Margaret Atwood, née le 18 novembre 1939 à Ottawa (Ontario), est l’une des figures majeures de la littérature canadienne contemporaine. Fille d’un zoologue et d’une nutritionniste, elle grandit entre les forêts du Nord du Québec, Sault-Sainte-Marie et Toronto. Sa vocation d’écrivaine se manifeste tôt, dès l’âge de 16 ans. Après des études brillantes à l’Université de Toronto, où elle obtient un baccalauréat ès arts en 1961, elle poursuit sa formation à Harvard grâce à une bourse.
Sa carrière universitaire la mène à enseigner dans plusieurs établissements prestigieux, notamment les universités de Colombie-Britannique, de Montréal et de New York. Sur le plan personnel, après un premier mariage avec Jim Polk (1968-1973), elle épouse le romancier Graeme Gibson, avec qui elle aura une fille, Eleanor Jess, en 1976.
Son œuvre diversifiée – romans, poésie et essais – lui vaut une reconnaissance internationale. Son roman le plus célèbre, « La servante écarlate » (1985), remporte le Prix Arthur C. Clarke et connaît plusieurs adaptations remarquées. Elle obtient deux fois le prestigieux prix Booker : en 2000 pour « Le tueur aveugle » et en 2019 pour « Les testaments ». Engagée politiquement, elle soutient notamment le Bloc québécois en 2008, année où elle reçoit également le Prix Prince des Asturies.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. La servante écarlate (1985)
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Dans un futur dystopique, les États-Unis ont laissé place à la République de Gilead, une société totalitaire où les femmes sont asservies. Defred, l’héroïne du roman, appartient à la caste des « Servantes écarlates », réduites à l’état d’esclaves sexuelles pour pallier l’infertilité des épouses des dirigeants.
Avant la révolution, Defred menait une vie normale avec son mari, Luke, et leur fille. Désormais, elle subit une existence étouffante, ponctuée de cérémonies de procréation humiliantes et d’une peur constante d’être dénoncée pour insoumission par les espions du régime. Son seul réconfort : ses souvenirs d’antan et Nick, le chauffeur de la maison, avec qui elle entretient une liaison secrète et dangereuse.
Véritable coup de poing littéraire, le récit glaçant de Margaret Atwood met en lumière les dérives d’une société patriarcale poussée à son paroxysme. Une œuvre visionnaire qui résonne plus que jamais à notre époque, entre montée des extrémismes et recul des droits des femmes.
Aux éditions ROBERT LAFFONT ; 576 pages.
2. Les testaments (2019)
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Inspiré d’un fait réel, « Captive » nous entraîne dans le Canada du XIXe siècle. Grace Marks, une domestique de 16 ans, est accusée du meurtre de son maître et de sa gouvernante avec la complicité de James McDermott. Si James est pendu, Grace échappe à la corde et sa peine est commuée en prison à perpétuité.
Des années plus tard, le Dr Simon Jordan, aliéniste, s’entretient avec Grace dans l’espoir de percer les secrets de son amnésie entourant le crime. Au fil des séances, la jeune femme se dévoile. De son Irlande natale à son arrivée au Canada, Grace tisse le récit d’une vie de misère. Enfance difficile, travail éreintant de bonne à tout faire, maîtres abusifs : elle révèle un quotidien fait de labeur et d’injustice.
Mais entre les confessions de Grace et l’analyse du médecin, le doute s’immisce. Innocente aux mains tachées de sang ou habile manipulatrice ? Coupable ou victime ? Margaret Atwood maintient l’ambiguïté, questionnant la vérité et la folie. Un récit poignant qui lève le voile sur la condition des femmes et sur l’émergence de la psychiatrie à cette époque.
Aux éditions 10/18 ; 624 pages.
3. C’est le cœur qui lâche en dernier (2015)
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Imaginez un monde où la crise a tout balayé. C’est le quotidien de Stan et Charmaine, contraints de dormir dans leur voiture, à la merci des pillards. Quand une publicité leur vante les mérites de Consilience, une ville idyllique promettant emploi et logis, ils n’hésitent pas une seconde. Ils signent, sans se méfier.
Le rêve tourne vite au cauchemar. Certes, à Consilience, chacun a un travail et une maison. Mais seulement la moitié du temps. L’autre moitié, il faut la passer en prison. Et pendant ce temps, un autre couple s’installe chez vous, dort dans votre lit. La règle est implacable : ne jamais croiser son « alternant ». Mais un jour, Stan tombe sur un mot qui va le rendre fou de désir pour celle qui se glisse entre ses draps quand lui n’y est pas : « Je suis affamée de toi. »
Margaret Atwood tisse une satire grinçante des dérives d’une société prête à troquer liberté contre sécurité. Avec un humour caustique, elle dépeint un univers inquiétant où les plus démunis sont réduits à l’état de cobayes. Un roman dérangeant qui sonne comme un avertissement sur les dangers d’un contrôle absolu.
Aux éditions 10/18 ; 480 pages.
4. Le dernier homme (2003)
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Dans « Le dernier homme », Margaret Atwood nous entraîne dans un monde post-apocalyptique saisissant. Snowman, qui semble être l’ultime survivant de l’humanité, lutte pour sa survie dans un environnement hostile peuplé d’animaux génétiquement modifiés tels que les porcons et les louchiens. Il veille sur les Crakers, des humanoïdes créés artificiellement, dénués de violence et de désir sexuel.
À travers les souvenirs de Snowman, autrefois appelé Jimmy, le lecteur découvre peu à peu les événements qui ont mené à cette situation catastrophique. Dans une société dominée par les avancées scientifiques et les manipulations génétiques, où les inégalités sont criantes entre les privilégiés des Compounds et les habitants des Plèbezones, un virus foudroyant a décimé la population mondiale.
Margaret Atwood dépeint avec brio les dérives d’un monde où l’éthique a été balayée par la quête du profit et du pouvoir. Son écriture précise donne vie à cet univers glaçant, qui résonne comme un avertissement. « Le dernier homme » est le premier volet d’une trilogie qui interroge les limites de la science et les conséquences désastreuses d’une humanité ayant perdu tout repère moral.
Aux éditions 10/18 ; 480 pages.
5. L’odyssée de Pénélope (2005)
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Avec « L’odyssée de Pénélope », Margaret Atwood revisite brillamment l’épopée d’Homère en donnant la parole à l’épouse d’Ulysse. Réfugiée aux Enfers depuis son trépas, Pénélope décide de conter sa propre version des événements, lasse des « calomnies dont elle fait l’objet depuis deux ou trois mille ans ». Au fil des pages, elle démystifie la figure de l’épouse modèle qui lui colle à la peau pour révéler une personnalité bien plus ambivalente et retorse qu’on ne le croit.
Au royaume des morts, Pénélope côtoie notamment sa cousine Hélène, la belle écervelée à l’origine de la guerre de Troie. Évoquant avec causticité son enfance et son mariage arrangé avec Ulysse à l’âge de quinze ans, elle retrace surtout les vingt années d’absence de son mari parti guerroyer. Seule à Ithaque pour élever leur fils Télémaque et gérer les affaires du royaume, Pénélope doit déjouer les avances pressantes de prétendants déterminés à s’emparer du trône vacant.
Le récit de Pénélope alterne avec les interventions d’un chœur constitué des douze servantes injustement pendues par Ulysse à son retour. Leurs complaintes, poèmes et chansons ponctuent la narration, suggérant une autre vérité. Au-delà de son aspect ludique et irrévérencieux, le roman pose un regard neuf sur le personnage de Pénélope, loin de l’archétype de fidélité et de patience véhiculé par la tradition. Margaret Atwood sonde les failles et les noirceurs d’une héroïne bien plus retorse qu’il n’y paraît, peut-être même plus fourbe encore que son illustre mari.
Aux éditions ROBERT LAFFONT ; 191 pages.
6. Le tueur aveugle (2000)
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Avec « Le tueur aveugle », Margaret Atwood livre un roman ambitieux, foisonnant et profondément humain. Au crépuscule de sa vie, Iris Chase couche sur le papier l’histoire tourmentée de sa famille, puissante dynastie industrielle canadienne. De son enfance dorée à son mariage raté, elle retrace les étapes d’une existence sacrifiée.
En filigrane se dessine le parcours sulfureux de Laura, sa jeune sœur au tempérament artiste, qui se donnera la mort peu après avoir écrit « Le tueur aveugle », un étrange roman de science-fiction. Des fragments de ce texte parsèment le récit, de même que des coupures de presse relatant les hauts et les bas de la famille Chase. Tel un puzzle savamment assemblé, ces éclats disparates finissent par composer un tableau saisissant.
Entre ombres et lumière, Margaret Atwood ressuscite un monde disparu. Mœurs d’une époque révolue, drames intimes et tragédies historiques s’entrechoquent dans ce chef-d’œuvre envoûtant. Portée par une architecture narrative sophistiquée et une langue somptueuse, cette saga familiale et sociale de haute volée est un joyau de la littérature canadienne contemporaine.
Aux éditions 10/18 ; 672 pages.
7. Graine de sorcière (2016)
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Felix, metteur en scène, est lâchement congédié du festival de théâtre de Makeshiweg au Canada par son adjoint Tony, au moment même où il s’apprête à présenter une audacieuse mise en scène de « La Tempête » de Shakespeare. Effondré, il s’exile dans une masure au cœur de la forêt, où seul le souvenir de sa fille Miranda lui tient compagnie.
Une décennie plus tard, Felix donne des cours de théâtre dans une prison. Il flaire l’occasion rêvée d’assouvir sa vengeance quand ses anciens ennemis, désormais de puissants politiciens, annoncent leur venue à une représentation des détenus. Felix choisit de monter « La Tempête », bien décidé à leur tendre un piège machiavélique.
Margaret Atwood signe avec « Graine de sorcière » un formidable hommage à Shakespeare. Au fil de ce récit aussi intense que drolatique, elle imagine les coulisses d’une production théâtrale hors norme et l’improbable rencontre entre un artiste blessé et une galerie de truands attachants. Une ode à la puissance cathartique du théâtre.
Aux éditions ROBERT LAFFONT ; 360 pages.
8. La voleuse d’hommes (1993)
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« La voleuse d’hommes », de Margaret Atwood, nous plonge au cœur de la vie de trois quinquagénaires à Toronto. Tony, Charis et Roz, que tout oppose hormis leur amitié forgée à l’université, se retrouvent chaque mois autour d’un repas. Leur point commun ? Zenia, la femme fatale qui a dérobé leurs compagnons, semant chaos et dévastation sur son passage. Disparue lors d’un attentat, elle refait surface un jour, bien vivante, au restaurant où elles déjeunent.
Le récit remonte alors le fil du temps, dévoilant tour à tour les rencontres de chaque femme avec Zenia, ainsi que leurs enfances respectives. Tony, professeure d’histoire militaire, trouve refuge dans les récits de guerre. Charis, fragile et mystique, perçoit les auras et se nourrit de spiritualité. Roz, la femme d’affaires accomplie, excelle dans un monde d’hommes. Chacune succombe aux mensonges de Zenia, qui, telle un caméléon, endosse des identités multiples pour mieux les duper et briser leurs vies.
Entre passé et présent, vérité et mensonge, Atwood tisse une intrigue subtile dans laquelle l’amitié et la solidarité féminines triomphent de la perfidie. Avec une plume acérée, elle dresse le portrait de femmes meurtries mais résilientes, confrontées à la trahison ultime incarnée par Zenia, la voleuse d’hommes. Un roman puissant sur la complexité des relations humaines.
Aux éditions 10/18 ; 656 pages.