Roman culte mêlant thriller psychologique et vertige mental, « Shutter Island » a laissé bien des lecteurs sonnés, fascinés par son atmosphère paranoïaque et son twist final. Si vous cherchez à prolonger cette expérience troublante — entre fausses pistes, récits fragmentés et personnages en quête de vérité — cette sélection de romans est faite pour vous.
1. La dernière maison avant les bois (Catriona Ward, 2021)
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Dans « La dernière maison avant les bois », Ted Bannerman vit reclus dans une maison barricadée, au bout d’une impasse bordée par les bois. Sa fille Lauren lui rend parfois visite, son chat Olivia partage son quotidien. Onze ans plus tôt, une petite fille a disparu non loin de là. Dee, la sœur de la disparue, en est persuadée : Ted est lié à cette affaire. Elle emménage alors dans la maison voisine et commence à l’observer. Ce qu’elle découvre la trouble, mais tout semble flou. Les voix se superposent, les faits glissent, le vrai et le faux se confondent. Et les murs de cette maison semblent bien plus épais qu’il n’y paraît.
Si vous avez aimé « Shutter Island », ce roman pourrait vous séduire. Dans les deux cas, il y a un personnage principal dont la réalité vacille, un passé trouble, une enquête personnelle et une maison qui cache plus qu’elle ne montre. L’ambiance est tendue, parfois étrange, toujours instable. On croit comprendre, on croit savoir, puis le sol se dérobe.
Catriona Ward, comme Dennis Lehane, joue avec la perception, manipule le lecteur sans tricher, et révèle ses cartes au dernier moment. Le récit est construit en chapitres alternés, chacun avec sa voix, son ton, son mystère. Et c’est précisément ce jeu de points de vue, parfois déroutant, qui crée ce même effet de vertige qu’on retrouve sur l’île de Lehane. Le décor change, mais l’ombre qui plane est la même : celle d’une vérité que l’esprit refuse d’admettre.
Aux éditions POCKET ; 496 pages.
2. Dans son silence (Alex Michaelides, 2019)
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Dans « Dans son silence », Alex Michaelides met en scène Alicia Berenson, artiste peintre reconnue, internée dans un hôpital psychiatrique après avoir été retrouvée couverte de sang, face au cadavre de son mari assassiné. Depuis, elle ne prononce plus un mot. Jugée mentalement irresponsable, elle est placée dans une clinique où, six ans plus tard, Theo Faber, psychothérapeute obsédé par son cas, parvient à se faire embaucher. Il est convaincu qu’il peut la faire parler. Ce qu’il découvre au fil de leurs échanges dépasse largement ses attentes.
Ce roman peut séduire les lecteurs de « Shutter Island » pour plusieurs raisons. On y retrouve la même atmosphère trouble, tendue, entre les murs d’un hôpital psychiatrique, avec un personnage principal persuadé qu’un mystère bien plus profond se cache derrière les apparences. Comme Teddy Daniels chez Lehane, Theo Faber est un homme qui enquête sous couvert de son rôle professionnel, porté par une obsession personnelle difficile à séparer de sa mission officielle. La frontière entre ce qui est vrai et ce qui est imaginé y reste floue, et le lecteur avance dans un brouillard psychologique dense, où les révélations s’enchaînent sans jamais relâcher la tension.
L’écriture, concise et rythmée, entretient le suspense jusqu’à un final inattendu. Là aussi, l’énigme n’est pas seulement un crime : c’est une faille dans un esprit, une construction fragile dont la cohérence menace de s’effondrer à chaque instant. Pour celles et ceux qui ont aimé se perdre dans les faux-semblants de « Shutter Island », « Dans son silence » offre un jeu de miroirs tout aussi addictif.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 416 pages.
3. Les sept morts d’Evelyn Hardcastle (Stuart Turton, 2018)
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Dans « Les sept morts d’Evelyn Hardcastle », Aiden Bishop se réveille dans le corps d’un homme qu’il ne connaît pas, dans un manoir qu’il ne reconnaît pas, au milieu d’invités dont il ignore tout. Il apprend rapidement qu’Evelyn Hardcastle, la fille de la maison, va être assassinée ce soir à 23 heures. Pour comprendre ce meurtre, et peut-être l’empêcher, il devra revivre cette journée encore et encore, dans le corps de huit personnes différentes. Chaque “vie” lui offre une perspective nouvelle sur les événements, mais aussi des obstacles supplémentaires : souvenirs flous, ennemis invisibles, règles inconnues. Et s’il échoue, tout recommence à zéro.
Ce roman peut plaire à ceux qui ont aimé « Shutter Island » pour plusieurs raisons. D’abord, les deux livres partagent une structure en trompe-l’œil, où la vérité se cache derrière des apparences mouvantes. Dans les deux cas, le héros doute de sa propre perception. Aiden Bishop, comme Teddy Daniels, se cogne sans cesse contre un décor instable, habité par des personnages troubles, des non-dits, des masques.
L’atmosphère joue aussi un rôle important. Si « Shutter Island » mise sur l’isolement d’un hôpital psychiatrique coupé du monde, « Les sept morts d’Evelyn Hardcastle » enferme son intrigue dans un vieux manoir anglais, perdu dans la brume, avec ses règles figées, ses silences pesants, ses rancunes anciennes. Le huis clos renforce le sentiment d’étrangeté, installe une tension constante.
Enfin, les deux récits imposent une lecture attentive. Ce sont des romans où il faut rester sur ses gardes, où chaque élément compte, où la résolution n’est jamais là où on l’attend. Si l’enquête policière est le moteur de l’intrigue, ce sont surtout les jeux de mémoire, les énigmes de l’identité, et la question de la liberté qui captivent. Dans les deux histoires, comprendre qui manipule qui devient aussi important que de savoir qui a tué.
Aux éditions 10/18 ; 600 pages.
4. La femme à la fenêtre (A. J. Finn, 2018)
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Dans « La femme à la fenêtre », Anna Fox vit recluse dans sa maison new-yorkaise depuis qu’un traumatisme l’a rendue agoraphobe. Son quotidien tourne autour du vin rouge, des médicaments, des vieux films noirs… et de l’observation de ses voisins. Un jour, elle croit assister au meurtre d’une femme chez les Russell, la famille qui habite en face. Mais personne ne la croit. Ni la police, ni les Russel, ni même elle, tant ses repères vacillent. Alors, a-t-elle vraiment vu quelque chose ou est-ce le fruit de son imagination altérée ?
Ce roman pourrait plaire à un lecteur de « Shutter Island » pour plusieurs raisons. D’abord, on retrouve ce même doute qui empoisonne chaque page : le personnage principal voit-il juste ou perd-il pied ? Anna, comme Teddy Daniels, n’est pas un narrateur fiable. Sa parole chancelle, ses souvenirs s’entrechoquent, sa perception est constamment remise en cause par les autres — et par elle-même. Ensuite, les deux romans partagent un goût prononcé pour l’isolement. L’hôpital de Shutter Island devient un piège mental, la maison d’Anna une prison anxieuse. Tout, dans les deux cas, se joue en vase clos, dans un décor étouffant.
Enfin, « La femme à la fenêtre » joue elle aussi avec les codes du suspense psychologique. Pas de violence gratuite ni de course-poursuite : c’est l’incertitude qui fait monter la tension, jusqu’à un retournement qui vient recadrer tout ce qu’on croyait avoir compris. C’est peut-être moins brutal que chez Lehane, mais l’effet sur le lecteur est comparable : on referme le livre avec cette sensation étrange d’avoir été manipulé du début à la fin.
Aux éditions POCKET ; 608 pages.
5. Parfois je mens (Alice Feeney, 2017)
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Amber Reynolds est dans le coma. Elle entend ce qui se dit autour d’elle, mais personne ne sait qu’elle est consciente. Elle ne se souvient pas comment elle en est arrivée là. Son mari est distant, sa sœur trop présente. Et surtout, elle nous prévient dès la première page : parfois, elle ment. Le roman suit trois lignes temporelles qui s’entrelacent — le présent, les jours précédant l’accident, et des extraits d’un journal intime tenu dans l’enfance — et c’est au lecteur de faire le tri entre ce qui est vrai, ce qui ne l’est pas, et ce qui pourrait l’être.
Si vous avez aimé « Shutter Island » de Dennis Lehane, « Parfois je mens » pourrait être un excellent choix. Comme Teddy Daniels, Amber est une narratrice trouble, à la mémoire incertaine, qui donne l’impression de perdre pied. Dans les deux récits, les apparences s’effondrent peu à peu. Ce qu’on croyait sûr devient suspect. On pense avoir compris, puis tout bascule. Il y a cette même ambiance tendue, cette même sensation d’être manipulé. Le doute s’installe partout, même dans ce qu’on croyait intangible.
Ce que réussit Alice Feeney, c’est exactement ce que réussit Dennis Lehane : vous faire douter de ce que vous lisez, vous forcer à remettre en question ce que vous pensiez acquis. Et quand la vérité se dévoile, ce n’est jamais une réponse simple. C’est un coup de poing.
Aux éditions HAUTEVILLE ; 333 pages.
6. Ames sœurs (John Marrs, 2016)
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Dans « Âmes sœurs », John Marrs imagine un monde dans lequel un simple test ADN suffit pour identifier la personne avec qui vous êtes censé partager le lien amoureux parfait. Jade, Mandy, Nick, Christopher et Ellis se lancent dans l’expérience. Tous découvrent leur binôme. Tous croient avoir trouvé ce que chacun cherche : une relation évidente, fluide, définitive. Mais ce qui s’annonce comme une promesse de bonheur se transforme vite en piège. Car même les pires individus ont, eux aussi, un binôme génétique. Et certaines unions peuvent devenir mortelles.
Si vous avez dévoré « Shutter Island », c’est probablement parce que vous appréciez les histoires qui jouent avec les apparences, bousculent la perception du réel et révèlent peu à peu une vérité dérangeante. « Âmes sœurs » fonctionne sur une mécanique assez proche. Ce que John Marrs raconte d’abord comme une fiction amoureuse glisse rapidement vers une tension psychologique.
Le roman ne repose pas sur une seule intrigue, mais sur cinq trajectoires qui s’entrecroisent et dont le fil commun — ce test ADN — agit comme une bombe à retardement. On y retrouve des personnages ambigus, des situations troubles, des révélations imprévues et un malaise grandissant. Comme dans le roman de Lehane, ce n’est pas ce que les personnages croient qui compte, mais ce qu’ils refusent de voir. Et la lecture, tout comme dans « Shutter Island », devient une course vers une vérité qui dérange plus qu’elle ne soulage.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 504 pages.
7. Dark Matter (Blake Crouch, 2016)
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Dans « Dark Matter », Blake Crouch raconte l’histoire de Jason Dessen, professeur de physique à Chicago, marié et père d’un adolescent. Un soir, il est enlevé. À son réveil, sa vie a basculé : il est un chercheur reconnu, sans femme ni enfant, dans un monde qui ressemble au sien, mais qui n’est pas le bon. Ce qu’il va découvrir dépasse ce qu’il croyait possible. Son quotidien a été effacé, remplacé par un autre, et personne ne semble s’en étonner. Pour retrouver sa vraie vie, Jason doit comprendre ce qui lui est arrivé, affronter l’impensable et se confronter à lui-même.
On retrouve ici un homme pris dans une réalité instable, en quête de vérité, qui doute de ce qu’il voit, de ce qu’il est. Comme Teddy Daniels dans le roman de Lehane, Jason cherche à reconstituer un puzzle mental où tout semble se dérober. Ce qui est réel se brouille avec ce qui ne l’est pas. Le suspense repose moins sur une enquête classique que sur un glissement progressif dans une situation qui échappe au héros.
L’auteur réussit à maintenir une tension constante. Il mise sur des phrases sèches, un rythme rapide, une progression par à-coups, qui empêchent de relâcher l’attention. À mesure que Jason avance, le doute s’installe, non seulement sur ce qui l’entoure, mais aussi sur ses choix, sur sa propre identité. L’aspect scientifique du roman – basé sur le concept des multivers – ne prend jamais le dessus. Crouch évite de noyer le lecteur sous des explications techniques. Il s’intéresse surtout à ce que signifie être soi, et à ce que l’on serait prêt à faire pour retrouver ceux qu’on aime.
Comme « Shutter Island », « Dark Matter » pousse le lecteur à remettre en question ce qu’il croit avoir compris. Les deux livres partagent cette capacité à créer un trouble, à forcer une relecture intérieure : qu’aurait-on fait, à la place du héros ? Est-on sûr de soi, de ses souvenirs, de sa vie ? Deux bouquins qui interrogent sans alourdir, avec une efficacité qui fonctionne à chaque page.
Aux éditions GALLMEISTER ; 544 pages.
8. Je sens grandir ma peur (Iain Reid, 2016)
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Dans « Je sens grandir ma peur », un jeune couple traverse une campagne enneigée pour rendre visite aux parents de Jake, le garçon. Elle, la narratrice, reste anonyme. Leur relation est récente, fragile. Elle pense déjà à y mettre fin. Pendant le trajet, elle reçoit des appels étranges — depuis son propre numéro. L’atmosphère est lourde, glacée. La maison familiale, isolée, semble figée. La mère entend des voix. Jake devient de plus en plus distant. Ce qui commence comme une simple visite vire peu à peu au cauchemar. La tension monte lentement, jusqu’à une révélation finale qui rebat entièrement les cartes.
Pourquoi le recommander après « Shutter Island » ? Parce qu’il joue sur les mêmes ressorts. Une réalité instable. Des personnages qui fuient ou refusent ce qu’ils sont. Une atmosphère où le malaise grandit à chaque page, sans cause évidente. On ne sait jamais où se situer, ni à qui se fier. Le doute s’insinue partout : dans les dialogues, dans les silences, dans les détails étranges — ce dîner figé dans le temps, ces voix, cette cave.
Comme Dennis Lehane, Iain Reid construit un piège mental. Il ne cherche pas à effrayer avec des effets faciles, mais installe un malaise diffus, constant, presque sournois. Et surtout, il pousse le lecteur à remettre en question ce qu’il lit, ce qu’il croit avoir compris. Ce jeu avec la perception, ce glissement vers l’irrationnel, ce sont exactement les sensations que provoque « Shutter Island ». Et c’est aussi ce qui fait que « Je sens grandir ma peur » peut autant désarçonner que fasciner.
Aux éditions POCKET ; 240 pages.
9. Te laisser partir (Clare Mackintosh, 2014)
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Un soir de pluie à Bristol, un petit garçon meurt percuté par une voiture. Le chauffard s’enfuit. L’enquête piétine, la mère s’effondre. Jenna, une femme brisée, fuit la ville pour s’enterrer dans un village battu par le vent, au bord de la mer. L’histoire semble d’abord suivre la piste classique d’un drame et d’un lent travail de reconstruction. Mais au cœur du livre, tout bascule. Ce qui paraissait clair devient trouble. Ce qu’on croyait solide s’effondre.
Si vous avez aimé »Shutter Island », »Te laisser partir » pourrait frapper fort. Les deux récits partagent un même goût pour les fausses pistes, les personnages ambigus et la manipulation du lecteur. Comme Lehane, Clare Mackintosh s’amuse à semer des repères, pour mieux les retourner ensuite. Vous pensez comprendre ce qui s’est passé ? L’autrice vous montre que vous avez tout faux. Et vous oblige à tout relire sous un autre angle.
Dans les deux romans, on avance en terrain instable. L’ambiance y est froide, presque clinique parfois. Les personnages traînent des douleurs profondes. On y retrouve cette tension sourde, ce doute persistant : qui dit la vérité ? Qui est vraiment qui ? Mackintosh, comme Lehane, construit patiemment une tension psychologique qui finit par cogner dur. L’effet de sidération est comparable. Et ce moment précis, celui où le décor se retourne, est un choc qui s’inscrit longtemps dans la mémoire du lecteur.
»Te laisser partir » est donc un choix tout indiqué pour ceux qui veulent revivre ce frisson : celui d’un récit qui les tient jusqu’à la dernière ligne, tout en brouillant sans cesse les frontières entre victime et coupable, entre certitude et illusion.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 512 pages.
10. Fétiches (Mo Hayder, 2013)
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Dans « Fétiches » de Mo Hayder, l’histoire se déroule à Beechway, un hôpital psychiatrique de haute sécurité, où des patients commencent à s’automutiler ou à mourir dans des conditions étranges. Une rumeur se répand : le fantôme de « La Maude », une ancienne infirmière sadique, hanterait les lieux. AJ, infirmier en chef, sent la peur gagner les patients et les équipes. Pour tenter de comprendre ce qui se passe vraiment, il fait appel au commissaire Jack Caffery. En parallèle, ce dernier est hanté par une autre affaire, une disparition irrésolue. Peu à peu, les pièces du puzzle s’assemblent dans une ambiance lourde et inquiétante.
Si vous avez aimé « Shutter Island » de Dennis Lehane, « Fétiches » pourrait vous parler. On y retrouve ce même climat trouble, ce doute permanent entre délire et réalité. Comme chez Lehane, l’intrigue s’installe dans un lieu clos, marqué par la folie, les secrets et la méfiance. Ici aussi, l’ambiance psychologique pèse dès les premières pages. Le lecteur partage la confusion des personnages, ballottés entre croyances, peurs et faux-semblants.
Mo Hayder, comme Lehane, installe une tension sourde. Elle ne cherche pas à faire peur à chaque page, mais à maintenir une pression constante. Le doute grandit, les repères vacillent. Et si le vrai danger n’était pas celui qu’on croit ? Un roman qui ne cherche pas à séduire, mais à déranger. C’est ce qui le rend intéressant.
Aux éditions POCKET ; 512 pages.
11. Intérieur nuit (Marisha Pessl, 2013)
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Dans « Intérieur nuit » de Marisha Pessl, tout commence avec la mort suspecte d’Ashley Cordova, fille d’un célèbre réalisateur de films d’horreur, Stanislas Cordova. Officiellement, elle se suicide dans un entrepôt abandonné. Mais Scott McGrath, journaliste déchu, refuse cette version. Il relance une enquête qu’il avait abandonnée cinq ans plus tôt, persuadé que quelque chose cloche. Très vite, il se retrouve embarqué avec deux inconnus aussi imprévisibles que lui, à fouiller les zones troubles de la famille Cordova : un univers marqué par l’ésotérisme, la manipulation mentale et les mystères qui entourent un homme que personne n’a vu depuis des décennies. Films interdits, rumeurs de magie noire, culte souterrain… ce qu’ils découvrent défie la logique.
Si vous avez aimé « Shutter Island », ce roman pourrait vous accrocher pour plusieurs raisons. D’abord, les deux livres partagent une ambiance pesante, pleine d’incertitudes. L’un comme l’autre brouillent constamment la frontière entre folie et lucidité. Chez Lehane, tout se joue dans les couloirs d’un hôpital psychiatrique. Chez Pessl, c’est l’univers entier d’un cinéaste insaisissable qui semble contaminer le réel. On retrouve cette même tension entre ce qu’on voit et ce qu’on croit voir.
Ensuite, les deux récits suivent des personnages qui s’enfoncent dans leur obsession. Comme Teddy Daniels, McGrath est un homme en chute libre, prêt à tout pour trouver la vérité, quitte à se brûler. Enfin, les deux intrigues manipulent les codes du thriller pour mieux nous égarer : indices flous, fausses pistes, symboles, ambiance paranoïaque… Chaque pas en avant soulève dix nouvelles questions.
« Intérieur nuit » va encore plus loin dans la construction. Marisha Pessl insère dans son roman des coupures de presse, des captures de sites web, des photos. Le lecteur est sollicité comme s’il participait à l’enquête. Cela renforce le trouble, comme si la fiction débordait sur le réel. Tout comme Lehane, Pessl s’amuse avec notre besoin de certitudes. Et, à la fin, rien n’est vraiment clair. Mais on s’en fiche : le trouble est devenu l’essentiel.
Aux éditions FOLIO ; 864 pages.
12. Avant d’aller dormir (S. J. Watson, 2011)
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Christine se réveille chaque matin dans une maison qu’elle ne reconnaît pas, aux côtés d’un homme qu’elle ne connaît pas. Chaque nuit, son cerveau efface tout. Elle ne garde aucun souvenir au réveil. Un jour, en secret, elle commence à tenir un journal. Elle y note ce qu’elle apprend sur sa vie. Et ce qu’elle y découvre ne colle pas avec ce que son entourage lui raconte.
Comme dans « Shutter Island », le doute s’installe très vite. Ce que perçoit le personnage principal ne coïncide pas avec la réalité. L’amnésie devient une faille où s’engouffrent les mensonges, les peurs et les faux-semblants. Dans les deux livres, la mémoire est instable, manipulable, et même dangereuse. Le lecteur, lui aussi, ne sait plus à qui se fier.
« Avant d’aller dormir » joue avec les nerfs. Le décor est plus intime, moins spectaculaire que celui de l’île de Lehane, mais l’angoisse n’en est pas moins forte. On retrouve cette même tension psychologique, cette même sensation d’être enfermé dans un monde dont les règles échappent peu à peu. Si on aime les récits qui troublent et qui déstabilisent, celui-ci frappe juste.
Aux éditions POCKET ; 480 pages.
13. Sur ma peau (Gillian Flynn, 2006)
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Dans « Sur ma peau », Gillian Flynn narre l’histoire de Camille Preaker, une jeune journaliste envoyée dans sa ville natale, Wind Gap, pour couvrir le meurtre de deux fillettes. Ce retour forcé réveille les douleurs qu’elle pensait avoir laissées derrière elle : la mort brutale de sa sœur, une mère toxique, une adolescence marquée par l’automutilation. En enquêtant sur les crimes, Camille affronte son passé et découvre que les cicatrices qu’elle cache sous ses vêtements sont aussi présentes dans la mémoire de la ville.
On retrouve chez Gillian Flynn un personnage principal profondément marqué par un traumatisme ancien, dont les blessures intimes influencent chaque pas de l’enquête. Comme Teddy Daniels dans le roman de Dennis Lehane, Camille est envoyée dans un lieu qu’elle connaît trop bien, avec l’ordre d’y chercher des réponses. Mais rapidement, ce n’est plus seulement l’enquête qui compte : c’est ce que cette quête fait ressurgir. Les deux récits jouent avec la fragilité mentale de leur personnage central et tordent les repères du lecteur.
Le décor joue aussi un rôle important. Wind Gap, comme l’île de « Shutter Island », est un lieu isolé, clos sur lui-même, habité par le silence et les rancunes. L’atmosphère y est poisseuse, lourde, marquée par des secrets de famille et une tension qui grimpe lentement, sans jamais vraiment redescendre. Les habitants parlent peu, mais regardent beaucoup. On sent qu’il y a quelque chose de pourri, et on n’en verra l’étendue qu’au dernier moment.
Enfin, le roman ne mise pas sur des effets de surprise constants, mais sur une montée progressive de la tension. Ce qui trouble ici, c’est la manière dont la violence se glisse dans le quotidien, comment elle se dissimule sous les apparences normales d’une maison bourgeoise ou d’une fête de quartier. Comme chez Lehane, le malaise vient moins de ce qu’on voit que de ce qu’on pressent, et de la manière dont la vérité, une fois révélée, laisse un goût amer.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 384 pages.
14. Ne le dis à personne (Harlan Coben, 2001)
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David Beck, pédiatre, n’a jamais surmonté la mort de sa femme, assassinée huit ans plus tôt. Un jour, il reçoit un e-mail signé d’un code que seuls lui et Elizabeth connaissaient. En cliquant sur un lien, il tombe sur une vidéo de surveillance : il y reconnaît son épouse, vivante. C’est le point de départ d’une fuite éperdue, entre cavales, confrontations brutales et doutes profonds. Beck cherche des réponses, alors même que tout le désigne comme coupable.
Si vous avez aimé l’ambiance trouble de « Shutter Island », « Ne le dis à personne » pourrait vous happer pour des raisons similaires. Dans les deux bouquins, le personnage principal doute de sa perception du réel. L’un croit voir sa femme morte réapparaître à l’écran ; l’autre tente de comprendre s’il est prisonnier ou enquêteur. Ces deux histoires avancent sur un fil tendu, en semant le doute chez le lecteur à chaque chapitre. Chez Lehane comme chez Coben, on se méfie de tout, surtout de ce qui semble évident.
Autre point commun : l’obsession. Teddy Daniels cherche la vérité dans un monde qui semble lui échapper, comme David Beck, qui s’accroche coûte que coûte à l’idée que sa femme est en vie. Dans les deux cas, cette quête n’est pas seulement celle d’un mystère, mais celle d’une identité. Les personnages sont malmenés physiquement et mentalement, seuls dans une course dont ils ne maîtrisent pas les règles.
Enfin, l’intensité narrative est comparable. « Ne le dis à personne » déroule ses révélations à un rythme effréné, enchaînant les renversements, comme « Shutter Island » le fait dans ses derniers chapitres. L’un comme l’autre sont des romans qui se lisent d’une traite, avec cette impression que quelque chose de crucial se joue à chaque page — et que la vérité, si elle existe, ne sera révélée qu’à la toute fin.
Aux éditions POCKET ; 448 pages.
15. L’inconnu du Nord-Express (Patricia Highsmith, 1950)
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Dans « L’inconnu du Nord-Express », un architecte, Guy Haines, rencontre dans un train un inconnu : Charles Anthony Bruno. Au fil des verres, Bruno propose une idée folle : échanger leurs meurtres. Bruno tuerait l’épouse de Guy, qui refuse de divorcer, et Guy éliminerait le père de Bruno, qu’il déteste. Guy croit à une plaisanterie, jusqu’au jour où sa femme est effectivement tuée. Dès lors, Bruno exige que Guy remplisse sa part du contrat. Harcelé, étouffé, piégé, Guy vacille.
Ce roman peut vraiment plaire à ceux qui ont aimé « Shutter Island ». On y retrouve un homme aux prises avec ses failles intérieures, qui jongle entre lucidité et confusion. Comme dans « Shutter Island », la tension ne vient pas d’un rythme effréné, mais d’une atmosphère étouffante qui s’installe page après page. Le suspense repose moins sur l’action que sur ce que vit le personnage principal : une forme de dérive morale, lente, intime, troublante.
Bruno, personnage imprévisible et malsain, rappelle certains éléments troubles de « Shutter Island ». Il a ce même pouvoir d’intrusion, ce talent pour déformer la réalité. La frontière entre le mal subi et le mal commis devient floue. Le lien entre Bruno et Guy, ambigu et chargé, évoque aussi la relation trouble qu’entretient Teddy Daniels avec son passé.
Enfin, la culpabilité, thème central chez Lehane, est ici omniprésente. Guy se débat avec elle, incapable de reprendre le contrôle, comme Teddy, hanté par ses fautes. Le lecteur est entraîné dans une spirale mentale, sans point d’ancrage, sans certitudes. Si « Shutter Island » vous a plu pour son ambiance pesante, ses personnages instables et ses jeux d’identité, « L’inconnu du Nord-Express » pourrait être une suite logique.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 408 pages.