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Louis Aragon en 9 livres majeurs – Notre sélection

Louis Aragon en 9 livres majeurs – Notre sélection

Louis Aragon (1897-1982) est l’une des figures majeures de la littérature française du XXe siècle. Né à Paris d’une relation adultérine entre Louis Andrieux, préfet de police, et Marguerite Toucas-Massillon, il grandit dans le secret de sa naissance, une blessure qui marquera son œuvre.

Dans les années 1920, il participe à l’aventure dadaïste puis surréaliste aux côtés d’André Breton. Il adhère au Parti communiste français en 1927, engagement qu’il conservera toute sa vie malgré des périodes de doute. Sa rencontre avec Elsa Triolet en 1928 est déterminante : elle devient sa muse et sa compagne jusqu’à sa mort en 1970.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, il s’illustre dans la Résistance, tant par son action que par sa poésie patriotique (« Les Yeux d’Elsa », « La Rose et le Réséda »). Après-guerre, il devient une figure majeure de la vie intellectuelle française, dirigeant notamment Les Lettres françaises de 1953 à 1972. Romancier (« Le Monde réel »), poète engagé puis critique du stalinisme, il est aussi l’un des auteurs français les plus mis en musique, notamment par Léo Ferré et Jean Ferrat.

Son œuvre considérable oscille entre engagement politique et lyrisme amoureux, innovation formelle et retour à la tradition poétique. Il meurt à Paris le 24 décembre 1982, laissant l’image d’un intellectuel complexe, à la fois fidèle à ses engagements et capable de les remettre en question.

Voici notre sélection de ses livres majeurs.


1. Aurélien (roman, 1944)

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Dans le Paris des années 1920, Aurélien Leurtillois mène une existence oisive de rentier, hanté par les souvenirs de la Grande Guerre. À trente ans, ce jeune bourgeois désœuvré enchaîne les conquêtes sans lendemain et les soirées mondaines, incapable de trouver un sens à sa vie.

Un soir, chez son ami Edmond Barbentane, il rencontre Bérénice Morel, une provinciale mariée venue passer quelques semaines dans la capitale. Sa première impression est sans appel : il la trouve « franchement laide ». Pourtant, touché par sa voix de contralto et son aura, Aurélien succombe peu à peu à une passion dévorante. Entre les deux êtres naît un amour impossible, fait d’hésitations et de non-dits. Bérénice, en quête d’absolu, refuse de céder à ses avances malgré leur attirance mutuelle.

Dix-huit ans plus tard, en plein exode de 1940, le hasard les réunit à nouveau. Mais le temps a fait son œuvre : ils ne sont plus les mêmes et leurs retrouvailles ne feront que confirmer l’impossibilité de leur amour.

Écrit pendant l’Occupation et publié en 1944, ce roman s’inspire en partie de l’amitié brisée entre Aragon et l’écrivain Pierre Drieu la Rochelle. À travers cette histoire d’amour qui ne peut aboutir se dessine le portrait d’une génération meurtrie par la guerre, dans un Paris artistique et mondain où se croisent Picasso, Cocteau et les surréalistes. Le livre a fait l’objet de deux adaptations télévisées, en 1978 et 2003.

Aux éditions FOLIO ; 635 pages.


2. Les Yeux d’Elsa (recueil de poèmes, 1942)

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« Les Yeux d’Elsa », publié en 1942, réunit vingt-et-un poèmes composés par Louis Aragon entre 1941 et 1942, en pleine occupation allemande. Le recueil s’ouvre sur le poème éponyme dédié à Elsa Triolet, l’épouse du poète qu’il a rencontrée en 1928 à La Coupole et épousée en 1939. Ces vers célèbrent la beauté de sa muse à travers des images saisissantes : « Tes yeux sont si profonds qu’en m’y penchant pour boire / J’ai vu tous les soleils y venir se mirer. »

Mais derrière cet hymne à l’amour se cache aussi un message de résistance. Dans une France meurtrie par la guerre, Aragon entremêle subtilement l’éloge de sa bien-aimée et celui de son pays opprimé. Les références à la Table Ronde et aux héros médiévaux se muent en allégories de la lutte contre l’occupant. Le poète transforme ainsi sa passion pour Elsa en un chant patriotique codé qui a pu échapper à la censure de Vichy.

Ce recueil marque le début d’un long cycle poétique qu’Aragon consacrera à Elsa jusqu’à la mort de celle-ci en 1970. Ses vers ont inspiré de nombreux artistes, de Jean Ferrat à Patrick Bruel, qui les ont mis en musique. La force du recueil tient dans cette fusion entre l’intime et l’historique, entre l’amour absolu pour une femme et l’engagement pour la liberté de tout un peuple.

Aux éditions SEGHERS ; 160 pages.


3. Elsa (recueil de poèmes, 1959)

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Publié en 1959, « Elsa » constitue l’un des sommets du « cycle d’Elsa », série d’œuvres poétiques qu’Aragon consacre à sa femme Elsa Triolet. Ce long poème mêle vers classiques, textes en prose et une pièce de théâtre pour dépeindre une histoire d’amour hors du commun, née de leur rencontre à la brasserie de La Coupole en 1928.

Les poèmes suivent le fil des pensées d’un homme éperdument amoureux qui scrute sa femme endormie, guette ses rêveries, s’inquiète de ses absences. La crainte du temps qui s’écoule se mêle à la difficulté de mettre des mots sur des sentiments trop grands. Entre servitude et domination, entre paradis et enfer, la relation amoureuse se dévoile dans toute sa complexité.

Paru simultanément avec « Roses à crédit » d’Elsa Triolet, ce texte dialogue avec le « Roman de la Rose » et « L’Empire des Roses » de Saadi. Dans le contexte trouble de la déstalinisation qui secoue alors le Parti communiste français, ce recueil marque pour Pierre Daix une « reconstruction » d’Aragon, tant personnelle que politique. Les incursions de la modernité (scooters, références à Aznavour) ancrent cette célébration de l’amour dans son époque tout en lui conférant une dimension universelle.

Aux éditions GALLIMARD ; 156 pages.


4. Le Fou d’Elsa (recueil de poèmes, 1963)

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En 1492, à l’heure où Grenade s’apprête à tomber aux mains des Rois Catholiques, un vieux chanteur des rues sillonne la cité. Les habitants le surnomment le Medjnoûn – le Fou. Dans cette dernière ville d’Espagne où règne encore l’Islam, sous le trône fragile de Boabdil, ce sage illuminé chante son amour impossible pour une femme qui n’existe pas encore : Elsa.

Le Fou transcende le temps dans ses visions mystiques. Il dialogue avec le poète García Lorca, croise la route de Don Quichotte, s’entretient avec les philosophes Averroès et Maïmonide. Son histoire reprend le mythe persan de Majnoun et Leila, mais le transpose dans une Grenade au carrefour des cultures, où musulmans et juifs cultivent encore un art de vivre menacé par l’avancée de l’Inquisition.

Publié en 1963, ce long poème d’Aragon fait écho aux tensions de la décolonisation et de la guerre d’Algérie. La formule devenue célèbre « L’avenir de l’homme est la femme » y apparaît, immortalisée ensuite par Jean Ferrat qui mettra en musique plusieurs textes du recueil, comme « Aimer à perdre la raison » ou « Nous dormirons ensemble ». Cette fresque poétique établit un dialogue puissant entre les civilisations, en conjuguant l’histoire de la Reconquista aux questionnements sur la place du monde arabo-musulman dans la modernité.

Aux éditions GALLIMARD ; 560 pages.


5. Le roman inachevé (recueil de poèmes, 1956)

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Publié en 1956, « Le Roman inachevé » d’Aragon se présente comme une autobiographie poétique où l’écrivain, alors âgé de 59 ans, revisite les moments clés de son existence. À travers une succession de poèmes, il retrace son parcours depuis son enfance malheureuse jusqu’à sa vie d’homme mûr, en passant par les deux guerres mondiales et ses années surréalistes aux côtés d’André Breton.

Le fil conducteur de ce recueil suit une trame chronologique, même si celle-ci n’est pas strictement linéaire. Les guerres y occupent une place centrale, tout comme ses engagements politiques, notamment son adhésion au Parti communiste. Mais c’est surtout l’amour qui irrigue l’ensemble de l’œuvre, à travers la figure d’Elsa Triolet, sa compagne depuis leur rencontre en 1928.

Cette œuvre résonne particulièrement avec son époque : publiée l’année même où sont révélés les crimes de Staline, elle porte la marque d’un homme ébranlé dans ses convictions. La diversité des formes poétiques – du quintil aux vers de seize syllabes – traduit cette quête d’équilibre entre unité et dispersion. Plusieurs poèmes ont connu une seconde vie grâce à leurs adaptations musicales par Léo Ferré et Jean Ferrat, notamment « L’Affiche rouge » et « Que serais-je sans toi », devenus des classiques de la chanson française.

Aux éditions GALLIMARD ; 256 pages.


6. Le paysan de Paris (recueil de poèmes, 1926)

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En 1924, alors que les grands travaux haussmanniens continuent de transformer Paris, un jeune poète observe la capitale avec des yeux neufs. Dans le Passage de l’Opéra condamné à disparaître, il prend des notes sur chaque boutique, chaque commerce, chaque personnage : le café Le Petit Grillon où il retrouve ses amis pour jouer au baccara, les salons de coiffure aux étranges mannequins de cire, les établissements de bains aux activités douteuses.

La nuit venue, sa déambulation le conduit aux Buttes-Chaumont. Accompagné d’André Breton, il parcourt les allées désertes de ce parc artificiel où les rochers côtoient une nature domestiquée. Dans ce décor propice aux rêveries, ses pensées le ramènent sans cesse à Eyre de Lanux, une femme mariée dont il est éperdument amoureux.

Écrit entre 1923 et 1926, pendant qu’Aragon vit deux passions amoureuses successives, « Le paysan de Paris » bouleverse les codes littéraires de son époque. Le texte juxtapose librement descriptions réalistes, reproductions d’affiches publicitaires, dialogues avec des statues et méditations philosophiques. Cette audace formelle lui vaut un accueil hostile à sa sortie, y compris de la part des surréalistes. Mais le temps lui donnera raison : « Le paysan de Paris » deviendra l’un des textes majeurs du surréalisme, salué pour sa capacité inédite à transfigurer le quotidien en merveilleux.

Aux éditions FOLIO ; 248 pages.


7. Les beaux quartiers (roman, 1936)

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À la veille de la Première Guerre mondiale, deux frères issus de la bourgeoisie provinciale suivent des trajectoires radicalement différentes. À Sérianne, petite ville du Sud, Edmond brille par son charme et son ambition, et marche dans les pas de son père médecin. Son frère Armand, plus sensible, se dégage peu à peu de l’emprise maternelle qui le destinait à la prêtrise.

Le destin les mène tous deux à Paris, où leurs chemins divergent encore davantage. Edmond, étudiant en médecine, s’enfonce dans une spirale d’ambition et de séduction après sa rencontre avec Carlotta, une courtisane entretenue par un homme fortuné. Armand, lui, rompt avec son milieu social et s’engage aux côtés des ouvriers dans les usines de Levallois-Perret, où il est confronté aux premières luttes syndicales.

Publié en 1936, ce roman d’Aragon remporte le prix Renaudot. Il y dépeint une société française fracturée entre les quartiers huppés de l’ouest parisien et les faubourgs populaires. La montée des tensions sociales, les débats sur la loi militaire des trois ans et l’imminence de la guerre tissent la toile de fond de cette fresque sociale. Dans ce roman nourri de ses propres expériences, Aragon se projette à la fois dans ses deux personnages principaux, comme il le confiera plus tard à Elsa Triolet.

Aux éditions FOLIO ; 624 pages.


8. La Semaine Sainte (roman, 1958)

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La semaine du 19 au 26 mars 1815 bouleverse la France. Napoléon, échappé de l’île d’Elbe, marche sur Paris. Dans la panique, Louis XVIII et sa Maison fuient vers le nord. Théodore Géricault, qui a troqué ses pinceaux contre un uniforme de mousquetaire royal, se retrouve embarqué dans cette retraite précipitée.

La débâcle révèle les failles d’une société fracturée. D’un côté, une cour en déroute qui court vers Béthune puis la Belgique. De l’autre, un peuple qui observe, las des guerres mais sensible aux promesses de l’Empereur. Entre les deux, des maréchaux d’Empire ralliés aux Bourbons s’interrogent sur leur fidélité.

Dans ce tourbillon d’événements, chaque personnage affronte ses propres démons. Le maréchal Berthier pressent sa fin tragique, le duc de Richelieu manœuvre diplomatiquement, tandis que des révolutionnaires conspirent dans la vallée de la Somme. Pour Géricault, cette fuite pose une question essentielle : doit-on quitter son pays par loyauté envers un roi ?

Ce grand roman de 1958 naît dans un contexte particulier. Les illusions d’Aragon sur le communisme s’effondrent après les révélations de 1956 sur les crimes staliniens. Cette chronique de 1815 devient alors le miroir de ses propres questionnements sur l’engagement. L’ouvrage connaît un succès immédiat et est souvent considéré comme son livre le plus accompli. Émile Henriot la qualifie dans Le Monde de « chef-d’œuvre bouillonnant ».

Aux éditions FOLIO ; 835 pages.


9. Les cloches de Bâle (roman, 1934)

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À l’aube de la Première Guerre mondiale, la haute société parisienne vit ses dernières heures d’insouciance. Diane, issue d’une noblesse ruinée, enchaîne les liaisons avec des hommes fortunés. Catherine Simonidzé, aristocrate géorgienne déracinée, mène une existence oisive grâce à la fortune pétrolière de son père. Leur monde bascule quand Catherine rencontre Victor, un chauffeur de taxi militant qui lui ouvre les yeux sur les luttes sociales.

Le roman entrecroise les destins de ses personnages avec les soubresauts de l’Histoire : la grève des horlogers de Cluses, les revendications des taxis parisiens, les crimes de la bande à Bonnot. L’intrigue atteint son paroxysme au Congrès socialiste de Bâle en 1912, où se joue l’avenir de la paix en Europe. Clara Zetkin, figure du socialisme allemand, incarne l’espoir d’un monde nouveau porté par l’émancipation des femmes.

Paru en 1934, au moment où Aragon s’éloigne du surréalisme, ce premier tome du « Monde réel » conjugue fresque historique et roman d’apprentissage. La satire musclée de la bourgeoisie d’affaires côtoie une réflexion sur l’engagement politique. Cette chronique de la Belle Époque résonne comme un avertissement : les cloches de Bâle sonnent le glas d’une société condamnée par ses propres contradictions.

Aux éditions FOLIO ; 438 pages.

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