Marie NDiaye est une femme de lettres française née le 4 juin 1967 à Pithiviers. Née d’une mère française et d’un père sénégalais qui quitte la famille alors qu’elle n’a qu’un an, elle grandit en banlieue parisienne à Bourg-la-Reine avec son frère aîné Pap Ndiaye.
Elle fait des débuts littéraires précoces et remarqués en publiant son premier roman « Quant au riche avenir » aux Éditions de Minuit à seulement 17 ans. Sa carrière d’écrivaine est jalonnée de succès : elle reçoit notamment le prix Femina en 2001 pour « Rosie Carpe » et le prestigieux prix Goncourt en 2009 pour « Trois femmes puissantes ».
Son œuvre comprend des romans, des pièces de théâtre et des livres jeunesse. Elle se distingue par une esthétique de l’ambiguïté et un style où le réalisme côtoie souvent l’étrange et le fantastique. Bien que d’origine partiellement sénégalaise, elle revendique une identité pleinement française, ayant grandi sans contact avec la culture africaine.
Depuis 2007, Marie NDiaye vit à Berlin, où elle s’est installée avec sa famille. Elle continue d’écrire et de publier régulièrement.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Trois femmes puissantes (2009)
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« Trois femmes puissantes » narre le destin croisé de trois femmes d’origine sénégalaise. Dans le premier récit, Norah, avocate parisienne, retourne au Sénégal à la demande de son père qui l’a abandonnée enfant. Elle découvre que son frère Sony est emprisonné pour le meurtre de sa belle-mère, un crime dont leur père serait le véritable auteur.
Le deuxième volet dépeint Fanta à travers le regard tourmenté de son mari Rudy Descas, ancien professeur déclassé devenu vendeur de cuisines en Gironde. Contraint de quitter le Sénégal suite à une altercation avec des élèves, il a entraîné son épouse dans une vie médiocre en France, rongé par la culpabilité et les mensonges.
La dernière partie relate l’odyssée tragique de Khady Demba, jeune veuve rejetée par sa belle-famille. Dans sa tentative pour rejoindre l’Europe, elle affronte la violence des passeurs et la prostitution forcée, s’accrochant désespérément à son nom comme ultime refuge de dignité.
Prix Goncourt 2009, ce livre frappe par sa construction en triptyque où résonnent les thèmes de l’exil, de la filiation et de la condition féminine. Marie NDiaye y tisse une réflexion sur la puissance paradoxale de ces femmes, qui tirent leur force de leur capacité à préserver leur dignité face aux humiliations.
Aux éditions FOLIO ; 336 pages.
2. Rosie Carpe (2001)
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En 2001, Rose-Marie Carpe arrive en Guadeloupe, enceinte et accompagnée de Titi, son fils de six ans. Elle espère rejoindre son frère Lazare qui lui promet depuis des mois une vie meilleure. Mais à l’aéroport, elle ne trouve que Lagrand, un Guadeloupéen énigmatique qui devient rapidement le témoin de sa dérive.
L’histoire nous ramène dans le passé de Rosie, à Brive-la-Gaillarde puis à Antony. Après avoir échoué dans ses études parisiennes, elle trouve un emploi d’employée dans un hôtel sinistre. Son chef, Max, abuse d’elle et la filme dans des vidéos pornographiques. De cette relation naît Titi. Pendant ce temps, son frère Lazare s’égare dans des trafics louches avant de partir aux Antilles, bientôt suivi par leurs parents attirés par l’appât du gain.
En Guadeloupe, la situation s’aggrave : Lazare commet un meurtre, les parents de Rosie sombrent dans la dépravation, et Titi frôle la mort avant d’être sauvé par Lagrand. Vingt ans plus tard, devenu professeur, Titi héberge sa mère jusqu’à ce que Lagrand vienne la chercher.
Prix Femina 2001, « Rosie Carpe » dissèque sans concession les ravages du désamour familial. L’étouffante atmosphère antillaise sert d’écrin à une galerie de personnages prisonniers de leurs obsessions : l’argent, le sexe, la réussite sociale. La narration serpente entre différentes époques et points de vue, brouillant les repères du lecteur pour mieux le faire adhérer au désarroi des protagonistes.
Aux éditions DE MINUIT ; 400 pages.
3. La Cheffe, roman d’une cuisinière (2016)
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Dans une petite ville du Sud-Ouest de la France, une jeune fille issue d’un milieu modeste devient par hasard cuisinière à l’âge de seize ans. Embauchée comme bonne chez les Clapeau, une famille bourgeoise de Marmande, elle remplace un jour la cuisinière absente et découvre sa vocation. Son talent inné pour sublimer les ingrédients les plus simples séduit rapidement ses employeurs, fins gourmets.
Après ces débuts prometteurs, elle ouvre son propre restaurant à Bordeaux, « La Bonne Heure ». Son établissement connaît un succès grandissant grâce à une cuisine épurée qui met en valeur la qualité des produits. Discrète et perfectionniste, elle refuse les honneurs et la médiatisation, même lorsqu’elle décroche une étoile au guide Michelin. Mais sa relation complexe avec sa fille, qu’elle a peu vue grandir, va précipiter sa chute.
Cette histoire nous est contée par son ancien commis, narrateur anonyme et amoureux transi qui fut son plus proche confident. À travers son regard admiratif, il dresse le portrait d’une femme entièrement dévouée à son art, jusqu’à l’ascétisme.
Publié en 2016, ce roman de Marie NDiaye prend la forme d’un monologue ininterrompu qui évoque la vie de cette femme énigmatique, simplement désignée comme « la Cheffe ». Derrière l’histoire d’une vocation culinaire se dessine une réflexion sur l’art, le sacrifice et la transmission, portée par une narration qui embrasse passé et présent dans un même souffle.
Aux éditions FOLIO ; 320 pages.
4. Ladivine (2013)
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Malinka vit seule avec sa mère Ladivine Sylla dans un petit appartement à Bordeaux. Femme de ménage d’origine africaine, cette dernière élève sa fille avec un amour inconditionnel que celle-ci ne supporte pas. Honteuse de ses origines, Malinka change d’identité pour devenir Clarisse Rivière et construit une nouvelle vie loin de sa mère, qu’elle continue pourtant à voir en secret une fois par mois. Elle épouse Richard Rivière et donne naissance à une fille qu’elle prénomme Ladivine, comme sa mère reniée.
Mais cette double vie finit par ronger Clarisse de l’intérieur. Son mari, lassé de son comportement distant et de ses secrets, la quitte après vingt-cinq ans de mariage. Elle rencontre alors un homme instable à qui elle révèle enfin sa véritable identité, ce qui la mènera à une fin tragique. Sa fille Ladivine, installée à Berlin avec son mari allemand et leurs enfants, part en vacances en Afrique où elle s’évanouit dans la nature, comme happée par ses racines inconnues.
Marie NDiaye livre ici un récit où le réalisme côtoie le fantastique, notamment à travers la figure récurrente d’un chien énigmatique qui semble incarner tour à tour les différents personnages. Cette saga familiale sur trois générations de femmes questionne avec force le poids des origines et l’impossibilité d’échapper à son histoire, même en tentant de l’effacer.
Aux éditions FOLIO ; 464 pages.
5. Mon cœur à l’étroit (2007)
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Nadia et Ange forment un couple d’instituteurs modèles dans une école primaire bordelaise. Du jour au lendemain, sans raison apparente, ils se retrouvent confrontés à une hostilité générale qui se mue rapidement en harcèlement. Les regards accusateurs se multiplient, leurs élèves les évitent, les passants les insultent dans la rue.
La situation s’aggrave quand Ange est retrouvé grièvement blessé au flanc, mais refuse étrangement tout soin médical. C’est alors qu’intervient leur voisin Noget, personnage ambigu qu’ils ont toujours dédaigné. Il s’installe chez eux, prend soin d’Ange et les nourrit copieusement de plats sophistiqués. Pendant ce temps, Nadia voit son corps changer : elle prend du poids de façon inexpliquée. La ville elle-même semble se liguer contre elle : les rues s’allongent, un brouillard épais engloutit Bordeaux, déformant peu à peu sa géographie familière.
Ce livre trouble de Marie NDiaye, paru en 2007, brouille les frontières entre réel et fantastique dans un sentiment constant de malaise. Les événements inexpliqués s’accumulent tandis que la narration à la première personne nous maintient dans l’incertitude : sommes-nous face au délire paranoïaque d’une femme ou à une forme de justice mystérieuse qui s’abat sur un couple ayant commis une faute inavouable ?
Aux éditions FOLIO ; 404 pages.
6. La sorcière (1996)
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Dans « La sorcière », paru en 1996, Marie NDiaye nous transporte dans une banlieue française où Lucie, mère de jumelles de douze ans, tente de concilier ses pouvoirs de sorcière avec une vie de famille ordinaire. Issue d’une lignée de femmes aux dons surnaturels, elle peine pourtant à égaler le talent de sa mère et se contente de prédictions approximatives, tout en initiant ses filles à cet héritage dans le sous-sol de leur pavillon.
Son existence tranquille aux côtés de Pierrot, son mari commercial dans un club de vacances, vole en éclats lorsque celui-ci s’enfuit avec leurs économies. S’ajoute à cela une voisine envahissante, Isabelle, qui s’immisce dans son quotidien. Les jumelles, de plus en plus puissantes, finissent par se transformer en corneilles et s’envolent, abandonnant leur mère à sa solitude.
Ce récit mi-fantastique mi-réaliste dresse un portrait musclé de la société française des années 1990, où la magie côtoie les centres commerciaux et les lotissements pavillonnaires. La sorcellerie y devient une métaphore de l’émancipation féminine, un pouvoir que les hommes redoutent et cherchent à étouffer. Les femmes doivent alors choisir entre leur puissance et leur vie conjugale, entre leurs dons et la normalité sociale.
Aux éditions FOLIO ; 176 pages.
7. La vengeance m’appartient (2021)
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Bordeaux, janvier 2019. Me Susane, une avocate de quarante-deux ans qui peine à faire décoller son cabinet, accepte de défendre Marlyne Principaux, une mère accusée d’avoir tué ses trois enfants. Mais la rencontre avec Gilles Principaux, le mari de l’accusée, provoque chez elle un choc : elle est certaine d’avoir croisé cet homme dans son enfance, quand elle avait dix ans et lui quatorze, pendant que sa mère faisait des ménages dans les beaux quartiers.
Alors que ses parents nient farouchement l’existence de ce souvenir, Me Susane s’obstine à vouloir comprendre ce qui s’est réellement passé ce jour-là. Cette quête va peu à peu contaminer tous les aspects de sa vie, y compris sa relation avec Sharon, sa mystérieuse femme de ménage mauricienne sans papiers, qu’elle essaie désespérément d’aider malgré une méfiance grandissante.
Ce roman de Marie NDiaye joue constamment avec l’incertitude et l’ambiguïté. Les non-dits et les zones d’ombre s’accumulent, tandis que la frontière entre réalité et fantasme devient de plus en plus floue. Marie NDiaye refuse délibérément toute explication définitive, laissant le lecteur libre d’interpréter les événements selon sa propre sensibilité. Le texte se démarque par ses audaces formelles, notamment deux longs monologues construits autour des conjonctions « mais » et « car », qui révèlent la psychologie tourmentée des personnages.
Aux éditions FOLIO ; 272 pages.