fascistes, reste muette face aux coups qui pleuvent sur sa fille aînée.
Le climat familial délétère fait écho aux « années de plomb » qui ensanglantent le pays : attentats, enlèvements, corruption généralisée, assassinat d’Aldo Moro par les Brigades rouges… L’Italie peine à se défaire de son passé. Pour échapper à cette double violence – celle du foyer et celle de la rue – Simonetta n’a d’autre choix que de s’exiler en France en 1981, abandonnant derrière elle ses frères et cette mère tant aimée qu’elle surnomme « Bellissima ».
Les chapitres courts s’enchaînent par associations d’idées, sans chronologie, comme surgissent les souvenirs. La rage contenue explose dans une écriture nerveuse qui ne cherche ni à juger ni à pardonner. Les mots cisèlent le portrait d’une enfance brisée et d’un amour paradoxal pour ce pays qui l’a fait fuir mais dont elle ne peut se détacher, comme une fille de son père tortionnaire.
Aux éditions J’AI LU ; 256 pages.
4. Nina (2013)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Adrien a décidé d’en finir avec la vie. Le cocktail de médicaments est prêt, plus rien ne le retient. Mais avant de passer à l’acte, le souvenir de Nina, son amour d’enfance, ressurgit. Il repense à ces étés lumineux passés avec elle sur la côte amalfitaine, à Ravello, quand ils étaient adolescents. Il prend alors sa plume pour lui écrire une ultime lettre, celle qu’il n’a jamais osé lui envoyer. Nuit après nuit, il repousse l’échéance pour continuer à écrire.
Le drame survient malgré tout. La tentative de suicide échoue. Adrien sombre dans le coma. Autour de son lit d’hôpital gravitent son frère Nicolas avec qui les relations sont tendues et son meilleur ami Philippe. La lettre d’Adrien va peu à peu bouleverser leur existence. En Italie, Nina finit par apprendre le geste désespéré de celui qui n’a jamais cessé de l’aimer. Les non-dits et les malentendus qui les ont séparés vont alors remonter à la surface.
Ce roman écrit à quatre mains par Frédéric Lenoir et Simonetta Greggio se déploie en deux temps : d’abord les souvenirs d’Adrien dans sa lettre, puis l’impact de son geste sur son entourage. L’Italie y tient une place centrale, avec ses paysages solaires et sa douceur de vivre qui contrastent avec le désespoir du personnage. Les émotions sont à fleur de peau sans jamais tomber dans la mièvrerie. Le livre sonde la force d’un premier amour et la façon dont il peut hanter toute une vie.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 264 pages.
5. L’ourse qui danse (2020)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Dans un territoire arctique sans frontières, un Inuit arraché à sa famille durant l’enfance a grandi en Occident. Devenu professeur, il ne parvient pas à trouver sa place dans ce monde moderne qui l’a adopté. Le besoin viscéral de renouer avec ses origines le pousse à retourner sur ses terres natales, où il entreprend une chasse traditionnelle en traîneau, seul avec ses chiens.
Cette quête initiatique prend tout son sens lors d’une rencontre avec une ourse polaire. Après un violent affrontement qui les blesse tous les deux, une relation inattendue se noue entre l’homme et l’animal. Dans la tanière où ils se réfugient, ils apprennent à coexister et à se faire confiance. Cette expérience transforme profondément le chasseur, qui devient par la suite un porte-parole de son peuple face aux ravages causés par l’exploitation occidentale.
Ce texte court s’inscrit dans la collection « Récits d’objets » du musée des Confluences de Lyon. Simonetta Greggio s’est inspirée d’une sculpture inuite représentant un ours dansant, œuvre de l’artiste Davie Atchealak. Les pages oscillent entre beauté sauvage et violence brutale, entre communion avec la nature et critique acerbe de la société moderne. La force du texte réside dans sa capacité à mêler le mystique au politique, le conte traditionnel à l’urgence écologique contemporaine.
Aux éditions CAMBOURAKIS ; 100 pages.
6. Les Mains nues (2008)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Emma exerce comme vétérinaire dans une région rurale isolée. À quarante-trois ans, cette femme solitaire a choisi une existence austère, rythmée par les urgences nocturnes et les soins aux animaux. Elle pratique son métier les mains nues, sans gants, au plus près du vivant. Son quotidien bascule le jour où Giovanni, quatorze ans, surgit à sa porte. Ce fils de Raphaël et Micol, qu’elle a connu nourrisson, a fugué du domicile familial.
Le passé d’Emma resurgit alors brutalement. Raphaël fut son grand amour avant qu’il ne la quitte pour Micol, son amie. De cette trahison, Emma garde une blessure jamais refermée. Pourtant, elle accepte d’héberger Giovanni pour l’été, avec l’accord de ses parents. Entre eux se noue une relation équivoque, à la fois tendre et fiévreuse. Quand Micol découvre leur liaison, elle déclenche un procès qui bouleversera leur existence.
Ce court roman esquisse avec pudeur les contours d’un amour tabou. Les mots de Simonetta Greggio touchent par leur sobriété et leur justesse. Sans pathos ni jugement moral, elle dépeint une femme libre qui assume ses choix malgré l’opprobre sociale. La rudesse du monde rural s’entremêle à la délicatesse des sentiments, créant une atmosphère singulière où la nature tient le premier rôle.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 160 pages.
7. Elsa mon amour (2018)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Rome, 1912. Une petite fille aux yeux cernés écrit déjà des histoires que sa mère vend aux journaux. Cette enfant s’appelle Elsa Morante. Elle grandit dans le quartier populaire du Testaccio entre une mère tyrannique et une marraine aristocrate qui lui fait découvrir les salons mondains. À vingt ans, elle quitte le foyer familial, décidée à devenir écrivaine malgré la pauvreté qui l’oblige parfois à mettre sa machine à écrire au mont-de-piété.
Sa rencontre avec Alberto Moravia en 1941 change le cours de sa vie. Leur mariage durera plus de quarante ans, mêlant amour passionnel et infidélités, ruptures violentes et retrouvailles ardentes. Dans l’Italie de l’après-guerre, Elsa côtoie les plus grands artistes de son temps : elle s’éprend de Visconti, se lie d’amitié avec Pasolini, fréquente Fellini et Anna Magnani. En 1957, elle devient la première femme à recevoir le prix Strega, consécration d’une vie vouée à l’écriture.
La narration à la première personne permet d’entrer dans l’intimité de cette femme insoumise qui préférait les chats aux humains. Les chapitres courts s’enchaînent comme autant d’instantanés, ponctués par la pluie qui tombe sur Rome. Lettres d’amour, extraits de journaux et fragments de mémoire se mélangent dans une composition où le vrai et l’imaginaire se confondent avec grâce.
Aux éditions FLAMMARION ; 240 pages.
8. La Douceur des hommes (2005)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Au crépuscule de sa vie, Fosca, 87 ans, décide d’entreprendre un dernier trajet de Paris à Venise en compagnie de Constance, une jeune femme d’une trentaine d’années rencontrée quelques mois plus tôt dans un restaurant italien. À bord d’une Rolls-Royce Silver, les deux femmes sillonnent les routes entre la France et l’Italie. Durant ce périple, Fosca se livre sans retenue et raconte à sa compagne de route les hommes qui ont jalonné son existence : maris, amants, amis – ceux qu’elle a adorés, quittés, maudits ou chéris.
Mais la santé de Fosca décline et le temps lui manque pour tout révéler. Après sa mort, Constance découvre une lettre qui la mène vers un mystérieux carnet noir. Dans ces pages se cache un secret qui éclaire d’une lumière nouvelle leur relation et donne tout son sens à ce dernier périple.
Premier roman de Simonetta Greggio, cette histoire intime écrite en français – pour échapper au regard d’un père jugé trop sévère – a été considérablement élaguée, passant de 500 à 160 pages. Le texte gagne en densité ce qu’il perd en longueur. Les mots ciselés dessinent avec pudeur le portrait d’une femme libre qui a traversé le siècle en refusant les conventions, tout en célébrant la sensualité des relations humaines. La prose épurée évite les écueils du sentimentalisme pour mieux saisir l’essence de ces instants suspendus entre deux êtres.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 160 pages.
9. L’homme qui aimait ma femme (2012)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Dans le Paris effervescent des années 1960, deux frères bretons, Alexandre et Yann, quittent leur région natale pour étudier à la Sorbonne. Le cadet, Yann, tombe amoureux de Maria, une étudiante au « visage de madone ». Il commet l’erreur de la présenter à son frère aîné Alexandre, séducteur invétéré qui ne tarde pas à la conquérir et à l’épouser.
Cette trahison initiale marque le début d’une rivalité qui s’étendra sur quatre décennies. Alexandre multiplie les conquêtes tout en gardant jalousement Maria sous sa coupe, tandis que Yann, rongé par un amour impossible, s’exile à New York après la mort tragique de son épouse Manon. Son retour en France ravive les tensions fraternelles jusqu’à un dénouement fatal que seule Allis, amie proche du trio, pourra raconter.
Le récit alterne les points de vue des protagonistes à travers des chapitres courts qui dessinent leurs portraits psychologiques. En toile de fond défilent les bouleversements de la société française : Mai 68, l’essor du néolibéralisme, la montée des crises économiques. Des références à Jung, Lacan ou Derrida ponctuent cette histoire d’amour et de possession, où les grands noms de la psychanalyse et de la philosophie se mêlent aux drames intimes des personnages.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 264 pages.
10. Étoiles (2006)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Gaspard Coimbra règne sur la gastronomie parisienne quand sa vie bascule. Refoulé à l’aéroport JFK alors qu’il devait recevoir un prix à New York, il rentre plus tôt que prévu et découvre sa femme au lit avec son associé. Le choc le pousse à tout quitter sur un coup de tête. Il prend la route sans destination précise, avec pour seul bagage ce qu’il porte sur lui.
Le hasard le mène dans le Haut Lubéron où il tombe sur une modeste buvette à l’abandon. Le neveu de la propriétaire, récemment décédée, s’apprête à fermer l’établissement. Pour Gaspard, c’est le début d’une nouvelle vie. Il reprend les fourneaux et redécouvre une cuisine simple, inspirée des produits locaux. Un soir, Stella Amor franchit le seuil de la buvette. Cette jeune femme anorexique va bouleverser son existence.
Cette nouvelle de Simonetta Greggio distille un parfum de thym et de romarin. Le soleil de Provence réchauffe cette fable moderne dans laquelle la cuisine devient le langage de l’amour et de la renaissance.
Aux éditions FLAMMARION ; 144 pages.