Richard Powers est un écrivain américain né le 18 juin 1957 à Evanston, Illinois. Son enfance est marquée par un séjour formatif en Thaïlande où sa famille s’installe quand il a 11 ans, son père ayant accepté un poste à l’International School de Bangkok. Durant cette période, il développe une passion pour la musique et la littérature classique.
Après un retour aux États-Unis à l’âge de 16 ans, il entame des études de physique à l’Université de l’Illinois à Urbana-Champaign, avant de se réorienter vers la littérature où il obtient son Bachelor en 1978 puis son Master en 1980.
Sa carrière littéraire débute en 1985 avec « Trois fermiers s’en vont au bal ». Il se fait particulièrement remarquer dans les années 1990 pour ses romans qui tissent des liens entre sciences, technologie et art. Son œuvre est largement récompensée : il reçoit notamment le National Book Award en 2006 pour « La chambre aux échos » et le prix Pulitzer de la fiction en 2019 pour « L’Arbre-monde ».
Professeur émérite à l’Université de l’Illinois puis titulaire de la chaire d’écriture créative à Stanford, Powers poursuit son exploration des grands enjeux contemporains à travers ses romans, comme en témoignent « Sidérations » (2021) et son prochain roman « Playground » prévu pour 2025.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Le temps où nous chantions (2003)
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Washington, 1939. La cantatrice noire Marian Anderson donne un concert historique devant le Lincoln Memorial. Dans la foule, deux êtres que tout sépare se rencontrent : David Strom, un physicien juif exilé d’Allemagne, et Delia Daley, une jeune chanteuse afro-américaine. Malgré les lois ségrégationnistes qui interdisent les mariages mixtes, ils s’unissent et fondent une famille, décidés à élever leurs enfants dans un cocon où la musique transcenderait les barrières raciales.
Leurs trois enfants, Jonah, Joseph et Ruth, grandissent bercés par la musique classique. L’aîné Jonah devient un ténor d’exception, accompagné au piano par son frère Joseph qui narre leur histoire. Mais dans l’Amérique des années 1950-1960, leur identité métisse les place dans une position impossible : trop blancs pour les Noirs, trop noirs pour les Blancs. Tandis que les deux frères poursuivent une carrière musicale, leur sœur Ruth rejoint les Black Panthers.
Sur plus de mille pages, le récit entrelace cinquante ans d’histoire américaine avec la théorie de la relativité chère au père et les questionnements sur l’identité. La musique y tient le premier rôle, décrite avec une précision qui ravira les mélomanes sans perdre les néophytes. Couronné meilleur livre de l’année 2003 par le New York Times, ce roman a marqué la littérature américaine par sa manière inédite d’aborder la question raciale.
Aux éditions 10/18 ; 1056 pages.
2. L’Arbre-monde (2018)
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Dans l’Amérique des années 1990, neuf destins s’entrelacent autour d’un combat pour la sauvegarde des dernières forêts primaires. Une botaniste, Pat Westerford, découvre que les arbres communiquent entre eux par signaux chimiques. Ses recherches, d’abord moquées par la communauté scientifique, révèlent peu à peu l’intelligence insoupçonnée du monde végétal.
Autour d’elle gravitent un artiste descendant de pionniers norvégiens, une ingénieure d’origine chinoise, un vétéran du Vietnam, un étudiant en psychologie, un couple d’intellectuels, un génie de l’informatique cloué dans un fauteuil roulant et une jeune femme transformée par une expérience de mort imminente. Leurs chemins convergent vers la Californie, où un séquoia millénaire menacé d’abattage devient le symbole de leur lutte contre la déforestation industrielle.
Certains optent pour l’activisme radical, d’autres pour la recherche scientifique ou le développement de jeux vidéo éducatifs. Mais tous découvrent peu à peu l’intelligence insoupçonnée du monde végétal et la nécessité vitale de préserver ces géants silencieux. Ce combat va bouleverser irrémédiablement leurs existences.
Ce livre coup de poing a marqué la littérature américaine en remportant le Prix Pulitzer 2019. Richard Powers y mêle avec brio science et poésie, militantisme et contemplation. Les arbres y deviennent les véritables héros d’une fresque monumentale qui bouleverse notre regard sur le vivant. Une œuvre majeure qui nous fait entendre le murmure des forêts et comprendre l’urgence de les protéger.
Aux éditions 10/18 ; 744 pages.
3. Sidérations (2021)
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Dans un futur proche aux États-Unis, Theo Byrne cherche à protéger son fils Robin, neuf ans, des dangers qui le guettent. Depuis la mort de sa mère Alyssa dans un accident, ce petit garçon à la sensibilité exacerbée peine à trouver sa place dans un monde qui s’effondre. Pour l’apaiser, Theo, qui étudie la possibilité de vie sur d’autres planètes, invente chaque soir des mondes lointains peuplés de créatures extraordinaires.
Face aux crises violentes de Robin et aux pressions de l’école qui veut le médicamenter, Theo se tourne vers une solution expérimentale : une thérapie par neurofeedback qui permettrait à l’enfant d’harmoniser ses émotions en se connectant aux schémas cérébraux de sa mère, enregistrés avant sa disparition. Les résultats sont spectaculaires – l’enfant s’apaise et développe une empathie extraordinaire. Mais cette transformation radicale n’est pas sans risque.
« Sidérations » entremêle les thèmes de la parentalité, de l’écologie et de l’intelligence artificielle. Powers s’inspire librement du roman culte « Des fleurs pour Algernon » de Daniel Keyes, transformant cette histoire d’amour filial en une méditation poétique sur notre rapport au vivant. La prose alterne entre descriptions scientifiques précises et moments de pure grâce contemplative.
Aux éditions 10/18 ; 408 pages.
4. La chambre aux échos (2006)
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En 2002, sur une route déserte du Nebraska, Mark Schluter perd le contrôle de son camion. Après plusieurs semaines de coma, le jeune homme de 27 ans se réveille, mais ne reconnaît plus sa sœur Karin. Pour lui, cette femme à son chevet n’est qu’une imposteure, une actrice engagée pour jouer le rôle de sa sœur. Un mystérieux message retrouvé près de son lit d’hôpital ajoute au mystère de l’accident.
Désemparée, Karin fait appel au Dr Gerald Weber, un neurologue spécialiste des troubles du cerveau. Le diagnostic tombe : Mark souffre du syndrome de Capgras, une pathologie rare qui empêche le patient de reconnaître ses proches tout en conservant ses autres facultés mentales. Tandis que Mark cherche à comprendre ce qui s’est réellement passé la nuit de l’accident, sa sœur tente de renouer leur lien brisé.
La rivière Platte et ses milliers de grues migratrices servent de toile de fond à cette méditation sur la mémoire et la conscience. Les oiseaux et leurs trajectoires millénaires entrent en résonance avec les mystères du cerveau humain, dans une partition où neurologie et poésie se répondent. Ce cocktail audacieux entre thriller psychologique et réflexion philosophique a valu au livre le National Book Award 2006.
Aux éditions 10/18 ; 704 pages.
5. Gains (1998)
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En 1830, à Boston, les frères Clare fondent une modeste entreprise de savons et de chandelles. Grâce à leur sens aigu des affaires et à des innovations techniques, ils transforment peu à peu leur manufacture artisanale en un empire industriel. Au fil des décennies, Clare Inc. devient une multinationale tentaculaire qui diversifie sa production : cosmétiques, détergents, engrais, pesticides.
À la fin du XXe siècle, à Lacewood où Clare a implanté ses usines, Laura Bodey apprend qu’elle souffre d’un cancer des ovaires. Cette mère divorcée de quarante-deux ans entame un long combat contre la maladie. Son histoire personnelle croise celle de la multinationale quand des habitants commencent à s’interroger sur la toxicité des produits chimiques rejetés par les installations industrielles.
Cette saga industrielle publiée en 1998 entrelace l’essor du capitalisme américain et le combat d’une femme contre la maladie. La construction alterne les passages documentaires sur l’histoire économique des États-Unis et le récit intime du déclin physique de Laura. Sans jamais tomber dans le pathos ou la dénonciation simpliste, le roman dévoile les zones d’ombre d’une société façonnée par la quête perpétuelle du profit.
Aux éditions 10/18 ; 624 pages.
6. Trois fermiers s’en vont au bal (1985)
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Une simple photographie, prise par August Sander en 1914, devient le point de départ d’une histoire vertigineuse. Elle montre trois jeunes fermiers allemands sur une route de campagne, en route pour un bal. Des décennies plus tard, dans un musée de Detroit, un narrateur anonyme s’arrête devant ce cliché. Sa troublante ressemblance avec l’un des visages le pousse à reconstituer le destin de ces inconnus.
L’intrigue se ramifie en trois fils narratifs qui s’entrecroisent. Le premier suit Adolphe, Hubert et Peter, les fermiers photographiés, dans leur descente aux enfers de la Grande Guerre. Le deuxième accompagne Peter Mays, rédacteur technique à Boston dans les années 1980, obsédé par une clarinettiste rousse entrevue dans un défilé. Le troisième retrace l’enquête du narrateur, qui relie peu à peu ces fragments d’histoire.
Premier roman de Powers paru en 1985 et traduit vingt ans plus tard en français, ce livre tisse une toile complexe entre l’Europe et l’Amérique. Les personnages historiques surgissent au détour des pages – Sarah Bernhardt, Henry Ford et son utopique Navire de la Paix – tandis que la narration, à la fois érudite et sinueuse, oscille entre chronique de guerre et méditation sur le pouvoir des images.
Aux éditions 10/18 ; 528 pages.
7. Générosité (2009)
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À Chicago, Russell Stone enseigne l’écriture créative au Mesquakie College. Parmi ses étudiants, une jeune Algérienne retient son attention : Thassa Amzwar. Cette réfugiée kabyle rayonne d’une allégresse constante qui déroute son entourage, d’autant plus qu’elle a vécu des événements traumatiques dans son pays. Russell partage son étonnement avec Candace Weld, la psychologue de l’université, et évoque la possibilité d’une hyperthymie.
L’histoire bascule quand Thomas Kurton, transhumanisme médiatique et partisan des manipulations génétiques, s’intéresse au cas de Thassa. Il découvre dans son ADN une particularité qui pourrait expliquer sa propension au bonheur. La nouvelle s’ébruite et déclenche une tempête médiatique. La jeune femme se retrouve au centre d’un tourbillon qui la dépasse : talk-shows, articles de presse, sollicitations incessantes de personnes en quête de bonheur.
Cette réflexion sur le déterminisme génétique prend une résonance particulière quand on sait que Richard Powers fut lui-même, en 2008, la neuvième personne au monde à faire séquencer son génome complet. Une critique musclée des dérives de la science moderne, de l’hypermédiatisation et des réseaux sociaux, qui questionne la nature même du bonheur.
Aux éditions 10/18 ; 480 pages.