Pascal Bruckner est un philosophe, romancier et essayiste français né le 15 décembre 1948 à Paris. Il passe son enfance entre l’Autriche, la Suisse et la France, dans un contexte familial difficile marqué par la violence de son père, un ingénieur antisémite et pro-nazi.
Après des études chez les jésuites puis au prestigieux lycée Henri-IV, où il se lie d’amitié avec Alain Finkielkraut, il poursuit son parcours universitaire jusqu’à soutenir une thèse sous la direction de Roland Barthes en 1975.
Sa carrière se partage entre l’enseignement, notamment à Sciences Po Paris et dans des universités américaines, et l’écriture. Il est l’auteur de nombreux essais et romans, dont « Le Sanglot de l’homme blanc » (1983), « Les Voleurs de beauté » (Prix Renaudot 1997) et « La Tentation de l’innocence » (Prix Médicis essai 1995).
Intellectuel engagé, il prend position sur de nombreux sujets de société, des conflits en ex-Yougoslavie dans les années 1990 jusqu’aux débats contemporains sur l’écologie et l’islam. En 2020, il est élu à l’Académie Goncourt, consacrant sa place dans le paysage littéraire français.
Son œuvre, à la fois littéraire et philosophique, interroge les grands enjeux de la société contemporaine, de la question du bonheur à celle de la culpabilité, en passant par les rapports amoureux et la mondialisation.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Parias (1985)
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En janvier 1984, un jeune fonctionnaire du Ministère des Affaires étrangères débarque à Delhi. Sa mission officielle : couvrir la réélection d’Indira Gandhi. Mais le destin place sur sa route deux personnages énigmatiques : Dominique Menviel, un archéologue fragile accompagné d’une mère possessive, et Victor Habersham, un agronome américain au cynisme glaçant qui devient leur guide improvisé.
Le périple les mène de Delhi aux bas-fonds de Bombay, des bordels peuplés de Népalaises mineures aux refuges hippies de Goa. À mesure que le trio s’enfonce dans les profondeurs de l’Inde, Frédéric oscille entre répulsion et attraction pour ce pays où la spiritualité côtoie la misère la plus noire. Mais c’est surtout la personnalité trouble d’Habersham qui le subjugue, cet homme brillant habité par un projet aussi fou que monstrueux.
Publié en 1985, ce livre de Pascal Bruckner surgit en pleine crise de la société occidentale, quand nombre de jeunes Européens cherchent dans l’Inde mythique un remède à leur mal-être. La cruauté du regard porté sur le pays bouscule les clichés new age de l’époque. Les scènes cauchemardesques – comme celle de la mendiante exhibant le cadavre de son nourrisson pour quelques roupies – créent un malaise que la beauté des descriptions ne parvient jamais à dissiper.
Aux éditions LE SEUIL ; 362 pages.
2. Lunes de fiel (1981)
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Fin des années 1970. Sur un paquebot qui relie Marseille à Istanbul, Didier et Béatrice, jeunes enseignants en quête d’ailleurs, croisent la route d’un étrange duo : Franz, cynique paraplégique, et Rebecca, sa sublime épouse dont la sensualité affichée ne laisse personne indifférent.
Soir après soir, Franz entraîne Didier dans sa cabine pour lui narrer l’histoire de sa relation avec Rebecca. Il lui dévoile leur passion initiale dévorante, puis leur refus de la routine conjugale qui les a menés vers des pratiques de plus en plus extrêmes. Entre érotisme et cruauté, leur quête effrénée du désir s’est muée en spirale destructrice faite d’humiliations et de vengeances.
Ce récit sulfureux n’est pas sans conséquence : peu à peu, Didier se trouve pris au piège d’un jeu pervers orchestré par Franz, qui menace de faire voler en éclats son propre couple avec Béatrice.
Publié en 1981, ce deuxième roman de Pascal Bruckner a d’abord essuyé plusieurs refus d’éditeurs avant de connaître le succès. En questionnant les limites du couple et l’usure du désir, il s’inscrit dans le prolongement du « Nouveau désordre amoureux », l’essai qui avait fait connaître l’auteur quelques années plus tôt. Roman Polanski en tire en 1992 une adaptation avec Hugh Grant et Emmanuelle Seigner, qui conserve toute l’atmosphère trouble de ce huis clos maritime où la manipulation le dispute à la destruction.
Aux éditions POINTS ; 240 pages.
3. Les Voleurs de beauté (1997)
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Par une nuit d’hiver, Benjamin et sa fiancée Hélène se retrouvent bloqués dans le Jura par une violente tempête de neige. Le couple trouve refuge dans un chalet isolé où vivent un avocat, Steiner, sa femme Francesca et leur domestique Raymond. Si l’accueil semble d’abord chaleureux, l’atmosphère change rapidement. Les trois habitants révèlent peu à peu leur vraie nature : ils détestent la beauté et la jeunesse dont ils sont eux-mêmes privés.
Cette histoire nous est racontée par Benjamin lui-même, qui se présente un soir d’août aux urgences d’un hôpital parisien, le visage dissimulé derrière un masque. Il choisit comme confidente Mathilde Ayache, une jeune psychiatre, à qui il livre son témoignage fragment par fragment. Benjamin se dévoile comme un écrivain médiocre qui plagie les grands auteurs. Sa rencontre avec la belle Hélène aurait pu lui offrir une seconde chance, mais le couple se retrouve prisonnier de ces « Voleurs de beauté » qui punissent ceux dont l’apparence les offense.
Prix Renaudot 1997, ce livre oscille entre le thriller psychologique et le conte fantastique. Il questionne notre rapport obsessionnel à la beauté et à la jeunesse, tout en jouant sur les codes du roman gothique : le chalet isolé, les geôliers inquiétants, la victime prisonnière. Les rôles de bourreau et de victime s’inversent constamment, dans un jeu de miroirs vertigineux où chaque personnage peut basculer d’un côté ou de l’autre.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 248 pages.
4. Un bon fils (2014)
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Dans les années 1950, un petit garçon de dix ans s’agenouille chaque soir au pied de son lit pour prier. « Mon Dieu, je vous laisse le choix de l’accident, faites que mon père se tue. » Pascal Bruckner livre dans cette autobiographie le récit d’une enfance écrasée par un père tyrannique, violent et antisémite viscéral, nostalgique du IIIe Reich. Entre une mère soumise qui subit les coups et les humiliations, et ce père qui multiplie les maîtresses lors de ses déplacements professionnels, le jeune Pascal grandit dans une atmosphère toxique.
L’enfant chétif, envoyé en sanatorium en Autriche pour soigner ses poumons, trouve dans la maladie une forme de salut qui l’éloigne temporairement du foyer familial. Plus tard, adolescent, il se construit en opposition totale avec son géniteur : lui qui baigne dans un milieu « bilingue français-antisémite » devient l’ami intime d’Alain Finkielkraut, côtoie Roland Barthes et Vladimir Jankélévitch, épouse une femme juive.
Le paradoxe de ce livre tient dans son titre : malgré la violence et la haine, Pascal Bruckner accompagnera son père jusqu’à ses derniers jours, découvrant sur le tard un secret familial qui éclaire d’un jour nouveau cette relation tourmentée. Une autobiographie qui fait écho à d’autres récits d’après-guerre – comme celui du peintre Gérard Garouste dans « L’Intranquille » -, où les enfants doivent composer avec l’héritage moral de parents compromis dans les heures sombres de l’Histoire. Cette confession intime offre aussi la clé de lecture d’une œuvre littéraire construite dans l’ombre d’une figure paternelle écrasante.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 216 pages.